Institutions – Geolinks Observatoire en Géostratégie de Lyon Thu, 08 Jun 2017 17:25:51 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.6.1 Géopolitique de l’eau : La désertification /grands-enjeux/les-enjeux-geopolitiques/geopolitique-de-leau-la-desertification/ /grands-enjeux/les-enjeux-geopolitiques/geopolitique-de-leau-la-desertification/#respond Wed, 16 Nov 2016 16:33:40 +0000 /?p=8943 La Géopolitique de l’eau : désertification

 

 

Qu’elle soit naturelle ou produit de l’activité humaine, la désertification des sols pose des problèmes auxquels nous devrons faire face dans un futur proche. La Convention des Nations Unies définit la désertification comme la dégradation des terres dans les zones arides, semi arides et subhumide sèche, par suite de divers facteurs liés au climat ou à l’activité humaine.

Le problème grandissant depuis plusieurs décennies déjà, a poussé l’ONU en 1992 à proposer une convention mondiale sur la lutte contre la désertification.

Quels sont les enjeux géopolitiques de la désertification et comment lutter contre ce phénomène ?

Nous étudierons cela au cours de cet exposé en nous intéressant à une zone particulièrement touchée qui est le Sahel, cette bande qui longe le sud du Sahara qui était autrefois composée de pleines verdoyantes.

Nous nous pencherons dans une première partie sur les causes de la désertification, cela nous amènera à nous demander pourquoi la désertification est un enjeu géopolitique contemporain et enfin nous verrons qu’il y a des moyens de lutte contre ce phénomène.

 

Les scientifiques s’accordent à penser que la désertification est causée d’une part par le réchauffement climatique et d’autre part par l’activité humaine sur les zones concernées.

Le changement climatique global que connaît notre planète est un cercle vicieux où de nombreux facteurs rentrent en jeu, concrètement l’augmentation de CO2 dû à l’activité humaine en parallèle avec une déforestation massive à pour effet d’intensifier l’effet de serre et donc d’augmenter la température moyenne de la Terre. Les conséquences sont des dérèglements climatiques et dans notre cas les sols sont exposés à des brulures dues aux UV solaires, à l’érosion provoquée par le vent et l’écoulement de pluies rares et violentes. La terre devient érodée et stérile et forme des plaques désertiques appelées « zipelés ».

L’activité humaine locale est une autre composante importante de la désertification. Il est intéressant de noter qu’il n’y a pas seulement des causes modernes. Des indices laissent à penser que les humains, depuis près de 3000 ans, participent à ce phénomène en coupant le bois des forêts et en exploitant les terres. L’aggravation est cependant beaucoup plus importante au cours des deux derniers siècles. En effet, dans la zone du Sahel, la poussée démographique a eu pour conséquence une surexploitation des terres et du bois. Les terres sont surexploitées afin de produire plus de nourritures, la jachère n’est plus respectée et les sols deviennent stériles. La déforestation fragilise aussi les sols qui ne sont plus tenus par les racines des arbres et ceux ci ne peuvent pas repousser car les ruminants mangent sans cesse les jeunes pousses.

La désertification est donc un cycle qui “s’auto entretient” et qui est aggravé par l’activité humaine.

 

La désertification est en grand défi qui touche environ deux milliards de personnes de nos jours, sans compter que les prévisions démographiques prévoient qu’il faudra nourrir neuf milliards d’êtres humains d’ici 2050. Il n’est pas difficile d’imaginer que la géopolitique de l’eau sera donc un enjeu principal de notre futur. Les régions les plus touchées se situent en Afrique, au Nord et au Sud du Sahara, une grande partie de l’Asie orientale et centrale mais aussi en Amérique pour la partie Sud.

La conséquence majeur est une entrave au développement durable pour plusieurs raisons: la pauvreté des peuples qui tirent de moins en moins de ressources de l’exploitation des terres et  la réticence des investisseurs à investir dans ces zones sèches. Ces facteurs contribuent à la marginalisation de ces zones qui restent à l’écart du développement économique des pays.

Les populations de ces zones sont donc particulièrement affectées et il est difficile pour elles de relever leur niveau de vie. Un communiqué de la journée mondiale de la lutte contre la sécheresse et la désertification, en 2009 (du 17 juin), indique d’ailleurs que « la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse menacent la sécurité humaine en privant des personnes de leurs moyens de vie ».

Ces populations sont confrontées à des situations de migration climatique que l’on peut qualifier d’exil forcé et il en découle des situations conflictuelles non négligeables sur la scène internationale. Nous allons maintenant voir comment la désertification des sols du Sahel peut être reliée à des conflits touchant l’ensemble de la planète.

Les peuples du Sahel, se trouvant dépourvus de leurs droits à la sécurité alimentaire, sanitaire et de l’accès à l’eau potable sont plus enclins à se tourner vers des organisations criminelles ou terroristes afin de profiter de la protection de ces groupes et des retombés économiques qui découlent des différents trafics organisés. La zone du Sahel qui s’étale sur plusieurs pays est maintenant contrôlée par les différents groupes terroristes et rebelles qui s’en servent d’arrière base pour leurs activités transnationales, avec le soutient consenti des populations.

Nous voyons ici que la désertification à des conséquences mondiales et que de lutter contre ce phénomène permettrait d’atténuer des chocs géopolitiques grandissants.

 

Il y a cependant des moyens de lutter contre la désertification et la France a mis en place certaines actions pour prendre part à ces projets. Par exemple cent millions d’euros par an sont dédiés aux actions de lutte contre la désertification dans les pays affectés. De plus de nombreuses ONG travaille à éduquer les populations afin de changer leur mode de travail de la terre, par exemple des systèmes de culture fondé sur le semis direct sous couverture végétale permet de stopper l’érosion des sols et de faciliter l’infiltration de l’eau.

Il y également le Comité Inter-Etat de Lutte contre la sécheresse dans le Sahel qui permet à des acteurs locaux d’accéder à des financements internationaux pour mettre en place des techniques simples et peu couteuses comme le zaï (les semis sont mis en place dans des trous remplis de compost).

Les objectifs de la lutte contre la désertification sont l’amélioration de la gouvernance locale, la diversification des activités pour relâcher la pression sur les ressources, la gestion de l’eau agricole et la conservation et l’amélioration de la qualité des sols. Ceci est détaillé en annexe dans le document « L’action extérieure de la France contre la dégradation des terres et la désertification »

Les  autres organisations luttant contre la désertification sont (liste non exhaustive) :

  • L’ONU
  • Le comité scientifique Français de la Désertification
  • Le Groupe Travail désertification : plateforme Française regroupant des ONG, scientifiques et collectivités locales
  • Réseau Désertification Sahel : Initiative Nord-Sud regroupant Burkina-Faso, Mali, Niger et France

 

Conclusion

 

Le processus de désertification qui caractérise la dégradation des zones arides, semi arides et subhumides sèches pour causes climatiques et humaines ont donc un impact géopolitique important sur les zones concernées. Comme dans la zone du Sahel où la pauvreté et la faim, dû à l’impossibilité d’extraire des ressources de la terre, poussent les populations à migrer ou à chercher de l’aide au niveau d’organisations rebelles ou terroristes. Cependant ce phénomène n’est pas irréversible et certains états dont la France participent à faire changer la situation. Une étude plus large pourrait consister à étudier les migrations de populations pour causes climatiques et les problèmes géopolitiques qui les accompagne.

 

Sources :

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Le TPP : Une mesure de « containment » ? /sans-categorie/le-tpp-une-mesure-de-containment/ /sans-categorie/le-tpp-une-mesure-de-containment/#respond Thu, 29 Sep 2016 09:54:53 +0000 /?p=12402 « A l’âge de la mondialisation et des guerres asymétriques, la réponse américaine aux enjeux du moment est fort différente (par rapport aux années 1970) : les nécessités du désengagement militaire les poussent à privilégier une stratégie géoéconomique afin de conserver leur ascendant géopolitique. Concrètement, Washington identifie aujourd’hui deux rivaux à encadrer : la Chine et la Russie. Il est frappant que les deux vastes traités de libre-échange négociés actuellement (le TAFTA et le TPP) réactualisent dans l’ordre économique et commercial l’ancienne logique du containment. Dans les deux cas, les rivaux sont non seulement exclus des négociations mais menacés par elles ». C’est en ces termes que Frédéric Munier, enseignant en géopolitique en classes préparatoires au lycée Saint Louis de Paris, qualifie la stratégie Américaine pour conserver son statut de puissance hégémonique à l’échelle mondiale dans le 7ème numéro du magazine « Conflits ».  « Containment », le mot est fort : c’était en effet le terme utilisé pour décrire la stratégie Américaine qui visait à stopper l’extension de la zone d’influence soviétique au-delà de ses limites atteintes en 1947, et à soutenir tous les États non communistes. Dès lors, en quoi l’accord de partenariat Trans pacifique (TPP), traité multilatéral de libre-échange  visant à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Américaine, obéit-il à une mesure de « containment » ?

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Les Etats-Unis sont sur le déclin, économiquement et géopolitiquement, et ils en sont conscients. Le centre de l’économie mondiale bascule de l’Ouest, de l’Atlantique, vers l’Est, le Pacifique, l’Asie. L’obtention du « fast track » par Barack Obama, voté par le Sénat après de nombreuses réticences, lui octroyant un pouvoir de négociation accru dans la négociation du TPP, témoigne de l’empressement de ce dernier de redistribuer les cartes en sa faveur . En effet, les multiples échecs militaires (Afghanistan, Irak), les déficits abyssaux (La dette publique Américaine s’élève en 2015 à 18 milliards de dollars), la perte de l’hégémonie économique et la montée en puissance de rivaux menaçants (BRICS) sont autant de facteurs qui poussent les Etats-Unis à consolider leurs blocs géopolitiques en Europe et surtout en Asie, nouveau moteur de la croissance économique mondiale, dont ils entendent bien tirer profit. Cette focalisation sur l’Asie-Pacifique se traduit aussi par la présence militaire : actuellement, 60% de l’US Navy est présente dans le pacifique, contre 50% il y a quelques années. Le partenariat militaire avec le Japon, ennemi héréditaire de la Chine, a été renouvelé, tout comme les bases militaires à Guam, dans les Philippines ainsi qu’en Australie, à Darwin. Aux yeux de la Chine, une telle situation est interprétée comme une volonté d’endiguement de son territoire…

Le TPP est aujourd’hui le plus grand traité économique jamais réalisé : il représente en effet 40% du PIB mondial. En plus d’être un accord de libre-échange, il vise également à établir des normes communes entre les Etats signataires. Dès lors la Chine a tout à perdre face à un basculement des échanges en faveur des membres du TPP en Asie : selon le PECC, les pertes en termes de recettes pour la Chine pourraient s’élever à 34,8 milliards de dollars. Pourquoi un basculement des échanges aurait-il lieu ? Car le TPP inclut 12 des 21 membres de l’APEC, Etats avec lesquels Xi Jinping souhaite créer un traité de libre-échange concurrent, baptisé le FTAAP, traité qui avance à tâtons vu qu’il ne contient pas de calendrier de fin de négociations… Surtout, le TPP vise expressément les membres de l’ASEAN, pré-carré Chinois en termes d’exportations : il faut savoir que bien que les gains potentiels de la Chine, si le FTAAP venait à voir le jour, seraient moindres (+0,27% de PIB, toujours selon le PECC), l’économie Chinoise est extrêmement dépendante des exportations. Du point de vue des économistes Américains, le TPP n’est pas une mesure agressive, bien au contraire. Elle vise simplement à rééquilibrer les forces dans cette région du monde car, selon l’économiste Français Jean-Michel Quatrepoint : «Les Américains et leurs multinationales considèrent que le marché chinois n’est pas suffisamment accessible à leurs entreprises, que les chinois copient allègrement —ils n’ont pas tort —, ne versent pas de redevances quand ils copient, que, en plus, ils ne donnent pas un accès suffisant à leurs marchés aux groupes américains, et qu’ils privilégient les entreprises chinoises pour leur marché». En résumé, l’objectif des Etats-Unis est de un de réduire leur dépendance commerciale vis-à-vis de la Chine, en créant un réseau de partenaires en pleine croissance, et de deux d’étouffer les velléités Chinoises dans le Pacifique et en Asie… Du « containment » à l’état pur.

 

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La stratégie d’endiguement américaine trouve ses origines au XIXème siècle, sous la plume d’Alfred Mahan. Dans son livre intitulé «Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire », le géopoliticien Aymeric Chauprade explique sa pensée comme suit : « En 1897, (…) Mahan définit la doctrine qu’il entend voir défendue par son pays. Elle recommande de : s’associer avec la puissance navale britannique dans le contrôle des mers, contenir l’Allemagne dans son rôle continental et s’opposer aux prétentions du Reich sur les mers, mettre en place une défense coordonnée des européens et des américains destinée à juguler les ambitions asiatiques ». On retrouve le même conflit terre/mer, et la même volonté d’étouffer les ambitions des puissances continentales qu’aujourd’hui. On peut aussi trouver ici les germes de l’OTAN et du TAFTA. Dans le même ouvrage, Mr Chauprade explique en quoi les puissances maritimes étreignent le « heartland » à défaut de l’atteindre, ce qui est aujourd’hui l’objectif du TPP : « La thèse centrale de Mackinder définit l’épicentre des phénomènes géopolitiques à partir du concept de centre géographique. C’est autour du pivot, du « heartland », que s’articulent toutes les dynamiques géopolitiques. Ce pivot de la politique mondiale est l’Eurasie, que la puissance maritime ne parvient pas à atteindre et son cœur intime est la Russie, qui occupe dans l’ensemble du monde la position stratégique qu’occupe l’Allemagne en Europe (…) Autour de cet épicentre des secousses géopolitiques mondiales, (…) s’étendent les terres à rivages. Au-delà des coastlands, deux systèmes insulaires viennent compléter l’encadrement du heartland : la Grande-Bretagne et le Japon ». Ce qui explique les relations étroites qu’entretiennent les Etats-Unis avec ces deux nations, qui peuvent être vues comme les « gendarmes » des Américains autour du bloc continental. L’ancien conseiller du président Carter et éminence grise du TAFTA, Zbigniew Brzezinski, s’inscrit lui aussi dans cette pensée. Toujours selon Mr Chauprade : «Brzezinski défend la logique d’endiguement par les Etats-Unis de la masse Eurasiatique :  les Etats-Unis ne pourront rester la superpuissance unique et globale que s’ils parviennent à isoler la Russie. Le leadership mondial des Etats-Unis passerait par une maîtrise américaine des zones occidentales, méridionales et orientales de l’Eurasie, autour du heartland. L’alliance Atlantique serait la garantie de contrôle de la zone occidentale (…) quant à l’influence Américaine dans la zone orientale, elle aurait fortement décru en Chine, au Viêt-Nam et dans les pays de l’Indochine mais resterait forte en Corée du Sud et au Japon. ». Il a conscience de la vulnérabilité Américaine et voit dans l’alliance du heartland une menace. Il faut isoler la Russie, via une alliance Atlantique et une alliance avec le Japon. Prise en étau à l’Ouest par le TAFTA et à l’Est par le TPP, La Russie se trouve bel et bien dans la position décrite précédemment, et lorsque l’on regarde les membres des deux traités sur une carte, l’isolement du bloc continental saute aux yeux.

