Grands enjeux – Geolinks Observatoire en Géostratégie de Lyon Thu, 08 Jun 2017 17:25:51 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.6.1 Géopolitique de l’eau : La désertification /grands-enjeux/les-enjeux-geopolitiques/geopolitique-de-leau-la-desertification/ /grands-enjeux/les-enjeux-geopolitiques/geopolitique-de-leau-la-desertification/#respond Wed, 16 Nov 2016 16:33:40 +0000 /?p=8943 La Géopolitique de l’eau : désertification

 

 

Qu’elle soit naturelle ou produit de l’activité humaine, la désertification des sols pose des problèmes auxquels nous devrons faire face dans un futur proche. La Convention des Nations Unies définit la désertification comme la dégradation des terres dans les zones arides, semi arides et subhumide sèche, par suite de divers facteurs liés au climat ou à l’activité humaine.

Le problème grandissant depuis plusieurs décennies déjà, a poussé l’ONU en 1992 à proposer une convention mondiale sur la lutte contre la désertification.

Quels sont les enjeux géopolitiques de la désertification et comment lutter contre ce phénomène ?

Nous étudierons cela au cours de cet exposé en nous intéressant à une zone particulièrement touchée qui est le Sahel, cette bande qui longe le sud du Sahara qui était autrefois composée de pleines verdoyantes.

Nous nous pencherons dans une première partie sur les causes de la désertification, cela nous amènera à nous demander pourquoi la désertification est un enjeu géopolitique contemporain et enfin nous verrons qu’il y a des moyens de lutte contre ce phénomène.

 

Les scientifiques s’accordent à penser que la désertification est causée d’une part par le réchauffement climatique et d’autre part par l’activité humaine sur les zones concernées.

Le changement climatique global que connaît notre planète est un cercle vicieux où de nombreux facteurs rentrent en jeu, concrètement l’augmentation de CO2 dû à l’activité humaine en parallèle avec une déforestation massive à pour effet d’intensifier l’effet de serre et donc d’augmenter la température moyenne de la Terre. Les conséquences sont des dérèglements climatiques et dans notre cas les sols sont exposés à des brulures dues aux UV solaires, à l’érosion provoquée par le vent et l’écoulement de pluies rares et violentes. La terre devient érodée et stérile et forme des plaques désertiques appelées « zipelés ».

L’activité humaine locale est une autre composante importante de la désertification. Il est intéressant de noter qu’il n’y a pas seulement des causes modernes. Des indices laissent à penser que les humains, depuis près de 3000 ans, participent à ce phénomène en coupant le bois des forêts et en exploitant les terres. L’aggravation est cependant beaucoup plus importante au cours des deux derniers siècles. En effet, dans la zone du Sahel, la poussée démographique a eu pour conséquence une surexploitation des terres et du bois. Les terres sont surexploitées afin de produire plus de nourritures, la jachère n’est plus respectée et les sols deviennent stériles. La déforestation fragilise aussi les sols qui ne sont plus tenus par les racines des arbres et ceux ci ne peuvent pas repousser car les ruminants mangent sans cesse les jeunes pousses.

La désertification est donc un cycle qui “s’auto entretient” et qui est aggravé par l’activité humaine.

 

La désertification est en grand défi qui touche environ deux milliards de personnes de nos jours, sans compter que les prévisions démographiques prévoient qu’il faudra nourrir neuf milliards d’êtres humains d’ici 2050. Il n’est pas difficile d’imaginer que la géopolitique de l’eau sera donc un enjeu principal de notre futur. Les régions les plus touchées se situent en Afrique, au Nord et au Sud du Sahara, une grande partie de l’Asie orientale et centrale mais aussi en Amérique pour la partie Sud.

La conséquence majeur est une entrave au développement durable pour plusieurs raisons: la pauvreté des peuples qui tirent de moins en moins de ressources de l’exploitation des terres et  la réticence des investisseurs à investir dans ces zones sèches. Ces facteurs contribuent à la marginalisation de ces zones qui restent à l’écart du développement économique des pays.

Les populations de ces zones sont donc particulièrement affectées et il est difficile pour elles de relever leur niveau de vie. Un communiqué de la journée mondiale de la lutte contre la sécheresse et la désertification, en 2009 (du 17 juin), indique d’ailleurs que « la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse menacent la sécurité humaine en privant des personnes de leurs moyens de vie ».

Ces populations sont confrontées à des situations de migration climatique que l’on peut qualifier d’exil forcé et il en découle des situations conflictuelles non négligeables sur la scène internationale. Nous allons maintenant voir comment la désertification des sols du Sahel peut être reliée à des conflits touchant l’ensemble de la planète.

Les peuples du Sahel, se trouvant dépourvus de leurs droits à la sécurité alimentaire, sanitaire et de l’accès à l’eau potable sont plus enclins à se tourner vers des organisations criminelles ou terroristes afin de profiter de la protection de ces groupes et des retombés économiques qui découlent des différents trafics organisés. La zone du Sahel qui s’étale sur plusieurs pays est maintenant contrôlée par les différents groupes terroristes et rebelles qui s’en servent d’arrière base pour leurs activités transnationales, avec le soutient consenti des populations.

Nous voyons ici que la désertification à des conséquences mondiales et que de lutter contre ce phénomène permettrait d’atténuer des chocs géopolitiques grandissants.

 

Il y a cependant des moyens de lutter contre la désertification et la France a mis en place certaines actions pour prendre part à ces projets. Par exemple cent millions d’euros par an sont dédiés aux actions de lutte contre la désertification dans les pays affectés. De plus de nombreuses ONG travaille à éduquer les populations afin de changer leur mode de travail de la terre, par exemple des systèmes de culture fondé sur le semis direct sous couverture végétale permet de stopper l’érosion des sols et de faciliter l’infiltration de l’eau.

Il y également le Comité Inter-Etat de Lutte contre la sécheresse dans le Sahel qui permet à des acteurs locaux d’accéder à des financements internationaux pour mettre en place des techniques simples et peu couteuses comme le zaï (les semis sont mis en place dans des trous remplis de compost).

Les objectifs de la lutte contre la désertification sont l’amélioration de la gouvernance locale, la diversification des activités pour relâcher la pression sur les ressources, la gestion de l’eau agricole et la conservation et l’amélioration de la qualité des sols. Ceci est détaillé en annexe dans le document « L’action extérieure de la France contre la dégradation des terres et la désertification »

Les  autres organisations luttant contre la désertification sont (liste non exhaustive) :

  • L’ONU
  • Le comité scientifique Français de la Désertification
  • Le Groupe Travail désertification : plateforme Française regroupant des ONG, scientifiques et collectivités locales
  • Réseau Désertification Sahel : Initiative Nord-Sud regroupant Burkina-Faso, Mali, Niger et France

 

Conclusion

 

Le processus de désertification qui caractérise la dégradation des zones arides, semi arides et subhumides sèches pour causes climatiques et humaines ont donc un impact géopolitique important sur les zones concernées. Comme dans la zone du Sahel où la pauvreté et la faim, dû à l’impossibilité d’extraire des ressources de la terre, poussent les populations à migrer ou à chercher de l’aide au niveau d’organisations rebelles ou terroristes. Cependant ce phénomène n’est pas irréversible et certains états dont la France participent à faire changer la situation. Une étude plus large pourrait consister à étudier les migrations de populations pour causes climatiques et les problèmes géopolitiques qui les accompagne.

 

Sources :

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La cristallisation des tensions dans le Sud du Caucase issue du conflit du Haut-Karabagh. /grands-enjeux/les-enjeux-geopolitiques/la-cristallisation-des-tensions-dans-le-sud-du-caucase-issue-du-conflit-du-haut-karabagh/ /grands-enjeux/les-enjeux-geopolitiques/la-cristallisation-des-tensions-dans-le-sud-du-caucase-issue-du-conflit-du-haut-karabagh/#respond Wed, 16 Nov 2016 15:12:25 +0000 /?p=12467  

 

 

 

 

La cristallisation des tensions dans le Sud du Caucase issue du conflit du Haut-Karabagh.

 

 

 

 

La Sud-Caucase, du fait de la pluralité ethnique, des tensions territoriales et des enjeux énergétiques est une région en proie aux conflits. Les tensions très fortes issues de la guerre du Haut-Karabagh fournissent un exemple très actuel des enjeux de puissances qui ont lieu dans cette zone. Le Haut-Karabagh est un territoire ayant appartenu à l’Arménie jusqu’en 1923, date a laquelle elle prit le statut de région autonome et fut rattachée à l’Azerbaïdjan. C’est dans le contexte de la fin du conflit Est-Ouest que débute les hostilités à propos de ce territoire. Le Conseil régional de l’oblast autonome du Haut-Karabagh vote son rattachement à l’Arménie le 20 février 1988. Débute alors une guerre opposant Azerbaïdjanais et Arméniens Karabaghtsi bénéficiant du soutien d’Erevan. Un cessez-le-feu est conclu le 16 mai 1994, sans toutefois que l’hostilité disparaisse. Le conflit causa la mort de 30.000 personnes et engendra des centaines de milliers de réfugiés.

Les Arméniens contrôlent actuellement la quasi-totalité du Haut-Karabagh ainsi que plusieurs districts alentours, districts regroupant environ 9% du territoire azéri[1]. Le statu quo prévaut mais aucun accord diplomatique n’a encore été trouvé. Les négociations conduites sous la direction du Groupe de Minsk de l’OSCE, réunissant notamment la Russie, les Etats-Unis mais aussi la France, butent sur la mise au point d’un règlement pacifique. En novembre 2008, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont signé une déclaration mettant en avant la volonté de trouver une issue pacifique au conflit. Néanmoins les accrochages armés entre les forces arméniennes et azerbaïdjanaises se poursuivent, continuant ainsi à faire de nombreux morts.

 

Ce conflit latent, très peu médiatisé, se répercute sur le Caucase du fait des enjeux énergétiques et du jeu des alliances entre les Etats de la région. En effet les soutiens apportés à l’Arménie ou à l’Azerbaïdjan résultent du positionnement des puissances régionales vis-à-vis du contrôle des flux d’hydrocarbures. Les répercussions diplomatiques et militaires en découlant ne tendent pas forcement à l’établissement d’une paix durable dans la région.

 

 

Le Caucase sud, une zone de tension et d’opposition.

 

 

L’Arménie et l’Azerbaïdjan jouissent de soutiens de la part d’Etats puissants et influents dans la région. Ces soutiens cristallisent l’ensemble des oppositions qui déstabilisent depuis de nombreuses années le Sud du Caucase. L’Arménie chrétienne entretient des liens étroits et militaires avec la Russie ainsi qu’avec les Etats d’ Asie central, membres de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective. Elle entretient aussi de bonnes relations avec l’Iran chiite. Ce dernier est très méfiant de l’Azerbaïdjan, bien que chiite, mais très proche de la Turquie sunnite.

L’Azerbaïdjan turcophone est très lié à la Turquie, membre de l’OTAN, ce qui renforce l’opposition de la Russie et de l’Iran. A cela s’ajoute le soutien de plus en plus marqué d’Israël, notamment dans la vente d’armement. Les Etats-Unis soupçonnent Israël d’avoir acheté un aérodrome en Azerbaïdjan pour frapper plus facilement l’Iran si nécessaire, ce qui ne manque pas de raviver les tensions dans la région[2]. Le règlement du conflit du Haut-Karabagh dépend en grande partie des soutiens qu’apportent les Etats à Bakou ou à Erevan. Cependant les intérêts contraires des puissances caucasiennes, voire d’Etats bien plus éloignés comme les Etats Unis, provoquent un blocage des négociations au bénéfice d’une lutte armée discrète mais toujours meurtrière.

L’obtention de drones israéliens par l’Azerbaïdjan, en échange de pétrole, révèle l’un des éléments les plus importants pour la compréhension des tensions régionales à l’origine de la complexité du règlement du conflit pour le Haut-Karabagh. Il s’agit des hydrocarbures.

 

 

Les enjeux énergétiques dans le sud Caucase, jeux d’influence dominé par la Russie.

 

 

La question de l’énergie dans cette région est absolument capitale pour saisir le comportement des Etats vis-à-vis du conflit opposant l’Arménie et l’Azerbaïdjan a propos du Haut-Karabagh.

La région de la mer Caspienne renferme énormément de pétrole et l’Azerbaïdjan détient une grande part des gisements. En 1993, un consortium pétrolier est créé, l’Azerbaijan International Operating Company comprenant la compagnie nationale azerbaïdjanaise, ainsi que de grandes sociétés occidentales, notamment américaines et britanniques. Le contrat, signé jusqu’en 2025 porte sur l’extraction de 511 millions de tonnes de pétrole, dont 260 millions destin��es à l’exportation[3]. Se pose le problème de l’acheminement de ces hydrocarbures de leur lieu d’extraction jusqu’en Europe ou en Amérique. Le tracé de gazoduc ou d’oléoduc nécessite l’installation d’infrastructures sur le territoire de nombreux Etats, mais peuvent aussi servir de moyens de négociation diplomatique. La solution la plus simple était de faire passer les hydrocarbures de l’Azerbaïdjan à la Turquie en passant par l’Arménie. La condition exigée était la rétrocession des territoires occupés par l’Arménie. La solution retenue en 2006 fut le passage par la Géorgie, hostile à Moscou, alliée des Américains et candidate à l’Union Européenne et à l’OTAN. Cela explique le contour régulier de l’Arménie des flux d’hydrocarbures.

 

 

Contournement de l’Arménie par les oléoducs et gazoduc[4]

 

La Russie n’entend pas voir son influence diminuer dans la région du fait de l’alliance entre pays pro-occidentaux à propos des enjeux énergétiques. En attisant les conflits en Géorgie et au Haut-Karabagh, le Kremlin cherche à entretenir une instabilité susceptible de décourager les investisseurs occidentaux nécessaires au financement des installations pétrolières. De ce fait, la Russie peut rester la seule débouchée commerciale et la voie de transit obligée pour l’exportation du pétrole. A ce propose, Alexandre Adler explique qu’ « à plus long terme, Iraniens et Russes, avec l’aide de l’Arménie, sont d’accords pour briser l’indépendance de l’Azerbaïdjan, Etat clé de la région avec son immense potentiel pétrolier en mer Caspienne qui peut être acheminé en Turquie via la Géorgie[5] ». Les alliances classiques demeurent entre Etats pro-russe et pro-occidentaux et les enjeux énergétiques sont un moyen de poursuivre cette lutte d’influence. Le Haut-Karabagh semble alors n’être qu’un prétexte avancé par les deux parties pour la maitrise du sud Caucase. Selon Shahin Abbasov, un expert azerbaïdjanais indépendant, Moscou « détient les clés de la résolution du conflit » mais chercherait à entretenir le statu quo pour conserver son influence sur l’Arménie et l’Azerbaïdjan[6]. Si la Russie prend position trop fortement pour l’un des belligérants au conflit du Haut-Karabagh elle pourrait perdre les liens qu’elle entretient avec eux. L’Arménie, qui a récemment rejoint le projet Vladimir Poutine de l’Union économique eurasiatique, permet à la Russie d’étendre encore plus son influence au sud du Caucase, et ainsi éviter la formation d’une ceinture pro-occidentale reliant la Caspienne à la méditerranée. La Russie ne peut pas non plus perdre ses relations avec Bakou, important client dans la vente d’armes mais aussi fournisseur de pétrole et acteur politique majeur dans la région. Le Kremlin n’a donc aucunement envi d’être obligé de choisir entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

 

 

L’opposition entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à propos du Haut-Karabagh met en lumière les alliances, et les tensions existantes dans le sud Caucase dont la dynamique principale est le contrôle des flux d’hydrocarbures. Le conflit du Haut-Karabagh est en réalité multiscalaire, bien que locale il influe sur toute la région du fait des enjeux énergétiques, et sert à justifier les positions des acteurs influents dans le Caucase du Sud. Ce conflit parait simple, mais en réalité de nombreuses dynamiques entrent en jeu.  L’enjeu principal, au niveau régional, n’est pas le retour du Haut-Karabagh à l’Azerbaïdjan mais la stabilité et le contrôle notamment pour la Russie de tout le Sud Caucase. Cependant, au niveau local, les enjeux restent les mêmes qu’en 1994. La politique de défense agressive de Bakou semble démontrer une accélération de la volonté de chasser les Arméniens de ce territoire. L’Azerbaïdjan a depuis 2004 multiplié par 5 son budget de défense. en 2011 celui-ci s’élevait à 2,5 milliard d’euros contre 335 millions pour l’Arménie[7]. Il est alors aisé de comprendre l’empressement d’Erevan à rejoindre les organisations régionales initiées par la Russie justifié par le besoin de s’attacher Moscou comme protecteur face aux volontés belligènes grandissantes de Bakou.

Thomas URQUIJO

 

Bibliographie

 

 

Ouvrage

 

– ZAJEC Olivier, Introduction à l’analyse géopolitique, Paris, Argos, 2013, 140 p.

 

Article de presse

 

– Agence France-Presse, « Le conflit du Haut-Karabakh s’invite à l’Élysée », France 24, publié le 21/10/2014, consulté le 10/02/2015, http://www.france24.com/fr/20141027-haut-karabakh-conflit-sommet-elysee-armenie-azerbaidjan-hollande/.

 

– DELVECH Bastien, « Le Haut-Karabagh, une mainmise sur des terres azerbaidjanaises », Le Journal international.fr, publié le 30/09/2014, consulté le 11/02/2015, http://www.lejournalinternational.fr/Le-Haut-Karabagh-une-mainmise-armenienne-sur-des-terres-azerbaidjanaises_a2046.html.

 

– DESCAMP Philippe, «Etat de guerre permanent dans le Haut-Karabagh », Le monde diplomatique, décembre 2012, consulté le 03/02/2015, http://www.monde-diplomatique.fr/2012/12/DESCAMPS/48479.

 

– DOMITILLE, « Les conflits au Caucase », Géolinks, consulté le 01/02/2015, /geopolitique/russie-caucase/les-conflits-au-caucase/.

 

– VANER Semih, « La Caspienne : enjeu pour l’Azerbaïdjan, et l’Azerbaïdjan comme enjeu », Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde Turco-iranien, publié le 2 mars 2005, consulté le 11/02/2015, http://cemoti.revues.org/117#tocto2n8.

 

– SAUVAIN Nicolas, « Arménie Azerbaïdjan, la tension monte au haut-Karabagh », Classe international, publié le 16/12/2014, consulté le 02/02/2015, http://classe-internationale.com/2014/12/16/armenie-azerbaidjan-la-tension-monte-au-haut-karabagh/.

 

 

[1] SAUVAIN Nicolas, « Arménie Azerbaïdjan, la tension monte au Haut-Karabagh », Classe international, publié le 16/12/2014, consulté le 02/02/2015, http://classe-internationale.com/2014/12/16/armenie-azerbaidjan-la-tension-monte-au-haut-karabagh/.

[2] DESCAMP Philippe, «Etat de guerre permanent dans le Haut-Karabagh », Le monde diplomatique, décembre 2012, consulté le 03/02/2015, http://www.monde-diplomatique.fr/2012/12/DESCAMPS/48479.

[3] VANER Semih, « La Caspienne : enjeu pour l’Azerbaïdjan, et l’Azerbaïdjan comme enjeu », Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde Turco-iranien, publié le 2 mars 2005, consulté le 11/02/2015, http://cemoti.revues.org/117#tocto2n8.

[4]DOMITILLE, « Les conflits au Caucase », Géolinks, consulté le 01/02/2015, /geopolitique/russie-caucase/les-conflits-au-caucase/.

[5] Ibid.

[6] Agence France-Presse, « Le conflit du Haut-Karabagh s’invite à l’Élysée », France 24, publié le 21/10/2014, consulté le 10/02/2015, http://www.france24.com/fr/20141027-haut-karabakh-conflit-sommet-elysee-armenie-azerbaidjan-hollande/.

[7] SAUVAIN Nicolas, Art. Cit.

