Les Etats-Unis sont sur le déclin, économiquement et géopolitiquement, et ils en sont conscients. Le centre de l’économie mondiale bascule de l’Ouest, de l’Atlantique, vers l’Est, le Pacifique, l’Asie. L’obtention du « fast track » par Barack Obama, voté par le Sénat après de nombreuses réticences, lui octroyant un pouvoir de négociation accru dans la négociation du TPP, témoigne de l’empressement de ce dernier de redistribuer les cartes en sa faveur . En effet, les multiples échecs militaires (Afghanistan, Irak), les déficits abyssaux (La dette publique Américaine s’élève en 2015 à 18 milliards de dollars), la perte de l’hégémonie économique et la montée en puissance de rivaux menaçants (BRICS) sont autant de facteurs qui poussent les Etats-Unis à consolider leurs blocs géopolitiques en Europe et surtout en Asie, nouveau moteur de la croissance économique mondiale, dont ils entendent bien tirer profit. Cette focalisation sur l’Asie-Pacifique se traduit aussi par la présence militaire : actuellement, 60% de l’US Navy est présente dans le pacifique, contre 50% il y a quelques années. Le partenariat militaire avec le Japon, ennemi héréditaire de la Chine, a été renouvelé, tout comme les bases militaires à Guam, dans les Philippines ainsi qu’en Australie, à Darwin. Aux yeux de la Chine, une telle situation est interprétée comme une volonté d’endiguement de son territoire…
Le TPP est aujourd’hui le plus grand traité économique jamais réalisé : il représente en effet 40% du PIB mondial. En plus d’être un accord de libre-échange, il vise également à établir des normes communes entre les Etats signataires. Dès lors la Chine a tout à perdre face à un basculement des échanges en faveur des membres du TPP en Asie : selon le PECC, les pertes en termes de recettes pour la Chine pourraient s’élever à 34,8 milliards de dollars. Pourquoi un basculement des échanges aurait-il lieu ? Car le TPP inclut 12 des 21 membres de l’APEC, Etats avec lesquels Xi Jinping souhaite créer un traité de libre-échange concurrent, baptisé le FTAAP, traité qui avance à tâtons vu qu’il ne contient pas de calendrier de fin de négociations… Surtout, le TPP vise expressément les membres de l’ASEAN, pré-carré Chinois en termes d’exportations : il faut savoir que bien que les gains potentiels de la Chine, si le FTAAP venait à voir le jour, seraient moindres (+0,27% de PIB, toujours selon le PECC), l’économie Chinoise est extrêmement dépendante des exportations. Du point de vue des économistes Américains, le TPP n’est pas une mesure agressive, bien au contraire. Elle vise simplement à rééquilibrer les forces dans cette région du monde car, selon l’économiste Français Jean-Michel Quatrepoint : «Les Américains et leurs multinationales considèrent que le marché chinois n’est pas suffisamment accessible à leurs entreprises, que les chinois copient allègrement —ils n’ont pas tort —, ne versent pas de redevances quand ils copient, que, en plus, ils ne donnent pas un accès suffisant à leurs marchés aux groupes américains, et qu’ils privilégient les entreprises chinoises pour leur marché». En résumé, l’objectif des Etats-Unis est de un de réduire leur dépendance commerciale vis-à-vis de la Chine, en créant un réseau de partenaires en pleine croissance, et de deux d’étouffer les velléités Chinoises dans le Pacifique et en Asie… Du « containment » à l’état pur.
La stratégie d’endiguement américaine trouve ses origines au XIXème siècle, sous la plume d’Alfred Mahan. Dans son livre intitulé «Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire », le géopoliticien Aymeric Chauprade explique sa pensée comme suit : « En 1897, (…) Mahan définit la doctrine qu’il entend voir défendue par son pays. Elle recommande de : s’associer avec la puissance navale britannique dans le contrôle des mers, contenir l’Allemagne dans son rôle continental et s’opposer aux prétentions du Reich sur les mers, mettre en place une défense coordonnée des européens et des américains destinée à juguler les ambitions asiatiques ». On retrouve le même conflit terre/mer, et la même volonté d’étouffer les ambitions des puissances continentales qu’aujourd’hui. On peut aussi trouver ici les germes de l’OTAN et du TAFTA. Dans le même ouvrage, Mr Chauprade explique en quoi les puissances maritimes étreignent le « heartland » à défaut de l’atteindre, ce qui est aujourd’hui l’objectif du TPP : « La thèse centrale de Mackinder définit l’épicentre des phénomènes géopolitiques à partir du concept de centre géographique. C’est autour du pivot, du « heartland », que s’articulent toutes les dynamiques géopolitiques. Ce pivot de la politique mondiale est l’Eurasie, que la puissance maritime ne parvient pas à atteindre et son cœur intime est la Russie, qui occupe dans l’ensemble du monde la position stratégique qu’occupe l’Allemagne en Europe (…) Autour de cet épicentre des secousses géopolitiques mondiales, (…) s’étendent les terres à rivages. Au-delà des coastlands, deux systèmes insulaires viennent compléter l’encadrement du heartland : la Grande-Bretagne et le Japon ». Ce qui explique les relations étroites qu’entretiennent les Etats-Unis avec ces deux nations, qui peuvent être vues comme les « gendarmes » des Américains autour du bloc continental. L’ancien conseiller du président Carter et éminence grise du TAFTA, Zbigniew Brzezinski, s’inscrit lui aussi dans cette pensée. Toujours selon Mr Chauprade : «Brzezinski défend la logique d’endiguement par les Etats-Unis de la masse Eurasiatique : les Etats-Unis ne pourront rester la superpuissance unique et globale que s’ils parviennent à isoler la Russie. Le leadership mondial des Etats-Unis passerait par une maîtrise américaine des zones occidentales, méridionales et orientales de l’Eurasie, autour du heartland. L’alliance Atlantique serait la garantie de contrôle de la zone occidentale (…) quant à l’influence Américaine dans la zone orientale, elle aurait fortement décru en Chine, au Viêt-Nam et dans les pays de l’Indochine mais resterait forte en Corée du Sud et au Japon. ». Il a conscience de la vulnérabilité Américaine et voit dans l’alliance du heartland une menace. Il faut isoler la Russie, via une alliance Atlantique et une alliance avec le Japon. Prise en étau à l’Ouest par le TAFTA et à l’Est par le TPP, La Russie se trouve bel et bien dans la position décrite précédemment, et lorsque l’on regarde les membres des deux traités sur une carte, l’isolement du bloc continental saute aux yeux.