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Mais les BRICS, et particulièrement la Chine et la Russie, premières victimes du containment, n’entendent pas se laisser abattre : Sous l’égide de la Russie, les BRICS se donnent les moyens de rivaliser contre les Américains. Cette année, la Russie a réussi à organiser le sommet de l’organisation de coopération de Shanghai et celui des BRICS. L’adhésion de l’Inde et du Pakistan à l’OCS a été acceptée et se concrétisera en 2016, et celle de l’Iran, normalement, suivra. Au-delà de l’économie, c’est un front anti hégémonique qui se construit. C’est une réaction à l’hégémonie américaine, et comme le précise Pascal Marchand dans « Conflits » : « Ce double et même triple sommet constitue un véritable tournant : les BRICS se donnent les moyens de résister à la puissance américaine et de se mettre à l’abri des sanctions économiques qu’elle peut décréter à tout moment, comme elle l’a fait en Crimée. Un véritable front anti-hégémonique serait en cours de constitution pour faire de « l’espace eurasiatique […] notre maison », selon la formule de Vladimir Poutine, à l’abri des intrusions étrangères ».   Les BRICS se donnent les moyens de riposter sur trois fronts : la finance, les nouvelles technologies, et surtout l’énergie. Ainsi en 2014, lors du sixième sommet des BRICS à Fortaleza, la création d’un fonds de réserve monétaire a été décidée, ainsi que celle d’une nouvelle banque de développement, concurrente de la banque mondiale de Washington. En cause, le refus du congrès Américain de valider la réforme du FMI de 2010 qui aurait augmenté les quotes-parts de la Chine, de l’Inde et du Brésil. Elle pourrait accorder ses premiers crédits cette année. Aussi, au sommet d’Oufa, la mise en place d’une station orbitale commune aux BRICS  a été décidée. Mais c’est surtout au niveau de l’énergie que la riposte s’articule : « En s’installant au Moyen-Orient, réservoir pétrolier de la planète, les États-Unis sont en train de contrôler la dépendance énergétique de la Chine. Pékin doit donc diversifier ses approvisionnements. C’est le sens des rapprochements que les Chinois tentent avec La Russie, l’Iran, L’Arabie Saoudite, le Venezuela et les pays Africains du golfe de Guinée. » C’est en ce sens qu’Aymeric Chauprade, dans son ouvrage « Chronique du choc des civilisations », nous décrit la nouvelle inflexion de la Chine en faveur de la Russie. En Mai 2014, par exemple, Pékin et Moscou se sont mis d’accord pour construire le gazoduc force de Sibérie à partir de gisements orientaux déconnectés des bassins travaillant actuellement pour l’Europe. Il explique aussi que bien que « La Chine pourrait être tentée par les immenses richesses de Sibérie Orientale, elle y investit de façon importante (…) mais pour l’instant la Chine a tout intérêt à ne pas assumer les frais d’aménagement et de gestion d’un espace naturellement difficile (…) de toute façon le seul débouché rationnel des matières premières de cette région est l’extrême –orient (…) par ailleurs la complémentarité entre Pékin et Moscou est forte en ce qui concerne la haute technologie ». Malgré des intérêts parfois divergents, les BRICS se rejoignent dans leur volonté d’émancipation vis-à-vis du pôle Atlantiste. Toujours dans le même numéro du magazine « Conflits », Pascal Gauchon explique que « Lors des récents sommets des BRICS et de l’OCS, (…) Xi Jinping a présenté les grandes lignes de sa réponse stratégique : soutenir la Russie, histoire de détourner l’oncle Sam de l’Asie-Pacifique, et s’assurer de la neutralité de l’Inde, cette dernière étant indispensable à la stratégie Américaine d’endiguement » car en effet « Les USA travaillent depuis des années à un rapprochement avec l’Inde. (…) en retour la Chine poursuit une politique de bon voisinage afin d’éviter un partenariat trop solide entre l’Inde et les USA. » La forte diaspora Indienne présente aux Etats-Unis en fait un partenaire naturel, mais l’Inde a conscience de l’intérêt qu’elle a de se rapprocher des pays membres de l’OCS, futur poids lourd de la scène économique mondiale. Mais ceci n’est pas sans intention, cette nation a conscience qu’à l’avenir elle pourra disputer le rôle de leader asiatique à la Chine, c’est pourquoi elle ne regarde pas forcément dans la même direction que cette dernière : « L’Inde travaille aussi avec ses voisins de l’est, notamment le Japon, espérant construire un triangle Inde-Japon-Etats-Unis capable de rivaliser avec La Chine (…) parallèlement les USA sont en train de déposséder l’allié traditionnel Russe de sa place de premier fournisseur d’armement ». Dans la culture Indienne, d’après «la théorie du Mandala» de Kautilya «Votre voisin est votre ennemi naturel et le voisin de votre voisin est votre ami» La question dès lors est de connaître la priorité de l’Inde : l’indépendance vis-à-vis de l’Occident ou voler le titre de leader Asiatique à la Chine ? Une telle situation pourrait faire voler en éclats la stratégie de bloc continental orchestré par la Chine et la Russie… Et les Etats-Unis le savent pertinemment… Quand la Chine et la Russie gardent une rancune historique envers l’Occident, l’une pour les « Traités inégaux » et l’autre pour la Guerre froide, l’Inde doit son rayonnement à l’influence Britannique, par la langue Anglaise.

En conclusion, on peut dire que cette stratégie, ce conflit qui ne dit pas son nom, s’inscrit dans la lignée des conflits entre les paysans (Heartland) qui pensent le temps et les marins (Les Etats-Unis) qui pensent l’espace, pour reprendre la terminologie du penseur Tunisien Ibn Khaldoun. Néanmoins, avec le recul, on peut citer plusieurs incohérences, voire des erreurs dans la stratégie Américaine : premièrement il faut noter qu’une des constantes géopolitiques de la Chine est qu’elle a toujours privilégié la terre au détriment de la mer… Alors que le propre du containment est de bloquer les puissances continentales en leur bloquant leur accès aux mers chaudes voire aux mers tout court (réf : Grand Jeu). Première incohérence. Ensuite, on peut se demander si, à long terme, la Chine et la Russie seront les principaux rivaux des Etats-Unis. C’est vite oublier que le continent affichant les plus gros taux de croissance ces dernières années est l’Afrique, malgré, évidemment, un retard énorme. On peut aussi se demander si l’ingérence brutale des Etats-Unis à l’étranger ne peut pas entraîner un effet boule de neige contre eux, et ainsi perdre de précieux alliés en plus d’affaiblir son Soft Power… Mais surtout, il convient de souligner un bouleversement majeur en Chine qui pourrait contrarier la stratégie Américaine : Les Etats-Unis souhaitent faire diminuer les exportations Chinoises en leur coupant l’herbe sous le pied en Asie du sud-est. C’est ne pas savoir que la crise actuelle en Chine résulte d’un déséquilibre : les prix des exportations Chinoises ont augmenté ces dernières années en raison de l’augmentation des salaires dans l’empire du milieu, elles sont donc moins compétitives sur le marché mondial. Les entreprises Chinoises elles-mêmes délocalisent au Vietnam. Or la demande interne ne suffit pas à compenser le déficit d’exportation. C’est pourquoi, depuis quelques temps, la politique économique Chinoise s’oriente de plus en plus vers une économie de la demande, au détriment des exportations, une demande d’un milliard quatre-cent millions d’individus, soit plus de quatre fois la population Américaine… en plus du projet Chinois de nouvelle route de la soie, autre moyen de contrer l’interventionnisme Américain au Moyen-Orient, visant à développer ses transports et ses apports énergétiques vers l’Europe, l’Asie centrale et l’Afrique. Le containment Américain ne fait qu’accélérer ce processus. Le grand défaut des marins est de trop s’éloigner pendant que les paysans continuent de cultiver…

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Petit Adrien

Janvier 2016

 

Sources

Numéro 7 du magazine Conflit

Chroniques du choc des civilisations, Aymeric Chauprade, édition Chroniques

Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire, Aymeric Chauprade, éditions Ellipses

http://www.latribune.fr/economie/international/tpp-le-japon-et-les-etats-unis-confirme-la-signature-d-un-large-accord-510833.html

http://www.revueconflits.com/

http://blog.realpolitik.tv/

http://www.lexpress.fr/actualite/l-inquietude-de-l-inde-face-aux-actions-de-la-chine_1702886.html

http://www.chinausfocus.com/finance-economy/tpp-or-ftaap-what-it-means-for-us-and-the-asia-pacific-region/

http://chine.blogs.rfi.fr/category/tag-pour-votre-blog-encres-de-chine/apec-chine-zone-de-libre-echange-asie-pacifique-

http://www.latribune.fr/economie/international/asie-pacifique-pour-contrer-le-tpp-la-chine-relance-son-projet-de-plus-grande-zone-de-libre-echange-du-monde-521258.html

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ONU: 68 ans d’opérations de maintien de la paix : Quel bilan ? /risques-menaces-opportunites/12394/ /risques-menaces-opportunites/12394/#respond Mon, 26 Sep 2016 11:25:12 +0000 /?p=12394 Kofi Annan a déclaré que l’Organisation des Nations Unies est « la seule brigade de pompiers au monde à devoir attendre que le feu se déclare avant de demander un camion de pompiers ». En effet l’ONU ne disposant pas de forces propres, elle est, dans chacune de ses action, tributaire de ses Etats membres.

 

Les opérations de maintien de la paix ont, depuis leurs origines, connu un développement original. Issues du blocage du Conseil de sécurité, elles se sont développées de manière autonome et improvisée, toujours dans le but de préserver la paix partout où celle-ci était menacée. La première mission de maintien de la paix fut envoyée dès 1948 lors de la première guerre israélo-arabe (mission UNTSO), et était composée principalement d’observateurs militaires. Il ne s’agissait pas encore d’une intervention militaire, mais cette première opération établit l’un des principes fondateurs des OMP : l’importance du rôle du Secrétaire général dans la conduite des OMP. Elle est aussi considérée par l’ONU comme la première opération de maintien de la paix. Elle sera suivie par la mise en place du Groupe des observateurs des Nations unies entre l’Inde et le Pakistan (UNMOGIP, 1949), et de la Force d’urgence des Nations unies (FUNU I, 1956) qui formeront ce que Jocelyn Coulon et Michel Liégeois appelleront la « triade fondatrice des opérations de maintien de la paix ».

 

 

Le secrétaire général des Nations Unis, Dag Hammarskjöld s’appuya sur l’expérience dégagée de cette triade afin de théoriser la première doctrine du maintien de la paix, qui fait émerger trois concepts de base qui guideront alors les interventions onusiennes en matière de maintien de la paix : le consentement des parties au conflit, l’impartialité de la force déployée et un usage de la force coercitive strictement limité à la légitime défense.

 

 

Ce développement à tâtons a été renforcé par l’élaboration de documents successifs (Agenda pour la paix, Rapport Brahimi, Doctrine Capstone…), qui à l’issu se sont constitué comme véritable doctrine du maintien de la paix.

 

L’élaboration de cette doctrine par la pratique a eu comme avantage de donner une relative autonomie dans les buts et les moyens d’actions des OMP. En effet le Secrétaire général, et le DOMP restent les acteurs principaux et quasiment exclusifs du maintien de la paix au sein de l’ONU. Cette doctrine, bien qu’encore en constante évolution, a su établir un cadre aux opérations de maintien de la paix, leurs faisant ainsi quitter leur tradition d’improvisation pour une mise en œuvre plus structurée.

 

Pourtant la marge de manœuvre du DOMP reste extrêmement limitée. Les premières réussites des OMP, l’élargissement et la diversification des menaces après la guerre froide, ainsi que la volonté des Etats membres d’utiliser les opérations de paix dans de nombreuses situations différentes, ont conduit à un accroissement progressif des missions de maintien de la paix, sans que la doctrine ou les ressources leur étant allouées ne soient revues à la hausse.

 

En effet, si le DOMP est relativement indépendant, il ne dispose néanmoins pas de ressources propres. Son budget est réduit et dépend exclusivement du bon vouloir des Etats membres et ses troupes et matériels sont mis à disposition par les Etats contributeurs, sur la base du volontariat. Ce faisant, il lui est impossible d’adapter sa doctrine sans prendre en compte les recommandations des Etats qui lui fournissent ses moyens d’actions. Il existe une relation directe entre le conseil de sécurité et le secrétaire général, qui lui permet d’influer

 

largement sur l’élaboration de la doctrine, notamment dans les buts qu’elle poursuit. Les contributeurs financiers, pour la grande majorité des pays occidentaux, font également partie du conseil de sécurité et peuvent ainsi avoir un contrôle direct sur les opérations de maintien de la paix, et ainsi imposer leur vision du maintien de la paix. Un retard, volontaire ou non, de paiement, et une diminution des contributions sont d’autres outils à la disposition de ces Etats pour se faire entendre.

 

 

Au-delà de la participation financière, les Etats contributeurs en contingents exercent eux aussi une influence certaine. Celle-ci se présente de manière détournée du fait du manque de liens directs entre les contributeurs, le plus souvent des pays en voie de développement, et les autres acteurs du maintien de la paix : Conseil de sécurité, secrétaire général et DOMP. Ainsi une véritable lutte d’influence s’est installée au sein de ces institutions, entre les Etats contributeurs, sous représentés, et les Etats membres du Conseil de sécurité et payeurs. Il s’agit en effet pour les contributeurs en troupes de posséder une voix, ou du moins un droit de regard sur le déroulé des opérations dans lesquelles leurs hommes seront déployés et pourraient potentiellement trouver la mort. Actuellement les contributeurs en contingents ne prennent pas part aux prises de décisions, alors même qu’ils restent responsables des résultats de ces opérations devant leurs opinions publiques nationales, et qu’ils sont souvent les mieux informés sur les difficultés que rencontrent leurs contingents sur le terrain.

 

Cette rivalité est aussi alimentée par le fait qu’elle s’inscrit aussi dans une lutte entre pays occidentaux dominants, et pays en voie de développement, désireux de se faire une place sur l’échiquier international. Il arrive bien souvent que ces conflits parasitent l’action du DOMP, réduisant l’efficacité des opérations de maintien de la paix, et remettant en cause la vocation universelle au cœur du maintien de la paix. Le manque de dialogue entre les décideurs des OMP et les contributeurs incite également ces derniers à faire pression sur les troupes qu’ils mettent à disposition et sur tous les acteurs du maintien de la paix, afin d’obtenir des garanties quant à l’usage qui est fait de leurs hommes

 

 

L’influence exercée par les contributeurs se rapproche de celle que possèdent les armées nationales. Le désir de conserver un certain contrôle sur ses troupes, la réticence vis à vis des mandats relativement contraignants des OMP, le doute dans les capacités d’un Etat-major disparate et inexpérimenté de mener à bien ces opérations conduisent bien souvent les armées nationales à tenter de conserver une certaine influence sur les hommes déployés dans les OMP. Cette influence, facilitée par l’essor des moyens de communication en temps réels, réduit considérablement la marge de manœuvre des commandants onusiens et impacte l’efficacité des opérations.