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Le TPP : Une mesure de « containment » ? /sans-categorie/le-tpp-une-mesure-de-containment/ /sans-categorie/le-tpp-une-mesure-de-containment/#respond Thu, 29 Sep 2016 09:54:53 +0000 /?p=12402 « A l’âge de la mondialisation et des guerres asymétriques, la réponse américaine aux enjeux du moment est fort différente (par rapport aux années 1970) : les nécessités du désengagement militaire les poussent à privilégier une stratégie géoéconomique afin de conserver leur ascendant géopolitique. Concrètement, Washington identifie aujourd’hui deux rivaux à encadrer : la Chine et la Russie. Il est frappant que les deux vastes traités de libre-échange négociés actuellement (le TAFTA et le TPP) réactualisent dans l’ordre économique et commercial l’ancienne logique du containment. Dans les deux cas, les rivaux sont non seulement exclus des négociations mais menacés par elles ». C’est en ces termes que Frédéric Munier, enseignant en géopolitique en classes préparatoires au lycée Saint Louis de Paris, qualifie la stratégie Américaine pour conserver son statut de puissance hégémonique à l’échelle mondiale dans le 7ème numéro du magazine « Conflits ».  « Containment », le mot est fort : c’était en effet le terme utilisé pour décrire la stratégie Américaine qui visait à stopper l’extension de la zone d’influence soviétique au-delà de ses limites atteintes en 1947, et à soutenir tous les États non communistes. Dès lors, en quoi l’accord de partenariat Trans pacifique (TPP), traité multilatéral de libre-échange  visant à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Américaine, obéit-il à une mesure de « containment » ?

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Les Etats-Unis sont sur le déclin, économiquement et géopolitiquement, et ils en sont conscients. Le centre de l’économie mondiale bascule de l’Ouest, de l’Atlantique, vers l’Est, le Pacifique, l’Asie. L’obtention du « fast track » par Barack Obama, voté par le Sénat après de nombreuses réticences, lui octroyant un pouvoir de négociation accru dans la négociation du TPP, témoigne de l’empressement de ce dernier de redistribuer les cartes en sa faveur . En effet, les multiples échecs militaires (Afghanistan, Irak), les déficits abyssaux (La dette publique Américaine s’élève en 2015 à 18 milliards de dollars), la perte de l’hégémonie économique et la montée en puissance de rivaux menaçants (BRICS) sont autant de facteurs qui poussent les Etats-Unis à consolider leurs blocs géopolitiques en Europe et surtout en Asie, nouveau moteur de la croissance économique mondiale, dont ils entendent bien tirer profit. Cette focalisation sur l’Asie-Pacifique se traduit aussi par la présence militaire : actuellement, 60% de l’US Navy est présente dans le pacifique, contre 50% il y a quelques années. Le partenariat militaire avec le Japon, ennemi héréditaire de la Chine, a été renouvelé, tout comme les bases militaires à Guam, dans les Philippines ainsi qu’en Australie, à Darwin. Aux yeux de la Chine, une telle situation est interprétée comme une volonté d’endiguement de son territoire…

Le TPP est aujourd’hui le plus grand traité économique jamais réalisé : il représente en effet 40% du PIB mondial. En plus d’être un accord de libre-échange, il vise également à établir des normes communes entre les Etats signataires. Dès lors la Chine a tout à perdre face à un basculement des échanges en faveur des membres du TPP en Asie : selon le PECC, les pertes en termes de recettes pour la Chine pourraient s’élever à 34,8 milliards de dollars. Pourquoi un basculement des échanges aurait-il lieu ? Car le TPP inclut 12 des 21 membres de l’APEC, Etats avec lesquels Xi Jinping souhaite créer un traité de libre-échange concurrent, baptisé le FTAAP, traité qui avance à tâtons vu qu’il ne contient pas de calendrier de fin de négociations… Surtout, le TPP vise expressément les membres de l’ASEAN, pré-carré Chinois en termes d’exportations : il faut savoir que bien que les gains potentiels de la Chine, si le FTAAP venait à voir le jour, seraient moindres (+0,27% de PIB, toujours selon le PECC), l’économie Chinoise est extrêmement dépendante des exportations. Du point de vue des économistes Américains, le TPP n’est pas une mesure agressive, bien au contraire. Elle vise simplement à rééquilibrer les forces dans cette région du monde car, selon l’économiste Français Jean-Michel Quatrepoint : «Les Américains et leurs multinationales considèrent que le marché chinois n’est pas suffisamment accessible à leurs entreprises, que les chinois copient allègrement —ils n’ont pas tort —, ne versent pas de redevances quand ils copient, que, en plus, ils ne donnent pas un accès suffisant à leurs marchés aux groupes américains, et qu’ils privilégient les entreprises chinoises pour leur marché». En résumé, l’objectif des Etats-Unis est de un de réduire leur dépendance commerciale vis-à-vis de la Chine, en créant un réseau de partenaires en pleine croissance, et de deux d’étouffer les velléités Chinoises dans le Pacifique et en Asie… Du « containment » à l’état pur.

 

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La stratégie d’endiguement américaine trouve ses origines au XIXème siècle, sous la plume d’Alfred Mahan. Dans son livre intitulé «Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire », le géopoliticien Aymeric Chauprade explique sa pensée comme suit : « En 1897, (…) Mahan définit la doctrine qu’il entend voir défendue par son pays. Elle recommande de : s’associer avec la puissance navale britannique dans le contrôle des mers, contenir l’Allemagne dans son rôle continental et s’opposer aux prétentions du Reich sur les mers, mettre en place une défense coordonnée des européens et des américains destinée à juguler les ambitions asiatiques ». On retrouve le même conflit terre/mer, et la même volonté d’étouffer les ambitions des puissances continentales qu’aujourd’hui. On peut aussi trouver ici les germes de l’OTAN et du TAFTA. Dans le même ouvrage, Mr Chauprade explique en quoi les puissances maritimes étreignent le « heartland » à défaut de l’atteindre, ce qui est aujourd’hui l’objectif du TPP : « La thèse centrale de Mackinder définit l’épicentre des phénomènes géopolitiques à partir du concept de centre géographique. C’est autour du pivot, du « heartland », que s’articulent toutes les dynamiques géopolitiques. Ce pivot de la politique mondiale est l’Eurasie, que la puissance maritime ne parvient pas à atteindre et son cœur intime est la Russie, qui occupe dans l’ensemble du monde la position stratégique qu’occupe l’Allemagne en Europe (…) Autour de cet épicentre des secousses géopolitiques mondiales, (…) s’étendent les terres à rivages. Au-delà des coastlands, deux systèmes insulaires viennent compléter l’encadrement du heartland : la Grande-Bretagne et le Japon ». Ce qui explique les relations étroites qu’entretiennent les Etats-Unis avec ces deux nations, qui peuvent être vues comme les « gendarmes » des Américains autour du bloc continental. L’ancien conseiller du président Carter et éminence grise du TAFTA, Zbigniew Brzezinski, s’inscrit lui aussi dans cette pensée. Toujours selon Mr Chauprade : «Brzezinski défend la logique d’endiguement par les Etats-Unis de la masse Eurasiatique :  les Etats-Unis ne pourront rester la superpuissance unique et globale que s’ils parviennent à isoler la Russie. Le leadership mondial des Etats-Unis passerait par une maîtrise américaine des zones occidentales, méridionales et orientales de l’Eurasie, autour du heartland. L’alliance Atlantique serait la garantie de contrôle de la zone occidentale (…) quant à l’influence Américaine dans la zone orientale, elle aurait fortement décru en Chine, au Viêt-Nam et dans les pays de l’Indochine mais resterait forte en Corée du Sud et au Japon. ». Il a conscience de la vulnérabilité Américaine et voit dans l’alliance du heartland une menace. Il faut isoler la Russie, via une alliance Atlantique et une alliance avec le Japon. Prise en étau à l’Ouest par le TAFTA et à l’Est par le TPP, La Russie se trouve bel et bien dans la position décrite précédemment, et lorsque l’on regarde les membres des deux traités sur une carte, l’isolement du bloc continental saute aux yeux.

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Mais les BRICS, et particulièrement la Chine et la Russie, premières victimes du containment, n’entendent pas se laisser abattre : Sous l’égide de la Russie, les BRICS se donnent les moyens de rivaliser contre les Américains. Cette année, la Russie a réussi à organiser le sommet de l’organisation de coopération de Shanghai et celui des BRICS. L’adhésion de l’Inde et du Pakistan à l’OCS a été acceptée et se concrétisera en 2016, et celle de l’Iran, normalement, suivra. Au-delà de l’économie, c’est un front anti hégémonique qui se construit. C’est une réaction à l’hégémonie américaine, et comme le précise Pascal Marchand dans « Conflits » : « Ce double et même triple sommet constitue un véritable tournant : les BRICS se donnent les moyens de résister à la puissance américaine et de se mettre à l’abri des sanctions économiques qu’elle peut décréter à tout moment, comme elle l’a fait en Crimée. Un véritable front anti-hégémonique serait en cours de constitution pour faire de « l’espace eurasiatique […] notre maison », selon la formule de Vladimir Poutine, à l’abri des intrusions étrangères ».   Les BRICS se donnent les moyens de riposter sur trois fronts : la finance, les nouvelles technologies, et surtout l’énergie. Ainsi en 2014, lors du sixième sommet des BRICS à Fortaleza, la création d’un fonds de réserve monétaire a été décidée, ainsi que celle d’une nouvelle banque de développement, concurrente de la banque mondiale de Washington. En cause, le refus du congrès Américain de valider la réforme du FMI de 2010 qui aurait augmenté les quotes-parts de la Chine, de l’Inde et du Brésil. Elle pourrait accorder ses premiers crédits cette année. Aussi, au sommet d’Oufa, la mise en place d’une station orbitale commune aux BRICS  a été décidée. Mais c’est surtout au niveau de l’énergie que la riposte s’articule : « En s’installant au Moyen-Orient, réservoir pétrolier de la planète, les États-Unis sont en train de contrôler la dépendance énergétique de la Chine. Pékin doit donc diversifier ses approvisionnements. C’est le sens des rapprochements que les Chinois tentent avec La Russie, l’Iran, L’Arabie Saoudite, le Venezuela et les pays Africains du golfe de Guinée. » C’est en ce sens qu’Aymeric Chauprade, dans son ouvrage « Chronique du choc des civilisations », nous décrit la nouvelle inflexion de la Chine en faveur de la Russie. En Mai 2014, par exemple, Pékin et Moscou se sont mis d’accord pour construire le gazoduc force de Sibérie à partir de gisements orientaux déconnectés des bassins travaillant actuellement pour l’Europe. Il explique aussi que bien que « La Chine pourrait être tentée par les immenses richesses de Sibérie Orientale, elle y investit de façon importante (…) mais pour l’instant la Chine a tout intérêt à ne pas assumer les frais d’aménagement et de gestion d’un espace naturellement difficile (…) de toute façon le seul débouché rationnel des matières premières de cette région est l’extrême –orient (…) par ailleurs la complémentarité entre Pékin et Moscou est forte en ce qui concerne la haute technologie ». Malgré des intérêts parfois divergents, les BRICS se rejoignent dans leur volonté d’émancipation vis-à-vis du pôle Atlantiste. Toujours dans le même numéro du magazine « Conflits », Pascal Gauchon explique que « Lors des récents sommets des BRICS et de l’OCS, (…) Xi Jinping a présenté les grandes lignes de sa réponse stratégique : soutenir la Russie, histoire de détourner l’oncle Sam de l’Asie-Pacifique, et s’assurer de la neutralité de l’Inde, cette dernière étant indispensable à la stratégie Américaine d’endiguement » car en effet « Les USA travaillent depuis des années à un rapprochement avec l’Inde. (…) en retour la Chine poursuit une politique de bon voisinage afin d’éviter un partenariat trop solide entre l’Inde et les USA. » La forte diaspora Indienne présente aux Etats-Unis en fait un partenaire naturel, mais l’Inde a conscience de l’intérêt qu’elle a de se rapprocher des pays membres de l’OCS, futur poids lourd de la scène économique mondiale. Mais ceci n’est pas sans intention, cette nation a conscience qu’à l’avenir elle pourra disputer le rôle de leader asiatique à la Chine, c’est pourquoi elle ne regarde pas forcément dans la même direction que cette dernière : « L’Inde travaille aussi avec ses voisins de l’est, notamment le Japon, espérant construire un triangle Inde-Japon-Etats-Unis capable de rivaliser avec La Chine (…) parallèlement les USA sont en train de déposséder l’allié traditionnel Russe de sa place de premier fournisseur d’armement ». Dans la culture Indienne, d’après «la théorie du Mandala» de Kautilya «Votre voisin est votre ennemi naturel et le voisin de votre voisin est votre ami» La question dès lors est de connaître la priorité de l’Inde : l’indépendance vis-à-vis de l’Occident ou voler le titre de leader Asiatique à la Chine ? Une telle situation pourrait faire voler en éclats la stratégie de bloc continental orchestré par la Chine et la Russie… Et les Etats-Unis le savent pertinemment… Quand la Chine et la Russie gardent une rancune historique envers l’Occident, l’une pour les « Traités inégaux » et l’autre pour la Guerre froide, l’Inde doit son rayonnement à l’influence Britannique, par la langue Anglaise.

En conclusion, on peut dire que cette stratégie, ce conflit qui ne dit pas son nom, s’inscrit dans la lignée des conflits entre les paysans (Heartland) qui pensent le temps et les marins (Les Etats-Unis) qui pensent l’espace, pour reprendre la terminologie du penseur Tunisien Ibn Khaldoun. Néanmoins, avec le recul, on peut citer plusieurs incohérences, voire des erreurs dans la stratégie Américaine : premièrement il faut noter qu’une des constantes géopolitiques de la Chine est qu’elle a toujours privilégié la terre au détriment de la mer… Alors que le propre du containment est de bloquer les puissances continentales en leur bloquant leur accès aux mers chaudes voire aux mers tout court (réf : Grand Jeu). Première incohérence. Ensuite, on peut se demander si, à long terme, la Chine et la Russie seront les principaux rivaux des Etats-Unis. C’est vite oublier que le continent affichant les plus gros taux de croissance ces dernières années est l’Afrique, malgré, évidemment, un retard énorme. On peut aussi se demander si l’ingérence brutale des Etats-Unis à l’étranger ne peut pas entraîner un effet boule de neige contre eux, et ainsi perdre de précieux alliés en plus d’affaiblir son Soft Power… Mais surtout, il convient de souligner un bouleversement majeur en Chine qui pourrait contrarier la stratégie Américaine : Les Etats-Unis souhaitent faire diminuer les exportations Chinoises en leur coupant l’herbe sous le pied en Asie du sud-est. C’est ne pas savoir que la crise actuelle en Chine résulte d’un déséquilibre : les prix des exportations Chinoises ont augmenté ces dernières années en raison de l’augmentation des salaires dans l’empire du milieu, elles sont donc moins compétitives sur le marché mondial. Les entreprises Chinoises elles-mêmes délocalisent au Vietnam. Or la demande interne ne suffit pas à compenser le déficit d’exportation. C’est pourquoi, depuis quelques temps, la politique économique Chinoise s’oriente de plus en plus vers une économie de la demande, au détriment des exportations, une demande d’un milliard quatre-cent millions d’individus, soit plus de quatre fois la population Américaine… en plus du projet Chinois de nouvelle route de la soie, autre moyen de contrer l’interventionnisme Américain au Moyen-Orient, visant à développer ses transports et ses apports énergétiques vers l’Europe, l’Asie centrale et l’Afrique. Le containment Américain ne fait qu’accélérer ce processus. Le grand défaut des marins est de trop s’éloigner pendant que les paysans continuent de cultiver…

rs

 

 

Petit Adrien

Janvier 2016

 

Sources

Numéro 7 du magazine Conflit

Chroniques du choc des civilisations, Aymeric Chauprade, édition Chroniques

Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire, Aymeric Chauprade, éditions Ellipses

http://www.latribune.fr/economie/international/tpp-le-japon-et-les-etats-unis-confirme-la-signature-d-un-large-accord-510833.html

http://www.revueconflits.com/

http://blog.realpolitik.tv/

http://www.lexpress.fr/actualite/l-inquietude-de-l-inde-face-aux-actions-de-la-chine_1702886.html

http://www.chinausfocus.com/finance-economy/tpp-or-ftaap-what-it-means-for-us-and-the-asia-pacific-region/

http://chine.blogs.rfi.fr/category/tag-pour-votre-blog-encres-de-chine/apec-chine-zone-de-libre-echange-asie-pacifique-

http://www.latribune.fr/economie/international/asie-pacifique-pour-contrer-le-tpp-la-chine-relance-son-projet-de-plus-grande-zone-de-libre-echange-du-monde-521258.html

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Impérialisme, Logiques géopolitiques et stratégiques: Le cas des Etats-Unis en Amérique latine pendant la Guerre froide /geopolitique/amerique-du-nord/imperialisme-logiques-geopolitiques-et-strategiques-le-cas-des-etats-unis-en-amerique-latine-pendant-la-guerre-froide/ /geopolitique/amerique-du-nord/imperialisme-logiques-geopolitiques-et-strategiques-le-cas-des-etats-unis-en-amerique-latine-pendant-la-guerre-froide/#comments Mon, 12 Sep 2016 12:59:43 +0000 /?p=12363 Le XIXème siècle, en Amérique latine, est marqué par des mouvements de décolonisation. Le 2 décembre 1823, le président James Monroe énonce sa doctrine. Celle-ci déclare qu’aucun État américain ne doit être considéré comme objet de colonisation par aucune des puissances européennes. Toute intervention de l’Europe sur le continent Américain sera considérée comme une attaque contre les États-Unis d’Amérique (EUA). Les puissances européennes sont ainsi chassées de l’Amérique.
Mais l’aide étasunienne n’est pas sans intérêt. La géographie de l’Amérique latine intéresse Washington. Le processus d’intervention des EUA est lancé. La doctrine Monroe est utilisée pour le justifier, notamment dans le contexte de la Guerre froide. Cette partie de l’histoire du continent américain n’est pas sans rappeler l’actuelle stratégie de la politique étrangère étasunienne. La politique nord-américaine au sud du continent fait partie des objectifs stratégiques impériaux exprimés dès l’annonce de la doctrine Monroe. Cette lecture impérialiste de la doctrine Monroe est particulièrement intéressante. La grille de lecture de ce cas,  bien que datée, reste pertinente dans l’analyse de la politique extérieure actuelle des EUA hors de leur continent.

Intérêts géographiques du territoire sud-américain et développement du sous-impérialisme

Les ressources naturelles dont dispose l’Amérique latine et sa géographie ont beaucoup pesé sur l’objectif de rupture avec l’isolationnisme des EUA. En effet, la question qui préoccupe les EUA est celle de leur périmètre de sécurité. Celui-ci passe d’abord par le territoire, ensuite par la politique et l’économie.
La suppression totale de la présence européenne en Amérique latine avait pour objectif de faire du continent Américain la chasse gardée des EUA. La seconde Guerre mondiale, a soulevé une autre préoccupation : l’avènement du nazisme sur le continent américain par le biais des colonies sud-américaines. En exemple, l’occupation des Pays-Bas et de la France par l’Allemagne nazie aurait pu entraîner la revendication de territoires comme la Guyane Hollandaise ou les Antilles françaises.

