Bradley Manning a été condamné à 35 ans en prison pour avoir donné des centaines de milliers de documents militaires classifiés à Wikileaks.

Bradley Manning given 35-year prison term for passing files to WikiLeaks

Présentation de the guardian

The Guardian est un quotidien d’information britannique fondé en 1821. Il fait partie de la « presse de qualité » et a une ligne éditoriale de centre-gauche. Il se développe et forge sa réputation sous la direction de Charles Prestwich Scott à partir de 1872.

En 1936, John Russel Scott, le fils de CP Scott crée un trust d’actionnaires qui devient propriétaire du Manchester Guardian. Cette fondation garantit depuis l’indépendance financière et politique du journal puis aujourd’hui du Guardian Media Group.

La Scott trust ne prend aucun dividende et les bénéfices sont systématiquement réinvestis dans le groupe.

En 1979, The Guardian bénéficie de la crise qui secoue The Times empêchant celui-ci de paraître pendant 11 mois.

En 1990, The Guardian crée une édition européenne diffusée dans 16 pays d’Europe et en Israël.

En 1993, The Guardian rachète The Observer.

Dès 1995, The Guardian développe une édition en ligne avec des pages consacrées à la technologie. En 2001, le site devient le plus consulté d’Angleterre.

The Guardian est un quotidien de gauche, proche des travaillistes mais qui garde son esprit critique quelque soit le gouvernement. Son indépendance et la qualité de son contenu sont reconnues très largement hors des frontières du Royaume-Uni.

The Guardian est également référent pour son positionnement fort sur le web et ses expérimentations dans le domaine du journalisme de données.

En 2013, le GMG publie donc the Guardian et the Observer mais également guardian.co.uk, guardiannews.com aux Etats-Unis et depuis récemment en Australie guardian.co.uk/Australie

 

Journal de la bourgeoisie libérale et non conformiste, son premier numéro contenait un article dénonçant la police anglaise pour faux témoignage. La réputation d’indépendance d’esprit et de libéralisme qu’il s’est acquise date de l’époque du grand rédacteur en chef C. P. Scott ; à la fois propriétaire et directeur, celui-ci règne sur le journal de 1872 à 1929.

Avant la fondation de The Independent, le Guardian a longtemps été le seul quotidien à présenter une ligne éditoriale pro-travailliste. Il est donc réputé être le journal de référence de l’intelligentsia, des enseignants et des syndicalistes, surtout dans Londres, au point que lorsque les conservateurs veulent qualifier quelqu’un d’« intello de gauche », ils disent que c’est un « lecteur du Guardian ».

Avant l’informatisation, le Guardian avait une réputation pour les coquilles en tous genres qui lui a valu le surnom de « Grauniad ». Le journal possède même l’URL « Grauniad.co.uk » qui renvoie à son site.

 

Présentation de l’article : 

date de publication : Mercredi 21 août 2013

Bradley Manning est un ancien soldat américain, connu pour avoir été l’homme ayant provoqué le plus de fuites d’informations top secret de l’histoire. Manning a transmis 250 000 communications du département d’état et 470 000 journaux de bord des champs de bataille Afghans et Irakiens à Wikileaks, en parallèle de fichiers concernant les détenus de la Bay de Guantanamo et une vidéo d’une attaque d’un hélicoptère Américain en 2007 ayant tué une douzaine de personne, y compris deux journalistes de Reuters.

L’article traite son jugement et des réactions que ce dernier suscite dans l’opinion publique.

 

Traduction :

La sentence a été plus sévère que celle à laquelle la plupart des gens s’attendaient,  et est beaucoup plus longue que celles attribuées aux anciennes personnes  responsables de fuites du gouvernement aux Etats-Unis.

Le soldat de 25 ans a été condamné le mois dernier pour avoir provoqué la  fuite de  plus de 700 000 documents et vidéos classifiés. Les divulgations représentent la plus grosse fuite dans l’histoire militaire des Etats-Unis. Il a été jugé coupable de 20 crimes, dont 6 sont inclus dans l’« Espionage Act », mais il a été acquitté de la plus grande accusation, à savoir « donner assistance à l’ennemi ».

Le processus légal qui a duré trois ans, a commencé en mai 2010,  date à laquelle Manning a été appréhendé lors d’une  mission en Irak,  et s’est terminé en moins de deux minutes mercredi matin.

Le juge militaire qui présidait  la cour martiale, colonel Denise Lind, est entré dans la salle d’audience de Fort Meade à 10h15, a traité quelques document administratifs puis a demandé à Manning de se lever et lui a dit qu’il était condamné à 35 ans de  prison.

Elle a annoncé que Manning était dégradé au rang de soldat de Deuxième Classe. Il devra aussi renoncer à son salaire et indemnités et sera renvoyé de l’armée sans les honneurs, mais n’aura pas d’amendes à payer.

Après le départ de la juge, Manning a été rapidement escorté par la sécurité hors de la salle. Un groupe de partisans de sa cause ont fait entendre leur voix en criant « Nous n’arrêterons pas ton combat » ainsi que « Tu es notre héros ».