 

Il n’est alors pas rare de voir les armées les plus développées tenter d’imposer des modèles qui leur sont propres à l’ensemble des contingents onusiens. Cela est justifiable par volonté d’accroitre l’efficacité opérationnelle des casques bleus, mais entraine aussi le risque de voir l’armée la plus puissante et la plus expérimentée influencer, par le biais d’une organisation qui se veut universelle et égalitaire, les doctrines et moyens des armées d’autres Etats, souvent bien moins développées. Par extension c’est toute la doctrine onusienne de maintien de la paix qui va subir les conséquences de cette lutte d’influence.

 

Nous avons donc vu que la doctrine onusienne est le théâtre de conflits et de luttes d’influences entre Etats membres qui agissent au nom de leurs intérêts propres. Bien qu’elles aient su se développer dans une relative autonomie, les OMP sont aujourd’hui encore largement tributaires de ces Etats. Ces derniers peuvent utiliser le maintien de la paix comme d’un outil stratégique de plus sur la scène internationale pour imposer leur puissance, au détriment des objectifs propres au maintien de la paix, qui connaît aujourd’hui une certaine désillusion.

 

L’ONU, si elle veut pouvoir atteindre ses objectifs de manière optimale, délivrée des frictions qui opposent les différents acteurs étatiques du maintien de la paix, doit apprendre dépasser les visions réalistes des Etats qui la composent, et développer une réflexion totale sur la doctrine à mettre en place, sous peine de connaître les mêmes travers que la Société des Nations.

Elle doit alors continuer son évolution vers une plus grande autonomie et professionnalisation de sa doctrine, notamment sur les moyens mis à disposition pour les OMP. De nombreux acteurs réfléchissent aux meilleurs moyens d’atteindre cette autonomie. Il en ressort un besoin de redéfinir strictement les missions laissées à l’ONU, et d’agir en coopération avec d’autres acteurs, notamment les alliances régionales, ou autres coalitions, afin d’atteindre aux mieux ses objectifs, tout en respectant les limites inhérentes au maintien de la paix onusien. Pour certains, l’externalisation par la privatisation des OMP serait l’une des pistes de réflexion à creuser afin de se libérer au mieux de l’influence étatique.

 

Toutefois une doctrine du maintien de la paix reste nécessairement contrainte par le caractère purement diplomatique des Nations Unies, qui repose entièrement sur le principe du consentement des parties. Ainsi toute évolution ne pourra se faire que lentement, étape par étape, après de longues discussions et d’âpres négociations.

 

Ainsi l’action de l’ONU sera toujours prisonnière des critiques qui condamnent son inefficacité et sa lenteur. A celles-là il faut rappeler que le maintien de la paix a le mérite d’exister, de se développer, et d’agir pour permettre l’achèvement d’une paix mondiale.

Loïc Balayn

Février 2016

 

Travaux cités :

 

1             Site officiel des opérations de maintien de la paix de l’ONU. URL : http://www.un.org/fr/peacekeeping/issues/military.shtml.

 

2             COULON Jocelyn, LIÉGEOIS Michel, « Qu’est-il advenu du maintien de la paix ? L’avenir d’une tradition », Institut Canadien de la Défense et des Affaires Etrangères, 2010, pp. 1-58.

 

URL : http://www.psi.ulaval.ca/fileadmin/psi/documents/Documents/Documents/QU_EST-IL_ADVENU_DU_MAINTIEN_DE_LA_PAIX.pdf

 

3             BOUTROS GHALI, L’Agenda pour la Paix, A/47/277, S/24111, 17 Juin 1992. URL : http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/47/277

 

4             BRAHIMI, Lakhdar, Rapport du groupe d’étude sur les opérations de paix de l’ONU, A/55/305-S/2000/809,Aout 2000.

URL : http://www.un.org/fr/peacekeeping/sites/peace_operations/

 

5             DEPARTEMENT DES OPERATION DE MAINTIEN DE LA PAIX, DEPARTEMENT DE L’APPUI AUX MISSIONS, Opérations de maintien de la paix : Principes et orientations, 18 janvier 2008. pp. 8.

 

URL : http://www.un.org/fr/peacekeeping/documents/capstone_doctrine_fr.pdf

 

6             TARDY Thierry. « Chapitre 3. L’Organisation des Nations unies : l’éternel recommencement ? p. 80-83.

 

7             LIEGEOIS Michel, « Quel avenir pour les Casques bleus et le maintien de la paix ? », Politique étrangère 3/2013 (Automne), p. 65-71.

URL : www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2013-3-page-65.htm

 

8             GUEHENNO Jean-Marie, « Maintien de la paix : les nouveaux défis pour l’ONU et le Conseil de sécurité », Politique étrangère N°3-4 – 2003 – 68e année pp. 689-700.

URL: home/prescript/article/polit_0032-342x_2003_num_68_3_1247.

 

 

9             BEIGBEDER Yves, « La crise financière des Nations Unies et les travaux du Comité des Dix-huit », Annuaire français de droit international, volume 32, 1986. pp. 426-438.

URL : home/prescript/article/afdi_0066-3085_1986_num_32_1_2727.

 

10           TRINQUAND Dominique (Général), « L’Organisation des Nations Unies et les influences qui s’y exercent dans la gestion des crises », Lettre de l’IRSEM n°3, 2013.

URL : http://www.defense.gouv.fr/irsem/publications/lettre-de-l-irsem/les-lettres-de-l-irsem-2012-2013/2013-lettre-de-l-irsem/lettre-de-l-irsem-n-3-2013/dossier-strategique/l-organisation-des-nations-unies-et-les-influences-qui-s-y-exercent-dans-la-gestion-des-crises

 

11           VOELCKEL Michel, « Quelques aspects de la conduite des opérations de maintien de la paix », Annuaire français de droit international, volume 39, 1993. pp. 75.

URL : home/prescript/article/afdi_0066-3085_1993_num_39_1_3122

 

12           Voir l’exemple de la FINUL.

MICHEL Benoît, « Maintien de la paix robuste : le cas de la FINUL renforcée », Politique étrangère /2, 2011, pp. 403-408.

URL : www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2011-2-page-403.htm

 

  • MADONNA Pascal, « Vers l’externalisation du maintien et de la consolidation de la paix ? », Etudes géostratégiques, 22 janvier 2013.

 

  • BANEGAS Richard, « De la guerre au maintien de la paix : le nouveau business mercenaire », Critique internationale, no 1, automne 1998, p. 179-194.
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Synthèse de la conférence ‘‘L’armée de l’air – L’action de l’état dans la 3ème dimension’’ /actualite/synthese-de-la-conference-larmee-de-lair-laction-de-letat-dans-la-3eme-dimension/ /actualite/synthese-de-la-conference-larmee-de-lair-laction-de-letat-dans-la-3eme-dimension/#respond Thu, 04 Jun 2015 12:00:09 +0000 /?p=11367 Synthèse de la conférence
‘‘L’armée de l’air – L’action de l’état dans la 3ème dimension’’
Universités Jean Moulin Lyon 3 – 15 Quai Claude Bernard – 69007 Lyon

Rédigée par Qinxin CAI
Master 1 Management International
Etudiante de l’IAE Université Jean Moulin Lyon 3

 

 

 

 

Introduction

 

L’Armée de l’Air est l’une des quatre composantes des Forces armées françaises ; les autres composantes militaires étant l’Armée de Terre, la Marine nationale et la Gendarmerie nationale. L’Armée de l’Air emploie 50 526 personnes, dont 45 226 militaires et 5 300 civils. Ce qui représente plus de 14% du personnel de la Défense.
Cette conférence est présentée par le commandant du Centre National des Opérations Aériennes, le Colonel Pascal Delerce, qui a pour objectif de nous informer des actions prises par l’État dans la troisième dimension, de la souveraineté dans l’espace national, de la coordination et action interministérielle, de la conduite des opérations extérieures ainsi que de la surveillance exoatmosphérique.

Déroulement de la réunion

 

La présentation débute par le passage en revue des missions quotidiennes de l’Armée de l’Air, qui se tient prête à intervenir en tous lieux et en toutes circonstances, avec des équipements performants et des effectifs constamment entraînés dans des conditions réalistes. C’est essentiel pour remplir une triple mission, de protection, d’intervention et de dissuasion.

Pour sa mission de protection, l’Armée de l’Air met en œuvre des moyens importants pour protéger les citoyens contre des menaces venant du ciel et de l’espace, par exemple les menaces terroristes, militaires ou encore les micros drones. En effet, entre 10000 et 15000 aéronefs survolent le territoire français chaque jour. Elle garantit également la liberté d’action des autorités de l’État et la protection des installations majeures du pays.

Concernant sa mission d’invention en extérieur, ses missions s’étendent de l’aide à apporter lors d’une crise humanitaire ou encore à la lutte contre les effets d’une instabilité politique. Disposant d’un vaste réseau de bases en outre mer et à l’étranger, l’Armée de l’Air a pus effectué en 2014, plus de 217 interventions à but sécuritaire.

Enfin, la mission de dissuasion doit sa crédibilité, car elle repose sur des composantes océaniques et aéroportées complémentaires, disposants d’atouts ainsi que des modes de pénétrations et de projection spécifiques. La composante aéroportée est mise en œuvre au sein de l’armée de l’air par les forces aériennes stratégiques (FAS). Cette capacité, que la France est la seule à détenir en autonome en Europe, occupe une place importante dans son outil de défense, et ce pour un coût budgétaire relativement peu important. En effet, la composante aéroportée représente moins de 10 % du coût de la force nucléaire.

Ensuite, le Colonel Pascal Delerce nous présente les atouts de la 3ème dimension. Premièrement, la défense aérienne effectue une permanence afin d’assurer la sureté de l’espace aérien national. Elle se tient prête à mettre en œuvre les décisions qui lui sont transmises par les instances de décisions politiques et militaires (ministères, CEMA). L’Armée de l’Air possède une capacité d’occupation de l’espace d’autre altitude de plus de 1400 avions déloyale. La protection du territoire aérien national est essentielle et les interventions incluent les cas de détournement d’aéronef, de violation de l’espace aérien, ou d’assistance d’aéronef en danger.

Deuxièmement, la vocation interministérielle de l’outil de souveraineté a pour objectif d’élargir la mission historique de souveraineté à la coordination de l’action dans les cas par exemple d’opérations de sauvetage, les feux de forêt, les transferts de patients. Cette dimension permet aussi de la réactivité au cas où la situation contraindrait les déplacements terrestres.

Troisièmement, la transformation de l’outil historique de souveraineté en outil global pour les opérations extérieures assure la visibilité du concept de défense de la France. Elle vise à décourager tout désir d’agression contre la France ou ses intérêts stratégiques en laissant entrevoir, à tout adversaire potentiel, les risques inacceptables pour lui d’une riposte nucléaire.

L’Armée de l’Air bénéficie de la supériorité inhérente qui lui confère un caractère unique. Au nombre de quatre, ils correspondent à la permanence, la réactivité, la visibilité et l’allonge afin d’assurer la défense interne et extérieure dans le domaine aéronautique français.

À la fin de la conférence, les commandants du centre national des opérations aériennes nous répondent aux questions sur le recrutement et le budget aérien. Depuis quelques années, le secteur aéronautique voit son nombre de postes se réduire (65 métiers de recherche) malgré l’insuffisance de métiers existants. Cependant l’armée aérienne insiste sur l’importance de la formation de la jeunesse pour assurer le niveau d’éducation aéronautique nécessaire. Le budget de 4,4 milliards d’euros, soit 11,5% du budget de la mission Défense, montre la place importante occupée par le domaine aéronautique.

La conférence de « L��armée de l’air – L’action de l’état dans la 3ème édition » fut suivi par un cocktail convivial organisé par l’Université Jean Moulin Lyon 3 en présence de chef des entreprises, de chercheurs, du commandant national des opérations aéronautique.

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La Finlande et l’OTAN: la problématique adhésion /grands-enjeux/les-enjeux-geopolitiques/la-finlande-et-lotan-la-problematique-adhesion/ /grands-enjeux/les-enjeux-geopolitiques/la-finlande-et-lotan-la-problematique-adhesion/#comments Fri, 02 Jan 2015 15:31:49 +0000 /?p=10921  

Le 19 décembre 2014, le premier ministre de la Finlande Alexander Stubb a fait un discours devant les médias dans lequel il a estimé indispensable l’organisation d’un référendum portant sur la question de l’adhésion du pays à l’OTAN. D’après lui, cette mesure sera largement soutenue par le peuple finlandais de par le fait qu’elle s’inscrit pleinement dans le cadre de la politique extérieure de la Finlande (avec la Suède, son pays voisin qui va suivre le même chemin de l’adhésion).

En revanche, le président Sauli Niinistö, soutenu par le ministre des affaires étrangères Erkki Tuomioja, a remarqué que l’adhésion de la Finlande à l’Alliance atlantique ne fera qu’amplifier les tensions dans la région.

Nous allons nous pencher sur les origines et les subtilités de la politique finlandaise actuelle afin de tenter de répondre à la question suivante, à savoir quelles sont les perspectives de l’adhésion de la Finlande à l’OTAN.

 

Historique

La longue histoire des relations russo-finlandaises est tout sauf un long fleuve tranquille. A l’époque, le Grand Duché finlandais faisait partie de l’Empire russe et bénéficiait des droits très élargis : les Finlandais avaient leur propre Constitution, monnaie et calendrier. La tentative de Nicolas II de «russifier» la Finlande a suscité une vive opposition de la part des patriotes locaux : désigné par les autorités russes, le gouverneur Nicolaï Bobrikov a été tué. En décembre 1917, la Finlande proclame son indépendance ; c’était le premier pays qui a reconnu le pouvoir du nouveau gouvernement bolchévique.

Depuis l’acquisition de l’indépendance, la Finlande a été en guerre avec la Russie quatre fois. En 1918-1920, pendant les péripéties de la guerre civile russe, les Finlandais ont profité du moment et ont lancé une offensive de grande envergure en Carélie, allant jusqu’à Petrozavodsk. Conformément au traité de paix de Tartu, la Russie soviétique a accepté de nombreuses concessions territoriales importantes. Malgré cela, les nationalistes finlandais considérent ce traité de «honteux» même aujourd’hui.

Un autre conflit est survenu en hiver 1921-1922 : les Finlandais ont soutenu les séparatistes de Carélie, mais ont dû subir une défaite au final.

En 1920-1930 l’extrême-droite finlandaise a fait la propagande massive du concept de la «Grande Finlande», les partisans les plus ardents proposaient de redéfinir la frontière entre les deux pays, la traçant le long du fleuve de l’Ienisseï.

Durant la Guerre d’Hiver (1939-1940), l’armée soviétique a subi plusieurs pertes humaines, mais a finalement remporté la victoire, en arrachant 11% du territoire finlandais. La tentative de revanche durant la guerre-suite (la Seconde Guerre mondiale) s’est avérée encore par un échec. En 1944, au moment où l’armée rouge a repoussé les Finlandais de Léningrad et les pays de l’Axe (Berlin-Rome-Tokyo) pnt pris la retraite sur tous les fronts, la Finlande a choisi de se retirer de la guerre en concluant un pacte de paix avec des alliés.

 

Finlandisation

Pour la Finlande, la Seconde Guerre mondiale s’est terminée le 10 février 1947, la date à laquelle le traité de Paris a été signé. Le mauvais choix des alliés, ainsi que des tentatives de revanche militaire ont coûté au pays des territoires perdus et d’importantes indemnités à verser aux vainqueurs.