Par ailleurs, la géographie du continent américain complique les échanges avec le reste du monde. Du fait de la barrière des océans, les importations et les exportations voient leurs délais d’acheminement se prolonger. En outre, le contexte économique, au sortir de la seconde Guerre mondiale, a incité les EUA à maintenir leurs cycles de production et de fait leur sécurité économique. Les EUA ont eu très vite besoin d’une main-d’œuvre supplémentaire et bon-marché. La solution se trouve alors juste au Sud. L’Amérique latine est une terre d’exploitation tant en ressources naturelles, qu’en main-d’œuvre. Elle est également susceptible de devenir un marché profitable pour les EUA.
Outre l’intérêt économique de ce territoire, dans le contexte de la Guerre Froide, la préoccupation est au renforcement du périmètre de sécurité des EUA. La proximité (terrestre) avec l’Amérique latine pose la question du risque d’invasion par l’ennemi. Si l’ennemi devait prendre place en Amérique latine, c’est une guerre terrestre qui risquerait de s’entamer. Bien que les EUA, au sortir de la seconde Guerre Mondiale, soient une puissance militaire incontestable avec une flotte de guerre et une aviation sans égale, tous les moyens ne sont pas déployés pour l’armée de Terre. Sans armée de Terre puissante, Washington redoute une offensive terrestre. La menace soviétique sur le continent américain risquerait de remettre en cause le prestige des EUA dans la région ainsi que de fragiliser le périmètre de sécurité des EUA. Commence ainsi un néocolonialisme s’installant à travers le déploiement d’un sous-impérialisme.
Certains pays exercent, de par leur poids géopolitique, une hégémonie régionale pour le compte de la puissance nord-américaine. L’exemple type de cette posture géopolitique est fourni par la Brésil. En effet, le positionnement géopolitique dominant de cette puissance en Amérique du Sud fonctionne comme un relais à l’hégémonie nord-américaine exercée sur le sous-continent latino-américain. Il faut lire l’agrément du Brésil comme une stratégie propre qui vise à s’installer comme puissance régionale. Les liens économiques, politiques et militaires qui lient notamment ces deux pays depuis 1940, ont permis à Washington de mettre sous tutelle l’Amérique du Sud.  Ainsi, durant la Guerre froide, les EUA ont cherché à faire du territoire latino-américain, un glacis sous influence impérialiste étasunienne
.

Développement des alliances et consolidation des États-Unis sur le continent américain.

Les EUA ont poursuivis vis-à-vis de l’Amérique latine un double mouvement. Ils ont à la fois protégé et dominé le sous-continent. Ce double mouvement s’est illustré par le développement des alliances panaméricaines, toujours dans la continuation de la doctrine Monroe. Celle-ci, conçue à l’origine pour empêcher l’intervention des puissances européennes, sera utilisée pour justifier l’intervention américaine en Amérique latine.

La volonté de Washington d’intégrer l’Amérique latine à sa zone d’influence traduit bien la permanence du rôle hégémonique des EUA dans l’hémisphère.
Ainsi, la fin de la seconde Guerre mondiale et le début de la Guerre froide sont marqués par l’objectif de garantir le sous-continent dans le camp occidental. Avec la constitution des deux « blocs », Washington décide de s’assurer l’appui de l’Amérique latine pour éviter l’expansion du communisme sur le continent américain.
L’objectif de garder la main mise sur l’Amérique latine se manifeste dès 1933 avec le développement de la diplomatie. La Good neighbor policy sera adoptée officiellement comme politique extérieure par Roosevelt en 1933. Elle encourage les relations amicales et la défense mutuelle dans l’hémisphère occidental, après des années d’interventionnisme militaire américain. Toutefois, les réelles motivations de Roosevelt sont la lutte contre la montée en puissance des régimes fascistes en Europe, et le sentiment anti-américain en Amérique latine. Ainsi, peut-on remarquer un avant et un après Roosevelt dans les relations inter-américaines. Pour les EUA, toute perception d’une menace de l’intérêt national américain sera sanctionnée par des mesures agressives.
Le renforcement des alliances se fait dès 1947 lors de la conférence inter-américaine « pour le maintien de la paix et de la sécurité collective » qui aboutira à la signature du pacte de Rio en 1947 par l’ensemble des pays américains (à l’exception du Canada, de l’Équateur et du Nicaragua). Ce pacte assure aux pays signataires une assistance réciproque en cas de danger, de « péril pour la paix de l’Amérique ». Conclu au début de la Guerre froide contre le bloc soviétique, il devient la clé de voûte de l’influence des EUA sur l’Amérique latine. Il facilite la domination étasunienne sur leur continent notamment en temps de Guerre froide. En effet, dans la hiérarchie de puissance entre les États signataires de ces traités dont les EUA, ces derniers dominent incontestablement le classement. La Charte de l’Organisation des États américains (fondée en 1948 sur le modèle de l’Organisation des Nations Unies et défendant aussi les droits de l’homme et les libertés fondamentales) précise, en 1954, que le « péril » peut être le communisme. L’ennemi des EUA sera l’ennemi de l’Amérique toute entière, et les intérêts de l’Amérique Latine sont les intérêts des EUA. En réalité, ce n’est pas la constitution d’un bloc occidental qui est recherchée par les EUA en Amérique Latine. Si en Europe l’interventionnisme étasunien apparait plus dans une optique de consolidation du bloc occidental, avec l’Amérique Latine c’est un bloc américain qui est recherché.

Contrôle politique : interventions dans la politique intérieur des États de l’Amérique latine.

Afin de garantir leurs intérêts, les EUA poursuivent leur intervention jusqu’au domaine de la politique intérieure des États d’Amérique latine. C’est une sortie de la politique dite de la canonnière vers d’autres formes de contrôle, notamment politique. La logique de domination des EUA en Amérique Latine s’est faite en partie par un support étasunien aux dictatures pro-américaines (comme Somoza au Nicaragua, Trujillo dans la République Dominicaine, Batiste à Cuba). Ce soutient facilite l’implantation de la politique impériale : influence économique et culturelle (plan de développement mené par Rockfeller) mais surtout militaire.
En 1947, le Traité inter-américain d’assistance réciproque place toutes les armées du sous-continent sous la tutelle de Washington. En 1948, l’Organisation des États Américains (OEA) est un instrument d’action des EUA contre le communisme. L’OEA organise un programme d’assistance militaire et renforce le rôle de la CIA dans l’entraînement et l’encadrement des armées sud-américaines. L’ouverture des écoles militaires en Amérique latine et l’envoi des conseillers militaires au Sud jouent un rôle important pour l’impérialisme étasunien pendant la Guerre froide. En effet, la formation des officiers des différentes armées latino-américaines, fera de ces dernières de véritables armées d’occupation dans leur propre territoire. Ils illustrent ainsi les mécanismes de domination impériaux pendant l’époque de la guerre froide.
Dans la logique de la lutte contre la menace communiste, les EUA effectuent une « chasse aux sorcières » sur la scène politique de l’Amérique latine, notamment via la suppression des gouvernements pro-communistes (ceux proposant des réformes sociales et agraires). Les gouvernements jugés dangereux sont ainsi renversés par l’intermédiaire de la CIA et les « armées d’occupation ».
Des dictatures militaires sont mises en place avec la collaboration des élites locales. Les régimes populistes basant leur politique sur les nationalisations et la redistribution des richesses, sont renversés par des élites d’Amérique latine conservatrices, soutenues par les EUA. Cette politique s’amplifiera après la Révolution cubaine. Cependant l’inquiétude augmenta lorsque Salvador Allende a remporta les élections au Chiliennes en 1970. La peur que ne s’étende « le mauvais exemple cubain» a poussa alors les EUA à soutenir le coup d’État sanguinaire de Pinochet.

Dans les années 1950, les dictatures se multiplient en Amérique latine. Ces régimes autoritaires y empêchent la propagation du communisme. Ils s’appuient généralement sur les élites qui dominent ces sociétés très inégalitaires. Les EUA soutiennent les régimes dictatoriaux tant qu’ils garantissent les nombreux intérêts économiques américains (par exemple de grandes firmes agroalimentaires comme l’United fruit).
Ce contrôle politique sert à la fois à lutter contre le communisme et à mettre en place un climat propice aux investissements nord-américains. En 1950, Georges Kennan dira « its better to have a strong regime in power than a liberal government if it is indulgent and relaxed and penetrated by Communists ».

Influence économique : développement du capitalisme et domination étasunienne.

L’influence économique du capitalisme en Amérique latine a débuté elle aussi bien avant la Guerre froide. En chassant les puissances européennes de l’Amérique du sud, les EUA ont pris possession des avantages économiques de ces puissances. Depuis les mouvements d’indépendance vis-à-vis des colonies européennes, mais aussi depuis la fin de la première Guerre mondiale, les EUA ont profité de l’affaiblissement des puissances européennes pour prendre en mains les investissements de la région. Il y a eu un transfert des dettes envers les puissances européennes aux EUA et un contrôle direct sur les finances (par exemple ceux d’Haïti, de la République Dominicaine et du Guatemala).
En avril 1945 Roosevelt décède, s’ensuit alors, une nouvelle ère dans les relations internationales étasunienne. La politique étrangère « idéaliste » de Roosevelt sera remplacée par la politique réaliste de Truman qui défendra avec acharnement leur sécurité en prévenant les gains du communisme.

En 1961, J-F Kennedy annonce la création d’une « Alliance pour le progrès », une sorte de plan Marshall pour l’Amérique latine. Kennedy essaie une politique de prestige par une aide militaire et financière massive. Selon lui, le meilleur moyen d’obtenir la stabilité et d’éviter le communisme en Amérique latine était de favoriser la démocratie, la croissance économique et le changement social, toujours dans la logique d’un anticommunisme. Mais le contexte de Guerre froide et la volonté de ne pas laisser l’URSS ,ou ses avant-postes comme Cuba, exploiter des situations difficiles, expliquent le choix de Washington de laisser de côté le soutien aux démocraties pour garantir l’unité dans la lutte anticommuniste. Le soutien aux dictatures permettait d’assurer aux EUA le développement stratégique de leurs intérêts économiques. C’est pourquoi les EUA ont cherché à mettre en place des dictatures capitalistes.

L’Amérique latine apparaît ainsi comme une zone d’intérêt vitale pour les EUA. Les tenants du concept de pax americana, dans une logique hégémonique, tentent également selon certains auteurs, de profiter d’une expansion économique et géographique, pour ouvrir des marchés et accéder aux matières premières.
La politique économique de l’Amérique latine a été modelée de telle sorte  qu’elle laisse libre cours au libéralisme. Les concepts descriptifs de cette situation se résument par la dégradation des termes d’échanges économiques, la dépendance de l’économie sud-américaine à celle du Nord, et le sous-développement qui aura été engendré.

En 1989, le bloc soviétique disparaît, pourtant la politique étrangère des EUA ne change pas. À travers le FMI, ils imposeront le fameux « Consensus de Washington ». L’essor du capitalisme dans la région sud-américaine a donc permis l’établissement de l’impérialisme étasunien, durant la période de Guerre froide. Les effets dévastateurs de cet interventionnisme – pauvreté et inégalités – a mis sous tutelle l’Amérique latine. Cependant, l’impérialisme étasunien a atteint son paroxysme. En effet, paradoxalement, il a contribué à une prise de conscience de la part des peuples latino-américains. Le résultat sera un sentiment anti-américain virulent en Amérique latine.
Le « sauvetage » de l’Amérique latine contre le colonialisme européen et la menace communiste a vite « dérapé » en un impérialisme. La politique néocoloniale adoptée par les EUA pendant la Guerre froide, a laissé sa trace dans les processus économiques, sociaux, politiques et culturels de l’Amérique latine.

Loin d’être isolationniste, cette doctrine – en s’assurant d’un périmètre de sécurité sur l’île continent – a permis aux EUA de mettre le cap sur des ambitions hégémoniques mondiale. Si la doctrine Monroe semble avoir atteint ses objectifs en servant les intérêts étasuniens à moyen terme, elle a fini par diviser le continent à plus long terme. Les logiques géopolitiques et stratégiques employées en Amérique latine peuvent servir de grille de lecture à l’analyse de la politique extérieure des EUA.
Par ailleurs, le processus interventionniste des EUA pour « libérer » l’Amérique latine jette les bases de la question de transition. Comment ne pas sacrifier l’indépendance acquise au profit du « sauveur » ? Comment consolider les forces révolutionnaires de telle sorte à ce qu’elles pèsent sur la déconnexion et qu’elles résistent aux tentatives de reconnexion ?

Abira Hadhek

Février 2016

Sources :
CADET Jean-Gérald, «Les États-Unis et l’Amérique latine. De Monroe à l’initiative pour les Amériques, ou de l’hégémonie totale à la volonté de partenariat », Continentalisation, Janvier 2000, 53 pages.
DABENE Olivier, «L’Amérique Latine est la chasse gardée des États-Unis », in L’Amérique Latine : les idées reçues, Le cavalier bleu, 2009, 128pages.
MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les Etats-Unis et l’Amérique Latine pendant la Guerre Froide » in Matériaux pour l’histoire de notre temps, 1999, n°54, pp.3-8.
PINCINCES Jacques, « Les concepts de le Guerre Froide, 1947-1990 principes, lignes de forces et ruptures (1re Partie) », Trace, Vol. 42, n°4, Novembre-Décembre 2004, 37 pages.
QUEUILLE Pierre, Amérique latine. La doctrine Monroe et le panaméricanisme, Bibliothèque Historique, Payot, 1969, 265 pages.
TEBIB Roger, « Les Etat-Unis et l’Amérique Latine : Les avatars de la doctrine Monroe », Géostratégique, n°11, 2006, pp. 19-25.
THUAL François, Contrôler et contrer. Stratégies géopolitiques, Ellipses Édition, 2000, 192 pages.

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Environnement et conflit : une convergence à plusieurs niveaux /grands-enjeux/environnement-et-conflit-une-convergence-a-plusieurs-niveaux/ /grands-enjeux/environnement-et-conflit-une-convergence-a-plusieurs-niveaux/#respond Mon, 07 Mar 2016 17:05:24 +0000 /?p=12273 Article soumis par Léo Coqueblin dans le cadre du concours Geolinks sur la Géopolitique de l’Anthropocène. 

« Mais, comme les ressources vitales s’épuisent […], il y aura de plus en plus d’hommes qui disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Il est évident que cela entrainera des conflits violents entre ceux qui prétendent se nourrir sur une seule et même portion de territoire ou boire à la même source en train de se tarir, et il est non moins évident que, dans un proche avenir, on ne pourra plus faire de distinction pertinente entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuient leur environnement, parce que de nouvelles guerres seront dues à ce dernier et que les gens fuiront la violence »[1]. Si certaines données, telles que la quantité de ressources disponibles, prêtent à polémique, il n’en est pas moins certain que le réchauffement climatique et la complexification de l’accès aux ressources participeront à la création d’un bouleversement systémique.

Alors que les ressources se raréfient, que le climat se réchauffe, et que les populations se déplacent de plus en plus, quels sont les liens de causalité existant entre environnement et conflit armé ?

L’environnement est-il créateur indirect de conflits, cause du conflit ? Les conflits ont-ils des conséquences directes sur lui ? Trois pistes, trois niveaux de réflexion, démontrant que les enjeux environnementaux sont directement liés à des enjeux humains.

Le risque environnemental : matrice de l’instabilité

Alors que les façons de faire la guerre ne cessent d’évoluer au rythme du développement technologique, certaines causes ont toujours été et resteront importantes et génératrices de guerre. L’environnement, dans son sens large, en est une : l’espace, les ressources naturelles, l’accès à l’eau, l’alimentation…autant de choses dont l’homme a besoin pour survivre, et dont il ne pourra se passer. Néanmoins, la guerre dite environnementale comporte plusieurs variantes.

L’un des premiers phénomènes générateur de conflits est directement lié au changement climatique. Ce dérèglement planétaire amènera une hausse des températures évaluée à +2°C – une évaluation dans sa forme la plus optimiste, ou moins alarmiste – et donc un certain nombre de bouleversements, tels que la salinisation des terres, la montée des eaux, la recrudescence de catastrophes naturelles de grande ampleur. Certaines de ces conséquences auront donc un impact direct pour les populations sur leur alimentation, pouvant provoquer disettes, famines et pénuries. De la même façon, l’augmentation du nombre et de la fréquence des catastrophes naturelles de grande ampleur dévastera certaines villes, principalement côtières. Tout cela participe donc à engendrer un nouveau phénomène : le déplacement des populations pour des causes environnementales, apportant un nouveau statut, celui de « réfugié climatique ». On peut aussi y adjoindre le déplacement de certaines espèces animales (et notamment certains insectes), pouvant également pousser des populations à migrer. On observe d’ailleurs d’ores et déjà les prémisses de futurs vastes mouvements migratoires en la personne de Ioane Teitiota, un homme originaire des îles Kiribati dans l’Océan Pacifique, espérant devenir le « premier réfugié climatique ».

Dès lors, la question d’éventuels réfugiés climatiques rejoint directement les enjeux actuels des migrations de populations, en provenance de Syrie par exemple. Si les causes du déplacement sont différentes, les solutions à adopter sont sensiblement proches. Ainsi, les États seront confrontés aux mêmes problèmes vis-à-vis des réfugiés climatiques que par rapport aux réfugiés de guerre : capacité d’accueil, moyens disponibles, ressources disponibles, etc… Plus encore, cela provoquera très certainement des problèmes d’exacerbation des nationalismes. En effet, un trop grand nombre de réfugiés aura pour effet ou une abolition du concept même de Nation (lien entre l’État et une identité culturelle commune), ou bien l’effet inverse, un renfermement des peuples et communautés sur eux- mêmes, inspirant rivalités et conflits. La question de ces réfugiés apporte donc une certaine instabilité, puisque si leur déplacement et leur prise en charge sont évidents, une adaptation culturelle de toutes les parties sera nécessaire. A cela, on peut encore ajouter l’impact économique. Les catastrophes naturelles et le déplacement des populations vont bouleverser des systèmes et marchés économiques jusqu’ici bien en place, apportant également de nouveaux problèmes et de nouvelles sources de conflit.

L’insuffisance en ressources, à la fois alimentaires mais également énergétiques, provoquent des crises et pénuries débouchant parfois sur des conflits. La situation du lac Kivu, reliant le Rwanda et la République Démocratique du Congo nous en livre un témoignage morbide. Actuellement, près de 80% de la population rwandaise n’est pas reliée au réseau électrique, et ceux qui y ont accès paient le prix fort. De la même façon, en RDC, la crise énergétique est sans précédent. Bien que le pays possède d’importantes ressources hydroélectriques, le potentiel des chutes d’Inga sur le fleuve Congo est estimé à 40 000 mégawatts, « soit près du double de la plus grande station hydroélectrique du monde, celle du barrage des Trois gorges en Chine ». Pourtant, actuellement, la capacité de la RDC représente à peine 5% de cette valeur. Aux abords du lac Kivu, l’insuffisance énergétique participe à la création d’un climat conflictuel. Le développement du réseau d’électricité favoriserait le développement des villes et de l’économie, et réduirait l’influence de groupes armés qui recrutent auprès d’une jeunesse défavorisée et désabusée.

Le recours aux enjeux environnementaux : un terreau fertile du conflit

 

Alors que la première partie était destinée aux causes intrinsèques des conflits liés à l’environnement, celle-ci entend démontrer que l’environnement constitue également une cause au conflit. Autrement dit, il s’agit de mettre en lumière le fait que la guerre n’est pas forcément une conséquence indirecte de situations environnementales critiques, mais peut également être une conséquence de l’utilisation de l’environnement par les États. Un exemple, sur lequel nous ne reviendrons pas ici, se constitue autour de la polémique ayant suivi l’intervention américaine en Irak, selon certains dires motivée par la volonté de mettre la main sur l’Or Noir plus que par celle de promouvoir la démocratie et amener la paix. On recense ainsi 4 écoles déterminant quels sont les liens de causalités entre guerre et environnement :

– L’école américaine détermine que l’état de criticité de l’environnement et les changements qu’il subit influencent énormément le risque de conflit, et positionnent l’environnement comme cause de la guerre ;

– Le groupe de « Toronto » s’apparente à la situation présentée aux abords du lac Kivu : la situation de l’environnement se combine aux contextes économiques, politiques et sociologiques pour renforcer la pauvreté et créer de l’insécurité ;

– L’école suisse détermine que le conflit environnemental est le résultat d’un enchevêtrement de causes : démographie, identité, migrations, accès et exploitations des ressources ;

– Enfin, pour le groupe « d’Oslo » il s’agit avant tout de répartition géographique. C’est la situation environnementale et sociopolitique d’une population A qui impulsera le fait d’entrer ou non en conflit avec une population B, revendiquant les mêmes privilèges.