Mais les BRICS, et particulièrement la Chine et la Russie, premières victimes du containment, n’entendent pas se laisser abattre : Sous l’égide de la Russie, les BRICS se donnent les moyens de rivaliser contre les Américains. Cette année, la Russie a réussi à organiser le sommet de l’organisation de coopération de Shanghai et celui des BRICS. L’adhésion de l’Inde et du Pakistan à l’OCS a été acceptée et se concrétisera en 2016, et celle de l’Iran, normalement, suivra. Au-delà de l’économie, c’est un front anti hégémonique qui se construit. C’est une réaction à l’hégémonie américaine, et comme le précise Pascal Marchand dans « Conflits » : « Ce double et même triple sommet constitue un véritable tournant : les BRICS se donnent les moyens de résister à la puissance américaine et de se mettre à l’abri des sanctions économiques qu’elle peut décréter à tout moment, comme elle l’a fait en Crimée. Un véritable front anti-hégémonique serait en cours de constitution pour faire de « l’espace eurasiatique […] notre maison », selon la formule de Vladimir Poutine, à l’abri des intrusions étrangères ». Les BRICS se donnent les moyens de riposter sur trois fronts : la finance, les nouvelles technologies, et surtout l’énergie. Ainsi en 2014, lors du sixième sommet des BRICS à Fortaleza, la création d’un fonds de réserve monétaire a été décidée, ainsi que celle d’une nouvelle banque de développement, concurrente de la banque mondiale de Washington. En cause, le refus du congrès Américain de valider la réforme du FMI de 2010 qui aurait augmenté les quotes-parts de la Chine, de l’Inde et du Brésil. Elle pourrait accorder ses premiers crédits cette année. Aussi, au sommet d’Oufa, la mise en place d’une station orbitale commune aux BRICS a été décidée. Mais c’est surtout au niveau de l’énergie que la riposte s’articule : « En s’installant au Moyen-Orient, réservoir pétrolier de la planète, les États-Unis sont en train de contrôler la dépendance énergétique de la Chine. Pékin doit donc diversifier ses approvisionnements. C’est le sens des rapprochements que les Chinois tentent avec La Russie, l’Iran, L’Arabie Saoudite, le Venezuela et les pays Africains du golfe de Guinée. » C’est en ce sens qu’Aymeric Chauprade, dans son ouvrage « Chronique du choc des civilisations », nous décrit la nouvelle inflexion de la Chine en faveur de la Russie. En Mai 2014, par exemple, Pékin et Moscou se sont mis d’accord pour construire le gazoduc force de Sibérie à partir de gisements orientaux déconnectés des bassins travaillant actuellement pour l’Europe. Il explique aussi que bien que « La Chine pourrait être tentée par les immenses richesses de Sibérie Orientale, elle y investit de façon importante (…) mais pour l’instant la Chine a tout intérêt à ne pas assumer les frais d’aménagement et de gestion d’un espace naturellement difficile (…) de toute façon le seul débouché rationnel des matières premières de cette région est l’extrême –orient (…) par ailleurs la complémentarité entre Pékin et Moscou est forte en ce qui concerne la haute technologie ». Malgré des intérêts parfois divergents, les BRICS se rejoignent dans leur volonté d’émancipation vis-à-vis du pôle Atlantiste. Toujours dans le même numéro du magazine « Conflits », Pascal Gauchon explique que « Lors des récents sommets des BRICS et de l’OCS, (…) Xi Jinping a présenté les grandes lignes de sa réponse stratégique : soutenir la Russie, histoire de détourner l’oncle Sam de l’Asie-Pacifique, et s’assurer de la neutralité de l’Inde, cette dernière étant indispensable à la stratégie Américaine d’endiguement » car en effet « Les USA travaillent depuis des années à un rapprochement avec l’Inde. (…) en retour la Chine poursuit une politique de bon voisinage afin d’éviter un partenariat trop solide entre l’Inde et les USA. » La forte diaspora Indienne présente aux Etats-Unis en fait un partenaire naturel, mais l’Inde a conscience de l’intérêt qu’elle a de se rapprocher des pays membres de l’OCS, futur poids lourd de la scène économique mondiale. Mais ceci n’est pas sans intention, cette nation a conscience qu’à l’avenir elle pourra disputer le rôle de leader asiatique à la Chine, c’est pourquoi elle ne regarde pas forcément dans la même direction que cette dernière : « L’Inde travaille aussi avec ses voisins de l’est, notamment le Japon, espérant construire un triangle Inde-Japon-Etats-Unis capable de rivaliser avec La Chine (…) parallèlement les USA sont en train de déposséder l’allié traditionnel Russe de sa place de premier fournisseur d’armement ». Dans la culture Indienne, d’après «la théorie du Mandala» de Kautilya «Votre voisin est votre ennemi naturel et le voisin de votre voisin est votre ami» La question dès lors est de connaître la priorité de l’Inde : l’indépendance vis-à-vis de l’Occident ou voler le titre de leader Asiatique à la Chine ? Une telle situation pourrait faire voler en éclats la stratégie de bloc continental orchestré par la Chine et la Russie… Et les Etats-Unis le savent pertinemment… Quand la Chine et la Russie gardent une rancune historique envers l’Occident, l’une pour les « Traités inégaux » et l’autre pour la Guerre froide, l’Inde doit son rayonnement à l’influence Britannique, par la langue Anglaise.