L’après-guerre pour la Finlande est une période de réflexion amère. Après l’échec du pays dans la Seconde Guerre mondiale, le ministre de la Justice et le futur président Urho Kekkonen a trouvé le courage pour parler au peuple : «Nous ne pourrons jamais avoir la même situation que nous avions eu avant la guerre».

Dans les années qui suivent, la politique finlandaise de voisinage a été définie par la ligne Paasikivi-Kekkonen dont le but était de démontrer l’esprit pacifique envers l’Union soviétique. Le 6 avril 1948 l’URSS et la Finlande ont conclu un traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle, selon lequel Helsinki reconnaissait les intérêts stratégiques de l’URSS et promettait de garder la neutralité, ayant en retour la possibilité de garder la démocratie parlementaire, l’économie de marché et surtout sa souveraineté. Cette politique aura le nom de «finlandisation».

Le président finlandais Juho Kusti Paasikivi voulait rassurer Moscou que la Finlande ne présentait pas la menace pour l’URSS, et que le risque d’une attaque militaire en provenance du territoire finlandais était impossible. Paasikivi a contribué au renforcement des relations de bon voisinage avec l’Union soviétique, tout en gardant pourtant une certaine distance avec Moscou. La Finlande restait une partie du monde occidental et n’envisageait pas la possibilité de devenir un jour un pays-satellite de l’URSS.

La «finlandisation» était largement utilisée par les Finlandais pour satisfaire les besoins de leur économie, ravagée par de nombreux conflits militaires. Les relations ont été construites selon le principe «donnant donnant» : les commandes sovétiques ont contribué au développement de l’industrie finlandaise, Helsinki obtenait des matières premières soviétiques à des prix inférieurs à ceux du marché ; de son côté, la Finlande se montrait loyale, en supprimant des films et des livres anti-communistes et en extradant des citoyens soviétiques qui ont voulu quitter l’URSS.

La propagande des relations amicales russo-finlandaises a fini par payer : les dirigeants finlandais ont enfin gagné la confiance de Moscou.

 

Neutralité perdue

La chute de l’URSS a donné à Helsinki un large éventail d’opportunités : trop occuppée par sa situation interne, l’Union soviétique n’était pas en mesure de défendre ses propres intérêts. Mais les autorités finlandaises ont priviligié une approche sobre : ayant cessé d’être une superpuissance, la Russie demeurait toujours un acteur majeur sur l’échiquier international, même si elle était en train de vivre un moment difficile de son histoire. En 1991 la Finlande a résilié la traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle dans le seul but de conclure le même mais avec la Russie qui a succédé à l’Union soviétique. En matière de la sécurité, le point 4 du traité prévoyait une obligation pour les deux Etats de ne pas fournir le libre accès à son territoire dans le cadre de l’agression armée contre l’autre partie et de ne pas accorder une assistance militaire à l’agresseur.

En 1995, la Finlande a rejoint l’Union européenne. Cette adhésion siginifiait l’abandon réel du statut de neutralité, la politique étrangère finlandaise dépendant désormais de la volonté de Bruxelles. Parallèlement à l’approbation de l’inclusion de l’armée finlandaise dans les forces armées européennes, la Finlande se rapproche de l’OTAN en rejoignant en 1994 le «Partenariat pour la paix », un programme de l’Alliance. La Finlande a envoyé ses casques bleus en Bosnie, Kosovo et Afghanistan, mais le Parlement finlandais insiste toujours sur son statut du pays non-aligné.

Si la question de l’appartenance à l’OTAN a toujours été présente sur l’arène politique finlandaise, elle devient pour la première fois un point abondamment abordé pendant les élections présidentielles de 2006. Le candidat Sauli Niinistö a déclaré que la Finlande fera inévitablement partie de l’OTAN, mais la victoire aux élections a été remportée par Tarja Halonen qui s’exprimait contre l’adhésion à l’Alliance.

L’opinion politique finlandaise, majoritairement bienveillante vis-à-vis de son voisin oriental, n’était pas perturbée par la guerre entre la Russie et la Géorgie en 2008. Bien au contraire, la Finlande prend le côté de la Russie : le premier ministre à l’époque, Matti Vanhanen, a souligné que la Finlande n’avait pas l’intention d’adhérer à l’OTAN et que la principale leçon à tirer de ce conflit est la nécessité de tisser les liens plus étroits avec les Russes.

 

La crise en Crimée

La donne change avec la crise en Crimée. Le 2 mars 2014, le président Niinistö a rassemblé une union en urgence de la Commission gouvernementale sur la politique étrangère et de sécurité. Malgré de nombreux reproches des autorités finlandaises vis-à-vis des actions de Moscou, la Finlande exprime sa volonté de servir de médiateur dans le dialogue entre l’Union européenne et la Russie. Le ministre des affaires étrangères Erkki Tuomioja a remarqué qu’il faudra « de longues négociations impliquant la participation du Conseil de l’Europe et de l’OSCE, et en aucun cas la décision finale ne devra signifier la victoire de uns et l’échec des autres ».

Aujourd’hui en Finlande on observe une certaine « mise à jour » dans la conscience du peuple finlandais concernant l’adhésion à l’OTAN dans la lumière de la situation en Ukraine. On se demande si c’est raisonnable de garder le statut du pays non-aligné, étant donné que la situation géopolitique internationale a radicalement changé.

En avril 2014, la Finlande a signé un accord d’entente avec l’OTAN mais le ministre de la Défense Carl Haglund a souligné que ce document ne représente en aucun cas un pas vers l’adhésion à l’Alliance. Ainsi, il n’y a pas eu de transition politique concernant ce sujet : le gouvernelent a reporté ce débat aux élections législatives qui auront lieu en 2015.

 

Fraction sur tous les fronts

D’après les experts, malgré le prognostic, la question sur l’adhésion à l’OTAN ne va pas essentiellement alimenter les débats pendant les élections législatives : « Elle est trop sensible, la plupart des partis (voire tous) ne voudront pas la mettre au centre de leurs programmes de campagne de peur de froisser l’électeur ».

En effet, les sondages effectués en septembre 2014, montrent que le peuple finlandais ne voit pas son pays parmi les membres de l’OTAN. 57% de la population se sont prononcés contre l’adhésion, 26% – pour, et 17% n’ont pas exprimé leur opinion. De même, aucun grand parti politique n’avait d’opinion claire à ce sujet.

La fermeté parlementaire est très importante, car même si le président Niinistö se prononce prudemment en faveur de l’adhésion, la décision finale ne lui appartient pas. En effet, depuis 2000, les questions de la politique étrangère sont adoptées conjointement avec le gouvernement, d’après la nouvelle Constitution.

En même temps, les Finlandais sont méfiants par rapport à la politique menée par l’OTAN. La plupart de la population finlandaise était contre l’intervention en Irak en 2003. On peut y ajouter le scepticisme croissant vis-à-vis de l’Union européenne, surtout dans la lumière des sanctions décidées par Bruxelles qui ont beaucoup nui à l’industrie finlandaise.
A l’heure actuelle, la Finlande ne veut pas irriter son voisin, mais il est très important de comprendre que les autorités finlandaises vont agir en fonction de la position de la Russie qui devra soigneusement calculer les conséquences de sa politique étrangère. Bien évidemment, la Russie n’est pas intéressée de remplacer un Etat neutre et les frontières tranquilles par des bases militaires de l’OTAN à sa porte, mais tout faux pas stratégique peut donner un espoir aux partisans de l’adhésion de la Finlande à l’OTAN.

 

Bibliographie :

Henrik Meinander «Histoire de la Finlande » (« Finlands historia. Linjer, strukturer, vändpunkter »), Editions Tout le monde, 2008, 248 pages.

I.Jurgens, S.Kulik « Sur les perspectives du développement des relations entre la Russie et l’OTAN ». –  Editions de l’Institut du Savoir Contemporain, octobre 2010, 71 pages.

Reynolds David « The Origins of the Cold War in Europe: International Perspectives ». — Yale University Press, 1994.

Nadejda Ermolaieva « Quelle adhésion de la Finlande à l’OTAN ? », Rossijskaia Gazeta, 24 juin 2014.

Jonathan Marcus « Nato faces up to crises on its borders », BBC Europe, 3 septembre 2014.

Andrei Malyshkine « La Fédération de Russie encerclée d’ « amis » : la Finlande et la Suède prévoient d’adhérer à l’OTAN », RIA Novosti, le 3 septembre 2014.

Aleksei Kuprianov « La chaude neutralité finlandaise : la Finlande, va-t-elle adhérer à l’OTAN ? », Lenta.ru, 28 novembre 2014.

 

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L’ingérence /sans-categorie/lingerence/ /sans-categorie/lingerence/#respond Sat, 20 Dec 2014 19:11:32 +0000 /?p=8699 L’ingérence

Qu’est-ce que l’ingérence et comment ce principe s’est-il imposé et élaboré dans le monde ?

L’ingérence selon le dictionnaire français Larousse est « l’action de s’ingérer dans les affaires d’autrui ». C’est en fait, en géopolitique, « l’intervention d’un Etat dans la politique intérieure d’un autre Etat. » L’ingérence est un terme complexe. Le principe de souveraineté est en toute logique lié au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat. En permettant l’ingérence, la communauté internationale s’efforce donc de légitimer certaines interventions tout en respectant le principe fondamental de la souveraineté étatique. On distingue l’ingérence immatérielle et l’ingérence matérielle.

L’ingérence immatérielle renvoie à une immixtion dans les affaires intérieures d’un Etat qui s’opère sous forme de rapports, d’examens de situations, de délibérations d’organes internationaux, ou encore de condamnations politiques ou judiciaires. C’est en fait une forme d’ingérence qui ne nécessite pas de pénétration physique sur le territoire de l’Etat concerné, et qui défend principalement les droits de l’Homme. Par exemple, lorsque le général de Gaulle a proclamé sa célèbre phrase « Vive le Québec libre ! » le 24 juillet 1967 devant la foule canadienne à son arrivée à Montréal, il a fait preuve d’une ingérence immatérielle à l’égard du Canada. Il a utilisé la parole, sans soutenir de manière effective un quelconque mouvement indépendantiste, sans organiser une intervention physique sur le territoire canadien. Le gouvernement d’Ottawa a réagi immédiatement, qualifiant cette ingérence immatérielle d’ « inacceptable ». Le général de Gaulle dut abréger son voyage officiel et rentrer à Paris.

L’ingérence matérielle, quant à elle, se reconnaît à la présence corporelle d’étrangers sur le territoire concerné. Lors d’une action humanitaire par exemple, les étrangers qui interviennent sont présents physiquement sur le territoire, et auprès des populations affectées. Cette forme d’ingérence est généralement plus difficile à être acceptée par un gouvernement. Elle constitue en effet une véritable substitution aux autorités locales pour exercer une fonction sociale. L’Etat victime d’ingérence qui tolère celle-ci avoue son incapacité à gérer son pays, sa population, ou encore avoue opprimer son peuple. De plus une telle ingérence empiète totalement sur la souveraineté de l’Etat.

La notion de « droit d ‘ingérence » n’est apparue que récemment, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Avant, le principe de souveraineté absolue interdisait toute ingérence, tout droit de regard. A titre d’exemple, en 1933, lors du rassemblement de la SDN à Genève, un homme juif avait porté plainte contre les pratiques odieuses des partisans d’Hitler à l’égard des opposants au régime. Le représentant de l’Allemagne, Joseph Goebbels, a simplement répondu « Nous sommes un Etat souverain ; tout ce qu’a dit cet individu ne vous regarde pas. Nous faisons ce que nous voulons (…) et nous n’avons à subir de contrôle ni de l’humanité ni de la SDN ».

L’ingérence est par définition le fait de s’introduire sans en avoir le droit, et semble donc être un concept qui s’oppose au droit. Cependant, après la Seconde Guerre mondiale et les atrocités nazies, l’ONU dit tout fort ce que tout le monde pensait tout bas : Les êtres humains sont à protéger non pas en tant que membres d’un groupe ou citoyens d’un Etat, mais en tant qu’individus. Ainsi depuis 1945, année de la signature de la Charte des Nations Unies, la souveraineté ne constitue plus un rempart pour les gouvernements, qui doivent désormais répondre politiquement ou diplomatiquement de leurs actes.

« Il y a des valeurs plus élevées que la frontière d’un Etat » disait Vaclav Havel. Le droit d’ingérence est petit à petit apparu, et a été de plus en plus accepté par la communauté internationale. Le phénomène de la mondialisation a fortement contribué à généraliser l’expression « droit d’ingérence ».

L’article 2 paragraphe 7 de la Charte des Nations Unies consacre le principe de non-ingérence en interdisant à l’ONU d’intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un Etat afin de respecter la notion de souveraineté. Or une guerre civile peut provoquer de graves troubles sur la scène internationale. Le chapitre 7 de la Charte admet donc une exception au principe de non-ingérence, et autorise les Nations Unies à prendre des mesures coercitives si un pays persiste à ne pas respecter la Charte. Depuis la fin de la guerre froide, des Etats, ou des ONG se permettent d’intervenir en violant les frontières des pays, pour secourir les populations réprimées. La guerre du Kosovo est le symbole de cette « montée » de l’ingérence, avec l’intervention des forces armées de l’OTAN le 24 mars 1999.

L’idée d’ « ingérence humanitaire » est apparue lors de la guerre du Biafra (1967-1970). Ce pays connaissait une terrible famine à cause de la guerre civile qui sévissait. Respectant le principe de non-ingérence qui prévalait alors, la famine a été ignorée par les autres Etats. Le 8 décembre 1988, l’Assemblée Générale de l’ONU consacre ainsi le principe de l’ingérence humanitaire : « Assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et situations d’urgences du même ordre ». Les pères du terme « ingérence humanitaire » sont Bernard Kouchner, fondateur de Médecins sans frontières, et Mario Bettati, professeur de droit international public. Plus qu’un simple droit d’assistance humanitaire, l’idée est de créer un véritable devoir d’ingérence humanitaire. Ainsi, les Etats, ONG et la communauté internationale disposent d’un droit de regard. Au lendemain de cette résolution de l’ONU, l’URSS de Gorbatchev ouvre pour la première fois de son histoire ses frontières, sans visa, au occidentaux venus sauver les victimes du séisme de l’Arménie. La notion de « couloir humanitaire » est introduite plus tard par l’ONU, et désigne une zone sécurisée, inoffensive, qui permet le passage d’une aide humanitaire.

L’ingérence peut être « forcée » ou militaire, c’est-à-dire que les secouristes peuvent être accompagnés de casques bleus (FORPRONU en Bosnie en 1992) ou alors une intervention spécialement habilitée de l’Etat est mise en place. L’ingérence forcée intervient lorsque des obstacles sont dressés par les pays sauveurs ou par les pays receveurs d’aide, ou encore lorsqu’il est urgent de soustraire les victimes à leurs agresseurs. Par exemple les organisations secouristes peuvent se voir interdire par leur gouvernement d’apporter des biens de première nécessité au pays destinataire, qui risquerait de détourner les aides.

Une autre forme d’ingérence est l’ingérence dissuasive. Bernard Kouchner souhaitait «prévenir les massacres », « intervenir avant la catastrophe », « créer un observatoire humanitaire » capable de prédire les futures crises génératrices de drames. Le secrétaire général des Nations Unies Boutro Boutros-Ghali suggère ainsi en 1992 de développer une « diplomatie préventive », en déployant par exemple des casques bleus dans un pays pour prévenir et dissuader une éventuelle guerre civile.