L’environnement peut donc être un prétexte à la guerre. Cette guerre peut être la cause d’une volonté d’acquérir des biens ayant une forte valeur économique, comme nous venons de le signifier, ou des ressources nécessaires à la vie telles que l’eau. Il existe donc de nouvelles menaces, lesquelles s’accompagnent de nouvelles armes. En effet, alors que le monde tend à instaurer des dispositifs de lutte contre la prolifération des armes et diverses réglementations visant à limiter leurs utilisations, il n’en reste pas moins que le développement technologique et les avancées scientifiques impulsent de nouvelles façons de penser et de concevoir la guerre, notamment chez les armateurs. Ainsi, à titre d’exemple, le développement de l’intelligence artificielle fait aujourd’hui débat, liée à la très polémique question des « robots tueurs » et autres « drones autonomes ». Pire encore, cela donne lieu à un nouveau type de menace : le bioterrorisme.

Qu’est-ce que le bioterrorisme ? “On peut décrire le bioterrorisme comme étant l’usage d’un micro-organisme dans l’intention avouée de causer une infection afin d’atteindre certains objectifs”. En d’autres termes, il s’agit de l’utilisation à des fins meurtrières d’organismes biologiques, naturels ou modifiés. Il s’agit d’une forme de terrorisme par empoisonnement direct, par diffusion et propagation de maladie, ou par infection de l’environnement (contamination d’aliments par exemple). Mais si le bioterrorisme existe, c’est avant tout car les avancées scientifiques lui en ont donné les armes. Il s’agit d’armes dites de « destruction massive », l’armement NRBC : nucléaire, radiologique, biologique/bactériologique, et chimique. Ici seules nous intéressent les armes biologiques et bactériologiques, car il s’agit d’instruments de mort directement conçus et dérivés depuis l’environnement. Les agents biologiques nécessaires à la conception de ce type d’armement sont des toxines ou des organismes vivants. Les toxines sont communément appelées «poisons», il s’agit d’organismes non-vivants, mais issus d’organismes vivants, tels que les plantes (toxine botulique, ricine). La plupart d’entre elles sont cependant d’origines chimiques, amincissant la frontière avec les armes de type chimiques. A l’inverse, les organismes vivants utilisés pour la conception de telles armes sont variés :

– Les bactéries, sont à l’origine de nombreuses maladies épidémiques, telles que la peste ou l’anthrax

– Les virus véhiculent des maladies et se propagent à grande vitesse, comme c’est actuellement le cas pour Ebola en Afrique ou la fièvre jaune.

– Les champignons ont des effets dévastateurs au niveau environnemental, et plus particulièrement sur les cultures agricoles.

– Les rickettsies sont des bactéries parasitaires intracellulaires également à l’origine de certaines maladies

Le recours à ces bactéries et toxines provoquent de graves catastrophes humanitaires, et par conséquent, le développement des armes biologiques est strictement réglementé à 
travers la « CONVENTION SUR L’INTERDICTION DE LA MISE AU POINT, DE LA FABRICATION, DU STOCKAGE ET DE L’EMPLOI DES ARMES CHIMIQUES ET SUR LEUR DESTRUCTION » de 1972, bien que des négociations sur ce sujet aient vu le jour dès 1925. Pourtant, malgré les risques que comportent de telles armes, certains États comme les États-Unis ou la Russie continuent d’en développer à profusion, en particulier sous forme de gaz neurotoxique, particulièrement létal.

Conséquences environnementales des outils de la guerre

L’apparition de nouveaux types de conflits, et in extenso de nouveaux types d’armes, débouche inévitablement sur de nouvelles menaces, auxquelles la sphère politique doit pallier. Avant tout, le danger est humain, les guerres dues à la raréfaction ou à la difficulté d’accès aux ressources ne pouvant déboucher que sur un partage ou sur une extermination, sous peine de voir les conflits perdurer. Plus inquiétant encore, le développement de la science permet le perfectionnement des armes biologiques et bactériologiques. De grande ampleur, ces armes peuvent facilement annihiler toute la population d’une grande ville, et rapidement. Elles sont souvent moins chères que des armes traditionnelles, simples d’utilisation et plus discrètes.

Pourtant, l’homme n’est pas la seule et unique victime de la guerre et du développement de nouvelles armes. Ironie du sort, l’environnement qui a servi à créer ces armes est également directement touché par leur utilisation. Revenir sur les effets de l’utilisation de l’arme nucléaire serait futile, tant les dégâts que peuvent causer cette arme sont explicites depuis que « Big Boy » a heurté Hiroshima. C’est « la fin acceptée de l’humanité » comme l’exprimait Théodore Monod. En revanche, s’inquiéter du nucléaire est dérisoire au regard du fait que chaque jour des scientifiques manipulent des agents biologiques capables de décimer la planète entière. De la même façon, les armes chimiques ont des conséquences désastreuses sur l’environnement : pollution de l’eau, pollution de l’air, pollution des sols… tout cela contribue à contaminer les produits agricoles, que nous retrouvons ensuite dans nos assiettes. Les dioxines par exemple, constituent un groupe d’éléments chimiques particulièrement néfastes pour l’environnement, puisqu’elles s’accumulent à la fois dans les végétaux et les animaux, ensuite ingérés par l’homme. Elles sont hautement toxiques, et provoquent des effets dévastateurs sur l’homme : cancers, troubles immunitaires et hormonaux, et pire, un impact important sur la procréation.

L’Histoire nous livre l’un des témoignages les plus explicites des dangers de la dioxine, un cas d’étude qui illustre parfaitement notre propos : la guerre du Vietnam. Avec ses jungles luxuriantes et son climat tropical très humide, combinés à une culture de la guérilla vietnamienne, le Vietnam s’est révélé être un territoire particulièrement hostile aux déploiements américains destinés à combattre le Viet Minh. N’ayant pas l’avantage du terrain, ceux-ci ont largué approximativement 80 millions de litres d’ « agent orange », un composé chimique, puissant défoliant, initialement utilisé comme herbicide, et employé dans ce contexte afin de détruire l’épaisse végétation dans laquelle les Viêt-Congs se cachaient. Cependant, des études ont révélé une présence importante de dioxine dans cet agent, le rendant particulièrement toxique. Ainsi, 40 ans après la fin de la guerre, le Vietnam souffre encore de ses conséquences : on relève encore actuellement des traces de dioxine dans les cultures et produits alimentaires, le nombre de cancers ne cesse de croître, et de plus en plus d’enfants naissent avec des malformations. Les États-Unis refusent d’admettre une quelconque responsabilité.

Autre cas d’étude, le recours aux armes à « uranium appauvri » durant la Guerre du Golfe de 1991. Des bilans environnementaux soulèvent encore aujourd’hui des traces dans l’environnement, témoin d’une contamination des sols et de l’eau. De plus, ces armes ayant servi à incendier des puits de pétroles au Koweït, les fumées se sont envolées pour stagner dans l’atmosphère, accentuant encore un taux de pollution dont les effets se font toujours ressentir. Enfin, il convient de souligner l’existence d’une autre arme, dont l’utilisation créé une polémique conspirationniste : l’arme climatique. La théorie des chem-trails (traînées chimiques), consiste en la maîtrise du climat. Il s’agit d’une théorie complotiste déterminant que, suite à de lourdes recherches ayant démarré durant la Guerre froide, le gouvernement et les militaires américains répandraient dans l’atmosphère des produits chimiques : des métaux lourds notamment, ainsi que d’autres éléments chimiques néfastes pour la santé et pour l’environnement. Les fins supposées du recours à de telles armes seraient de pouvoir contrôler l’économie, la démographie et le climat, soit s’octroyer un droit de regard sur qui peut survivre, ou non. S’il ne s’agit que d’une théorie, elle est révélatrice d’une croyance qui tend à se populariser, celle que l’homme utilise des techniques qu’il ne maîtrise pas, en somme, qu’il joue à être Dieu.

« L’anthropocentrisme moderne, paradoxalement, a fini par mettre la raison technique au- dessus de la réalité, parce que l’être humain « n’a plus le sentiment ni que la nature soit une norme valable, ni qu’elle lui offre un refuge vivant. Il la voit sans suppositions préalables, objectivement, sous la forme d’un espace et d’une matière pour une œuvre où l’on jette tout, peu importe ce qui en résultera »[2].

Auteur: Léo Coqueblin 

Junior Analyst en Intelligence Stratégique à Entreprise & Diplomatie (Groupe ADIT)
Licence d’Histoire – Sciences-po ; Master 1 Relations Internatione Sécurité et Défense, Lyon 3 ; Master 2 PSAPI Expertise Internationale, Lyon 3. 

Notes de bas de page: 

[1] WELZER H., Les guerres du climat, Folio Gallimard, Francfort, 2008 (trad. 2009), p. 15-16

[2] Pape François, « Lettre encyclique Laudato’ Si », Chapitre 3, Article 3

]]> /grands-enjeux/environnement-et-conflit-une-convergence-a-plusieurs-niveaux/feed/ 0 L’Anthropocène: Une Géopolitique de la vulnérabilité /grands-enjeux/lanthropocene-une-geopolitique-de-la-vulnerabilite/ /grands-enjeux/lanthropocene-une-geopolitique-de-la-vulnerabilite/#respond Mon, 07 Mar 2016 16:07:48 +0000 /?p=12261 Article soumis par Vincent Tourret dans le cadre du concours Geolinks sur la Géopolitique de l’Anthropocène. 

L’avènement de l’Anthropocène pourrait de prime abord annoncer la réalisation des idéaux positivistes et libéraux contenus dans le progrès des Lumières. Principale force géologique et évolutionnaire, l’homme serait enfin devenu maître en son domaine et des éléments, un héros qui pourrait prétendre au rang d’un Dieu, même si prothétique. Malheureusement, au lieu de nouvel âge d’or, cette nouvelle ère se caractérise pour l’instant par la dévastation produite par ses activités industrielles et ce, sous toutes les latitudes, dans tous les milieux et contre tous les êtres humains et non-humains. Ses phénomènes sont multiples et hétérogènes : gaz à effet de serre, augmentation de l’acidité des océans, désertification, extinction massive des espèces et bien d’autres encore. Pourtant ils sont tous interdépendants, formant des réactions incontrôlées, non linéaires et rétroactives. Ils signalent un dérèglement général des paramètres de la vie terrestre telle que nous la connaissons. Il ne s’agira pas cependant d’en faire un exposé complet mais d’analyser leur porté géopolitique, celle d’une réaction politique et militaire à un choc écologique et énergétique ou en d’autres termes, d’exposer les conséquences de l’emprise de l’imprévisible sur le rapport de l’Homme à la Terre et des États à leur Territoire. L’Anthropocène, force de déstabilisation, est elle de fait, synonyme de conflit ? Le comprendre par la géopolitique permettra non pas comme disait Lacoste de « faire la guerre » mais bien au contraire en adoptant l’approche polémologique, de souligner les nouvelles conditions de la bellicosité qui s’esquissent pour l’éviter.

Les Ressorts de l’Anthropocène : le retour du Nomos de la terre.

L’Anthropocène représente une véritable révolution copernicienne. La Géopolitique fondée sur les relations de domination, de maîtrise de l’environnement est confrontée à la disparition du territoire, support d’une autorité politique, parallèlement à la réaffirmation du sol, espace non clairement défini car fragmenté, disputé, chaotique. En effet, cette nouvelle ère semblerait ainsi incarner à ce titre la quatrième « blessure narcissique » au sens freudien du terme, d’une humanité désormais mise en orbite, appartenant au règne animal, irrationnelle et finalement (re)devenue simple entité dépendante d’un écosystème. Elle symbolise le « retour de Gaïa » comme l’exprime Bruno Latour : la fin de l’extériorité de la Nature. La Terre, d’objet neutre, « d’espace » façonné par la volontés des hommes, divisé ainsi en « territoires », sceaux de leur propriété, est redevenue un sujet. En effet la fin du « Grand Partage » entre Nature et Histoire s’est accomplie. Hannah Arendt, déjà, dans Crise de la Culture exprimait la radicalité nouvelle de la maitrise de l’atome qui en altérant directement la structure de l’univers, brisait l’éternité de la Physis ou Physique, à l’immuabilité cyclique, en introduisant l’éphémère et la mortalité du Politike, c’est à dire le domaine sublunaire où s’accomplit l’action de l’Homme. Au sein des lois de la nature s’immisce désormais le hasard de la Praxis humaine dans une relation hybride et chaotique : celle de l’habitabilité. « L’homme n’est plus « dans » la Nature mais participe de sa qualité à contenir la vie[1]. Au lieu d’être le récit d’une émancipation, l’Anthropocène est bien celui d’une appartenance réaffirmée à son milieu terrestre, non perçue comme la possibilité d’une nouvelle condition humaine universelle, permise par ce nouveau critère de retour « à » la Terre, mais plutôt comme une aliénation par le retour « de » la Terre. En effet cette occultation du sol était le fondement de la civilisation occidentale et de celle « mondialisée » d’aujourd’hui. La théorie économique en est un symptôme éclairant : ayant écarté la terre des moyens de production pour n’en faire qu’un simple produit du Capital et du Travail, elle alimenta par la même l’idée d’un Progrès « hors-sol », limité par la seule créativité humaine, c’est à dire la technologie. L’Homme dès lors libéré des contraintes matérielles, se plaçait dans une position transcendante oubliant, pour paraphraser le titre du livre de Daniel Cohen, que le monde est clos malgré son désir infini.

Dès lors, ce retour du sol refoulé, parce qu’il symbolise une perte de contrôle inaugure une géopolitique non plus comme expression de la puissance ou des rivalités humaines, c’est à dire de contrôle territorial mais bien une géopolitique de sa vulnérabilité et en un sens réactionnaire. Au contraire de permettre une communauté cosmopolite, l’Anthropocène risque de réactualiser l’appel au sang et au sol : Blut und Boden, le repli sur soi pour préserver ses gains matériels et sociaux et l’accusation de tous. Or le sol n’est pas défini par une autorité, c’est un espace pour lequel on se bat, un espace fantasmée, idéologique, en danger, précaire et qui n’a donc d’existence spatiale que celle occupée par ses sympathisants. Il épouse moins les formes d’un État que des rapports de force divers. L’Azawad par exemple, le projet sécessionniste Touareg dans le Nord Mali en est emblématique. Des populations du Sahel, confrontées à la désertification croissante de leur terre, à un stress hydrique important et se sentant abandonnés voire discriminés par l’État central proclament leur indépendance et prennent les armes. S’esquissent dès lors une géopolitique des sols, diluant les territoires où les vulnérabilités écologiques de certaines populations ou groupes d’intérêts pourront devenir des revendications politiques dans des mouvements d’auto-défense accusant l’extérieur d’exploitation et de destruction de leur héritage. Si pour l��instant la forme majoritaire est interne aux États et non-armée, comme en France avec le mouvement Zadiste, une internationalisation voire des conflits interétatiques sont prévisibles, notamment par leur instrumentalisation à des fins de déstabilisation par des États hostiles. De plus l’hypothèse de l’éco-terrorisme n’est pas à écarter.

Cette logique cependant s’exprime actuellement dans la géopolitique des conférences sur le climat. En effet L’Anthropocène alors qu’elle nécessiterait un « nouvel âge institutionnel »[2] à même de régler un dérèglement global et transnational, connait une gestion multilatérale au sein de la CCNUCC[3] s’apparentant à une « fabrique de lenteur » selon Stefan Aykut et Amy Dahan. L’absence d’un front commun Nord-Sud en est la principale raison car la responsabilité de l’Anthropocène n’a pu être tranchée. Déjà certains proposent de parler d’Anglocène[4] où Américains et Anglais seraient donc, les principales forces géologiques de la Planète. Les objectifs d’atténuation de l’anthropisation et d’adaptation à ses effets sont par conséquents inconséquents. La COP 21 elle-même, malgré qu’elle soit un accord universel, reste conditionnée à la promesse des pays développés de délivrer un soutien financier et technologique aux émergents. Enfin elle propose des objectifs de réduction jugés à la fois irréalistes et insuffisants[5].

L’État est il résilient : la menace de l’effondrement ?

 

Le dérèglement du climat et de l’habitabilité caractéristique de l’Anthropocène pose la question de la résilience de l’État comme principe d’organisation des collectivités humaines. En effet cette ère géologique nous plonge dans une « longue urgence »[1] où les instances politiques et les populations seront soumises à des suites de chocs continues et indéfinis, systémique dont seuls l’intensité et le rythme varieront. Ces chocs découlant du changement climatique sont d’abord des causes d’insécurité directes, tels que les phénomènes naturels « extrêmes » : baisse ou hausse drastique des précipitations, cyclone, etc. avec un renforcement de la létalité du fait de la concentration des populations sur les littoraux. Cependant ils sont aussi sources de risques, qui, s’ils sont plus « indirects » n’en sont pas moins des « conflict multiplier » tels que les migrations climatiques ou « réfugiés climatiques » qui entre 2008 et 2012 représentaient plus de 140 millions de personnes et dépassaient le nombre de réfugiés politiques (16,7 millions selon le HCR)[2] mais aussi la contamination de l’environnement par des catastrophes industrielles étrangères : Fukushima, Tchernobyl, etc. Enfin, ces chocs peuvent être des menaces, telles que des guerres pour les ressources pour assurer sécurité, qualité et quantité de ses approvisionnements en matière premières mais aussi les stratégies de résilience des autres États comme l’achat de terre ou Land Grabbing qui peuvent opérer une inflation du prix des denrées alimentaires comme en 2006 pour le riz[3]et la Géo-ingénierie. Cette dernière, même si ses utilisations militaires ont été interdites par la convention ENMOD[4] rendra potentiellement toute catastrophe naturelle susceptible d’être un acte hostile.

L’État, acteur et victime, confronté à des risques imprévisibles et constants devra dès lors intégrer les stratégies de résilience pour continuer de dominer et assurer son autorité, notamment en réduisant l’empreinte énergétique de ses armées et industries de défense sans impacter leur efficacité opérationnelle mais aussi en les formant aux interventions humanitaires, plus nombreuses et qui requièrent des compétences différentes[5]. La modernisation de l’armée russe en cours, qui s’appuie explicitement sur le déploiement rapide de troupes « humanitaires », n’est pas innocente et intimement corrélée au succès de la prise de la Crimée[6]. L’argument environnemental pourrait ainsi devenir potentiellement l’alibi d’intervention armée en territoires souverains étrangers. L’État enfin peut ne pas résister et sombrer. Jared Diamond dans « Effondrement » liste ainsi 5 collapsus, les facteurs décisifs de l’autodestruction d’une société et d’un État. Le premier concerne des dommages irréparables à l’environnement infligés par l’Homme : des écocides, renforcé par le second facteur : un changement climatique perturbant l’équilibre écologique. Les facteurs trois et quatre consistent en la pression militaire des voisins hostiles et le délitement des alliances commerciales ou militaires. Enfin, le cinquième est lié à l’incapacité d’une prise de décision par les élites, que ce soit par esprit de castes ou par manques des outils intellectuels nécessaire pour identifier le problème[7]. Si Diamond parle essentiellement de la disparition des Mayas ou des Vikings du Grand Nord, son analyse est malheureusement de plus en plus d’actualité. Plongé dans ce que Baumard appelle le « vide stratégique » [8] et enfermé dans notre conception traditionnelle d’une Nature distincte de l’Histoire, il nous est difficile de penser sur le temps, d’où notamment l’apparition de cette « longue urgence » que nous n’arrivons pas à résoudre. L’Ecocide semble pour le moins bien avancé et le système international, fondé sur le respect des souverainetés étatiques voit ses frontières voler en éclat sous l’action des entités transnationales voire directement par des politiques révisionnistes comme aux îles Sakoku/Diaoyu et bien sûr en Ukraine. L’Anthropocène est donc une menace existentielle pour les États et les îles de Micronésie qui disparaissent sous les flots sont bien là pour nous le rappeler.

l’Anthropocène : une Géopolitique réformée.