En conclusion, on peut dire que cette stratégie, ce conflit qui ne dit pas son nom, s’inscrit dans la lignée des conflits entre les paysans (Heartland) qui pensent le temps et les marins (Les Etats-Unis) qui pensent l’espace, pour reprendre la terminologie du penseur Tunisien Ibn Khaldoun. Néanmoins, avec le recul, on peut citer plusieurs incohérences, voire des erreurs dans la stratégie Américaine : premièrement il faut noter qu’une des constantes géopolitiques de la Chine est qu’elle a toujours privilégié la terre au détriment de la mer… Alors que le propre du containment est de bloquer les puissances continentales en leur bloquant leur accès aux mers chaudes voire aux mers tout court (réf : Grand Jeu). Première incohérence. Ensuite, on peut se demander si, à long terme, la Chine et la Russie seront les principaux rivaux des Etats-Unis. C’est vite oublier que le continent affichant les plus gros taux de croissance ces dernières années est l’Afrique, malgré, évidemment, un retard énorme. On peut aussi se demander si l’ingérence brutale des Etats-Unis à l’étranger ne peut pas entraîner un effet boule de neige contre eux, et ainsi perdre de précieux alliés en plus d’affaiblir son Soft Power… Mais surtout, il convient de souligner un bouleversement majeur en Chine qui pourrait contrarier la stratégie Américaine : Les Etats-Unis souhaitent faire diminuer les exportations Chinoises en leur coupant l’herbe sous le pied en Asie du sud-est. C’est ne pas savoir que la crise actuelle en Chine résulte d’un déséquilibre : les prix des exportations Chinoises ont augmenté ces dernières années en raison de l’augmentation des salaires dans l’empire du milieu, elles sont donc moins compétitives sur le marché mondial. Les entreprises Chinoises elles-mêmes délocalisent au Vietnam. Or la demande interne ne suffit pas à compenser le déficit d’exportation. C’est pourquoi, depuis quelques temps, la politique économique Chinoise s’oriente de plus en plus vers une économie de la demande, au détriment des exportations, une demande d’un milliard quatre-cent millions d’individus, soit plus de quatre fois la population Américaine… en plus du projet Chinois de nouvelle route de la soie, autre moyen de contrer l’interventionnisme Américain au Moyen-Orient, visant à développer ses transports et ses apports énergétiques vers l’Europe, l’Asie centrale et l’Afrique. Le containment Américain ne fait qu’accélérer ce processus. Le grand défaut des marins est de trop s’éloigner pendant que les paysans continuent de cultiver…
Petit Adrien
Janvier 2016
Sources
Numéro 7 du magazine Conflit
Chroniques du choc des civilisations, Aymeric Chauprade, édition Chroniques
Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire, Aymeric Chauprade, éditions Ellipses
http://www.lexpress.fr/actualite/l-inquietude-de-l-inde-face-aux-actions-de-la-chine_1702886.html
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Les opérations de maintien de la paix ont, depuis leurs origines, connu un développement original. Issues du blocage du Conseil de sécurité, elles se sont développées de manière autonome et improvisée, toujours dans le but de préserver la paix partout où celle-ci était menacée. La première mission de maintien de la paix fut envoyée dès 1948 lors de la première guerre israélo-arabe (mission UNTSO), et était composée principalement d’observateurs militaires. Il ne s’agissait pas encore d’une intervention militaire, mais cette première opération établit l’un des principes fondateurs des OMP : l’importance du rôle du Secrétaire général dans la conduite des OMP. Elle est aussi considérée par l’ONU comme la première opération de maintien de la paix. Elle sera suivie par la mise en place du Groupe des observateurs des Nations unies entre l’Inde et le Pakistan (UNMOGIP, 1949), et de la Force d’urgence des Nations unies (FUNU I, 1956) qui formeront ce que Jocelyn Coulon et Michel Liégeois appelleront la « triade fondatrice des opérations de maintien de la paix ».
Le secrétaire général des Nations Unis, Dag Hammarskjöld s’appuya sur l’expérience dégagée de cette triade afin de théoriser la première doctrine du maintien de la paix, qui fait émerger trois concepts de base qui guideront alors les interventions onusiennes en matière de maintien de la paix : le consentement des parties au conflit, l’impartialité de la force déployée et un usage de la force coercitive strictement limité à la légitime défense.
Ce développement à tâtons a été renforcé par l’élaboration de documents successifs (Agenda pour la paix, Rapport Brahimi, Doctrine Capstone…), qui à l’issu se sont constitué comme véritable doctrine du maintien de la paix.
L’élaboration de cette doctrine par la pratique a eu comme avantage de donner une relative autonomie dans les buts et les moyens d’actions des OMP. En effet le Secrétaire général, et le DOMP restent les acteurs principaux et quasiment exclusifs du maintien de la paix au sein de l’ONU. Cette doctrine, bien qu’encore en constante évolution, a su établir un cadre aux opérations de maintien de la paix, leurs faisant ainsi quitter leur tradition d’improvisation pour une mise en œuvre plus structurée.
Pourtant la marge de manœuvre du DOMP reste extrêmement limitée. Les premières réussites des OMP, l’élargissement et la diversification des menaces après la guerre froide, ainsi que la volonté des Etats membres d’utiliser les opérations de paix dans de nombreuses situations différentes, ont conduit à un accroissement progressif des missions de maintien de la paix, sans que la doctrine ou les ressources leur étant allouées ne soient revues à la hausse.
En effet, si le DOMP est relativement indépendant, il ne dispose néanmoins pas de ressources propres. Son budget est réduit et dépend exclusivement du bon vouloir des Etats membres et ses troupes et matériels sont mis à disposition par les Etats contributeurs, sur la base du volontariat. Ce faisant, il lui est impossible d’adapter sa doctrine sans prendre en compte les recommandations des Etats qui lui fournissent ses moyens d’actions. Il existe une relation directe entre le conseil de sécurité et le secrétaire général, qui lui permet d’influer
largement sur l’élaboration de la doctrine, notamment dans les buts qu’elle poursuit. Les contributeurs financiers, pour la grande majorité des pays occidentaux, font également partie du conseil de sécurité et peuvent ainsi avoir un contrôle direct sur les opérations de maintien de la paix, et ainsi imposer leur vision du maintien de la paix. Un retard, volontaire ou non, de paiement, et une diminution des contributions sont d’autres outils à la disposition de ces Etats pour se faire entendre.