Ainsi, l’ingérence, principe complexe, peut prendre différentes formes, et est plus ou moins tolérée. La position du droit international a remarquablement évolué vis-à-vis de l’ingérence, depuis l’apparition du terme. Les pays sont globalement de plus en plus ouverts aux aides extérieures, jugeant la protection de l’être humain primordiale.

Annexes

  • Mots clés : droits de l’Homme, Intervention, Souveraineté, droit d’ingérence, Organisation des Nations Unies (ONU)

Illustration du paradoxe entre les principes d’ingérence et de souveraineté

« Il y a des valeurs plus élevées que la frontière d’un Etat »

Vaclav Havel

Sources et bibliographie

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La Supranationalité /institutions/organisations-internationales/la-supranationalite/ /institutions/organisations-internationales/la-supranationalite/#comments Fri, 19 Dec 2014 15:19:34 +0000 /?p=8117 « L’Europe est un Etat composé de plusieurs provinces. »

Montesquieu annonçait déjà au XVIIIe siècle le principe de supranationalité dont l’Union Européenne est aujourd’hui l’exemple le plus abouti.

« La Supranationalité » se situe au-dessus des Etats. On parle « d’organisme supranational » pour désigner une organisation qui regroupe plusieurs nations et qui exerce un pouvoir supranational, supérieur à ceux des Etats-nations membres, sur certains sujets.

Le concept de supranationalité s’oppose au principe de « souveraineté » d’un Etat, décrit dans l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, et selon le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation, qui exerce un pouvoir suprême.

Quelles sont les conditions requises pour qu’une organisation puisse être considérée comme un ordre supranational ? La supranationalité est-elle vraiment réalisable à long terme ?

a.   Les niveaux d’intégration des Etats dans les organisations internationales

L’objectif d’une institution supranationale est d’affirmer l’unité de différents Etats sur certains sujets. Les Etats peuvent être plus ou moins intégrés au sein de l’organisation.

Certains sont d’ordre économique, et mettent en place des accords de libre-échange commerciaux. C’est le cas par exemple de la communauté économique Mercosur crée en 1991, qui établit un marché commun entre les pays d’Amérique du Sud ; et de l’ALENA (Accord de Libre-Echange Nord-Américain) datant de 1994, qui crée une zone de libre-échange et assouplit les barrières douanières entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. D’autres organisations supranationales, comme l’Union Africaine, ont des objectifs plus étendus et l’intégration des Etats est plus forte. Etablie en 2002, l’organisation a des objectifs économiques, politiques et législatifs, comme par exemple de promouvoir la démocratie et le respect des droits de l’homme,  et de créer une union solidaire entre les Etats d’Afrique.

A ce jour, l’Union Européenne est considérée comme la seule organisation reconnue comme disposant d’un pouvoir supranational officiel. C’est le système le plus intégré à ce jour, à la fois d’ordre politique, législatif, économique et monétaire, avec une zone de libre échange et de libre circulation garantie par les Accords de Schengen. L’organisation est souveraine par rapport à ses Etats membres : les Etats-nations renoncent à une partie de leur souveraineté, qu’ils délèguent à l’organisation supranationale. Contrairement aux organisations intergouvernementales – où chaque Etat et institution disposent de pouvoirs souverains égaux entre eux –, le pouvoir supranational est supérieur aux pouvoirs souverains des Etats-membres.

Le concept de « l’Europe supranationale », a été évoqué pour la première fois par Robert Schuman le 9 mai 1950, lors de la création d’une nouvelle forme de coopération politique européenne, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA). Son but, d’ordre économique, était de mettre en place une liberté de circulation du charbon et de l’acier dans un marché unique, afin d’établir une solidarité et de relancer les économies européennes d’après-guerre. Cette organisation visait aussi à intégrer politiquement et économiquement les pays d’Europe de l’Ouest, afin de rétablir la stabilité. En 1957, à la suite du Traité de Rome, la CECA est remplacée par la Communauté Economique Européenne (CEE) et élargit le marché commun, à l’ensemble des échanges économiques en général. La Communauté européenne de l’énergie atomique « Euratom », sera aussi créé par ce même traité. En 1967, ces trois organisations supranationales vont être remplacées par la Communauté Européenne. L’Europe s’intègre de plus en plus politiquement et économiquement, jusqu’au Traité de Maastricht de 1991 et la fondation de l’Union Européenne. L’organisation fondée sur un accord interétatique : les Etats membres sont égaux en droit. Les Etats-membres de l’UE délèguent certains pouvoirs de décision.

Par ailleurs, on peut relever que l’ONU n’est pas une organisation supranationale : elle a seulement un avis consultatif et ne représente pas un gouvernement, mais les pays et les peuples. Son but est la résolution de conflits internationaux et le maintien de la paix.

b.   La question particulière de la législation

Le droit supranational s’impose sur le droit constitutionnel des Etats membres de l’organisation supranationale. Si aucune règle supranationale ne s’applique à une situation donnée, on applique par défaut le droit constitutionnel de l’Etat.

Au niveau de l’Union Européenne, l’organisation exerce le droit communautaire, qui s’applique à tous les Etats membres et aux institutions. Ce droit s’impose aux Etats membres de l’UE et rassemble les traités et textes communs établis au sein de l’organisation. La Cour de Justice de l’Union Européenne CJUE est un organe juridique indépendant des Etats-membres, et garantit des règles de droit communautaire. Les Etats membres ont pour obligation de faire appliquer la législation de l’Union Européenne au sein de leurs juridictions nationales. Lorsqu’une loi est votée à la majorité, tous les Etats-membres sont obligés de l’appliquer au niveau national, même pour ceux qui l’on rejetée.

Dans la pratique : La supranationalité est-elle vraiment réalisable à long terme ?

a.   Une construction longue et difficile de l’UE

L’UE est le résultat d’un long processus de changement des mentalités au sein de l’Europe. La question de la supranationalité et la mise en place d’un ordre supra-étatique ont souvent été délicates à faire accepter, et le terme lui-même de supranationalité a parfois disparu des discours politiques. L’idée d’un ordre politique placé au-dessus d’une entité nationale a été dans le passé difficile à accepter dans les mœurs. En France, le général De Gaulle était le principal acteur contre la construction supranationale de l’Europe, et défendait son idée de «  l’Europe des patries », où la souveraineté nationale des Etats était primordiale. De même, le gouvernement britannique de Margaret Thatcher s’y est aussi opposé, refusant de transférer sa souveraineté à un ordre supranational, jugeant que cela réduirait sa puissance et son influence à l’échelle internationale. Aujourd’hui encore, la tentation est grande de remettre en cause la supranationalité de l’Union Européenne.

b.   La supranationalité ou plus simplement, une convergence d’objectifs ?

La construction de la supranationalité en Europe a finalement réussi, grâce à la conjonction de certains critères. Tout d’abord, une expérience commune de la guerre, et une nécessité de se reconstruire ensemble. Ensuite, la concentration de l’union sur des petits territoires nationaux, de tailles équivalentes. La répartition des richesses naturelles est également relativement homogène et les Etats membres sont économiquement stables. Une condition fondamentale est d’avoir affaire à un groupe de nations démocratiques. Enfin, une convergence de points de vues sur l’évolution de la société, par exemple, relatif au droit de la famille, droit de vote, égalité des chances, ou religion.

Ces critères sont rarement tous réunis. Le modèle européen pourrait-il s’appliquer à d’autres régions du monde ? La première limite est le refus d’une autorité supérieure à la souveraineté des Etats-nations membres. En effet, appartenir à une organisation supranationale implique d’abandonner partiellement l’autorité d’un Etat membre sur certains sujets. Cette contrainte pourrait être inconcevable pour certaines nations, qui n’admettraient pas d’ingérence dans leur gouvernance.

D’autre part, la prise de décision supranationale doit être basée sur la majorité des votes, et s’imposer aux membres, même s’ils se sont opposés à certaines décisions.  De plus, les territoires doivent être bien délimités et stables, à l’abri de revendications de la part des pays voisins. La disparité des situations économiques des éventuels Etats-membres peut être un frein à l’établissement d’une organisation supranationale, sans parler des conflits ethniques, religieux, sociaux, qui agitent régulièrement les régimes politiques.

 

Face aux difficultés de la mise en place d’une supranationalité, on peut se demander s’il ne serait pas plus simple d’avoir recours à des organisations internationales non étatiques telles que le G20 ou l’OMC, qui ont des rôles ciblés, ou de mettre en place des plans d’intervention à durée limitée sur des sujets ponctuels, tels que l’énergie ou la santé, auxquels pourraient participer des Etats de tailles et de moyens très différents.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

« Conflits de nationalités: plurinationalité et apatridie », Michel Verwilghen, Martinus Nijhoff Publishers, 2000.

« Penser et construire l’Europe : (1919-1992) », Dominique Barjot, Editions Sede, 2007.

« Le Conseil constitutionnel et le droit supranational », Christine Maugüé, « Pouvoirs » 2003/2 (n° 105), Le Seuil, 2003.

Dictionnaire « Le Robert ». (Définition de « Supranationalité » et « Souveraineté ».

Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, Art. 3, 1789

 

AUTRES SOURCES

http://europa.eu/legislation_summaries/institutional_affairs/treaties/treaties_introduction_fr.htm

http://www.au.int/fr/about/nutshell

http://evene.lefigaro.fr/citations/theme/europe-union-europeenne-ue.php

Photographie : le Journal « La Croix »

 

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Fiche – Principe d’ingérence /grands-enjeux/fiche-principe-dingerence/ /grands-enjeux/fiche-principe-dingerence/#respond Sat, 13 Dec 2014 20:46:39 +0000 /?p=10535 le droit d'ingérence

 

Le principe d’ingérence

« Nous assistons aujourd’hui – lentement, mais je le crois, surement- à l’émergence d’une norme internationale prohibant les formes de répressions violentes à l’encontre d’une catégorie ou d’un peuple. Cette norme doit prendre – et prendra- le pas sur les souverainetés des Etats » [1]. Cette citation de Kofi Annan, ancien Secrétaire Général des Nations Unies, révèle bien le contexte dans lequel le principe du droit d’ingérence a évolué. Le droit d’ingérence a ainsi pu émerger comme un principe du droit international par la rencontre d’une démarche humaniste et d’une volonté politique.

Ainsi, l’ingérence se définit comme étant une « intervention non désirée dans les affaires d’une tierce partie. L’ingérence peut s’effectuer au niveau individuel, organisationnel, ou international. Elle peut aussi prendre diverses orientations : politique, économique, sociale, culturelle, religieuse, et humanitaire »[2] (Définition Perspective Usherbrooke).

Dans le cadre de ce dossier nous nous concentrerons essentiellement sur l’ingérence humanitaire qui est la forme d’ingérence la plus développée aujourd’hui et la seule qui est plus ou moins tolérée par la communauté internationale.

Nous pouvons alors définir l’ingérence humanitaire, que nous généraliserons sous le terme d’ingérence, comme étant la « faculté d’intervention sur le territoire d’un Etat, que le Conseil de Sécurité des Nations Unies s’attribue ou autorise, lorsque des violations graves du droit humanitaire ou des droits de l’Homme s’y commettent »[3] (Définition Encyclopédie Universalis).

Cependant il paraît important de différencier deux notions qui se ressemblent beaucoup : le « droit d’ingérence » et le « devoir d’ingérence ». Ainsi, le droit d’ingérence est le droit des États de violer la souveraineté nationale d’un autre État, en cas de violation massive des droits de la personne, tandis que le devoir d’ingérence, plus contraignant, fait référence à l’obligation morale faite à un État de fournir son assistance en cas d’urgence humanitaire.

De ce fait, afin de mieux comprendre le développement de l’ingérence au cours des dernières décennies et les enjeux qui lui sont associés, nous allons diviser la présentation en trois parties. Tout d’abord, nous reviendrons sur l’historique du concept de droit d’ingérence ; puis nous réaliserons un panorama du droit d’ingérence afin d’en connaitre les caractéristiques, les évolutions et les différentes formes qu’elle peut prendre ; enfin, nous ferons un point sur les enjeux actuels liés à l’ingérence humanitaire

Historique du concept de « droit d’ingérence »

L’ingérence humanitaire est un concept ancien, même si à l’époque il n’était pas connu sous cette dénomination.

Au XVIIème siècle, Hugo Grotius, juriste à l’origine des fondements du droit international, parlait déjà « d’un droit accordé à la société humaine pour intervenir dans le cas où un tyran ferait subir à ses sujets un traitement que nul n’est autorisé à faire »[4]. Au XIXème siècle, on évoquait désormais la notion « d’intervention d’humanité », qui autorisait déjà une grande puissance à agir dans le but de protéger ses ressortissants ou des minorités (ethniques ou religieuses) qui seraient menacées. Ensuite, s’est vu développer l’« intervention humanitaire », c’est-à-dire toute action humanitaire mise en place ou acceptée par la communauté internationale en faveur d’une population dont les droits fondamentaux sont violés. Il peut s’agir soit de la protection des nationaux de l’Etat qui intervient, soit la protection des nationaux de l’Etat dans lequel l’intervention a lieu, soit une protection mixte qui protège les minorités. C’est donc dans le prolongement de « l’intervention humanitaire » que s’est développée la notion « d’ingérence humanitaire », concept qui a été théorisé seulement dans les années 1980.

Ainsi c’est au cours du XXème siècle qu’est née l’appellation « ingérence humanitaire ».  Monsieur Bernard KOUCHNER, médecin et cofondateur de Médecins Sans Frontières et Médecins du Monde, a joué un rôle important dans l’émergence de cette notion.

De ce fait, en 1967, a eu lieu ce que l’on pourrait considérer comme la première manifestation d’ingérence. Le Nigéria était dans une situation quelque peu controversée. Le pays venait de découvrir du pétrole dans la région du Biafra, cependant les habitants de cette région demandent leur indépendance. Indépendance que le Nigéria refuse d’accorder car le pays ne veut pas perdre cette zone riche. Le gouvernement décide donc d’imposer un embargo sur sa propre population, qui entrainera 2 millions de morts et d’affamés. KOUCHNER décide donc de dénoncer l’immobilité des chefs d’Etats face à cette situation en raison du principe de non-ingérence, inscrit dans les textes de l’ONU. Il décide alors d’intervenir au Nigéria avec son ONG, Médecins Sans Frontières, pour apporter des soins au peuple. C’est alors qu’a eu lieu la première ingérence. Par cette intervention KOUCHNER a voulu montrer que la violation massive des droits à la personne engendrait une remise en cause de la souveraineté de l’Etat en question et que ceci autorisait de facto l’intervention d’acteurs extérieurs.

Suite à cela le concept a été formalisé dans les années 1980 par Jean-François REVEL qui fut le premier à parler de « devoir d’ingérence » dans un article du magazine « L’Express » en 1979. Le terme fut repris un an plus tard par Bernard-Henry LEVY au sujet de la situation au Cambodge (génocides du régime Khmer rouge). Enfin, c’est en 1988, lors d’une conférence de Mario BETTATI et Bernard KOUCHNER, qu’apparait pour la première fois la formulation « Droit d’ingérence ». Ce concept a alors été fortement promu au sein de l’ONU par ses deux « auteurs ».