 

La géopolitique selon Kjellen qui se devait être « la science de l’État en tant qu’organisme géographique, tel qu’il se manifeste dans l’espace » semble de fait menacée si ce n’est dépassée. En effet l’État comme autorité ou pouvoir institutionnalisé sur un territoire voit l’irruption du sol fragmenter son domaine souverain et se retrouve menacé d’effondrement en tant qu’organisation des collectivités humaines. La géopolitique si elle veut identifier la charge conflictuelle de l’Anthropocène, se doit ainsi d’évoluer, passer d’une étude de l’inscription de la puissance de l’homme sur la Terre à celle de la configuration spatiale de ses vulnérabilités afin d’aider à bâtir la résilience des sociétés humaines. Elle qui a toujours reconnu l’impératif matériel de la géographie représente un merveilleux outil d’exploration de ces nouvelles lignes de fractures et dangers. Comme le chantait le poète Hölderlin : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ».

Auteur: Tourret Vincent

Étudiant en Master 1 : Relation Internationale Sécurité et Défense de l’université Lyon 3 en échange à l’étranger à Georgetown University.  Journaliste au Journal International. Stagiaire Assistant-Chercheur à la “Potomac Foundation”, Virginia, think tank traitant de “security studies”. ​Double Diplômé en Droit et Science Politique à Lyon 3. 

 

Notes de bas de page: 

[1] VALENTIN, Jean-Michel, « Le soutenable et l’insoutenable. Résilience et Géostratégie », Annales des Mines – Responsabilité et Environnement, 04/2013, n°72, consulté le 03/02/2016, url : http://www.cairn.info.ezscd.univ-lyon3.fr/article.php?ID_ARTICLE=RE_072_0022&DocId=85183&hits=2560+2378+1447+1429+1297+, La Longue Urgence fut théorisée par Kunstler et James Howard.

[2] GEMENNE, François, “L’Anthropocène et ses victimes. Une réflexion terminologique”, CERISCOPE Environnement, 2014, consulté le 05/02/2016, url : http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/anthropocene-et-ses-victimes-une-reflexion-terminologique

[3] SEO, Kihwan et RODRIGUEZ, Natalia, « Land Grab, Food Security and Climate Change : A Vicious Circle in the Global South », consulté le 04/02/2016, url : http://www.intechopen.com/books/human-and-social-dimensions-of-climate-change/land-grab-food-security-and-climate-change-a-vicious-circle-in-the-global-south

[4] ENMOD : Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles adopté le 10 décembre 1976.

[5] ALEX, Bastin, « Préserver la sécurité à l’Anthropocène », Vraiment Durable, 01/2014, n°5, consulté le 03/02/2016, url : http://www.cairn.info.ezscd.univ-lyon3.fr/article.php?ID_ARTICLE=VDUR_005_0177&DocId=92502&hits=5177+5173+4903+4535+4468+4176+4136+4008+3092+1157+1125+1038+115+22+6+.

[6] BRUUSGAARD, Ven Kristin, “Crimea And Russia’s Strategic Overhaul”, Strategic Studies Institute, (2014), url : http://www.strategicstudiesinstitute.army.mil/pubs/Parameters/Issues/Autumn_2014/11_BruusgaardKristin_Crimea%20and%20Russia’s%20Strategic%20Overhaul.pdf, et GRAU, W. Lester, “Restructuring the Tactical Russian Army for Unconventional Warfare”, Red Diamond, volume 5, issue 2, (Kansas, Fort Leavenworth: February 2014).

[7] JOIGNOT, Frédéric, « L’Homme, cet animal suicidaire peint par jared Diamond », Le Monde. 27/09/2012, consulté le 03/02/2016, url : http://abonnes.lemonde.fr/culture/article/2012/09/27/l-homme-animal-suicidaire_1766966_3246.html.

[8] Czakon Wojciech, « Philippe BAUMARD (2012) Le vide stratégique. Paris : CNRS.. », M@n@gement 2/2012 (Vol. 15) , p. 226-233, consulté le 03/02/2016, url : http://www.cairn.info/revue-management-2012-2-page-226.htm.

[1] « Bruno Latour pense autrement la crise écologique », Le Monde, 28/10/2015, consulté le 03/02/2016, url : http://abonnes.lemonde.fr/livres/article/2015/10/28/bruno-latour-pense-autrement-la-crise-ecologique_4798557_3260.html

[2] Ibid.

[3] Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques

[4] BONNEUIL, Christophe et FRESSOZ, Jean-Baptiste, « l’Événement Anthropocène », Seuil, 2013.

[5] AYKUT, Stephan, « COP21 : les ombres d’un accord », Le Monde, consulté le 03/02/2016, url : http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2015/12/16/cop21-les-ombres-d-un-accord_4833210_3232.html

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BONNEUIL, Christophe et FRESSOZ, Jean-Baptiste, « l’Événement Anthropocène », Seuil, 2013.

 

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Czakon Wojciech, « Philippe BAUMARD (2012) Le vide stratégique. Paris : CNRS.. », M@n@gement 2/2012 (Vol. 15) , p. 226-233, consulté le 03/02/2016, url : http://www.cairn.info/revue-management-2012-2-page-226.htm.

 

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SEO, Kihwan et RODRIGUEZ, Natalia, « Land Grab, Food Security and Climate Change : A Vicious Circle in the Global South », consulté le 04/02/2016, url : http://www.intechopen.com/books/human-and-social-dimensions-of-climate-change/land-grab-food-security-and-climate-change-a-vicious-circle-in-the-global-south.

 

VALENTIN, Jean-Michel, « Le soutenable et l’insoutenable. Résilience et Géostratégie », Annales des Mines – Responsabilité et Environnement, 04/2013, n°72, consulté le 03/02/2016, url : http://www.cairn.info.ezscd.univ-lyon3.fr/article.php?ID_ARTICLE=RE_072_0022&DocId=85183&hits=2560+2378+1447+1429+1297+

 

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L’Anthropocène : l’ère catastrophe d’un Homme toujours plus « évolué » /grands-enjeux/lanthropocene-lere-catastrophe-dun-homme-toujours-plus-evolue/ /grands-enjeux/lanthropocene-lere-catastrophe-dun-homme-toujours-plus-evolue/#respond Mon, 07 Mar 2016 15:30:20 +0000 /?p=12256

Article soumis par Idriss Naoui dans le cadre du concours Geolinks sur la Géopolitique de l’Anthropocène. 

Dans son Manifeste pour la terre et l’humanisme, Pierre Rabhi a tenté d’appeler les consciences à s’insurger, d’un point de vue socio-environnemental. « Nous entrons dans une ère où, face aux planifications de l’Homme, la nature décidera et mettra des limites ». Nous serions à quelques secondes symboliques de l’émergence d’une réalité qui aurait dépassé la dystopie. Une nouvelle ère s’est précisée dès lors que l’Homme, dans une course effrénée vers le progrès, a donné vie à la révolution thermo-industrielle. L’Anthropocène, un concept scientifique encore discuté et de plus en plus médiatisé, transcende la simple crise environnementale. Ce néologisme popularisé dès 2000 par le météorologue et chimiste de l’atmosphère Paul Crutzen (Prix Nobel en 1995), traduit l’émergence d’une nouvelle époque géologique. Celle-ci aurait débuté à la fin du XVIIIème siècle, succédant à l’Holocène, et représenterait la période durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère serait majeure.

Le concept est théorique et attend d’être officialisé lors de la rencontre de chercheurs qui aura lieu du 24 au 28 avril 2016 à Oslo. Toutefois, les traces de l’Homme sur la lithosphère ne sont pas fictives et font l’objet de débats, notamment lors des Sommets de la Terre. Vouloir élaborer un terme nouveau corrobore le besoin de se montrer diacritique par rapport à tous les discours sur les crises passagères. L’Homme moderne, consumériste par nature, a laissé son empreinte sur la Terre de manière indélébile, sur des milliers, voire des millions d’années. Bien que l’on puisse prendre conscience du comportement humain face à l’environnement, tout en tentant d’atténuer les potentiels effets catastrophiques qui se présentent pour la postérité, à l’instar d’un Jeremy Rifkin, la machine reste lancée et le Deus ex machina se brûlera tout de même les ailes. Avec des expérimentations chimiques, nucléaires, ou des réaménagements territoriaux, l’Homme a voulu changer l’Histoire en faisant de la science une terra nova pour son développement. Mais le développement est devenu insoutenable, exhortant les sociétés à être plus praxéologiques d’un point de vue politique. Ce Prométhée qu’est le progrès industriel a fait de l’Humanité une force géologique majeure, mais avec un impact inexorable sur le système terrestre. Les activités humaines ont entrainé des changements brutaux perturbant tant les cycles bio-géochimiques que les organisations humaines face à des problèmes nouveaux. L’agriculture intensive et la surpêche, la déforestation et les forêts artificielles, les pollutions de l’air, des eaux et de la terre, les industries et les transports, l’évolution de la démographie et l’urbanisation, l’augmentation exponentielle de la consommation et donc de l’extraction des ressources fossiles ou minérales, la fragmentation écologique, la réduction ou destruction des habitats, et les conflits armés, figurent parmi les activités les plus modificatrices de l’environnement terrestre.

Les perturbations multiples émanant de nos sociétés sont hétérogènes et il y a une imprédictibilité notoire des écosystèmes et de la Terre. Toutefois, des faisceaux d’indices nous laissent penser que si aucune mesure n’est prise pour assurer un avenir plus durable, alors celui-ci sera loin d’être édénique. L’Anthropocène devient clairement un enjeu politique mais souvent minimisé au profit de considérations technocratiques déplacées. L’idéal resterait d’arbitrer les différents groupes humains dans leurs choix techniques et industriels, et de repenser la société de consommation. D’un point de vue réaliste, chercher à refonder de «nouvelles humanités environnementales», pour paraphraser Christophe Bonneuil, Jean- Baptiste Fressoz, tout en s’interrogeant sur notre conception de la liberté de consommer, de l’économie globale, apparaît comme une utopie.

L’Anthropocène n’est pas une ère fortuite dans l’Histoire : fruit d’une longue série de mutations, il implique des questionnements tant rétrospectifs que prospectivistes sur l’éthique environnementale. Le défi homérique de la protection de la biodiversité, de la nature, la recherche de développements durables sont des thématiques de plus en plus exploitées, notamment depuis le rapport Brundtland. Les thuriféraires de l’écologie, longtemps ignorés dans un monde libéral et capitalistique, voient leurs arguments de plus en plus pertinents aujourd’hui. Il est primordial de concevoir des outils normatifs comme une justice internationale centrée sur la cause environnementale, d’assurer des sommets internationaux comme la COP21, etc. Les changements climatiques, la dette et les crises écologiques, le besoin urgent de trouver des énergies renouvelables, la mise en place de responsabilité sociale des entreprises, l’échec du protocole de Kyoto, sont autant de problème à résoudre à l’ère de la mondialisation et de l’économie post-industrielle. Mais en plus de vouloir réduire les émissions de gaz à effets de serre en dressant un bilan carbone, il est aussi important d’avoir un œil critique sur la manière dont les polities conçoivent leurs relations entre elles par rapport aux changements de leurs cadres de vie.

L’évènement « Anthropocène » n’est pas qu’une porte d’entrée dans « l’âge des déchets » : c’est aussi une époque qui sera de plus en plus marquée par les conflits interhumains pour des raisons écologiques, sources de pénuries et donc d’émulations vis-à-vis des plus nantis. Allons-nous vers un catastrophisme inévitable ? Si Tolstoï vivait à notre époque, il écrirait « Guerre, Paix et Nature », étant donné que l’écologie devient une variable essentielle par rapport aux échanges sociétaux. En outre, la guerre porte une atteinte considérable à la Nature. Alors, à l’aune de l’Anthropocène, l’Homme peut-il rester consumériste et ignorer l’environnement, sachant que son comportement peut devenir un casus belli d’autant plus ravageur pour la nature ?

Un Homo Œconomicus déraisonné, propulsé tous azimut vers les scénarii catastrophes de l’Anthropocène

Comprendre le phénomène Anthropocène, et vouloir y survivre, ne doit pas impliquer seulement des graphes ou des statistiques qui simplifient la dynamique du monde. D’un autre côté, il convient de ne pas graviter autour d’un récit réducteur qui rend coupable l’humanité du fait de ses activités. Les cultures sont diversifiées et toutes ne participent pas à la pollution massive de la planète. Ce postulat présuppose tout de même un certain darwinisme social. Philosophiquement, peut-on imaginer que l’Homme des pays les moins avancés puisse ne pas accorder de crédit au progrès industriel et de l’amélioration de son être, même s’il en avait les moyens scientifiques ? L’instauration des humanités environnementales qui atténueraient les disparités des classes sociales, serait-elle voulue ou forcée ?

D’un point de vue réaliste, si Homo homoni lupus, alors il y aurait intrinsèquement un caractère égoïste qui formule les constructions politico-économiques, articulées autour du besoin de richesses. Le souci sincère d’un monde « plus propre » serait, en soi, marginal. Néanmoins, sa recherche est inévitable, même si pour l’instant la puissance humaine reste écocide, faisant du CO , une sacro-sainte notion. La puissance et la naturalisation du désir consumériste, via la création des marchés aimantés par la notion de productivité et de séduction, font fi de la Nature, si bien que des phénomènes, comme l’obsolescence programmée, sont entrés dans les mœurs. Le fétichisme de la marchandise, dans un monde inspiré par l’American Way of life, entraine toutefois des mouvements sociaux réactionnaires face aux multinationales comme Monsanto. Les puissances hégémoniques sont de plus en plus contestées vis-à-vis de leurs choix politiques, militaires et idéologiques. La domination des énergies fossiles, la périurbanisation et la motorisation des sociétés occidentales nécessitent une refonte politique, sous un angle plus écoresponsable.

La modernité a conduit l’Homme à accomplir des prouesses naturelles indéniables, mais elle l’a aussi porté sur la pente de l’aberration existentielle. L’ère industrielle périclite dans l’espoir de donner une importance franche aux alternatives marginalisées. L’essentiel n’est pas de savoir comment éviter une mutation planétaire inexorable, mais bien de savoir comment limiter la dégradation matérielle de la planète. L’idée n’est pas de suivre un paradigme comme le marxisme, mais pour éviter les catastrophes, survivre à la phase du phagocène en abandonnant les institutions capitalistes et productivistes, les dominations et les imaginaires aliénants reste la grammaire de réflexivité la plus sensée … La culture de l’éphémère doit se substituer une culture de valeurs et de modération. Celle-ci n’émergera, pragmatiquement, que lorsque la Terre arrivera à un point de saturation. L’écosophie et les modes de vie des peuples autochtones restent moqués par les adeptes de l’hédonisme aveugle qui conduisent le monde à l’Anthropocène. In concreto, nombreuses sont les personnes qui conservent un mode de vie surdimensionné, même celles qui parlent d’écologie en Occident.

De nombreux exemples, comme celui de l’île de Nauru, dans le Pacifique sud, ravagée par l’exploitation des phosphates et subissant la hausse du niveau des mers, peuvent légitimement incriminer l’extractivisme, la conteneurisation, la non-taxation des carburants d’avion, etc. Une guerre globale s’est déclarée contre la nature au moment où s’est manifestée la brutalité de l’exploitation des hydrocarbures. Rares sont les visionnaires comme Orson Welles qui, en 1942, avec son film La Splendeur des Amberson, dressait déjà avec pessimisme, une chronique sociale concrète montrant un capitalisme absurde et destructeur. La solution la plus simple reste encore d’amorcer un mouvement translatif vers des humanités environnementales « pro-Gaïa », sans pour autant avoir des allures New Age.

L’anthropocène: un vecteur majeur de conflits géopolitiques néfastes pour l’environnement

Au regard de la géopolitique, l’anthropocène est consubstantielle à la thanatocène. L’Homme est animé par une pulsion de mort au sens freudien qui le conduit aux guerres mondiales, à la place des complexes militaro-industriels – nonobstant la nécessité des politiques de défense –, la brutalisation de la nature, à la culture de l’annihilation… Paradoxalement, l’impact est double : les changements écologiques peuvent être belligènes, et les potentiels conflits qui en résultent, portent, in fine, davantage de conséquences sur la Nature. Les Guerres mondiales l’ont prouvé en laissant la pollution chimique des munitions remplies d’arsenic, de mercure, de perchlorates, des obus parsemés sur les champs de bataille, ou dans les mers et les lacs. Dès le siècle dernier, un théâtre guerrier inédit s’est installé sur le village global. Si le Vietnam s’en est relativement remis, des terres comme le Rwanda, l’Irak, le Darfour, l’Afghanistan, en conservent des stigmates environnementales flagrants… Le recours manu militari entraîne forcément des catastrophes écologiques et humaines, en plus d’un déploiement dantesque de matériels déjà polluants par leur fabrication, sans compter l’atome. Ces substances mortifères sont parfois utilisées à des fins perverses, notamment au regard de la période entre 1964 et 1975, où les Américains et leurs alliés ont utilisé « l’agent orange », un défoliant qui aurait porté atteinte à 14% des forêts du Vietnam méridional, entraînant pour les populations, malformations, maladies de la peau et cancers. Les épisodes guerriers ont ravagé les forêts, les fleuves et littoraux, les milieux naturels divers, l’atmosphère… Les eaux du Golfe Persique, en 1991, étaient souillées et les incendies volontaires d’un millier de puits de pétrole laissèrent des traces dans l’atmosphère. Les animaux aussi paient le lourd tribut à la guerre, à l’instar de ces nombreux gorilles des montagnes au Rwanda, ou des cétacés, requins et autres poissons, perturbés par les ondes émises par les sonars des sous-marins qui peuvent les tuer.

Paradoxalement, plus l’Homme accède au progrès pour améliorer son cadre de vie et plus il en profite pour se détruire. Au vu de l’essor massif de la guerre asymétrique, avec la montée de Daesh, et des tensions interétatiques, cette épée de Damoclès qu’est la Troisième Guerre mondiale plane au-dessus de l’humanité, incitant les Hommes à recourir à l’arme nucléaire, initialement tolérée que pour la dissuasion. Cependant avec la prolifération de cette technologie au sein de cultures aux idéologies extrêmes et centripètes, la population mondiale met son avenir en sursis. « Je ne sais pas avec quelles armes sera menée la Troisième Guerre mondiale, mais je sais que la Quatrième le sera avec des bâtons et des pierres » disait Einstein. Noam Chomsky le soulignait, l’impact écologique d’une guerre nucléaire serait dévastateur et les deux bombes sur Hiroshima et Nagasaki, ou les « accidents » de Tchernobyl et Fukushima, ne sont que des échantillons.

Telles les deux faces d’un même Janus, l’environnement peut aussi être la cause des guerres. Par exemple, 67 conflits armés sur les 328 recensés dans le monde avaient pour origine, en 2007, les ressources naturelles. Les premières zones touchées sont l’Asie et l’Afrique. Le Moyen-Orient a aussi été le théâtre de guerres de ce type, notamment avec l’invasion du Koweït par l’Irak pour saisir les réserves de pétrole du pays. Cette énergie fossile en voie d’extinction entraînera, à l’avenir, davantage de conflits, à l’instar de biens précieux comme l’eau, la terre, ou les minéraux. Le cercle est d’autant plus vicieux qu’un pays déjà fragilisé par la guerre aura besoin de compenser ses pertes de ressources naturelles ; ce qui entraînera au court ou au moyen terme d’autres conflits. En soi, une guerre, ce terrorisme écologique, est un drame que l’on doit éviter pour ne pas aggraver les relations diplomatiques des États ou pour ne pas accentuer le processus de pollution mondiale. D’après Alain Joxe, il y a également des risques de militarisation durable en étroite connexion avec l’environnement. Mais comment penser à soigner la planète lorsque les forces armées n’hésitent pas à déployer l’oriflamme ?

Si la guerre est inévitable, peut-elle être propre en limitant les dégâts ? Doit-on incorporer une « Halte à la Croissance » avec le vice serait de réfléchir à la guerre, id est de la préparer avec des normes écologiques en temps de paix ? L’absurdité du credo mieux armé pour « sauver » la planète dénote toute la vacuité des comportements humains en sociétés. L’Anthropocène est une époque de caricature qui mêle des avancées savantes à des tournures triviales galvanisées par la violence. À des fins de productions ou de destruction, l’activité humaine entraine des conséquences funestes d’ampleur planétaire. Ainsi, sans être nihiliste, qu’elle est la finitude de notre monde si l’humain n’est pas capable de redéfinir ses paramètres pour mieux l’habiter ? Penser l’écologie est un dessein urgent que l’on doit saisir tant qu’on le peut, c’est-à-dire en période de paix relative.