Au-delà de la participation financière, les Etats contributeurs en contingents exercent eux aussi une influence certaine. Celle-ci se présente de manière détournée du fait du manque de liens directs entre les contributeurs, le plus souvent des pays en voie de développement, et les autres acteurs du maintien de la paix : Conseil de sécurité, secrétaire général et DOMP. Ainsi une véritable lutte d’influence s’est installée au sein de ces institutions, entre les Etats contributeurs, sous représentés, et les Etats membres du Conseil de sécurité et payeurs. Il s’agit en effet pour les contributeurs en troupes de posséder une voix, ou du moins un droit de regard sur le déroulé des opérations dans lesquelles leurs hommes seront déployés et pourraient potentiellement trouver la mort. Actuellement les contributeurs en contingents ne prennent pas part aux prises de décisions, alors même qu’ils restent responsables des résultats de ces opérations devant leurs opinions publiques nationales, et qu’ils sont souvent les mieux informés sur les difficultés que rencontrent leurs contingents sur le terrain.
Cette rivalité est aussi alimentée par le fait qu’elle s’inscrit aussi dans une lutte entre pays occidentaux dominants, et pays en voie de développement, désireux de se faire une place sur l’échiquier international. Il arrive bien souvent que ces conflits parasitent l’action du DOMP, réduisant l’efficacité des opérations de maintien de la paix, et remettant en cause la vocation universelle au cœur du maintien de la paix. Le manque de dialogue entre les décideurs des OMP et les contributeurs incite également ces derniers à faire pression sur les troupes qu’ils mettent à disposition et sur tous les acteurs du maintien de la paix, afin d’obtenir des garanties quant à l’usage qui est fait de leurs hommes
L’influence exercée par les contributeurs se rapproche de celle que possèdent les armées nationales. Le désir de conserver un certain contrôle sur ses troupes, la réticence vis à vis des mandats relativement contraignants des OMP, le doute dans les capacités d’un Etat-major disparate et inexpérimenté de mener à bien ces opérations conduisent bien souvent les armées nationales à tenter de conserver une certaine influence sur les hommes déployés dans les OMP. Cette influence, facilitée par l’essor des moyens de communication en temps réels, réduit considérablement la marge de manœuvre des commandants onusiens et impacte l’efficacité des opérations.
Il n’est alors pas rare de voir les armées les plus développées tenter d’imposer des modèles qui leur sont propres à l’ensemble des contingents onusiens. Cela est justifiable par volonté d’accroitre l’efficacité opérationnelle des casques bleus, mais entraine aussi le risque de voir l’armée la plus puissante et la plus expérimentée influencer, par le biais d’une organisation qui se veut universelle et égalitaire, les doctrines et moyens des armées d’autres Etats, souvent bien moins développées. Par extension c’est toute la doctrine onusienne de maintien de la paix qui va subir les conséquences de cette lutte d’influence.
Nous avons donc vu que la doctrine onusienne est le théâtre de conflits et de luttes d’influences entre Etats membres qui agissent au nom de leurs intérêts propres. Bien qu’elles aient su se développer dans une relative autonomie, les OMP sont aujourd’hui encore largement tributaires de ces Etats. Ces derniers peuvent utiliser le maintien de la paix comme d’un outil stratégique de plus sur la scène internationale pour imposer leur puissance, au détriment des objectifs propres au maintien de la paix, qui connaît aujourd’hui une certaine désillusion.
L’ONU, si elle veut pouvoir atteindre ses objectifs de manière optimale, délivrée des frictions qui opposent les différents acteurs étatiques du maintien de la paix, doit apprendre dépasser les visions réalistes des Etats qui la composent, et développer une réflexion totale sur la doctrine à mettre en place, sous peine de connaître les mêmes travers que la Société des Nations.
Elle doit alors continuer son évolution vers une plus grande autonomie et professionnalisation de sa doctrine, notamment sur les moyens mis à disposition pour les OMP. De nombreux acteurs réfléchissent aux meilleurs moyens d’atteindre cette autonomie. Il en ressort un besoin de redéfinir strictement les missions laissées à l’ONU, et d’agir en coopération avec d’autres acteurs, notamment les alliances régionales, ou autres coalitions, afin d’atteindre aux mieux ses objectifs, tout en respectant les limites inhérentes au maintien de la paix onusien. Pour certains, l’externalisation par la privatisation des OMP serait l’une des pistes de réflexion à creuser afin de se libérer au mieux de l’influence étatique.
Toutefois une doctrine du maintien de la paix reste nécessairement contrainte par le caractère purement diplomatique des Nations Unies, qui repose entièrement sur le principe du consentement des parties. Ainsi toute évolution ne pourra se faire que lentement, étape par étape, après de longues discussions et d’âpres négociations.
Ainsi l’action de l’ONU sera toujours prisonnière des critiques qui condamnent son inefficacité et sa lenteur. A celles-là il faut rappeler que le maintien de la paix a le mérite d’exister, de se développer, et d’agir pour permettre l’achèvement d’une paix mondiale.
Loïc Balayn
Février 2016
Travaux cités :
1 Site officiel des opérations de maintien de la paix de l’ONU. URL : http://www.un.org/fr/peacekeeping/issues/military.shtml.
2 COULON Jocelyn, LIÉGEOIS Michel, « Qu’est-il advenu du maintien de la paix ? L’avenir d’une tradition », Institut Canadien de la Défense et des Affaires Etrangères, 2010, pp. 1-58.
URL : http://www.psi.ulaval.ca/fileadmin/psi/documents/Documents/Documents/QU_EST-IL_ADVENU_DU_MAINTIEN_DE_LA_PAIX.pdf
3 BOUTROS GHALI, L’Agenda pour la Paix, A/47/277, S/24111, 17 Juin 1992. URL : http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/47/277
4 BRAHIMI, Lakhdar, Rapport du groupe d’étude sur les opérations de paix de l’ONU, A/55/305-S/2000/809,Aout 2000.
URL : http://www.un.org/fr/peacekeeping/sites/peace_operations/
5 DEPARTEMENT DES OPERATION DE MAINTIEN DE LA PAIX, DEPARTEMENT DE L’APPUI AUX MISSIONS, Opérations de maintien de la paix : Principes et orientations, 18 janvier 2008. pp. 8.
URL : http://www.un.org/fr/peacekeeping/documents/capstone_doctrine_fr.pdf
6 TARDY Thierry. « Chapitre 3. L’Organisation des Nations unies : l’éternel recommencement ? p. 80-83.
7 LIEGEOIS Michel, « Quel avenir pour les Casques bleus et le maintien de la paix ? », Politique étrangère 3/2013 (Automne), p. 65-71.