Les 1 294 jours de son séjour carcéral dans une  prison militaire depuis mai 2010 seront déduits de sa peine. Ce chiffre comprend les 112 jours qui ont été déduits de sa sentence en raison de la décision provisoire dans laquelle Lind accorde à Manning une compensation pour le traitement sévère qu’il a subit à la base marine Quantico en Virginie.

Il doit être incarcéré pour au moins un tiers de sa sentence, ce qui le rend éligible pour la liberté conditionnelle dans un peu plus de huit ans et, au plus rapide, pourrait être sous liberté conditionnelle dès 2021. Il peut obtenir une déduction allant jusqu’à  120 jours par an d’emprisonnement sur sa sentence pour bonne conduite et efficacité au travail.

Manning encourait une peine maximale pouvant  aller jusqu’à 90 ans, même si peu d’experts juridiques s’attendaient à ce qu’il reçoive une peine d’une telle magnitude.

Les procureurs avaient demandé au juge de le condamner à un minimum de 60 ans en prison. Mais les spécialistes ayant observés attentivement le procès de Manning considérait une sentence de 20 à 25 ans comme une référence.

Si les procureurs avaient rendu leur jugement au procès en février, date à laquelle Manning avait plaidé coupable pour certaines accusations pesant contre lui, la sentence maximale aurait été de 20 ans.

Pour atténuer le verdict, l’équipe assurant la défense du soldat a déclaré qu’il ne devrait pas recevoir une peine excédant 25 ans – Durée après laquelle une grande partie des informations qu’il a révélée aurait été rendu publique.

La sentence a été immédiatement critiquée par des groupes prônant la liberté de la presse et des militants des droits civils.

Ben Wizner, dirigeant du projet de l’union des droits civils Américains consacré à la liberté d’expression dans le cadre du domaine privé et des technologies, a déclaré : « Quand un soldat qui révèle des informations à la presse et au public est plus sévèrement sanctionné que ceux ayant torturés des prisonniers et tués des civils, le système juridique est défaillant.

« Un système légal qui ne fait pas la distinction entre les fuites faites dans l’intérêt de la presse et du public et la trahison de la nation ne produira non seulement des résultats injustes, mais  dépossédera  le public d’informations essentielles et nécessaires à la responsabilité démocratique. »

Il ajouta : « C’est un triste jour pour Bradley Manning, mais aussi pour tous les Américains qui ont besoin de dénonciateurs courageux et d’une presse libre afin de permettre un débat public effectué en toute connaissance de cause. »

Daniel Ellsberg, qui fait face à des accusations liés à l’« Espionage Act » ayant révélé des informations du Pentagone concernant la guerre au Vietnam, a déclaré que Manning ne « mérite pas de rester incarcéré un jour de plus ».

« Il y a ceux qui ne seront pas affectés par l’idée d’une vie en prison – je pense que Manning en fait partie », a-t-il déclaré. « Je  pense qu’Edward Snowden en fait également partie – il sait qu’il a fait face à la possibilité d’une vie en prison ou même d’un attentat… tout ceci est un effort pour aveugler le public. »

« Ceci est sans précédents » déclare Liza Goitein, qui co-dirige le centre Brennan pour la liberté de la justice et le programme de sécurité nationale. « C’est une peine largement plus longue que la peine la plus longue jamais encourue pour avoir révélée des informations classées secrètes au médias, qui était de deux ans. »

Toutefois Wikileaks a salué la sentence comme étant une « victoire stratégique importante ». Dans une déclaration sur le site de l’organisation, le fondateur de Wikileaks Julian Assange a déclaré que le procès était « un affront aux concepts de justice occidentales. » Il déclare que « l’administration d’Obama ne laisse pas libre court aux gens consciencieux ni dotés de principes » et a averti qu’il « y aura des milliers d’autres Bradley Manning. »
Des militants de droits civils déclarent que la punition de Manning représente une montée dangereuse de la répression contre les divulgateurs et journalistes qui rédigent des articles concernant la sécurité nationale basés sur les divulgations non-sanctionnés du gouvernement.

Manning est une des sept personnes qui ont été sanctionnés en raison de l’« Espionnage Act » pour avoir fait fuir des informations secrètes sous l’administration d’Obama. Un autre concerné est Edward Snowden, l’ancien employé de l’Agence nationale de la sécurité, qui a révélé des informations secrètes sue les programmes de surveillance des Etats-Unis.

Snowden, âgé de 30 ans, dont les divulgations concernant les tactiques de surveillance de la NSA ont été publiées  dans le Guardian et le Washington Post ont déjà mené à une ébauche de changements législatifs dont certains sont appuyés par la Maison Blache, a déclaré avoir fui les Etats-Unis car il ne croit pas qu’il y recevrait un jugement équitable.

La sentence de Manning pourrait aussi être un avant-gout de ce qui  attend Assange, dont les procureurs des Etats-Unis  affirment  qu’il avait eu des communications directes avec Manning aux alentours de la date à laquelle les fuites ont été commises.