« La face entière de la Terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme » écrivait Buffon dès 1778. Si le concept anthropocène ne fait pas encore l’unanimité, il reste l’outil le plus adapté pour expliquer le processus vers lequel nous avançons. Il a le mérite de confronter l’Homme à sa responsabilité. Lui qui voulait être un maestro de la Nature, se retrouve impuissant malgré sa puissance. « La seule question qui se pose désormais à nous, c’est : que voulons-nous faire de ce monde dont nous sommes devenus dans le même temps les fossoyeurs et les gardiens ? » disait Lorius.

 

Auteur: Idriss NAOUI

Diplômé de Master 2 mention Science politique Relations internationales, Francophonie et mondialisation suite à un Master 1 mention Science politique, Relations internationales Sécurité et Défense, à l’Université Jean Moulin Lyon 3.

Crédits image: globaia.org, anthropocene_fr_FINAL.jpg, consulté le 7 mars 2016.

Sources: 

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CRUTZEN Paul J. et STOERMER Eugene F., The Anthropocene, Global Change, NewsLetter, n° 41, 2000, pp. 17-18.

GLOWCZEWSKI Barbara, « Au cœur du soleil ardent : la catastrophe selon les Aborigènes ». In:Communications, 96, Vivre la catastrophe, sous la direction de MOREAU Yoann, 2015, pp. 53-65.

GOSSERIES Axel, « L’éthique environnementale aujourd’hui », In: Revue Philosophique de Louvain, Quatrième série, tome 96, n°3, 1998. pp. 395-426.

GRAS Alain, « Qu’est-ce que l’anthropocène ? », L’Écologiste, n°43, avril-juin 2014, pp. 45-48.

GRINEVALD Jacques, La Biosphère de l’Anthropocène — Pétrole et climat, la double menace, Repère transdisciplinaire 1824-2007, Genève, Éditions Médecine & Hygiène, 2007, 292 p.

GRINEVALD Jacques, « Le concept d’Anthropocène, son contexte historique et scientifique », dans Entropia, n° 12, printemps 2012, pp. 22-38.

LARRERE Catherine et LARRERE Raphaël, « Peut-on échapper au catastrophisme ? », In BOURG Dominique, JOLY Pierre-Benoît et KAUFMANN Alain, Du risque à la menace — Penser la catastrophe, Paris, PUF, 2013.

LORIUS Claude et CARPENTIER Laurent, Voyage dans l’Anthropocène, cette nouvelle ère dont nous sommes les héros, Paris, Actes-Sud, 2011, 200 p.

MASAHIRO Ogino, « Catastrophe et temps In: Communications, 96, Vivre la catastrophe, sous la direction de MOREAU Yoann, 2015, pp. 39-52.

RABHI Pierre, Manifeste pour la terre et l’humanisme : pour une insurrection des consciences, Paris, Actes Sud, 124 p.

REVKIN Andrew, Global Warming : Understanding the Forecast, American Museum of Natural History, Environmental Defense Fund, New York, Abbeville Press, 1992, 180 p.

France Inter, « L’Impact écologique des armes de guerre », émission La Tête au Carré, présenté par Mathieu Vidard, le vendredi 8 juin 2012, http://www.franceinter.fr/emission-la-tete-au-carre-l-impact- ecologique-des-armes-de-guerre

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À qui appartient l’Arctique? /sans-categorie/a-qui-appartient-larctique-2/ /sans-categorie/a-qui-appartient-larctique-2/#respond Thu, 21 Jan 2016 11:13:29 +0000 /?p=12037 La région de l’Arctique vient du grec Arktos signifiant « Ours » référence de la constellation « petite ours polaire » qui indique toujours le Nord. Avec le réchauffement climatique, une partie auparavant inaccessible par voie maritime, a réveillé des souvenirs colonialistes. L’arrivée des nouvelles technologies pour l’extraction en zone difficile et la forte demande de carburant des pays émergents a contribué à une course pour la souveraineté de ce territoire riche en ressources et développant de nouveaux espoir d’axes maritimes. Comment une terre découverte au 15ème siècle est-elle devenue un nouvel eldorado ? Comment la départager ? Huit pays se retrouvent aujourd’hui à se partager légitimement et géographiquement le territoire de L’Arctique, circonscrit dans le cercle polaire nord : le Canada, la Norvège, le Danemark (via le Groenland), les États Unis (par l’Alaska), la Russie, l’Islande, la Finlande et la Suède.

Histoire

La question de l’Arctique peut nous sembler extrêmement récente, cependant l’histoire de sa découverte remonte jusqu’à la période néolithique. Tout commence par une importante constante géopolitique : un lieu de passage qui s’est formé lorsque le détroit de Béring devient accessible dû à la formation d’une banquise de glace, soit un pont entre la Sibérie et l’Alaska. Depuis ce jour, plusieurs pays et nationalités ont essayé de trouver leur place dans le cercle polaire nord. Mais c’est seulement dans le 20eme siècle que les demandes de souveraineté et d’extension de territoire sont formellement réalisées.

Enjeux économiques

 

• Réserves énergétiques

« Qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même » – Walter Raleigh
Aujourd’hui, 80% du commerce mondial se fait par voie maritime et 90% des communications internationales empruntent des câbles sous-marins. Avec le réchauffement climatique, la zone Arctique devient un chemin plus enclin aux navigations et l’exploitation des ressources minières. En effet, la région couvrirait près de 13% des ressources de pétrole soit trois ans de consommation mondiale et 30% des ressources gazières non exploitées soit six ans de consommation mondiale. Les ressources en Arctique représenteraient en Russie, selon le Premier ministre Medvedev, 10 % des revenus liés aux hydrocarbures de la Fédération de Russie. De fait, l’Arctique représente 15 % de son territoire, 20 % de son PIB et 25 % de ses exportations (essentiellement du gaz naturel du site de Yamal). Pour les États-Unis, l’Alaska recouvrirait le tiers des 13% des ressources de pétrole mondiale supposées (soit 30 milliards de barils) ainsi que 12% des ressources supposées de gaz. D’après les estimations de l’Agence internationale de l’énergie en 2012, le pays pourrait être autosuffisant en hydrocarbures d’ici 2020 et même être le premier producteur de pétrole devant l’Arabie Saoudite d’ici 2030. En 2012, l’Alaska fournissait déjà 20% du pétrole américain.
On comprend dès lors les enjeux économiques des pays présents dans la zone. Cependant, d’autres pays espèrent obtenir également une part du gâteau notamment les Chinois qui installent dès 2004 un centre de recherche sur l’île norvégienne Spitzberg. Ils concluent également un accord bilatéral de libre-échange en Islande et un partenariat avec la compagnie pétrolière Eykon pour l’extraction des ressources minières. La Chine se montre présente car le Groenland, indépendant mais toujours sous souveraineté Danoise, détient de nombreuses ressources sur la côte Ouest notamment en terres rares, ce qui en fait un concurrent direct pour la Chine. Le Gouvernement islandais a accordé de nombreux permis offshore de compagnies Danoises, Norvégiennes, Canadiennes, Françaises, Écossaises, Américaines en espérant démontrer ainsi son indépendance économique face au Danemark. De plus, des pays comme Singapour ou le Japon, ont fait de la recherche dans la région un objectif important, étant directement menacés par la montée des océans. Enfin, la Corée du Sud était le premier constructeur naval au monde, très intéressée par le développement d’une nouvelle route maritime. L’Inde tout aussi intéressée, en tant que 3ème consommateur d’énergie mondial. Les pays européens comme les Pays-Bas, l’Italie (ENI) ou la France (Total) revendiquent aussi principalement leurs intérêts économiques.

• Routes commerciales maritimes

Selon la CNUCED le vecteur de commerce concernant la part du transport maritime dans le commerce international est en constante augmentation. En effet, il est lié à la croissance économique des pays développés et des pays émergents, et aussi poussé par la globalisation des marchés. Le commerce maritime international a ainsi atteint 8,17 milliards de tonnes en 2009 (quantité de marchandises transportées).
Les routes du Nord, qui avaient des conditions déplorables de navigation dans l’époque des grandes emprises maritimes, aujourd’hui cependant, ne sont pas les mêmes. De façon inédite, l’Agence spatiale européenne déclare la pleine navigabilité de ces eaux pendant l’été 2007. Désormais, sont recensées au Nord-Ouest cinq des différentes routes qui varient en fonction du local d’entrée, de la direction de transit et de la période de l’année. Les voies du Nord-Ouest permettent de raccourcir d’au moins 4 000 kilomètres l’actuelle trajectoire entre l’Europe et l’Extrême-Orient en passant par le canal de Suez. La route du Nord-Est (qui part de l’Atlantique nord et longe la côte sibérienne jusqu’au Pacifique) était plutôt explorée par des autochtones et par des pécheurs, devient désormais aussi importante que la route Nord-Ouest. À partir de 2008, la route était ouverte et navigable à des fins commerciales. Le pont arctique se limite à lier la Russie au Canada, mais cela renforce les forts positionnements des deux pays dans l’Arctique.
L’enjeu principal de ces routes maritimes alternatives consiste en un gain de temps et d’argent. Les dépenses de combustibles sur une durée plus courte permettent d’économiser aux commerçants plusieurs barils de pétrole. Au-delà de ces avantages, ces nouveaux itinéraires libèrent les plus grands bateaux des contraintes physiques imposées par les canaux de Panama, de Suez et de Malacca.
L’intérêt pour ces voies maritimes ne se limite pas aux pays circonscrit dans le cercle polaire nord, l’Asie aussi s’intéresse fortement à ces routes commerciales. La Chine, l’une des puissances asiatiques la plus présentes sur l’échiquier mondial, se fixe des objectifs comme la création de centres de recherche en Arctique. La Corée du Sud et le Japon aussi sont fortement intéressés et ont déjà un pied dans la région. Pendant que d’autres pays externes se précipitent pour conquérir une place dans les eaux glaciales du Nord, la Russie et le Canada se battent pour prouver que les passages maritimes, si convoités par les autres pays du monde, proviennent de leurs propres eaux intérieures afin de pouvoir imposer leurs règles sur les routes maritimes du Nord-Ouest et du Nord-Est.

Enjeux politiques

• La souveraineté dans les eaux

La mer est au centre de nombreux enjeux géopolitiques. Les deux enjeux principaux concernent la circulation des embarcations étrangères et l’exploitation des fonds marins. Pour preuve, les États-Unis, l’un des rares pays à n’avoir pas ratifié la Convention de Droit des Mers, envisagent désormais d’asseoir sa position en Arctique et en Mer de Chine. Les enjeux concernent l’exploitation des ressources (pêche, exploitation minière et pétrolière offshore…), le droit de navigation, la protection de certaines zones, etc. Si l’on considère que les États sont souverains dans certaines eaux territoriales (à condition de laisser un droit de passage inoffensif aux navires étrangers), cette souveraineté diminue fortement dans la Zone Économique exclusive (ZEE).
Afin d’obtenir le contrôle total des droits de circulation maritime en Arctique, la Russie et le Canada ont défini des lignes de base droites le long de l’archipel arctique canadien pour le Canada, et le long des îles sibériennes pour la Russie, très éloignées de la délimitation de basse mer décrite par la Convention en 1982.

• Points stratégiques militaires

Contrôler militairement une zone maritime permet un rapport de force face aux autres puissances mondiales en s’imposant sur la scène internationale. Le Canada, les États-Unis, le Danemark, la Norvège et la Russie utilisent la zone comme camp d’entrainement pour former des troupes au combat. Depuis 2008, les pays circumpolaires ont montré une volonté de renforcer leur pouvoir dans la région : augmentation de l’effectif sur le terrain, construction de brise-glaces (la Russie possède un avantage numérique avec 37 brise-glaces dont 4 nucléaires) et course aux armements de pointe technologique. Depuis 2008, le plan de stratégie Russe en Arctique prévoit la restauration de 7 aérodromes militaires abandonnés dans les années 1990.
Le cercle polaire arctique met en évidence des conflits comme celui qui oppose Washington et Moscou. Les États-Unis ont mis en place des sites de défense anti-missiles en Alaska comme forme de protection contre les puissances montantes asiatiques.

Enjeux environnementaux

Déchetterie nucléaire

La marine Russe est accusée depuis plusieurs années de déverser des déchets radioactifs et nucléaires en mer. On estime à 200 millions des litres de liquide radioactifs, 14 réacteurs nucléaires, 3 anciens sous-marins soviétiques avec missiles nucléaires et uranium enrichi qui sont de véritables bombes à retardement avec des réactions nucléaires incontrôlables. Bien que les dangers soient démentis par les autorités russes, un rapport écrit lors de leur accident prévoyait de les renflouer au plus tard avant 2014 afin d’éviter une catastrophe environnementale. Le renforcement des troupes militaires des différents pays dans la zone, les essais nucléaires et le développement des partenariats économiques quant à l’extraction des ressources minières ne font qu’accroitre les risques d’un non contrôle de marée noire et d’un rejet des déchets dans l’océan Arctique.

Les écosystèmes

Les écosystèmes pourraient souffrir dans les prochaines années. L’augmentation de 2°C se rapprochera de 5°C dans la zone Arctique ce qui se répercutera sur la fonte des banquises. Cependant, ce n’est pas la fonte des banquises mais la fonte de la glace d’eau douce qui fait monter le niveau des océans. 70% de cette eau douce se trouve en Antarctique. Toutefois, on estime que si 10 % de l’inlandsis groenlandais venait à fondre, le danger serait conséquent. On peut ajouter le schéma de migration des rennes et des baleines qui se trouvera affecté par l’augmentation du trafic maritime, les activités sismiques et la rupture de la glace.

• Quelles instances pour gérer le conflit ?

À l’instar de l’Antarctique, l’Arctique est un océan d’eau et de glace, ainsi délimiter son territoire est bien plus complexe. L’ONU a le pouvoir de délimiter les frontières pour les pays circumpolaires et reçoit régulièrement depuis 2001 des demandes d’agrandissement des territoires. L’ONU a essentiellement une politique territoriale.
Depuis sa création en 1996, le Conseil de l’Arctique qui réunit les huit pays de la région, n’a pas le pouvoir d’édicter des normes. Cependant, il présente l’originalité de donner la parole aux peuples autochtones de l’Arctique mais laisse peu d’ouverture aux puissances étrangères. En 2013, le Conseil s’est élargi avec l’arrivée de 5 nouveaux membres « observateurs » et ne disposant pas du droit de vote : la Chine, le Japon, Singapour, l’Italie et la Corée du Sud. Le Conseil est dirigé par un des 8 membres initiaux pour un mandat de 2 ans afin d’assurer une juste répartition des pouvoirs et traitement des enjeux globaux pour la région. L’ancien premier ministre canadien Steven Harper était centré sur le développement au service des peuples du Nord mais ne se montrait pas positif à l’arrivée des nouveaux observateurs ni à la candidature de l’Union Européenne comme observateur permanent : la relation avec celle-ci est polluée par deux sujets : l’embargo européen sur les produits dérivés du phoque et le refus par l’Union européenne d’accepter les sables bitumineux. L’arrivée de Justin Trudeau (parti libéral) depuis le 4 novembre 2015 risque de changer la politique du Canada sur l’Arctique. Le Premier Ministre envisage d’investir massivement dans l’éducation pour les peuples autochtones, pour améliorer la condition de vie des habitants (nourritures, eau, électricité, infrastructures) et la réduction des émissions de gaz à effet de serre sont devenues une de ses priorités.
Le code polaire a été adopté par l’Organisation Maritime Internationale en 2014 et entrera en vigueur en janvier 2017. Il régule tous les aspects de la navigation dans les latitudes extrêmes de l’Arctique et de l’Antarctique en termes de sécurité des équipages et les mesures liées à la prévention de la pollution. Un certificat sera notamment nécessaire pour pouvoir naviguer dans les eaux polaires en fonction de leurs capacités à évoluer dans différentes épaisseurs de glace.
La Commission des limites du plateau continental s’occupe des demandes d’extension concernant le plateau continental au-delà des 200 milles marins, pendant que l’Autorité internationale des fonds marins est l’intermédiaire légal par laquelle les États concernés passent pour mener des activités d’exploitation dans la Zone.

Conclusion

• A qui l’Arctique appartient- il ?

Après de telles réflexions, il est encore difficile de définir qui est le vrai propriétaire de l’Arctique aussi légitime qu’il soit. Est-ce que l’Arctique appartient au premier pays à proclamer sa souveraineté sur ses terres? Dans ce cas-là, le Canada serait-elle la puissance arctique légitime? Ou même la Norvège? Pourrions-nous dire qu’en dépit de toutes les forces majeures exercées par des pays comme la Russie, le Canada ou les États-Unis, que la plus légitime de toutes les présences en Arctique serait celle des peuples autochtones, ceux qui sont venus en premier par le détroit de Béring, soit les Inuits, Naskapi, Koyukon, Yukaghir? Ou faudrait-il considérer comme propriétaire de l’Arctique celui qui possède les terres où se trouvent les plus grandes concentrations de réserves énergétiques, soit la Russie ? La seule certitude à laquelle on peut s’accorder, c’est que les enjeux qui se posent sont si importants que ce thème ne tombera jamais dans l’oubli par un manque d’intérêt, économiques ou politiques : c’est un vrai dilemme géopolitique qui mettra en lumière le grand acteur du moment.

Cyrielle Meilland et Rebecca Previtera Barros

Sources :

DUPUIS, Jonathan, Le développement du trafic maritime arctique et ses impacts environnementaux, 2010,
ENCEL Frédéric, Comprendre la géopolitique, Points Essais, 2011, 256 pages.
FOUCHER Michel, L’Arctique, la nouvelle frontière, Biblis, 2014, 182 pages.
GARRIC Audrey (2012), « Arctique : terre promise pour les compagnies pétrolières?», Le Mondehttp://www.lemonde.fr/planete/article/2012/09/07/l-arctique-terre-promise-pour-les-compagnies-petrolieres_1755976_3244.html
GATTOLIN André, Arctique : préoccupations européennes pour un enjeu global, Rapport du Sénat, 2014.
KOLLEWETERRY MACALISTE Julia (2012), « Arctique : fourrage il est urgent d’attendre », Courrier international, http://www.courrierinternational.com/article/2012/08/16/forages-il-est-urgent-d-attendre
LASSERRE Frédéric (dir.), Passages et mers arctiques. Géopolitique d’une région en mutation, coll. Géographie contemporaine, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2010, 492 pages.
« Les Etats-Unis bientôt premier producteur mondial de pétrole selon l’Agence internationale de l’énergie », Le Monde, 2012 http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/11/12/les-etats-unis-bientot-premier-producteur-mondial-de-petrole-selon-l-agence-internationale-de-l-energie_1789198_3244.html
MARE Cyril, RAHER Rémi, Géopolitique de l’Arctique, la terre des ours face à l’appétit des nations, L’Harmattan, 2014, 214 pages.
ORTOLLAND Didier, PIRAT Jean-Pierre, Atlas géopolitique des espaces maritimes, Editions TECHNIP, 2008, 352 pages.
ROYER Pierre, Géopolitique des mers et des océans, Major, 2014, 208 pages.
TAITHE Alexandre, Arctique : perspectives stratégiques et militaires, Rapport de la Fondation pour la Recherche, 2013.