URL : www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2013-3-page-65.htm
8 GUEHENNO Jean-Marie, « Maintien de la paix : les nouveaux défis pour l’ONU et le Conseil de sécurité », Politique étrangère N°3-4 – 2003 – 68e année pp. 689-700.
URL: home/prescript/article/polit_0032-342x_2003_num_68_3_1247.
9 BEIGBEDER Yves, « La crise financière des Nations Unies et les travaux du Comité des Dix-huit », Annuaire français de droit international, volume 32, 1986. pp. 426-438.
URL : home/prescript/article/afdi_0066-3085_1986_num_32_1_2727.
10 TRINQUAND Dominique (Général), « L’Organisation des Nations Unies et les influences qui s’y exercent dans la gestion des crises », Lettre de l’IRSEM n°3, 2013.
URL : http://www.defense.gouv.fr/irsem/publications/lettre-de-l-irsem/les-lettres-de-l-irsem-2012-2013/2013-lettre-de-l-irsem/lettre-de-l-irsem-n-3-2013/dossier-strategique/l-organisation-des-nations-unies-et-les-influences-qui-s-y-exercent-dans-la-gestion-des-crises
11 VOELCKEL Michel, « Quelques aspects de la conduite des opérations de maintien de la paix », Annuaire français de droit international, volume 39, 1993. pp. 75.
URL : home/prescript/article/afdi_0066-3085_1993_num_39_1_3122
12 Voir l’exemple de la FINUL.
MICHEL Benoît, « Maintien de la paix robuste : le cas de la FINUL renforcée », Politique étrangère /2, 2011, pp. 403-408.
URL : www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2011-2-page-403.htm
2. Présentation de l’article et du contexte
L’article a été rédigé le 22 octobre 2013 par Ken Dilanian.
Ken Dilanian est un journaliste americain basé à Washington.
L’article a été rédigé suite à plusieurs raids aérien menés par des drones américains. Ceux-ci ont été effectués dans le but de tuer des combattants Talibans connus des services et représentant une menace pour les Etats Unis. Ces attaques sont très controversées puisqu’il a été découvert qu’elles avaient touché des civils innocents et que les officiels américains n’admettent pas ce fait, d’où la colère et la demande d’explications d’ONG comme Amnesty International et Human Rights Watch.
3. Traduction de l’article
Selon les groupes de défense des droits de l’Homme, les raids menés par des drones tuent plus de civils que les Etats Unis ne veulent l’admettre
Human Rights Watch et Amnesty International prétendent que beaucoup des attaques menées au Yemen et au Pakistan sont peut-être illégales.
22 octobre 2013, par Ken Dilanian
WASHINGTON – D’après des rapports rédigés par des organismes de défense des droits de l’Homme basés sur des interviews avec des survivants ainsi que des témoins, les raids aériens menées par les Etats unis au Yémen et au Pakistan ont tué bien plus de civils que les officiels ne le reconnaissent et beaucoup de ces attaques seraient illégales selon la loi internationale.
Les rapports d’Amnesty International, qui se sont penchés sur neuf attaques au Pakistan, et ceux de Human Rights Watch, qui ont examiné six attaques au Yémen, affirment que les américains ont tué des militants alors même qu’il était possible de les capturer. Au Pakistan, Amnesty a découvert que les missiles américains ont eu pour cible des sauveteurs ou d’autres groupes de personnes de façon totalement aléatoire ce qui a augmenté le nombre de morts du côté civil.
Les rapports, distribués à l’avance au Times ainsi qu’à d’autres agences de presse, vont être remis lors d’une conférence de presse mardi matin à Washington.
La CIA n’a fait aucun commentaire et la Maison Blanche a refusé toute réponse détaillée, mais elle a rappelé que le Président Obama a annoncé en mai dernier des règles d’engagement plus strictes qui engendreraient moins de civils tués ou blessés dans des raids ciblés. La plupart des attaques détaillées dans les deux rapports se sont déroulées avant l’annonce d’Obama.
Les officiels américains ont décrit les raids comme étant à la fois légaux et très précis. En avril 2012, le directeur de la CIA John Brennan, qui était encore conseiller anti-terrorisme à la Maison Blanche, a dit « jamais auparavant il n’y a eu d’armes qui nous permettaient de distinguer plus précisément un terroriste d’Al-Qaïda d’un civil innocent ».
Cependant, Amnesty International a annoncé que 29 non-combattants sont morts dans les attaques au Pakistan sur lesquelles l’ONG s’est penchée et Human Rights Watch a compté 57 civils morts dans six incidents au Yémen, dont 41 dans un raid de missiles de croisière en décembre 2009, du fait de mauvais renseignements donnés par le gouvernement yéménite. La plupart des raids concernaient des missiles tirés depuis des avions pilotés à distance.
Les auteurs des rapports on reconnu que dans de nombreux cas, il était difficile de dire avec certitude si les hommes tués dans telle ou telle attaque étaient ou avaient été membres d’Al-Qaïda ou de forces alliées ou planifiaient des attaques sur des intérêts américains.
Les familles des victimes insistent souvent sur le fait que leurs proches tués n’avaient aucune connexion avec l’extrémisme. Cependant, les officiels des services de renseignements américains et leurs contrôleurs du Congrès disent que dans la quasi totalité des cas, les raids avaient touchés des cibles légitimes.
Les activistes des droits de l’Homme soutiennent le fait que, selon la loi internationale, le seul fait d’être membre d’une organisation ou les personnes ayant eu une implication passée dans des hostilités menées contre les Etats Unis ne font pas d’une personne une cible légitime d’un raid de drone. De plus, ils disent que malgré l’engagement d’Obama d’être plus transparent, les Etats Unis ne communiquent toujours aucune information à propos de l’identité des personnes tuées et de la raison pour laquelle elles ont été visées.
« Nous pensons que ces personnes étaient des civils et c’est la responsabilité du gouvernement américain de prouver le contraire » a dit Naureen Shah d’Amnesty International, qui a aidé à rédiger le rapport de l’ONG. « Le gouvernement américain détient cette information mais ne la divulgue pas ».