Depuis, deux résolutions ont été votées par l’Assemblée Générale des Nations Unies afin de préciser l’application du droit d’ingérence : la résolution 43/131, adoptée le 8 décembre 1988, qui introduit « l’assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et de situation d’urgence de même ordre » ; et la résolution 45/100, adoptée le 14 décembre 1990 qui rend légitime le droit d’ingérence : « Le temps de la souveraineté absolue et excessive est révolu » a alors lancé le secrétaire général de l’ONU en activité, Boutros Boutros-Ghali. De même, on retrouvait déjà cette idée dans le Chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, qui permet d’intervenir dans les affaires internes d’un pays en cas de menace « contre la paix ». Le droit d’ingérence vient donc appuyer et illustrer ce chapitre 7. La formule « droit d’ingérence » a donc été consacrée, dès1991, avec l’opération « Provide Comfort » qui avait pour but de porter secours aux Kurdes d’Irak. En décembre 1992, c’est également au nom du « droit d’ingérence » qu’a été engagée l’opération « Restore Hope » qui visait à mettre fin à la situation tragique de la Somalie.

Enfin, depuis le 16 septembre 2005, le droit d’ingérence bénéficie d’une nouvelle dénomination qui est « La responsabilité de protéger ». Cette nouvelle appellation, renvoie à la notion de « devoir d’ingérence ». Ainsi, le droit d’ingérence va au-delà de la souveraineté des Etats pour imposer un « devoir d’assistance au peuple en danger ». Il s’agit ici de placer la souveraineté des Etats sous la subordination d’une « morale de l’extrême urgence » dans le but de protéger les droits fondamentaux de la personne.

 

Un panorama de l’ingérence humanitaire

Les éléments du droit d’ingérence 

Mario BETTATI a lieu identifier seuls deux éléments caractéristiques de l’ingérence :

  •  L’atteinte à la compétence nationale de l’Etat
  • La contrainte

Cependant, nous pouvons identifier cinq éléments constitutifs du « droit d’ingérence » :

  • Le principe de libre accès aux victimes de catastrophes naturelles et politiques, pour les organismes porteurs de secours
  • Un usage éventuel de la force pour protéger les convois humanitaires
  • Une intervention armée possible pour protéger les victimes
  • Dans ces deux derniers cas, seule une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU peut autoriser l’usage de la force militaire
  • Des poursuites judiciaires internationales à des fins préventives et de répression se développent progressivement (ex : Cour Pénale Internationale)

L’évolution de l’ingérence dans le temps

Nous pouvons identifier quatre périodes dans la construction de l’ingérence humanitaire :

  • L’ingérence immatérielle (1948-1968) : période caractérisée par l’universalité des Droits de l’Homme et il s’agit donc d’une ingérence qui autorise un Etat ou la communauté internationale à prendre position sur la situation interne d’un autre Etat. Il s’agit donc d’un « droit de regard » sur la situation interne d’autres pays.
  • L’ingérence caritative (1968- 1988) : sur cette période, les opérations transfrontalières se déroulent soit avec l’accord de l’Etat touché soit par des franchissements de manière illégale des frontières de l’Etat par des ONG qui agissent sans mandats. La sécurité des acteurs n’était donc pas garantie.
  • L’ingérence matérielle (depuis 1988, après l’affirmation du principe de droit d’ingérence)
  •           Ingérence forcée : intervention à des fins d’assistance mais jamais consentie par l’Etat, ou alors le consentement est le fait de pressions préalables. Ici, la sécurité des ONG et des autres intervenants est assurée par la communauté internationale (Etats, agents de l’ONU…) Ce type d’ingérence met en jeu la force militaire ou la diplomatie pour parvenir, par la pression, à la cessation des manquements aux droits de l’Homme.
  •          Ingérence dissuasive : nécessiterait la mise en place d’un dispositif dissuasif et de prévention des drames humanitaires donc des conflits.

Les types et formes d’ingérence

Nous pouvons identifier deux grands types d’ingérence humanitaire :

  • L’ingérence humanitaire non armée
  • L’ingérence humanitaire armée, qui est l’encadrement de l’aide humanitaire avec des opérations d’usage de la force. C’est le type d’ingérence le plus discuté, en raison de l’article 2.4 de la Charte de l’ONU qui prohibe le recours à la force armée.

Il existe aussi trois formes d’ingérence applicables à l’ingérence humanitaire :

  • L’ingérence avec l’accord de l’Etat qui subit l’ingérence
  • L’ingérence en dehors de tout accord de l’Etat concerné
  • L’ingérence en cas d’inexistence de structure étatique

Il convient de noter que l’ingérence humanitaire peut être le fait d’un ou plusieurs gouvernements ou celui de la communauté internationale.

 

Les enjeux actuels de l’ingérence

Le droit d’ingérence engendre de nombreux questionnement tant au niveau de sa licéité et de sa légitimité, qu’au niveau de ses motivations.

Ainsi, ni le droit d’ingérence ni le devoir d’ingérence n’ont d’existence dans le droit humanitaire international. Les partisans du droit d’ingérence considère que l’intervention est légale parce qu’elle tire sa légitimité de l’adjectif « humanitaire ». Ses opposants, quant à eux, refusent de reconnaitre cette légitimité car il n’y a aucun fondement légal puisque aucune définition précise du droit d’ingérence ou des conditions de son utilisation n’est donnée dans les textes des Nations Unies. Ils avancent aussi l’argument que l’ingérence s’est construite en totale imposition avec les principes fondamentaux de souveraineté des Etats et du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures de ces derniers qui sont inscrits dans le Traité de Westphalie de 1648 et dans l’article 2.7 de la Charte des Nations Unies. Les opposants craignent alors que l’acceptation et la légitimation du droit d’ingérence entrainent un développement des interventions unilatérales.

Cette crainte est d’autant plus renforcée par une application sélective du droit d’ingérence, d’une vision « deux poids- deux mesures ». Le droit d’ingérence n’est-il pas un moyen de donner bonne conscience à l’Occident en lui donnant, une nouvelle fois, la possibilité de s’instaurer en modèle et de qualifier de « barbares » ceux qui refusent d’adopter leur modèle ? Nous pouvons remarquer que ce sont les pays développés qui interviennent dans les pays les moins développées et non l’inverse. Les USA et la France se positionnent comme des pays à vocation universaliste et s’autorisent, à ce titre, d’intervenir dans d’autres pays au nom du droit d’ingérence. Cependant, une question importante se pose : les Etats, en dehors de tout mandat de l’ONU, sont-ils légitimes d’intervenir seuls ? En effet, la légitimité d’une intervention au nom du droit d’ingérence vient du fait que ce soit le Conseil de Sécurité de l’ONU qui ait autorisé ou demandé à certains pays d’intervenir. Cependant, ceci n’empêche pas certains Etats d’intervenir sans l’accord du Conseil de Sécurité et d’être, par la suite, légitimé par la communauté internationale.

De plus, beaucoup craignent que le droit d’ingérence soit l’outil d’une nouvelle forme d’impérialisme. Ils voient dans l’ingérence humanitaire un outil de « l’ingérence démocratique », c’est à dire la volonté de traduire les idéaux de la démocratie occidentale. C’est justement en prévision de ces comportements qu’avait été créé le principe de non-intervention qui avait pour avantage de protéger les pays les plus faibles contre les interventions d’Etats plus puissants. C’était alors un moyen de mettre fin au colonialisme et à l’impérialisme occidental qui avait pris comme prétexte l’humanité civilisatrice afin de pouvoir mener leurs conquêtes territoriales. Aujourd’hui la négation du principe de non-ingérence par l’établissement du droit d’ingérence, laisse penser à une fausse « bonne morale ». Les opposants du droit d’ingérence ont ainsi peur que, sous des prétextes humanitaires (« bonne morale »), les pays cherchent à justifier des formes d’ingérence démocratique, écologique ou judiciaire. Par exemple, l’intervention des USA en Irak en 2003 soulève des débats à savoir si cette intervention n’était pas faite pour la promotion des intérêts nationaux.

Enfin, en raison de la forte médiatisation des questions humanitaires, et notamment celles liées à l’ingérence, il y a un risque que les zones d’intervention soient essentiellement des zones bénéficiant d’une couverture médiatique importante et de la compassion de l’opinion publique, tout en occultant l’aspect humanitaire de l’intervention.

 

 

Ainsi, pour conclure, nous avons pu voir à travers ce dossier que le principe d’ingérence n’est pas une idée nouvelle, elle était déjà développée au XVIIème siècle mais ce n’est qu’au XXème siècle que le droit d’ingérence fut véritablement reconnu. L’ingérence peut vêtir plusieurs noms selon la fonction qu’elle vise, mais l’ingérence la plus répandue et surtout la seule tolérée, est l’ingérence humanitaire. Nous avons pu voir qu’au cours de son évolution l’ingérence humanitaire a évolué jusqu’à la forme que nous connaissons aujourd’hui : l’ingérence matérielle. Cependant, ses applications contemporaines soulèvent quelques questionnements notamment au niveau de la légitimité et de la légalité ; mais aussi au sujet de l’usage de la force dans le cadre d’une ingérence humanitaire.

Nous pouvons donc dire que le droit d’ingérence s’inscrit dans un nouvel ordre mondial, plus large, et régi par des principes démocratiques, d’Etat de droit et de respect de la personne humaine. Ce droit d’ingérence tend donc à instaurer une moralisation des relations internationales.

 

 

Bibliographie – Sitographie

  • Bibliographie :

 

–          M.BELANGER – Droit international humanitaire général – 2e édition, Edition GUALINO (2007), (156p)

 

  • Sitographie :

 

–          Définitions :

 

–          Contenu :

http://doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyberdocs/MFE2001/demaugebosta/these_body.html

 


[1] Kofi Annan, « Droits de l’homme et intervention au XXIème siècle », contribution spéciale au Rapport mondial sur le développement humain 2000, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), www.undp.org.

[2] Université de Sherbrooke – Perspective monde – Définition de « Ingérence »,

[3] Mario BETTATI, « INGÉRENCE DROIT D’INGERENCE», Encyclopædia Universalis

[4] Hugo Grotius- De Jure Belli ac Pacis (1625)

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Bogota /geopolitique/amerique-du-sud/colombie/bogota/ /geopolitique/amerique-du-sud/colombie/bogota/#respond Mon, 24 Nov 2014 14:32:30 +0000 /?p=8821 BOGOTA

Annexe 1 localisation

Annexe 2 drapeau bogota blason

 

 

 

           

INTRODUCTION

                  Bogotá, anciennement appelée Santa Fe de Bogotá Distrito Capital, est la capitale de la Colombie ; fondée le 6 août 1538 par l’Espagnol Gonzalo Jiménez de Quesada. Elle est la métropole incontestée du pays aux points de vue administratiféconomique et politique. Bogotá est une ville mondiale. Elle est souvent appelée « l’Athènes sud-américaine ».

Les thématiques à traiter concernant la Colombie, entre clichés et vérités, sont nombreuses : épicentre de violence, du kidnapping et du trafic de drogue, l’état désastreux du réseau de transports et donc le manque de mobilité urbaine, le règne des forces militaires révolutionnaires comme les FARC, …etc. Qu’en est-il alors de sa capitale… Malgré la crise économique profonde et la violence que la Colombie continue de connaître, la structure spatiale, sociale, politique, économique de sa capitale a subi des évolutions importantes.

 

Sur quels aspects la ville de Bogotá a-t-elle évolué au cours du temps et avec quels atouts ? Qu’en est-il alors de sa place dans la mondialisation de nos jours ?

 

I.Caractéristiques

1.Sa géographie et son climat

 

Bogota se trouve au centre de la Colombie, dans une zone naturelle appelée savane de Bogota et se trouve à une altitude de 2 640 m, dans la cordillère Orientale des montagnes du nord des Andes. C’est la troisième plus haute capitale du monde après la Paz et Quito. La capitale profite aussi de ressources fluviales puisque plusieurs petits cours d’eau, dont le río San Francisco, traversent la ville jusqu’à l’extrémité sud-ouest du plateau et rejoignent le río Bogotá (ou río Funza), qui plonge au bord du plateau, à Tequendama, dans l’une des plus importantes attractions touristiques de Bogota : une chute d’eau de 132 m appelé le Salto del Tequendama. Bogota est reliée par route aux côtes Pacifique et Atlantique de la Colombie, ainsi qu’aux deux autres villes majeures du pays : Medellín et Cali. Ceci la place donc au centre des intérêts économiques du pays, elle profite de sa géographie. La panaméricaine et l’autoroute Simón Bolívar (système de voies rapides et d’autoroutes reliant l’ensemble du continent américain) passent également par Bogotá.

De par sa haute altitude, la ville de Bogota bénéficie d’un climat dit « tempéré d’altitude ». La ville étant proche de l’équateur, la variation de température est faible au cours de l’année avec une moyenne annuelle de 14 °C. Les pluies sont très fréquentes entre mars et mai, ainsi qu’en octobre et novembre, ce qui rend la région très fertile. Le haut plateau où se situe la ville se consacre majoritairement à la production de lait ainsi qu’à la culture de fleurs pour l’exportation. À l’inverse, les saisons les plus sèches de l’année se situent entre janvier et février ainsi qu’en juillet et août. Durant une bonne partie de l’année, la ville de Bogota est dans la brume (220 jours par an).  Les neiges éternelles, des páramos (zones élevées humides et froides), des forêts andines, des régions arides et d’autres marécageuses, forment une variété de niveaux thermiques et fertiles qui fournissent une grande diversité de produits alimentaires dans la région.

 

2.Les processus démographiques et urbains à Bogotá

 

A l’heure actuelle, la ville compte  7 363 782 habitants, ce qui en fait la trentième métropole la plus peuplée du monde. Ce chiffre est le fruit de plusieurs vagues d’immigrations :

            Jusqu’en l’an 800, les Muiscas (la peuplade indigène la plus importante de la famille Chibcha) vivaient dans la zone, résultat d’une migration d’origine chibcha, provenant d’autres territoires (probablement d’Amérique centrale), qui s’était mélangée avec la population déjà présente. ll faut également souligner que, même s’il est possible d’identifier des traits indigènes dans la population bogotaine, comme la ville a longtemps reçu des migrants de tout le pays, on peut rencontrer des phénotypes d’une grande diversité.

La Colombie est ethniquement diverse. L’interaction entre les descendants des premiers habitants indigènes, les colons espagnols, les populations africaines déportées dans le pays comme esclaves et l’immigration du XXe siècle venue d’Europe et du Moyen-Orient, ont produit un patrimoine culturel varié.

Comme les autres grandes villes d’Amérique Latine, pendant la deuxième moitié du XXe siècle Bogotá vit un processus d’urbanisation intensifiée, associé à une croissance démographique importante. (cf. annexe n°3). Néanmoins, l’expansion urbaine atteint des rythmes encore plus élevés. En 1973, Bogotá est 12 fois plus grande qu’en 1938, tandis que pendant la même période, la population se multiplie par 9. Les classes supérieures se déplacent du centre vers le nord et les classes populaires suivent le parcours inverse. En 2005, on recense que le pourcentage des habitants de la ville qui étaient nés dans une autre commune était de 37%.