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Le développement de la Chine est-il un danger pour l’Occident ? /sans-categorie/le-developpement-de-la-chine-est-il-un-danger-pour-loccident/ /sans-categorie/le-developpement-de-la-chine-est-il-un-danger-pour-loccident/#respond Wed, 20 Jan 2016 08:00:54 +0000 /?p=11943 La Chine est l’une des plus anciennes civilisations du monde. Depuis 4000 ans, de nombreuses dynasties se sont succédées et la dynastie Qin a unifié la Chine sous une même langue : le mandarin. La civilisation chinoise a été construite autour de nombreuses croyances et de rites tels que le taoïsme, le bouddhisme et le confucianisme. On peut alors parler d’une grande nation chinoise possédant une histoire, une langue et une très forte culture.
Après la défaite des deux guerres de l’opium (1839 et 1856), la Chine est humiliée, occupée et asservie par les Occidentaux durant un siècle. En 1949, Mao Ze Dong, premier dirigeant de la République Populaire de Chine, chasse les nationalistes qui se réfugient sur l’île de Taiwan. La Chine se détache peu à peu de l’occupation occidentale et noue un désir de revanche en tentant de s’affirmer sur la scène mondiale actuelle.
Après une longue période d’autarcie, en 1978, le président Deng Xiaoping reprend le pouvoir et ouvre l’économie du pays vers l’extérieur. Dès lors, la Chine connaît une croissance fulgurante contre toutes attentes occidentales. De ce fait, cet accroissement va permettre à la Chine de renforcer son influence sur la scène mondiale, d’un point de vue économique, géopolitique et militaire. Aujourd’hui, la croissance économique de la Chine est d’environ 7% en 2015 (Les Echos data, 2015). L’Occident pourrait ainsi voir ce développement comme une possible future intention de nuire, et considérer la Chine comme une menace.
Malgré une évolution tardive, la montée en puissance de la Chine pourrait-elle remettre en cause l’hégémonie occidentale ?

La Chine, un pays toujours en développement

 

De fortes inégalités socio-économiques

Avant les années 1980, les populations vivaient sur un certain pied d’égalité (notamment du fait du communisme), mais pendant la période de croissance rapide, de fortes inégalités se sont créées, particulièrement dans l’accroissement et dans la distribution des revenus. Une classe très aisée a fait son apparition, creusant le fossé entre les classes sociales. Un clivage s’est formé entre les villes et les campagnes, où le développement économique est très restreint (Le Figaro, 2013).
L’exode rural est actuellement très présent. Malgré de forte restrictions à cause du Huko (carte de résidence), les populations cherchent un meilleur avenir dans les villes portuaires et côtières (qui sont le cœur de l’expansion économique chinoise), et représente 39% de la main-d’œuvre (OCDE, 2010). Par ailleurs, ces derniers n’ont pas accès aux avantages urbains, entrainant ainsi des conditions de vie misérables.
Durant les années 1980, l’indice de Gini en Chine était de 0,29 alors qu’en 2010, il était de 0,421 (World Bank Data, 2013). Au fil des années, la Chine tend de plus en plus à devenir un pays développé, sortant petit à petit de son statut de « pays en développement ».
De plus, malgré son PIB Global de 10 360 milliards $ qui lui a valu la 2e place de puissance économique mondiale en 2014, le PIB par habitant reste très faible (7 589$/ha) (World Bank Data, 2014).
La Chine contrôle actuellement sa croissance démographique avec la politique de l’enfant unique. Cette politique suscite des tensions à cause des sanctions mises en place en cas de non-respect de cette politique. L’importance d’un enfant de sexe masculin a entrainé un grand déséquilibre entre le nombre d’hommes et de femmes.
D’autres facteurs internes font surface et peuvent contribuer à renforcer cette inégalité socio-économique que la Chine connaît actuellement.

Une politique intérieure instable

En Chine, une forte dualité entre le centre et les périphéries est présente. Le centre est un lieu de concentration de population, de richesse, d’informations, de pouvoirs de décisions et d’innovation. Les périphéries dépendent d’eux-mêmes et sont en partie autonomes.
Environ 92% de la population chinoise sont des Hans et 8% font partis des 55 minorités ethniques reconnues en Chine (Gov.uk, 2015). Le gouvernement chinois a accordé une autonomie accrue à cinq régions peuplées par des minorités ethniques. Etant donné que l’État chinois prône l’unité nationale, toute demande d’indépendance sera refusée et fortement réprimée par un recours à la violence. En 2008, une forte répression au Tibet par l’armée chinoise a été recensée, ainsi que dans la région du Xinjiang depuis les années 2013.
Le Tibet et la région du Xinjiang sont des régions géopolitiques et militaires très importantes (hauteur stratégique, présence d’hydrocarbures et frontières avec la Russie et le Moyen-Orient). Les Ouigours, d’origine turque et de tradition musulmane, souhaitent se détacher de la République Populaire de Chine pour faire du Xinjiang une région indépendante. Une petite partie de la population se tourne vers des mouvements séparatistes islamistes comme le « Mouvement islamique du Turkestan oriental (MITO) », groupe qui serait lié à Al-Qaïda. Ces derniers affirment leur mécontentement face au refus d’indépendance par Pékin à travers de nombreux attentats en Chine (Gov.uk, 2015). La région du Xinjiang est actuellement une zone tumultueuse que Pékin garde sous contrôle par une forte présence militaire dans la région.
Aujourd’hui, la corruption en Chine pose problème. La mise en place d’une politique efficace pour la distribution des ressources est certainement freinée par ce phénomène. Beaucoup d’hommes politiques et de fonctionnaires profitent de leur statut et de leur pouvoir régalien afin d’exercer de nombreux abus de pouvoir et de s’enrichir au préjudice de la population.
Cependant, un plan anti-corruption se met en place grâce par l’initiative du président Xi Jinping et qui a déjà contribué à l’arrestation de l’ex ministre de la sécurité publique chinoise en avril 2015 (Le Monde 2015). Les enquêtes dans le milieu administratif, au sein du gouvernement et les contrôles dans les entreprises sont en prévision, afin de lutter contre la corruption.
Le Parti Communiste est le seul et unique parti en Chine. Des mesures drastiques sont mises en place pour contrôler l’information (radio, télévision, internet), afin de bloquer d’éventuelles vagues de propagande autres que celles du Parti Communiste. De nombreux réseaux sociaux, de sites internet, de films et de chaines de télévisions sont censurés (par exemple, impossibilité d’ouvrir un questionnaire Google en Chine). La liberté d’expression y est également très faible. Les manifestations sont strictement interdites et peuvent être réprimées par le recours à la violence. En 2014, durant les manifestations de la « Révolution parapluies » à Hong Kong, de nombreuses violences policières ont été recensées. Le respect des droits de l’Homme en Chine reste un sujet délicat.
Malgré des inégalités socio-économiques fortement présentes et une politique intérieure instable, la Chine est néanmoins un acteur déterminant au niveau mondial.

Un acteur de niveau mondial

 

Une présence dans les instances internationales et de nombreuses alliances économiques

Depuis de nombreuses années la Chine figure parmi les nations les plus influentes au niveau international et régional.
En plus de faire partie du G20 (en réponse aux crises financières qui ont frappé les pays émergents à la fin des années 1990), la Chine populaire est devenue membre permanent du Conseil de Sécurité́ des Nations Unies (ONU) en 1971 à côté des Etats-Unis, de la Russie, de la France et de la Grande Bretagne, symbolisant son influence croissante sur la scène internationale (ONU, 2015).
Puissance exportatrice majeure, la Chine devient membre de l’OMC le 11 décembre 2001 (OMC, 2015). Pékin a rempli ses engagements : baisse de ses droits de douane, élargissement de ses quotas d’importations agricoles, ouverture du secteur des services aux investisseurs étrangers. La Chine est un atelier, mais un marché aussi. Elle est devenue le premier exportateur mondial et le deuxième importateur en 2011: ses échanges commerciaux ont été multipliés par cinq, dans les deux sens (Le Monde, 2011).
Le pays a intégré en 1991 la coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) qui regroupe des pays comme le Canada, le Japon, les Etats-Unis et l’Australie qui se réunissent chaque année. En 1996, s’instaure le dialogue Europe-Asie (ASEM) est un cadre informel de dialogue permettant d’aborder tous les sujets (politique, économique, financier, autres coopérations) et qui rassemble aujourd’hui la quasi-totalité de l’Europe et de l’Asie-Océanie (France diplomatie, 2014).
De plus, depuis 1997, la Chine prend également part aux sommets de l’ASEAN qui s’est progressivement transformée en ASEAN + 3 (Corée du Sud et Japon) (ASEAN, 2015). Elle a également conclu des accords commerciaux régionaux (ACR – zone de libre-échange) en 2010 qui facilitent le développement des échanges commerciaux entre les différents pays, il s’agit de l’ASEAN – China Free Trade Area (troisième zone en termes de PIB) (International Centre for trade and Sustainable Development, 2009).
Autre forme de partenariat, il est important de citer que la Chine a également officialisé avec les BRICS (Brésil, Russie, Inde et Afrique du Sud) la création d’une banque commune et d’un fonds de réserve appelé « la banque de développement », visant à s’affranchir de la tutelle du dollar et des institutions de Bretton Woods mises en place après la seconde guerre mondiale (Fonds monétaire international et Banque mondiale), ce qui accentue sa volonté de s’émanciper des puissances occidentales (Le Figaro, 2014).

Une dépendance chinoise ?

Le fait de voir la Chine parmi les nations les plus influentes du monde n’est pas anodin. Depuis les années 1980, sa croissance a battu tous les records et en a fait un partenaire indispensable au niveau international (1er importateur et exportateur mondial de marchandise en 2013) (OMC, 2014).
Selon l’économiste Marc Touati, malgré le ralentissement « logique » du taux de croissance chinois passé de 12 à 7% en quelques années, l’économie chinoise résistera car elle a de multiples réserves. En revanche, les conséquences pour l’économie mondiale et celle de la zone euro sont bien plus mitigées : « elles n’ont pas de marge de manœuvre » en cas de ralentissement de l’activité économique. Il cite « Depuis 10-15 ans, chaque année, environ 30 à 40% de la croissance mondiale provient de la Chine. (…) La zone euro est en danger ». La Chine a donc véritablement un rôle de moteur de croissance au niveau mondial (France 3, 2015).
Bien que dans l’immédiat l’Europe tire profit du ralentissement chinois (une moindre demande internationale d’hydrocarbures et de matières premières, entraine une baisse des prix), il faut craindre un ralentissement de nos exportations et une instabilité sur le marché des changes, voire une possible relance de la guerre des monnaies, comme on a pu le craindre lors de la baisse du yuan.
En parlant de ses réserves, en plus de détenir une part importante de la dette américaine, la Chine possède aujourd’hui plus de 3 550 milliards de $ de réserve de change malgré une perte de 90 mds de $ ces derniers mois (Les Echos, 2015).
Ces réserves ont été accumulées grâce aux opérations de sous-traitance entrainant de prodigieux profits pour les uns comme pour les autres. La désindustrialisation de l’Amérique du nord puis de l’Europe s’est faite progressivement et a favorisé la balance commerciale chinoise qui est devenue excédentaire à partir de 1990 (+382 457 k$ en 2014). Le yuan maintenu à un niveau sous-évalué permet au pays d’amplifier ses excédents commerciaux qui sont aussi des déficits pour les pays du G7. Ces déficits asphyxient en même temps l’activité et l’emploi dans ces pays.
Il n’y a aucune raison que cela cesse tant que le taux de change reste bas et si les Etats-Unis, ainsi que les autres pays ne prennent pas de mesures de protections (Brunet et Guichard, 2011).
Au vu de cette dépendance de plus en plus pesante, nous pouvons nous demander si la Chine représente une menace pour l’occident ?

La Chine une menace ?

 

Une concurrence « déloyale »

Comme cité précédemment, la Chine pratique la dévaluation de sa monnaie (le Yuan) afin de rester compétitif sur les marchés étrangers et ainsi favoriser ses exportations et sa balance commerciale. François Hollande a lui-même dénoncé une situation « déloyale » caractérisée par « des salaires inacceptablement bas et des monnaies artificiellement sous-évaluées ». Il souhaite une « réforme du système monétaire international », afin que « nous puissions avoir des échanges qui soient mieux équilibrés » (Le Figaro, 2012).
Au niveau environnemental, malgré la signature du protocole de Kyoto en 1998, la Chine est devenue le premier émetteur de gaz à effet de serre au monde en 2006. Grâce à son statut de pays en développement, elle ne fait pas partie des pays contraints à des quotas de réduction d’émission, et n’est donc soumise à aucune obligation formelle dans la lutte contre le changement climatique (économiepolitique.org, 2012).
L’insuffisance des contrôles et des réglementations en Chine conduit à l’exportation de produits dangereux. En 2012, 2 278 produits ont fait l’objet d’une alerte dans l’Union Européenne et plus de 55% provenaient de Chine (Le Monde, 2013).

L’offensive chinoise en Occident

Après l’Afrique, l’Océanie et l’Amérique latine, la Chine s’intéresse maintenant à l’Occident.
Ce qu’on appelle le « soft power », c’est la possibilité d’obtenir un résultat à travers la séduction et non la coercition. Cela reprend le jeu de Go qui consiste à neutraliser ses adversaires en contrôlant des territoires avec des moyens simples en évitant la confrontation directe.
Ce concept est repris en 2003 par Zheng Bijian (proche de l’ancien numéro un chinois Hu Jintao) qui parle de « progression pacifique » et plus récemment, en septembre 2015, par Xi Jinping lors du sommet pour la paix à l’ONU, affirmant que la Chine est là pour la paix (Ministry of Foreign Affairs of the People’s Republic of China, 2015).
L’étude de la Deutsche Bank nous informe que l’évolution du stock d’investissement chinois en Europe est passée de 6,1 mds à 27 mds d’euros entre 2010 et 2014 ; les crises économiques en sont en grande partie responsables. Les investissements chinois sont principalement orientés vers trois secteurs : le tourisme, l’immobilier et le transfert de technologie.
Un autre facteur important, favorisé par la diaspora chinoise, est le développement des instituts Confucius (600 établissements dans le monde avec un budget de annuel de 278 millions de $ en 2013). Ces instituts dispensent des cours de chinois, délivrent des diplômes de langues chinoises et participent à la diffusion de sa culture. C’est un outil prépondérant en Occident, qui depuis 10 ans a pris une ampleur considérable et qui fait la promotion du rêve chinois à l’international.
En plus des investissements, les gouvernements chinois et européens travaillent ensemble pour développer davantage de coopération. Bien évidemment, l’objectif pour la Chine est d’arriver à un traité de libre-échange qui lui ouvrirait en grand les portes européennes.
Il y a comme un sentiment de déséquilibre inversé qui se développe depuis quelques années en Occident. En effet, nous passons progressivement du « made in China au made by China ».

La stratégie géopolitique chinoise

Les conflits territoriaux en mer de Chine prennent de plus en plus d’ampleur en raison de nombreux enjeux stratégiques. L’essor économique de la Chine a renforcé ses ambitions commerciales, géopolitiques et militaires au niveau national et international. Les Etats-Unis, la Chine et le Japon, les trois puissances économiquement interdépendantes, sont donc aussi des rivaux stratégiques. Nous étudierons ces enjeux sous trois points : les revendications en mer de Chine, la stratégie du collier de perle et l’alliance avec la Russie.
Les îles Spartley et Paracel constituent un enjeu majeur en mer de Chine. Ces petites îles inhabitées représentent une immense zone maritime du fait de la dispersion des îlots. On parle ici des zones économiques exclusives ou l’Etat exerce des droits souverains sur une bande de 200 miles marins. Ces îles se situent sur une route maritime extrêmement fréquentée (1/3 du trafic mondial) (Picquard, 2013). De plus, la forte présence de ressources vivantes aquatiques, et de gaz dans cette zone (potentiel d’exploitation d’hydrocarbure de 17,7 milliards de tonnes) justifie donc un éventuel conflit futur. Etant donné que la souveraineté chinoise de ces îles est fortement contestée, le conflit semble inévitable.
Malgré le souhait des Etats-Unis de ne pas entrer en opposition, le gouvernement américain a déployé 320 000 soldats et déplacé 60% de sa flotte maritime dans la région (Picquard, 2013).
Les îles Senkaku, archipel situé entre Taiwan et le Japon seraient une source de souveraineté historique des deux pays. Ces îles ont une très grande importance stratégique à la fois politique et économique. Cet archipel est convoité pour ses côtes poissonneuses, pour ses possibles réserves d’hydrocarbures. De plus, de par leur position géographique, ces îles sont stratégiques pour le contrôle du passage des navires marchands ou de guerre (Picquard, 2013).
Le « collier de perles » est une stratégie de la Chine visant à s’appuyer sur un réseau de bases et de points d’appui afin de pérenniser son transport maritime et protéger ses intérêts économiques (Picquart, 2013). Pour le développer, la Chine a racheté ou loué des installations portuaires, ce qui a pour but d’étendre son contrôle économique et militaire sur la mer de Chine jusqu’au Moyen-Orient. Ces points d’appui développés à l’aide de la marine chinoise suscitent de fortes tensions avec les pays voisins, mais aussi avec l’Occident.
Le 16 octobre 1964, la première bombe atomique chinoise fut testée avec succès. La Chine possède environ 250 têtes nucléaires (Sipri YEARBOOK, 2013), et deux armes extrêmement modernes : le missile antisatellite et le missile anti porte-avion (Le Monde, 2015). Son budget militaire a augmenté de 10,1% en 2015, ce qui représente environ 127 milliards € en 2015, devant la Russie (75 milliards €) et derrière les Etats-Unis (560 milliards €).
En 1996, la Russie et la Chine ont progressé vers un « partenariat stratégique » et en 2001, ils ont signé un traité « d’amitié et de coopération ». Ces deux pays ont coopéré tant au niveau économique (création de la Nouvelle Banque de Développement, vente de matières premières) qu’au niveau militaire (la Russie a déjà vendu plusieurs navires de guerre et avions de chasse à la Chine).

Malgré son statut «  Pays en développement » à cause de ses inégalités socio-économiques et de sa politique intérieur instable, la Chine a une place forte et imposante dans les hautes instances mondiales. Partenaire économique, elle joue le rôle moteur de la croissance mondiale le tout en se développent militairement dans des espaces géographiques clés lui servant à sécuriser à la fois ses réserves en ressources naturelles et ses passages commerciaux.
L’importance du commerce extérieur dans la croissance empêche de discerner aujourd’hui le rôle déstabilisateur de la Chine dans les échanges mondiaux. La crise de la dette souveraine a permis de constater qu’il était illusoire de compter sur une quelconque bienveillance de la Chine. Il faut prendre acte que depuis les années 1990, ce pays a choisi la voie de l’affrontement géopolitique avec les pays occidentaux, qui s’est fortement accentué à partir de 2007 et qui se joue aujourd’hui sur les terrains commercial, économique, budgétaire, monétaire et financier.
Plutôt que de se débattre maladroitement avec des réformes qui aggravent la situation, l’Occident devrait abolir les privilèges dont s’est arrogé la Chine, notamment en 2001, en permettant à la Chine d’entrer à l’OMC sans aucune condition sur son taux de change (Brunet et Guichard, 2011).
Finalement, est ce que la vraie menace ne viendrait pas plutôt de la passivité des pays occidentaux voire même du libre-échange qui aujourd’hui semble se retourner contre nous ?