Selon Letta Tayler de Human Rights Watch, « Les Etats Unis devraient expliquer qui ces attaquent visent et pourquoi elles les tuent. Nous soupçonnons fortement que leur définition de combattant est élastique et qu’ils l’étendent au delà de ce qu’autorise la loi internationale ».
Deux raids aériens au Pakistan, examinés par Amnesty et qui se sont déroulés après mai, n’ont pas semblé inclure de victimes civiles. Aucun des raids au Yémen détaillés par Human Rights Watch ne se sont passées après l’annonce d’Obama. Cependant, l’administration a informé le Congrès qu’un jeune enfant, le frère du militant visé, a été tué par inadvertance dans un raid de drone en juin au Yémen, selon deux officiels.
La plus importante perte de civils apparaissant dans le rapport s’est déroulée lors d’une attaque par missiles de croisière le 17 décembre 2009 au Yémen dans la province d’Abyan.
Pas moins de cinq missiles de croisière Tomahawk de la marine américaine équipés d’armes à sous-munitions ont touchées le hameau de Majalah, selon Human Rights Watch, dans un cas exploré dans un précédent rapport d’Amnesty dans des articles de presse et des livres.
Bien que l’attaque tua 14 personnes, présumées être des combattants d’Al-Qaïda, elle a aussi tué au moins 41 Bédouins de deux familles différentes, selon une enquête menée par le gouvernement yéménite. Neuf des victimes étaient des femmes, dont cinq d’entre elles étaient enceintes, et 21 étaient des enfants, d’après l’enquête.
« Cette attaque là était due à de mauvais renseignements de la part des yéménites » un officel yéménite anonyme a déclaré à Human Rights Watch.
Les rapports remettent en question les affirmations des Etats Unis. Le 6 juillet 2012, un raid mené dans la région de Waziristan au nord du Pakistan a tué 18 personnes, Amnesty affirme que la plupart, si ce n’est la totalité d’entre eux n’étaient pas des combattants.
Les témoins ont rapporté à Amnesty que l’attaque est survenue en deux temps. Un groupe de travailleurs s’étaient rassemblés dans une tente après une longue journée de travail. Une série de missiles s’est abattue et ensuite d’autres missiles ont touché des villageois qui approchaient pour leur venir en aide, certains d’entre eux portaient des civières.
Bien que les résidents aient reconnu que certaines personnes dans le village étaient compatissantes avec les Talibans, ils ont insisté sur le fait qu’aucune des personnes tuées avaient des sympathies avec des combattants Talibans.
Même si elles l’étaient, « comment les Etats Unis ont-ils pu essayer de justifier le second raid de missiles, qui semblait viser ceux qui étaient allés secourir les personnes blessées dans le premier raid et récupérer les morts ? » a demandé Amnesty. Attaquer des personnes blessées ainsi que des personnes étant venues à leur secours est interdit par la loi humanitaire internationale ».
Le profile de l’attaque semble être un raid signé, une opération au cours de laquelle la CIA attaque des groupes de militants suspects dont les noms sont inconnus, mais qui, aux yeux des analystes qui surveillaient les vidéos de surveillance des drones, entraient dans un moule en terme de comportement représentant une menace.
Le rapport d’Amnesty critique aussi le gouvernement pakistanais. Selon le rapport, alors que des officiels à islamabad, la capitale, condamnent publiquement les attaques des drones, « des éléments d’Etat » sont soupçonnés de collusions avec ceux qui ont commandité les attaques, une allusion aux agences pakistanaises militaires et d’espionnage. Cette ambiguïté tend à décourager Islamabad d’enquêter sur les attaques contre les civils, d’aider les victimes des raids de drones ou de faire pression sur les Etats Unis pour une meilleure prise de responsabilité, selon Amnesty.
« Le problème est que le programme des drones a commencé à travers un accord tacite entre les gouvernements des Etats Unis et du Pakistan », a déclaré Raza Rumi, un analyste spécialisé dans la politique et la sécurité basé à Islamabad. « Cependant, du fait de la nature de cette relation bilatérale, le programme des drones est devenu controversé ».
Les drones provoquent une tension politique au Pakistan.
Mais certains pakistanais accusent les Talibans de se réfugier chez des populations civiles, mettant en danger des personnes innocentes.
Muhammad Asmatullah Wazir, agé de 22 ans, a récemment déménagé de Miram Shah, dans le nord du Waziristan, à Islamabad et dit que beaucoup de personnes sont en faveur des raids de drones dans le nord du Waziristan.
« La plupart d’entre nous ne disent pas tout cela publiquement, mais lorsque nous sommes avec des amis ou de la famille, nous parlons aussi de l’aspect positif des drones », a dit Wazir. « Nous croyons fortement que les combattants Talibans se cachent dans les montagnes uniquement du fait des drones, sinon, ils se déplaceraient librement dans nos villes et villages ».
Ken Dilanian
Aoun Sahi, correspondant spécial à Islamabad et Mark Magnier, rédacteur au Times à New Delhi on contribué à cet article.
Original de l’article :
Rights groups say drone strikes kill more civilians than U.S. admits
Human Rights Watch and Amnesty International allege that many of the attacks in Yemen and Pakistan may have been illegal.
October 22, 2013 By Ken Dilanian
WASHINGTON — U.S. airstrikes in Yemen and Pakistan have killed far more civilians than American officials acknowledge, and many of the attacks appear to have been illegal under international law, according to a pair of reports by human rights organizations based on interviews with survivors and witnesses.
The reports by Amnesty International, which looked into nine strikes in Pakistan, and Human Rights Watch, which examined six attacks in Yemen, also assert that the U.S. has killed militants when capturing them was a feasible option. In Pakistan, Amnesty found that U.S. missiles have targeted rescuers and other groups of people in an indiscriminate manner that increased the likelihood of civilian deaths.
The reports, distributed in advance to The Times and other news organizations, are to be released at a news conference Tuesday morning in Washington.
The CIA had no comment, and the White House declined to respond in detail, but it pointed out that President Obama in May announced tighter rules of engagement that he said would make it less likely civilians would be killed or injured in targeted strikes. Most of the attacks detailed in the two reports took place before Obama’s speech.