Assange, âgé de 42 ans, est cloitré dans l’ambassade Londonienne de l’Equateur  depuis maintenant plus d’un an, de façon à éviter son extradition en Suède, où il fait face à des accusations de crimes sexuels envers deux femmes, qu’il nie avoir commis.

Il déclare craindre d’être finalement extradé aux Etats-Unis, où il semblerait qu’un grand jury est soupçonné de l’accuser d’avoir publié des informations classées secrètes.

Pendant ce temps, un journaliste New Yorkais, James Risen, a été informé qu’il fait face à une sentence potentielle s’il ne coopère pas à l’enquête mené sur un agent de la CIA accusé de fuites.

Les avocats militaires ont sciemment poussé  Lind à emprisonner Manning pour l’« essentiel de sa vie »  pour décourager de potentiels imitateurs à donner aux journalistes des documents à une telle échelle.

Le capitaine Joe Morrow, un avocat du gouvernement a déclaré au juge lundi que c’était sa responsabilité d’assurer que le corps militaire ne « revoit jamais » une fuite d’une telle envergure que celles de Manning.
« Cette cour doit envoyer un message à tout soldat qui songerait à voler  des information classés secrètes » lui a-t-il dit.

La sentence de Manning surpasse largement toute sentence infligée aux divulgateurs Américains, même si la nature et magnitude des divulgations de Manning était sans précédent.

Des fonctionnaires qui ont été effectivement évincés pour des divulgations non autorisées ces dernières années comprennent Shamai Leibowitz, un traducteur du FBI qui a été condamné à 20 mois en prison après avoir transmis des transcriptions à un blogger, et  John Kiriadou, un ancien officier du CIA, qui a reçu 30 mois de prison après avoir plaidé coupable l’an dernier pour avoir révélé des informations concernant les tortures par l’eau de suspects terroristes.

En 2011, un autre divulgateur gouvernemental, Thomas Drake, qui a révélé des informations concernant l’Agence nationale de la sécurité et technologies à un journaliste du Baltimore Sun, a été condamné à 240 heures de service à la communauté après une négociation de plaidoyer.

La condamnation marque la fin d’une longue procédure pour le soldat, qui a commencé fin 2009, alors qu’il était en mission dans le désert Irakien, en tant qu’analyste d’informations. Désillusionné par rapport à la guerre, Manning, originaire d’Oklahoma, a commencé à télécharger des documents à partir d’ordinateurs contenant des informations classées secrètes sur des CD.

Manning a transmis 250 000 communications du département d’état et 470 000 journaux de bord des champs de bataille Afghans et Irakiens à Wikileaks, en parallèle de fichiers concernant les détenus de la Bay de Guantanamo et une vidéo d’une attaque d’un hélicoptère Américain en 2007 ayant tué une douzaine de personne, y compris deux journalistes de Reuters.

Wikileaks a publié une partie des informations sur son site et a partagé les documents avec un consortium d’organisations journalistiques, dirigé par le Guardian.

Manning a été appréhendé en mai 2010 après qu’Adrien Lamo, un hacker informatique qui discutait avec les soldats sur les salles de clavardage l’ait dénoncé au FBI.

Il a plaidé coupable à certaines accusations en février, et a probablement réussi à obtenir certaines réductions de peine quand il a dit au juge en début de mois qu’il regrettait ses actions et qu’il présentait ses excuses pour la « peine faite aux Etats-Unis » par ces fuites. Contrairement aux cours civiles, pour lesquels il existe des amendes et des peines de références, la sentence au sein de la cour militaire est à la seule discrétion du juge.

L’affaire va maintenant être automatiquement transférée à la cour militaire d’appel des crimes juridiques,  première étape qui  pourrait devenir une bataille juridique culminant potentiellement à la cour suprême des Etats-Unis.

 

Commentaire :

Le cas Manning intervient presque au même moment que les divulgations de Snowden, ancien analyste de la NSA. Ce jugement fait couler beaucoup d’encre. En effet la peine est lourde pour une situation déjà rencontrée par le passé, mais certes pas aussi importante.

Le jugement est perçu comme une sanction préventive par les partisans aux idées de Bradley Manning. Il s’agit là d’un débat de fond sur la liberté de la presse et surtout sur la vie privée. La peur du citoyen d’être surveiller se fait de plus en plus grande dans les sociétés occidentales avec le développement de nouveaux systèmes d’informations et de surveillance.

J’ai choisi cet article afin de mettre en parallèle ce cas bien précis avec celui de Snowden dans deux contextes différends. La réaction du gouvernement américain face à celui du gouvernement britannique dans le cadre de fuite d’informations top secret, diverge. Il est intéressant de voir la réaction britannique qui ouvre un débat presque rendu public dans un souci de transparence et presque de  «repentance ». Tandis qu’aux Etats unis, l’opinion publique est aussi sensible que en grande Bretagne sur les questions de la liberté de la presse, la vie privée et transparence, pourtant le reflex gouvernemental est d’abord une sanction lourde pour décourager les opposants au gouvernement.

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