Rédacteurs : Baptiste PIRAUD & Clifford ZHU

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La Turquie est-elle une démocratie ? L’exemple de la question kurde /geopolitique/la-turquie-est-elle-une-democratie-lexemple-de-la-question-kurde/ /geopolitique/la-turquie-est-elle-une-democratie-lexemple-de-la-question-kurde/#respond Tue, 19 Jan 2016 13:35:41 +0000 /?p=11997  

  Sans titreSource : Bertrams dans De Groene, repris par Courrier International, 2015

Introduction

D’après la Democracy Ranking Association, en 2014, parmi les 193 pays du monde reconnus par l’ONU, il y avait 112 démocraties. La démocratie est couramment définie comme un régime politique dans lequel le peuple exerce sa souveraineté (Larousse, 2015). La Turquie, pays du Proche-Orient situé dans le Sud-Est du continent européen, est officiellement une république depuis 1923, dotée d’un régime parlementaire et pluraliste (Feyzioglu, 1954). Cependant, même si les deux termes sont proches, une république n’est pas nécessairement une démocratie. En effet, le terme république est défini comme une « forme d’organisation politique dans laquelle les détenteurs du pouvoir l’exercent en vertu d’un mandat conféré par le corps social » (Larousse, 2015). D’après Kazancigil, Bilici et Akagül (2013), la Turquie peut aujourd’hui être considérée comme une démocratie puisque la règle fondatrice du régime a été respectée dans la majeure partie des cas depuis l’instauration de la république. De plus, dans sa volonté d’intégrer l’Union européenne, le régime turc a déployé des avancées significatives en faveur de l’établissement et la protection d’un système démocratique. Or, ces efforts sont malheureusement, souvent partiels, et des réformes restent à entreprendre dans de nombreux domaines, tels qu’une séparation plus nette et un rééquilibrage entre les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, la rédaction d’une nouvelle constitution, ou encore le renforcement de l’État de droit, des droits de l’homme et des libertés (Kazancigil, Bilici and Akagül, 2013). Ce dernier domaine couvre tout particulièrement la question des minorités au sein du peuple turc, et notamment les Kurdes, qui forment une frange difficilement acceptée et respectée dans le pays (Arquilliere, Richard et Peignier, 2015). Au regard de la question kurde, quel est l’avenir de la démocratie turque ? En quoi la non-reconnaissance de la minorité kurde empêche-t-elle la Turquie de s’affirmer en tant que pays démocratique moderne ? L’Histoire de la République turque et la volonté de ses leaders de mettre en place une démocratie fonctionnelle démontrent un effort important de la part du gouvernement de transformer la Turquie en un pays entièrement démocratique et économiquement développé. Cependant, l’analyse de la question kurde, tout comme les récents évènements qui ont touché le pays, traduisent un recul et remettent en cause la transition démocratique du pays.

I. Origines de la république et de la démocratie turques

I.1. La République turque

Le 23 octobre 1923, seulement quelques mois après le traité de Lausanne où l’indépendance de la Turquie fut reconnue internationalement, marque un tournant dans l’Histoire de la Turquie avec la proclamation de la République par Mustafa Kemal, élu à la présidence (Kazancigil, Bilici et Akagül, 2013). Le gouvernement de Kemal procède à de nombreuses réformes de modernisation et de laïcisation, notamment avec la séparation des pouvoirs politiques (sultanat) et spirituels (califat). Les confréries religieuses sont également interdites, l’enseignement devient laïc, l’égalité homme femme est reconnue, le Code civil suisse, le Code pénal italien et le Code commercial allemand sont adoptés, et un alphabet phonétique basé sur les caractères latins remplace l’alphabet arabe (Feyzioglu, 1954). L’impact de Kemal en Turquie est tel que l’on parle de « révolution kémaliste » et, en 1934, l’Assemblée lui donne le nom d’Atatürk, qui signifie « père des turcs ». Kemal a permis la mise en place d’un terrain favorable à l’émergence de la démocratie en Turquie. Cependant, toutes ces avancées sociales sont à prendre avec réserve. En effet, dans l’État kémaliste, un seul parti politique était présent en Turquie, autoritaire, il n’a pas réussi à rassembler toutes les minorités qui constituent l’ensemble de la population. Ceci s’est traduit par une complication à la réalisation d’une transition démocratique du pays.

Selon Kazancigil, Bilici et Akagül (2013), la transition démocratique turque a débuté en 1946 avec les premières élections législatives pluralistes de la République, et surtout avec la première alternance au pouvoir lors des élections de 1950 gagnées par le Parti démocrate contre le parti républicain du peuple de Kemal, qui dirigeait le pays depuis 1923. Depuis, la transition démocratique turque a vu son parcours semé d’embûches avec notamment quatre coups d’État militaires et de nombreuses intrusions de l’armée dans la politique. Après le passage au multipartisme, des alternances au pouvoir ont eu lieu à travers des élections libres. Sur 17 élections entre 1946 et 2011, seules 5 ont été contestées ou manipulées (Kazancigil, Bilici et Akagül 2013). Ainsi, si la Turquie peut donc être considérée comme une république, de nombreuses avancées sont aujourd’hui nécessaires pour permettre à la Turquie de renforcer sa démocratie.

I.2. La démocratie turque

La démocratie est en réalité bien plus complexe que la définition qui lui est couramment donnée. En effet, elle doit aussi accorder la liberté d’expression, d’association, de mouvement, de pensée, de croyance et de pratiques religieuses, mais encore de rassemblement, de protestation, de presse, ainsi que le droit à l’expression linguistique, culturelle et identitaire. L’État ne doit pas procéder à la torture et n’exerce pas de violences envers son peuple (Élections en Europe, 2015).

En 2014, the Economist Intelligence Unit a publié la septième édition de son Index of Democracy, qui évalue le degré de démocratie pour 165 pays du monde, soit la majeure partie de la population mondiale (The Economist Intelligence Unit, 2014). Le Democracy Index est basé sur cinq catégories : le processus électoral et le pluralisme, les libertés civiles, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique et la culture politique. Chaque pays se voit attribuer une note dans chacune de ces catégories, et est ensuite, en fonction de sa note finale globale, classé selon l’un de ces types de régimes : démocratie, démocratie imparfaite, régime hybride et régime autoritaire. En 2014, la Turquie, classée 98e sur 167, et, avec un score global de 5,12 sur 10, est considérée comme un régime hybride.

Voici les scores sur 10 obtenus par la Turquie pour les différents critères :

Tableau 1: Notes obtenues par la Turquie au Democracy Index

Critère Score
Processus électoral et pluralisme 6,67
Libertés civiles 3,63
Fonctionnement du gouvernement 5,36
Participation politique 4,44
Culture politique 5,63

Source: basé sur le rapport de The Economist Intelligence Unit, 2014

La carte ci-dessous présente le degré de démocratie selon cet indice, les pays en vert foncé étant les plus démocratiques et les pays en rouge foncé les plus autoritaires:

Document 2 : résultats du Democracy Index

Sans titre1

Source : Extrait de Elections en Europe, 2015

La Turquie est considérée comme pays à régime hybride, car elle ne remplit pas tous les critères de la démocratie, notamment du fait de ses institutions instables, du non-respect de tous les droits de l’homme et du non-respect des minorités. Ces trois points représentent également l’un des critères de Copenhague, que tout pays candidat à l’Union européenne doit respecter, et sont de ce fait les raisons principales pour lesquelles la Turquie n’a pas encore été acceptée au sein de l’union (Bruxelles 2, 2011)

D’après les résultats, le critère démocratique le moins respecté par le gouvernement turc est les libertés civiles. Ce faible résultat est plus concrètement compréhensible lorsque l’on analyse la situation des Kurdes en Turquie.

II. Le peuple kurde

II.1. Les Kurdes

Les Kurdes sont un peuple d’origine iranienne descendant des Mèdes. Leur population est estimée à 30 millions de personnes, répartie principalement entre quatre Etats : la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie (voir carte ci-dessous). Les Kurdes parlent plusieurs dialectes se ressemblant les uns des autres, issus de l’iranien. La majorité des Kurdes est sunnite (80%), mais il existe d’autres communautés, alévie, yézidie, juive, chiite et chrétienne. Ils ont leur propre culture, celle d’un peuple de montagne. Certains Kurdes luttent depuis un siècle pour leur autodétermination et pour la reconnaissance d’un Kurdistan indépendant. Or, ne souhaitant pas perdre une partie de leur territoire, tous les pays abritant des Kurdes s’opposent à la création d’un État kurde (Chitour, 2013).

Document 1 : répartition du peuple kurde

Sans titre2

Source : extrait de Arte, 2015

II.2. Les Kurdes de Turquie

Le gouvernement kémaliste souhaitait avant tout créer une Turquie homogène ethniquement et religieusement, afin d’unir le pays et de voir naître une véritable « nation turque » (Kazancigil, Bilici et Akagül, 2013). Ainsi, à l’arrivée de Kemal au pouvoir, le peuple kurde, qui jusqu’alors n’était pas considéré comme une minorité, est appelé « le peuple turc des montagnes » et voit sa langue interdite par la Constitution. De plus, les noms de famille kurdes et le mot « kurde » lui-même sont interdits (Kutschera, 2015). Cette réforme n’a pas eu l’effet attendu par le gouvernement, c’est-à-dire l’unification puis la dissolution de la communauté kurde au sein de la nation (Kazancigil, Bilici et Akagül 2013). En effet, les Kurdes n’acceptent pas d’obéir au gouvernement kémaliste, qui met fin à leur mode de vie patriarcal, féodal et religieux (Bordenet, 2014). De plus, ils sont toujours en attente de la création d’un État du Kurdistan, qui réunirait les Kurdes de Turquie, d’Iran, d’Irak et de Syrie en un seul État souverain, comme indiqué lors du traité de Sèvres en 1920. Cependant, ce traité n’a pas été accepté par Kemal, et le traité de Lausanne de 1923 revient sur cette autonomie. Une grande révolte kurde a alors lieu dès 1924, après les nouvelles réformes du gouvernement, à laquelle Kemal va répondre en envoyant l’armée sur les terres kurdes afin de réprimer les insurgés. Face au déni de leur existence et de leur identité par le gouvernement, les Kurdes ont régulièrement protesté depuis 1923 (Bordenet, 2014).

Le dernier affrontement entre les Kurdes et l’armée turque est celui du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui en 1984, fait plusieurs dizaines de morts par semaine. Au total, cette guerre a fait plus de 37 000 morts dans la région. Les conflits se sont atténués en 1999, lorsque le chef du PKK, Abdullah Öcalan a été condamné à la prison à perpétuité. Aujourd’hui, le PKK est considéré comme une organisation terroriste par la Turquie et l’Union européenne (Bordenet, 2014). Les Kurdes restent tout de même actifs politiquement. Plusieurs partis prokurdes ont vu le jour ces dernières années, et le parti le plus populaire aujourd’hui est le parti démocratique des peuples (HDP).

En 2015, soit plus de 80 ans après l’arrivée de Kemal au pouvoir et son désir de créer une nation turque, les Kurdes représentent toujours une minorité réprimée par le gouvernement.

III. L’avenir de la démocratie turque

III.1. Le problème des libertés

Les libertés, telles qu’inscrites dans la Constitution, d’expression, de la presse, d’association et de rassemblement politique, ne sont pas appliquées à l’ensemble de la population (Sénat, 2004).

Le rapport annuel de l’association de défense des droits de l’Homme recense, pour 2011, 12 600 arrestations et 3 252 cas de tortures et de mauvais traitements. Parmi ces arrestations, une centaine de journalistes ont été emprisonnés pour s’être exprimés librement contre le gouvernement. La question de la liberté de la presse reste préoccupante en Turquie. Dans ce secteur, comme dans de nombreux autres, les réformes ne sont pas appliquées de manière uniforme. Certains journaux considèrent parfois subir un harcèlement judiciaire, par ailleurs aléatoire selon le lieu ou le moment. Un journal prokurde a ainsi vu 64 de ses éditions saisies le jour de leur parution sur 164 éditions publiées entre septembre 2002 et février 2003. Le rédacteur en chef du journal et son propriétaire faisaient l’objet de 82 procédures pénales au total (Élections en Europe, 2015).

La liberté d’association en Turquie peut également être remise en cause. En effet, tout type d’association n’est pas encore autorisé, en particulier celles créées sur la base de l’appartenance à une race, une ethnie, une religion, une secte, une région ou portant atteinte à la structure unitaire de l’Etat (Sénat, 2004).

Ensuite, la Turquie est le pays d’Europe où il y a le plus de dissolutions de partis politiques. Hormis les partis considérés comme islamistes, les partis prokurdes et d’extrême gauche sont régulièrement dissous (Sénat, 2004).

Tout comme la France, la République de Turquie est fondée sur l’unité de la République et ne reconnaît donc pas officiellement les minorités, hormis les minorités religieuses reconnues dans le traité de Lausanne (Juifs, Arméniens et Grecs). Or, selon les estimations, les Kurdes de Turquie regrouperaient entre 10 et 12 millions de personnes et sont donc de loin la plus forte minorité en Turquie.

III.2.Erdogan, de faux espoirs pour la démocratie

Après avoir été Premier ministre de 2003 à 2014, Recep Rayyip Erdogan, également chef de l’AKP, le parti de la justice et du développement, a été élu président de la République turque le 28 août 2014. Bien qu��il ait laissé entrevoir une lueur d’espoir pour la question kurde au début de ses activités politiques, il peut aujourd’hui être considéré comme une menace envers les institutions démocratiques du pays (The Economist Intelligence Unit, 2014).

En 2003, après son élection, le gouvernement de l’AKP a mis fin à l’état d’urgence au Kurdistan, a autorisé des partis politiques kurdes à faire campagne en langue kurde, a créé une chaîne de télévision publique en langue kurde (Gouëset, 2013). En revanche, ces efforts n’ont pas perduré et la déclaration de M. Erdogan, « Une nation unique, une patrie unique, une langue unique et un drapeau unique » va à l’encontre de la volonté des Kurdes de vivre en harmonie avec les Turcs tout en gardant leur propre identité. En effet, Erdogan exprime explicitement son refus d’accorder aux Kurdes la reconnaissance officielle de leur langue maternelle et de leurs coutumes. Aujourd’hui, la popularité du président est fortement remise en cause. De nombreux Turcs l’accusent en effet de masquer les inégalités, les conflits civils et l’islamisation du pays (Bensoussan, 2015).

Le 7 juin 2015, des élections législatives ont eu lieu en Turquie. Le peuple s’est grandement mobilisé pour ce scrutin avec un taux de participation record de 86,63%. Ces élections ont été un véritable revers pour le chef de l’Etat puisque, au pouvoir depuis 2002, l’AKP n’a pas obtenu la majorité gouvernementale avec 40,86% des votes, l’obligeant à rechercher une alliance pour former un nouveau gouvernement. Derrière à l’AKP, suivent le CHP, social-démocrate avec 25% des voix, le MHP nationaliste avec 16,5% des voix, ainsi que le parti kurde HDP (12,6% des voix). Il s’agit donc d’une avancée majeure pour la communauté kurde (France TV, 2015). Cependant, au mois d’août, M. Erdogan, accusé de vouloir gouverner seul a convoqué de nouvelles élections législatives. Le communiqué officiel du gouvernement annonce : « Sur un constat d’échec, en dépit de tous les contacts réalisés depuis le 9 juillet, un conseil des ministres n’a pu être formé (…). De ce fait, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, M. le président a décidé d’un renouvellement des élections parlementaires » (AFP, 2015). Les élections ont eu lieu le 1er novembre 2015, et l’AKP a regagné la majorité gouvernementale avec 43% des votes (AFP, 2015). Ces nouvelles élections ont été extrêmement controversées, et n’ont fait qu’intensifier les tensions entre le gouvernement et les rebelles kurdes.

En effet, la situation kurde est toujours déplorable. Leyla Birlik, l’une des responsables du parti kurde HDP dans la région de Sirnac, s’exprime pour Euronews (2015) : « Notre succès à vraiment posé problème à l’AKP qui a augmenté le niveau de violence depuis le 7 juin, et cela, sous toutes ses formes : arrestations, gardes à vue, bombardements des montagnes du Kurdistan. Ils se sont attaqués aussi aux militants du HDP, et à tous courants politiques kurdes qui se battent pour la liberté. » De plus, les forces de sécurité de l’État enregistrent elles-mêmes les horreurs qu’elles font subir aux Kurdes. Une fonctionnaire turque travaillant à Sirnac explique : « On ne peut plus sortir dans la rue à partir de 17h. Des véhicules blindés passent avec des policiers armés, qui pourraient vous abattre par accident. Ils donnent l’impression qu’ils peuvent tout faire et que vous ne pouvez pas réagir » (Euronews, 2015).

Le 12 octobre 2015, deux puissantes explosions ont frappé la manifestation de partis, syndicats et ONG proches de la cause kurde qui dénonçaient la reprise des affrontements entre les forces de sécurité et la rébellion kurde. Cet attentat a fait 97 morts et 507 blessés. A la suite de ces évènements, plus de 10.000 manifestants se sont rassemblés pour exprimer leur colère contre M. Erdogan et son gouvernement, accusés de ne pas avoir assuré la sécurité du rassemblement. L’opposition prokurde quant à elle accuse directement M. Erdogan d’être responsable de l’attentat d’Ankara.

III.3.Isolement de la Turquie

La Turquie a demandé son adhésion à l’Union européenne en 1987. Cette candidature a, depuis lors, été sans cesse controversée. En effet, les instabilités économiques du pays et ses manquements démocratiques tels que soulignés précédemment empêchent la Turquie de remplir les critères d’admissibilité à l’Union. De plus, les évènements récents et l’autoritarisme accru du pouvoir de M. Erdogan entachent encore plus l’image de la Turquie en Europe, n’agissant pas en faveur dans ce processus d’intégration.

Sous la gouvernance de l’AKP, la Turquie s’est peu à peu isolée de la scène internationale. Tout d’abord, malgré son appartenance à l’OTAN, la Turquie ne fait rien pour faciliter la lutte contre Daesh, pas même de permettre aux avions de la coalition internationale menée par les États-Unis contre les djihadistes en Irak et en Syrie, d’atterrir sur son sol (Bensoussan, 2015). Ensuite, en janvier dernier, le gouvernement turc a refusé de venir en aide aux Kurdes qui tentaient de défendre Kobané, ville située à la frontière entre la Syrie et la Turquie. Le gouvernement d’Ankara a de ce fait détruit la fragile confiance des Kurdes en leur État. Lors de la victoire des Kurdes contre Daesh à Kobané, face aux mouvements de joie de la population, M. Erdogan redoute de voir se créer en Syrie une zone kurde autonome, qui pourrait engendrer de grands mouvements protestataires de la part des Kurdes de Turquie (Candar, 2015).

La crise des migrants représente ainsi une opportunité pour le gouvernement turc de briser cet isolement. En effet, en utilisant les migrants comme monnaie d’échange et jouant sur les peurs des Européens de se faire dépasser par le nombre, comme monnaie d’échange, M. Erdogan a pu négocier avec l’Union européenne certaines concessions. En obtenant par exemple la suppression des visas pour les ressortissants turcs, ou encore le silence de l’Union sur la question kurde. En échange, M. Erdogan promet un plus grand contrôle des flux migratoires transitant en Turquie et en direction de l’Europe (contrôle soutenu financièrement par l’Union).

 

 

 

Conclusion

La Turquie fait face à de grandes inégalités de développement en termes économique, social, culturel et d’organisation de sa société. Entre un Ouest turc riche et un Est kurde pauvre, aux divisions ethniques s’accumulent inégalités économiques, de développement et d’application des principes démocratiques.  On constate en effet de nombreux manquements aux droits de l’Homme, manquement subit majoritaire par la population kurde du pays. Bien que ces violations des libertés fondamentales soient persistantes, il semble qu’elles soient maintenant d’une ampleur plus limitée. Néanmoins, la question de la minorité kurde est devenue un problème majeur en Turquie, entraînant un conflit civil qui ferme beaucoup de portes au pays en pleine expansion économique et remet en question son entrée dans l’Union européenne.

Les autorités turques, extrêmement critiquées par le peuple, considèrent que l’ensemble de la population bénéficie des mêmes droits et qu’il n’y a pas de raison d’attribuer des droits spécifiques à certains groupes, tout particulièrement aux Kurdes. Or, il est nécessaire de rechercher une solution pour que le peuple kurde se sente intégré comme minorité en Turquie. Par exemple, l’utilisation de leur langue devrait être permise, ce que la plupart des leaders kurdes paraissent prêts à accepter. En effet, les Kurdes ont aujourd’hui deux fois plus d’enfants que les Turcs, ce qui signifie que d’ici une vingtaine d’années, la moitié des hommes en âge de faire leur service militaire aura pour langue maternelle le kurde (Candar, 2015). Le gouvernement actuel semble vouloir progresser sur ce terrain, mais, en raison des violences encore récentes et des incertitudes liées aux actions de Daesh et aux Kurdes des pays voisins, le mouvement de libéralisation pour l’octroi de droits culturels aux minorités  se fait très lentement.

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Audrey MIEGE et Malorie PEYRUCHAUD

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