American officials have portrayed drone strikes as both lawful and clinically precise. CIA Director John Brennan said in April 2012 when he was a White House counter-terrorism advisor that “never before has there been a weapon that allows us to distinguish more effectively between an Al Qaeda terrorist and innocent civilians.”
But Amnesty said 29 noncombatants died in the Pakistan attacks it investigated, and Human Rights Watch counted 57 civilians dead in six incidents in Yemen, including 41 in a December 2009 cruise missile strike based on bad intelligence from the Yemeni government. Most of the strikes involved missiles fired from remotely piloted drone aircraft.
The authors of the reports acknowledged that in many cases it was difficult to say with certainty whether adult men killed in a particular strike were members of Al Qaeda or associated forces who had participated in or were planning attacks on U.S. interests.
Relatives of the dead often insist that their loved ones had no connection to extremism. American intelligence officials and their congressional overseers say that in almost all cases, the strikes have hit legitimate targets.
The human rights activists argue that, under international law, mere membership in an organization or past participation in hostilities against the U.S. does not make someone a legitimate target for a drone strike. And they say that despite Obama’s pledge this year to be more transparent, the U.S. is still releasing almost no information about who it is killing and why.
“We think these people were civilians, and the onus is on the U.S. government to prove otherwise,” said Naureen Shah of Amnesty International, who helped write the group’s report. “The U.S. government has this information and is withholding it.”
Letta Tayler of Human Rights Watch said: “The U.S. should explain who it’s killing and why it’s killing them. We strongly suspect that their definition of ‘combatant’ is elastic and that they are stretching it beyond what international law allows.”
Two airstrikes in Pakistan examined by Amnesty that occurred after May did not appear to include any civilian casualties. None of the strikes in Yemen detailed by Human Rights Watch occurred after Obama’s speech. However, the administration has informed Congress that a young child, the brother of a targeted militant, was killed inadvertently in a June drone strike in Yemen, two U.S. officials said.
The largest loss of civilian life discussed in the report occurred in a cruise missile attack on Dec. 17, 2009, in Yemen’s Abyan province.
As many as five U.S. Navy Tomahawk cruise missiles armed with cluster munitions struck the hamlet of Majalah, Human Rights Watch said, in a case that has been explored in a previous Amnesty report and in news accounts and books.
Though the attack killed 14 people believed to be Al Qaeda combatants, it also killed at least 41 Bedouins from two extended families, according to a Yemeni government investigation. Nine of the dead were women — five of them pregnant — and 21 were children, the investigation found.
“That one you could argue was bad intelligence from the Yemenis,” an unnamed Yemeni official told Human Rights Watch.
The reports call the U.S. assurances into question. A strike on July 6, 2012, in Pakistan’s North Waziristan region killed 18 people, most if not all of whom were noncombatants, Amnesty asserts.
Witnesses told Amnesty that the attack came in two waves. A group of laborers had gathered at a tent after a long day of work. A series of missiles struck, and then more missiles hit villagers who approached to help, some of them carrying stretchers.
Though residents acknowledged that some people in the village were sympathetic to the Taliban, they insisted that none of those killed were Taliban fighters.
Even if they were, “how could the U.S.A. attempt to justify the second missile strike, which appeared to target those who had gone to rescue people injured in the first strike and recover the dead?” Amnesty asked. “Attacking the injured and (rescuers) is prohibited under international humanitarian law.”
That attack appears to fit the profile of a signature strike, an operation in which the CIA attacks groups of suspected militants whose names are not known, but who in the eyes of analysts watching drone surveillance video fit a pattern of behavior that marks them as a threat.
The Amnesty report also criticizes the Pakistani government. Even as officials in Islamabad, the capital, publicly condemn drone attacks, “elements of the state” are suspected of colluding with those behind the attacks, the report says, an apparent reference to Pakistan’s military and spy agencies. This ambiguity tends to discourage Islamabad from investigating civilian attacks, helping drone strike victims or pressuring the U.S. for greater accountability, Amnesty said.
“The problem is that the drone program started through a tacit agreement between the U.S. and Pakistani governments,” said Raza Rumi, an Islamabad-based political and security analyst. “However, due to the nature of the bilateral relationship, the drone program has become controversial.”
Drones generate political resentment in Pakistan.
But some Pakistanis also blame the Taliban for taking cover among civilian populations, putting ordinary people in harm’s way.
Muhammad Asmatullah Wazir, 22, who moved recently to Islamabad from Miram Shah in North Waziristan, said many in North Waziristan support drone strikes.
“Most of us do not say so publicly, but when we get together with friends and family, we also talk about the positive side of the drones,” Wazir said. “We strongly believe Taliban fighters are only hiding in the mountains because of drones; otherwise they would move around freely in our towns and villages.”
Special correspondent Aoun Sahi in Islamabad and Times staff writer Mark Magnier in New Delhi contributed to this report.
Lien de l’article :
http://articles.latimes.com/2013/oct/22/world/la-fg-drone-reports-20131022
Présentation du journal :
Globalpolitics.net est un site web qui publie régulièrement des analyses et informations sur les grands problèmes mondiaux tels que l’environnement, la guerre, le développement économique et autres sujets d’actualités. Il est considéré comme un service éducatif non commercial visant à favoriser la compréhension des problèmes et enjeux du monde d’aujourd’hui. Les articles peuvent refléter davantage le point de vue de l’auteur que celui de la rédaction.
Présentation de l’article :
L’article a été écrit le 10 juillet 2013 par Jared Metzker, on ne dispose pas plus d‘informations sur l’auteur. Il traite de la possibilité d’accord de paix suite au retrait des troupes américaines en Afghanistan dû à la fin de la guerre qui fait rage dans le pays depuis octobre 2001. Le but de l’invasion américaine et de ces alliés était de lutter contre le terrorisme et plus particulièrement de capturer Oussama Ben Laden. Le retrait des troupes américaines devrait avoir lieu d’ici à 2014, mais la stabilité politique n’est pas encore totalement assurée d’où l’intérêt de cet article.
Traduction :
Photo : Un soldat afghan protège le palais du roi Amanullah (1919-1929) qui a été partiellement détruit lors de la guerre civile de 1992-1996. Photographe : Giuliana Sgrena/IPS
Jared Metzker
Wahington, Juillet 2009 (IPS) –
Selon un rapport présenté ici ce lundi, les espoirs d’un accord de paix et de partage du pouvoir en Afghanistan suivant le programme de retrait des troupes américaines d’ici 2014 sont sombres.