L’élément le plus original, c’est une forte augmentation des immigrants qui proviennent de la côte Atlantique du pays. Ces zones apportaient peu à l’immigration vers la capitale avant cette date. Elles correspondent aux régions les plus touchées par le conflit armé en Colombie pendant la dernière décennie.

Annexe 3 habitants

3.Le passé historique comme reflet de la situation actuelle

 

Il en va de soi que l’histoire d’une région, d’une ville explique en partie sa situation actuelle. Revenons alors à la période coloniale; berceau de Bogotá :

Gonzalo Jiménez de Quesada après sa victoire sur les Muiscas et la conquête de la savane de Bogota annonça « la fondation de facto » de la cité. Le nom de la ville, initialement Nuestra Señora de la Esperanza, fut changé en Santa Fe lors de la fondation juridique et le Conseil municipal de Santa Fe fut établi. Gonzalo Jiménez de Quesada donna à Santa Fe et aux territoires alentours (l’Equateur actuel, une partie du Venezuela et de la Colombie) le nom de Royaume de Nouvelle-Grenade dont la ville fut, durant toute la période coloniale, la capitale. En 1717, la cité devint la capitale de la vice-royauté de Nouvelle-Grenade, créée par la couronne d’Espagne. Bien que le territoire eût été reconquis en 1816 par les Espagnols, Santa Fe obtint l’indépendance définitive en 1819. Bogota devint la capitale de la Grande Colombie jusqu’en 1830, quand la dissolution de cet État permit de générer ce qui représente aujourd’hui l’Équateur, le Venezuela et la Colombie (et du Panama qui faisait partie intégrante de la Colombie et qui ne prit son indépendance qu’en 1903 ). Grâce à cet ancien statut, Bogotá reste majoritairement une des villes les plus influentes de la zone Nord de l’Amérique Latine.

 

II.Evolution depuis les années 90

1.Modifications politiques et économiques majeures

 

Les revenus et les investissements publics ont augmenté au début des années 90. L’une des principales réussites de la gestion budgétaire et la réallocation des sources financières concernant le budget municipal vers la fin des années 1990, Bogota a doublé ses recettes fiscales. Le renforcement des recettes du secteur public a conduit Bogotá a continué ses efforts :

  • La taxe sur l’essence a été augmentée (générant 20 millions de $)
  • L’application d’une campagne de contrôle pour réduire l’évasion fiscale a généré 46 millions de $
  • La mise à jour des informations sur les taxes foncières, la simplification des impôts, l’augmentation des cotisations fiscales pour l’immobilier et le réajustement des tarifs des services publics.
  • En outre, si on fait le lien avec l’effort des investissements dans le secteur des transports, on se rend compte que le gouvernement national a payé 52% des coûts de construction et d’exploitation du système de bus électrique Transmilenio grâce aux recettes de la taxe sur l’essence. 

Dans la sphère politique, les changements importants ont eu lieu dans le comportement des électeurs et les élus. Les électeurs ont montré leur impatience d’un renouvellement du type de candidats en votant pour les candidats alternatifs. Les équipes ont alors été constituées d’un pourcentage élevé de jeunes universitaires et de professionnels, dont beaucoup de femmes. Une ambiance de leadership plus éthique s’était alors installée. Cette réduction de la corruption, l’accroissement de l’efficacité du personnel, et l’amélioration de la qualité des contrats avec le secteur privé a fait largement évolué positivement la capitale.

 

2.Société et culture

 

 Bogotá a connu des changements sociaux récents importants :

–          La couverture des services publics nationaux (eau, électricité, téléphone, et gaz) a augmenté et des efforts ont été faits pour améliorer les conditions de vie dans les quartiers les plus pauvres grâce à un investissement de 800 millions de dollars dont ont bénéficié 650 000 personnes marginalisées.

–          L’investissement pour l’éducation publique a doublé et le nombre de jeunes qui fréquentent l’école ont augmenté de 140 000 étudiants, soit une augmentation de 30%.

Depuis toujours, Bogota s’est caractérisée par son riche contexte socio-culturel, qui est le résultat de la convergence de toutes les cultures contemporaines et anciennes de Colombie. Bogota organise également des manifestations telles que le Festival Ibéro-américain de Théâtre, la plus grande fête mondiale du théâtre, Rock al Parque, Jazz al Parque, le Festival de Cinéma de Bogota, etc. La ville regorge aussi de musées tels le célèbre musée de l’or connu mondialement.

Culinairement parlant, Bogotá tente de refléter la cuisine colombienne et de par son statut de capital réunit toutes les traditions culinaires du pays. La Colombie est le premier producteur de haricots de la zone andine et c’est le premier produit de consommation nationale. La banane verte, le riz, le café, le haricot (frijoles), le maïs (très utilisé aussi en farine pour faire des Arrepas) sont des produits de consommation quotidienne. Bogotá est notamment connue pour ses quelques plats typiques comme l’Ajiaco (soupe de maïs, poulet, câpres), le Chiguiro (sorte de viande), etc.

3. L’insécurité

 

Selon un rapport officiel de la « surveillance de district de Bogota», la capitale est passée de 89,4 morts violentes pour 100 000 personnes en 1996 à 37,9 en 2005, ce qui représente une réduction de 57,6 % en tenant compte du fait que durant la même période la population a augmenté de plus de 25 %. Aussi, 62,8 % de ces morts violentes ont été causées par des homicides et 20,5 % par des accidents de la circulation (cf. annexe n°4). En février 2012, les autorités de Bogota décident d’interdire le port d’arme à feu des civils dans les espaces publics et les véhicules. Début mai 2012, le maire de Bogota, Gustavo Petro Urrego, annonce que la mesure a permis une diminution de 18 % des meurtres avec armes.  A ce jour, en 2014, plus de 90% des habitants de la capitale se disent se sentir en insécurité, et pour cause : les vols récurrents, les agressions physiques dans la rue, la présence des groupes armés, le manque d’effectif de la police et sa corruption interne, le manque d’éclairage des rues (cf annexe n°4). D’autant plus que 81% des habitants de la ville se disent insatisfaits par la justice (post-victimisation).

Un autre problème récurrent est au cœur des débats en Colombie et dans sa capitale : les enlèvements par les FARCS. Les FARCS (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie) est la principale guérilla communiste colombienne. Chaque année, les autorités colombiennes estiment que cette communauté rebelle coûte environ un à deux points de PIB au pays. (Réparation d’infrastructures, lutte contre les enlèvements et trafics de drogue). Les associations de défense des droits de l’homme avancent le chiffre de 30 000, chiffre qui prend en compte tous les otages enlevés depuis 40 ans, (8000 dont on est resté sans nouvelle). Les actions criminelles représenteraient chaque année 8 milliards de dollars soit quatre fois les revenus issus de l’exportation du café de la Colombie.

Annexe 4 insécurité

 

III.Les tensions actuelles de la ville et son rayonnement

 1.Vers une multimodalité des réseaux de transports

 

Dès le 19° siècle, les réseaux de transports internes ou externes pour rejoindre la ville se multiplient. En 1884, fut inauguré le service de tramway, en 1889 la première ligne de chemin de fer (rejoignant la mer des caraïbes à Bogota), puis de 1910 à 1940, un système de tramways électriques, doté de nombreuses lignes, s’étendit autour de Bogota et de ses banlieues. Avec le train, ces moyens de transport ont été les piliers du développement de la ville. 1920 vit le premier aéroport d’Amérique latine. Ensuite se bâtirent l’autoroute du Nord, puis le nouvel aéroport El Dorado, principal aéroport de Bogota.

Le réseau de transport public lui, est encore bien loin de répondre à une demande croissante d’usagers. (cf annexe image et vidéo). Environ 15 millions de trajets sont effectués chaque jour dans la ville entre taxis, SITP (minibus), Bus, vélo, voitures, avec une moyenne de 70 minutes. (Ça représente 18 jours par an). Le problème actuel est essentiellement économique, l’Etat n’a plus les fonds pour développer massivement son réseau. Le projet du métro initié depuis 1991, n’arrive pas à voir le jour. La mise en œuvre de la ligne de bus Transmilenio  (système de transport en commun rapide et écologique) et le projet «pico y placa » (qui vient limiter fortement l’utilisation de voitures privées aux heures de pointe) sont tous deux bénéfiques à l’amélioration du réseau. Il reste malgré tout, d’énormes progrès et investissements à faire.

Une des causes de l’embrouillage du réseau de transports public est le nombre de véhicules de transports en commun : par rapport à des villes similaires, a Bogotá, le nombre d’autobus par tête est de façon disproportionnée extrêmement élevée (3,6 autobus pour 1000 habitants comparés à 1,7 à Santiago, 1,0 à Quito, 0,7 Curitiba et 0,6 à Sao Paulo).

Annexe 5 les transports

 

2. Son poids au niveau national

 

Bogotá est la capitale, par conséquent, elle absorbe la majorité des entreprises, c’est le centre économique incontesté du pays. La plupart des événements internationaux s’y déroulent.

Bogotá attire entres autres les populations : la ville s’est étendu massivement depuis les années 2000, et pour cause les grandes vagues de migrations des habitants des campagnes avoisinantes vers la capitale, après s’être fait soit expulsés, soit s’être enfuis pour échapper à la violence des zones rurales.

Bogotá attire aussi les investisseurs : en 2012 la capitale fut classée cinquième ville d’Amérique Latine la plus attractive en termes d’investissements et des affaires. 20% des entreprises dans la région sont des industries manufacturières. (production de produits métalliques, d’équipements, de machines, de matières d’imprimeries, des aliments, des produits chimiques, du tabac, des textiles et de bois). Auparavant, Bogota était attractive de par la quantité d’or qui se trouvait dans les environs.

3.Influence régionale et internationale

Bogota est idéalement située non bien loin de la côte Pacifique ou de la mer des caraïbes. Elle est centralisée, lui permettant un rayonnement national et international important. En outre, la Colombie possède plusieurs frontières terrestres avec le Venezuela, l’Equateur,  le Pérou, le Brésil, le Panama. Grâce à ses deux façades maritimes et ses nombreuses frontières, les échanges commerciaux sont variés entre Bogota et les autres pays.

Bogota, est au centre des enjeux de la région. Récemment ses relations avec un de ses voisins s’est dégradé. En effet, les tensions entre le Venezuela et la Colombie ont atteint leur paroxysme. Bogota reproche au Venezuela d’abriter cinq hauts dirigeants des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) et de l’Armée de libération nationale (ELN, guévariste). De plus, en 2008, l’Equateur avait rompu ses liens avec Bogota après le bombardement colombien d’un campement de la guérilla marxiste des  Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en Equateur , qui avait fait 25 morts, dont le numéro deux des FARC, Raul Reyes. Aujourd’hui, les relations sont de nouveau cordiales entre les deux pays.

Bogota est aussi connue pour être une des plateformes de la drogue. La Colombie rassemble plusieurs usines de raffinage de coca (en provenance des récoltes du Pérou et de la Bolivie par exemple). De fait, c’est par les aéroports de Bogota que s’en vont chaque année des milliers de tonnes de cocaïne. Entre le 9 et le 15 septembre 2013, les douaniers de l’aéroport de Roissy ont saisi plus de 100 kg de cocaïne à l’aéroport en provenance de Bogota.

Quant au tourisme, selon l’institut statistique de Colombie, la ville est la première destination touristique du pays. Elle attire principalement des états-uniens, des vénézuéliens, et des équatoriens.

 

CONCLUSION

 

Bogotá est une grande ville en Colombie depuis des siècles et situé sur un axe nord-sud avantageux. Mais surtout c’est une ville monde aux multiples facettes. Le gouvernement n’a pas conscience de cette échelle ; et les décisions urbanistiques ou politiques par manque de cohérence ou de fonds monétaires reflètent bien ce problème. C’est une métropole qui se transforme en mégalopole, où les interactions avec la région se démultiplient et ce, via un processus accéléré. Si Bogota continue d’améliorer les conditions de vie de ses habitants sans tenir compte de celle des voisins, le processus migratoire vers la capitale ne fera que croître. La ville essaye alors d’instaurer un programme urbanistique proportionnel à l’augmentation de la population. Mais le réseau de transports par exemple, malgré l’invention du système Transmilenio, reste inadapté. En outre, le gouvernement tente de régler le conflit interne avec les FARC pour stopper cette hémorragie démographique, lutter contre l’insécurité permanente dans la ville, et guérir la sclérose qui lui est infligée par ce violent conflit armée. Mais la corruption n’aide pas Bogotá à aller dans ce sens.

 

SOURCES

-http://hdr.undp.org/sites/default/files/idh_2008_bogota.pdf (informe del desarollo humano=rapport sur le développement humain à Bogotá)

https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/demo/documents/Parias-Ruiz.pdf  (demographie)

http://www.eltiempo.com/bogota/908-de-los-bogotanos-cree-que-la-inseguridad-empeoro-o-sigue-igual/14711017 (insécurité)

https://www.dane.gov.co/files/investigaciones/poblacion/convivencia/2013/Bol_ecsc13.pdf (insécurité)

http://www.ppiaf.org/sites/ppiaf.org/files/documents/toolkits/french_UrbanBusToolkit/site/assets/CaseStudies/summy/sum_bogota.html (transport)

http://www.indexmundi.com/colombia/demographics_profile.html (démographie)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_Bogota

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« L’armée française : une armée qui s’engage » /actualite/larmee-francaise-une-armee-qui-sengage/ /actualite/larmee-francaise-une-armee-qui-sengage/#respond Tue, 28 Oct 2014 12:52:36 +0000 /?p=7122 Compte rendu de la conférence « L’armée française : une armée qui s’engage »,  prononcée le 23 octobre 2014 à l’Université Jean Moulin Lyon 3.

Intervenants :

–        Général de corps d’armée Pierre Chavancy, Gouverneur militaire de Lyon et Commandant de la Région Terre Sud-Est.

–        Lieutenant Michel Auvert, du 92ème Régiment d’Infanterie de Clermont-Ferrand

En ce jeudi 23 octobre, l’Université Jean Moulin Lyon 3 a su faire preuve de son intérêt pour les questions de défense en faisant salle comble à l’occasion de la venue de ces deux invités venus nous entretenir des types d’engagements auxquels sont confrontées les forces armées françaises.

Le rôle et le cadre d’intervention de l’armée française sur le territoire national

Les engagements opérationnels des armes françaises peuvent être regroupés en trois grands groupes.

–        Les opérations de combat durant des conflits armés : il s’agit du cœur du métier de soldat. C’est pour ce type d’opérations que les militaires sont organisés et entrainés.

–        Les contributions militaires à l’action de l’Etat : elles regroupent l’ensemble des engagements face à des dangers et périls non spécifiquement militaires, mais dont les enjeux sécuritaires les font rentrer dans le champ de la sécurité nationale. Les armées peuvent être appelées à apporter des contributions dans les domaines de la lutte contre le terrorisme ou les phénomènes criminels transnationaux (trafics de drogues, piraterie…). Il s’agit également des possibilités d’engagement sur le territoire national en soutien de politiques de sécurité intérieure, c’est-à-dire en soutien des forces de police, de gendarmerie ou des pompiers afin de faire face à des situations de crise dans le cadre de plans gouvernementaux nationaux préétablis. C’est le cas du plan Héphaïstos dans le cadre de la lutte contre les feux de forêt, ou du plan Vigipirate en matière de lutte contre le terrorisme. Ces déploiements sont également visibles au niveau de l’action de l’Etat en mer, par exemple durant les épisodes de lutte contre les pollutions maritimes. Il s’agit également des emplois lors des situations catastrophiques d’origine naturelle ou humaine.

–        Les postures permanentes de sécurité : il s’agit des opérations de surveillance radar et de détection des intrusions dans l’espace aérien et maritime. Il s’agit également de tout ce qui concerne la dissuasion nucléaire.

Mis à part les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), il n’y a pas dans l’armée française de forces dédiées. Les mêmes troupes sont déployées au Mali et pour le plan Vigipirate. Aucune troupe n’est spécialisée pour l’un des trois types d’interventions. Il existe bien entendu une multitude de spécialités, telles que les parachutistes, les chasseurs alpins, les commandos marine… Mais ces métiers, bien que spécifiques, sont susceptibles d’être utilisés pour tous les types de missions et sur tous les théâtres. L’Armée de Terre n’a pas de troupes dédiées destinées à intervenir sur le territoire national ou à l’extérieur.

Il y a actuellement en métropole, 2500 membres des forces armées qui sont en posture de vigilance, c’est-à-dire qui participent à des missions de surveillance, que ce soit devant un radar d’une base aérienne, en patrouille dans le cadre du plan Vigipirate ou en mission en mer. Les forces déployées dans les possessions d’outre-mer se montent à 7200 hommes et femmes.

Sur le territoire national, il existe une organisation permanente entre le Ministère de la Défense et le Ministère de l’Intérieur en vue du déploiement des troupes. Le Ministère de l’Intérieur est le ministère menant et le Ministère de la Défense est (dans la plupart des cas) le ministère concourant. Ainsi, au niveau du département, le préfet dispose d’un délégué militaire départemental. Celui-ci conseille le préfet pour l’emploi des moyens militaires dans le département relevant de son autorité. Bien souvent, l’échelon du département n’est pas le seul à être concerné en cas de crise, il existe donc une structure similaire au niveau de la région.

A l’échelon national, les deux ministères ont des cellules de crises permanentes en contact étroit. Le Ministère de la Défense dépend de deux personnes, le Ministre de la Défense et le Chef d’Etat-major des Armée (CEMA), qui joue le double  rôle de conseiller du Ministre de la Défense (mais aussi du Gouvernement) et de commandant des opérations. Le Ministère de la Défense est systématiquement représenté dans les cellules de crise par ceux-ci ou leurs délégués.

En cas de crise, cette organisation permanente interministérielle entre la Défense et l’Intérieur constitue une cellule de crise ad hoc qui siège normalement Place Beauvau, dans la mesure où le Ministère de l’Intérieur est menant. Ce Ministère mobilise alors trois organismes, à savoir la police, la gendarmerie et la sécurité civile, tandis que le Ministère de la Défense implique le Cabinet du Ministre et le CEMA afin d’assurer une réactivité maximale face à la situation de crise. L’échelon politique prend les décisions, l’échelon militaire conseille le politique durant le processus de discussion et exécute les choix opérés. Dès la décision prise, celle-ci est transmise à travers la chaine de commandement jusqu’aux échelons les plus subordonnés. D’autres ministères sont systématiquement associés à cette action au sein de la cellule de crise ad hoc. On compte parmi ceux-ci le Ministère des Transports, ceux de la Santé, des Finances ou encore des Affaires Etrangères. En pratique, n’importe quel ministère peut être adjoint au processus décisionnel et d’action en cas de crise dès lors que la situation le nécessite.

Cette association des différents ministères se fait en fonction d’une typologie des crises décrite dans le Livre Blanc de la Défense Nationale. Les crises locales ne mobiliseront que les échelons départementaux ou régionaux, tandis que les crises majeures ou majeures renforcées entraineront systématiquement la création d’une cellule de crise ad hoc. Le Premier Ministre, par le biais de son Secrétariat Général de la Défense, de la Sûreté et de la Sécurité Nationale prend alors les décisions en considérant les positions de chaque ministère.

En cas de crise majeure ou majeure renforcée, le Livre Blanc de la Défense Nationale prévoit notamment que l’armée soit en mesure de mettre à disposition en quelques jours 10 000 hommes sur le terrain. Dans le cas de crises hors cadres, c’est-à-dire lorsque la continuité du fonctionnement de l’Etat est mise en danger (en cas de rupture totale des communications, d’approvisionnement en électricité et vivres, etc.), les armées viennent directement à l’appui de l’Etat afin d’assurer la continuité des services. Le dispositif de réserve de sécurité nationale est alors mis en œuvre.

Afin de permettre ces actions des forces armées, le maitre mot est la planification. Le travail en amont des crises permet de passer outre les effets de surprise lorsque les crises surviennent et de réagir rapidement et efficacement. Survient alors la question de la prévisibilité des crises. Les grands évènements, du type du G8, les jeux olympiques ou les grandes crues annuelles sont relativement prévisibles et permettent donc une préparation et une anticipation conséquentes. Il existe en revanche des évènements moins probables, telles les crises sécuritaires ou les catastrophes naturelles inopinées, plus difficiles à prévoir, mais pour lesquels des scénarii probables et des plans d’action sont néanmoins établis. Les structures permanentes de l’Intérieur et de la Défense travaillent en permanence à la planification d’évènement plus ou moins probables  et à la mise à jour des plans afin d’être réactifs en cas de survenance d’une crise.

Pour autant, les trois composantes des forces armées, à savoir la Marine Nationale, l’Armée de l’Air et l’Armée de Terre, ne sont pas tout à fait placées dans la même logique. L’Armée de l’Air et la Marine Nationale sont, sur le territoire national, en situation de primo-intervenants, et même de solo-intervenants en ce qui concerne l’Armée de l’Air. En effet, les délais de réaction lorsqu’une intrusion sur le territoire national est détectée sont tellement courts (de l’ordre de 15 à 20 secondes, entre la détection et l’ordre d’utilisation de la force donnée par le Cabinet du Premier Ministre) qu’il est nécessaire d’obtenir une autorisation d’intervention ministérielle le plus vite possible. L’informatisation, la planification et la rapidité de transmission des informations à l’échelon politique sont ici primordiaux. La situation est sensiblement la même en ce qui concerne la Marine Nationale, où les préfets maritimes, par délégation d’autorité du Premier Ministre s’occupent de la coordination des moyens.

En ce qui concerne l’Armée de Terre, l’organisation est sensiblement différente. Les unités de sécurité intérieure et civile font face à un certain nombre de menaces et de risques, qu’ils ressortent du terrorisme ou des catastrophes naturelles. Le rôle des armées est différent de celui des autres composantes, car la primo-intervention est ici le domaine de professionnels dédiés, à savoir la police, la gendarmerie et les pompiers. Les forces terrestres ne constituent qu’un appui à ces intervenants. Le cadre juridique qui s’applique ici est celui de la réquisition ordonnée par le préfet, en fonction des décisions prises par les cellules de crise décrites précédemment. L’intervention des forces terrestres survient lors de cas précis et limitatifs,  à savoir lorsque lors les moyens civils pour répondre à une situation de crise sont inexistants, en nombre insuffisant, indisponibles, ou inadaptés. Le principe fondamental légal est que les armées ne constituent pas un service déconcentré de l’Etat. Le préfet exerce son autorité sur la police, la gendarmerie et les pompiers, mais les forces armées restent en permanence sous les ordres du CEMA ou de son délégué.

Les opérations extérieures

Actuellement, 8300 soldats sont déployés dans le cadre des opérations extérieures. Il existe également un dispositif de forces de présence composé d’environ 4000 hommes (tout comme il existe un dispositif de forces de souveraineté dans les possessions d’outre-mer), essentiellement situé en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale ainsi qu’aux Emirats Arabes Unis. Ce dispositif est décidé et géré à l’échelon politique.

Ainsi, si par exemple une tentative de coup d’état se produit dans un pays avec lequel la France est liée par accord de défense, l’information est transmise au Centre de Planification et de Conduite des Opérations(CPCO). Dès lors le CEMA analyse la situation, émet des hypothèses d’intervention, et fait remonter ses propositions à l’échelon politique aux ministères concernés, au Cabinet du Premier Ministre ainsi qu’au chef des armées, le Président de la République. Ce dernier convoque alors un conseil restreint composé des ministères concernés  et des principaux conseillers en matière de défense et de renseignement. Dans le cas où le Président de la République décide du déclenchement d’une opération, l’information est transmise directement au CEMA qui met en œuvre les options choisies et conduit les opérations par l’intermédiaire du CPCO. Au-delà d’une durée d’intervention supérieure à 4 mois, une autorisation du parlement est nécessaire. Ce délai existe afin de permettre une réactivité importante qui n’est pas toujours possible au vu des aléas du processus parlementaire démocratique classique.

Une série de principes encadre l’intervention des forces armées lors des opérations extérieures, à savoir :

–        la légitimité démocratique : l’intervention se doit d’être légitime aux yeux de l’opinion publique française, mais également aux yeux des populations locales et de leurs gouvernants ainsi qu’à ceux de la communauté internationale. Il s’agit ici de la bataille des perceptions, où les média jouent un rôle primordial. Il faut dès lors impliquer les partenaires locaux mais également les différentes organisations internationales et, dans certains cas, les organisations non-gouvernementales.

–        le respect du droit international : l’engagement des troupes françaises doit être sanctionné au minimum par une résolution du Conseil de de Sécurité des Nations Unies. Il s’agit du minimum acceptable.

–        l’autonomie permanente d’appréciation et d’engagement : la France tient toujours à garder la maitrise nationale de l’emploi de ses forces, quand bien même elle agirait au sein d’une coalition. Ainsi, la chaine de commandement française sanctionne toujours les ordres donnés par le commandant de la coalition, comme cela a pu être le cas en Afghanistan. La logistique et le renseignement sont donc assurés par des moyens français. Cela permet également d’assurer sa propre opinion et de vérifier la conformité de l’emploi des forces déployées par rapport aux missions prévues.

–        La logique de concentration des moyens : tous les moyens, ressources et personnels sont concentrés au sein d’une même zone, sous un commandement français.

–        La visibilité nationale : il s’agit, entre autres, ici d’assurer la visibilité de la France lors d’une intervention.

Les opérations extérieures sont menées selon une approche globale, ce qui signifie que les combats ne représentent qu’une partie de l’action des troupes. Cette part du travail est même relativement marginale. Il s’agit en fait, au sein d’une zone donnée, qu’un seul commandant mène des actions de combat, mais assure également la bonne gouvernance. Cela signifie que la population locale doit pouvoir disposer de représentants civils et militaires qu’elle juge crédibles. Le commandant doit également assurer le développement de sa zone, afin d’assurer la paix et la reconstruction. Trois obligations incombent donc au commandant de la zone : la sécurité, la bonne gouvernance et le développement.

Le chef a cependant à sa disposition toute une série d’acteurs qui l’aident à mener à bien sa mission, qu’il s’agisse de diplomates,  de conseillers techniques ou culturels.

En conclusion, que ce soit sur le territoire national ou dans les opérations extérieures, des processus complexes sont en œuvre en matière de décision de l’emploi des forces armées ainsi que dans leur action sur le terrain. Il est absolument nécessaire que les officiers supérieurs soient parfaitement au fait des tenants,  les problématiques de cabinet à Paris, et des aboutissants, c’est-à-dire de la situation sur le terrain au niveau des troupes et des populations locales. La maitrise des langues étrangères est également primordiale.

 

Témoignage du lieutenant Auvert au niveau opérationnel, participant à l’opération Serval au Mali

Une opération extérieure au plan opérationnel se divise en trois phases, la première consistant en la préparation. La seconde phase concerne le déroulement de l’opération sur le terrain. Enfin, la dernière phase est constituée par le retour à la vie normale.

Afin que l’opération se déroule dans les meilleurs conditions possibles, la section, composée d’une trentaine d’hommes, doit être un ensemble homogène, bien que constitué de multiples postes spécialisés (chauffeur, mitrailleur, tireur d’élite, chef de section etc.). La première difficulté est que les soldats sont souvent très jeunes lors de leur premier déploiement en opération extérieure. La moyenne d’âge est d’environ vingt ans pour les soldats alors qu’officiers et sous-officiers sont généralement plus âgés et expérimentés. Il s’écoule une année de service entre l’engagement et le premier départ en opération. Pour autant, la jeunesse des soldats ne veut pas dire que leur niveau intellectuel laisse à désirer. En effet, 50% d’entre eux disposent au moins d’un baccalauréat. Cela permet d’évoluer rapidement, de devenir sous-officier. 70% des sous-officiers proviennent du rang, et 50% des officiers sont issus du corps de sous-officiers.

Il est nécessaire que les maitres mots au sein de la section soient polyvalence et complémentarité. Elle doit être capable d’évoluer dans différents contextes, différents milieux, faire preuve d’adaptation. La formation au secourisme est également un élément déterminant. Il importe donc de s’entrainer à tous les types de combats et à tous les types d’environnements. Si tous les soldats ont une fonction précise, ils partagent le socle de leur formation. Les postes sont interchangeables, c’est-à-dire qu’en cas de blessure ou de décès d’un spécialiste, un autre homme doit pouvoir le remplacer à son poste immédiatement. Ce principe vaut également pour les sous-officiers et officiers qui doivent être capables d’occuper les fonctions de leur supérieur hiérarchique direct.

La préparation préalable au déploiement comporte également un volet de formation à la culture du pays ciblé et à la géopolitique. Il est en effet nécessaire pour les hommes de savoir comment agir et réagir, quelles sont les règles d’engagement, quels sont les enjeux locaux et les enjeux de l’intervention. Un comportement exemplaire vis-à-vis des populations locales est exigé afin de renforcer la légitimité de l’intervention.

Une fois le déploiement ordonné, il importe de se conformer aux enseignements reçus, autant en matière de gestion de la tension que de résistance à la fatigue ou à un mode de vie austère et rustique. La polyvalence de la section est ici mise à l’épreuve, par la mise en œuvre de tous les types de combats appris à l’entrainement. Le bon fonctionnement de la section et son succès au combat sont en outre tributaires d’un ravitaillement logistique sans faille (surtout dans des conditions climatiques et environnementales extrêmes) et d’un service de santé compétent et réactif. Les opérations de gouvernance constituent en outre une part importante de l’opération extérieure. Il faut par exemple réinstaller les dépositaires locaux des pouvoirs civils et militaires dans leurs fonctions, permettre un retour à la vie normale des populations afin de s’assurer de leur soutien. Au Mali, cela passait notamment par la réouverture des marchés, lieux traditionnels d’échanges culturels et économiques.

La fin du déploiement en opération extérieure est caractérisée par une phase de réadaptation à la vie normale et de décompression dans un environnement calme et sécurisé où les soldats peuvent se ressourcer et discuter de leur déploiement avec des psychologues afin de gérer leur retour d’expérience post-combat. C’est également durant cette phase que les rapports de situation et d’opération sont communiqués à la hiérarchie. Le retour en métropole donne lieu à l’octroi d’une permission permettant de se réaccoutumer à une vie normale, avant que les soldats ne soient envoyés remplir un autre type de mission, comme la participation au plan Vigipirate.

Pour aller plus loin :

LOI n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028338825&categorieLien=id

Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale

http://www.livreblancdefenseetsecurite.gouv.fr/

 

Arthur Cabanetos

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