Dans ce contexte, un groupe d’étude du Centre International d’Étude sur la Radicalisation et les violences politique (ICSR), un groupe de réflexion dans ce cas, a conclu que les efforts des diplomates américains ont échoué à la création de circonstances nécessaire pour assurer une transition politique sans heurts vers un état afghan indépendant.
Le report détaille les résultats d’une vaste étude sur les tentatives américaines pour faciliter les négociations entre les taliban et le gouvernement national afghan. Les analystes de l’ICSR ont déterminé que jusque là, ces tentatives ont résulté à des échecs, de plus, ils expriment un doute quant au fait que ces échecs puissent être transformés.
« Étant donné le peu de temps qu’il reste avant la fin de la mission des forces internationales d’assistance et de sécurité (ISAF) en décembre 2014 », le rapport statut, « il y a quelques motifs d’optimisme à ce que les négociations futures puissent aboutir à une avancé politique majeur. »
Les difficultés pour trouver des solutions lors des négociations sont multiples, partisans et opposants sont d’accord, mais aucune négociation n’est actuellement programmée.
La dernière tentative de négociation du gouvernement du président afghan Hamid Karzai avec les taliban a échoué le mois dernier à cause du désaccord que le président Karzai a eu suite aux signes que les taliban ont placés en dehors leur état-major à Doha, Qatar.
Malgré tout, le rapport accuse Washington de faire de nombreuses erreurs stratégiques qui ont induit des problèmes lorsqu’ils sont confrontés aux négociations.
Par exemple, il attribue aux États-Unis un mauvais timing à leurs efforts de négociations, en disant qu’ils arrivent trop tard, laissant la mise en œuvre du processus pas assez avancé pour en tirer les fruits.
« Le timing des négociations n’aurait pas pu être pire », a dit Ryan Evans, l’un des auteurs de l’ICSR lors de la présentation du rapport lundi. Les États-Unis ne sont pas en train de négocier en position de force, mais plutôt en position de faiblesse, puisque nous avons annoncé que nous allions retirer les troupes avant que les négociations soient un problème pour la politique américaine.
Il ajoute : « En faisant ça, nous avons enlever le plus important levier que nous avions jusque là en ce qui concerne les taliban : la présence de nos troupes en Afghanistan. »
Frédéric Grare, directeur du programme d’Asie du Sud à la Fondation Carnegie pour la paix international, un groupe de réflexion, doute également qu’il puisse y avoir des négociations substantielles impliquant le gouvernement Karzaï et les taliban avant le retrait des États-Unis, notant des problèmes similaires de calendrier.
« Les taliban ne veulent pas négocier avec Karzai, car ils le voient comme une marionnette des Américains » a déclaré Grare à l’IPS. ” Et plus vous vous rapprochez de la date du retrait, moins vous aurez de chance d’obtenir des taliban ce qu’ils ne veulent pas faire. »
Pendant ce temps, le rapport accuse les États-Unis de manquer de coordination et d’avoir une seule voix en parlant aux Afghans, et également de fournir des indications mixtes et souvent contradictoires de leurs intentions.
Il note que les membres d’un large éventail d’organismes gouvernementaux des États-Unis, tels que le ministère de la Défense, du Département d’État et le Conseil national de sécurité, poursuivent des programmes variés.
« Il y a eu de trop nombreux acteurs impliqués dans ce processus et ainsi que de trop nombreuses lignes de communication différentes avec les taliban que l’effet cumulatif a créés le chaos », indique le rapport. « Plusieurs canaux ont été exploités en parallèle, créant la confusion, ne reliant pas les attentes de toutes les parties, et des envoyant des messages contradictoires. »
Pendant ce temps, les taliban ne sont pas aussi unifiés que l’idéal souhaité pour mener des négociations efficaces. Mais les États-Unis ne se sont pas rendu un service, en opérant sans cette idée à l’esprit, indique le rapport.
«Nous avons abordé les talibans comme s’il y avait des mouvements hiérarchiques strictement contrôlés, et que nous pouvions négocier avec des gens du haut de la hiérarchie et que le reste du groupe suit les décisions », a déclaré Evans, notant que ce n’est pas le cas.
«Les gens là-bas se battent pour des raisons locales et sont souvent que quelque peu reliés à la direction des taliban ».
Evans cite ses propres expériences dans le pays, ainsi que des exemples de l’histoire récente, dans lesquels les négociations conclues avec les leaders taliban n’ont pas été portées grâce aux membres talibans des rangs inférieurs.
Le ICSR avertit qu’en plus d’avoir une structure disparate, les taliban sont enclins à utiliser les négociations comme un mouvement tactique dans une stratégie sophistiquée.
« Il peut, en effet, y avoir des taliban pragmatiques qui favorisent la négociation menant à une sorte de partage du pouvoir », affirme le rapport, « mais il y a aussi ceux qui considèrent les négociations comme le moyen d’arriver à ces fins ou comme le moyen de réduire la pression militaire, ce qui leur permet de conserver leur force et de consolider leur autorité dans les zones d’Afghanistan qu’ils contrôlent actuellement ».
Cette dernière citation vient d’un rapport de 2012 dans le magazine Foreign Policy.
Pendant ce temps, Grare déplore que d’autres voix importantes aient été laissées en dehors des négociations. Il croit qu’en repoussant d’autres groupes non taliban, Karzaï s’est, lui-même, «isolé ».
Ce manque d’implication des autres acteurs est l’une des raisons, selon Grare, que les pourparlers « ne mèneront nulle part ».
Pourtant, d’autres experts affirment que les États-Unis n’ont pas de bonne option autre que de pousser à des négociations substantielles sur le retrait, prévu en 2014.
«Nous pouvons rester jusqu’en 2014, ou nous pouvons rester jusqu’en 2024 », Bill Goodfellow, un des fondateurs du Centre pour la Politique internationale (CIP). Une autre réflexion, propose IPS. « Si nous ne négocions pas un règlement politique, cela n’aura aucun impact ».
Goodfellow souligne l’importance d’inclure tous les états et toutes les parties concernées, y compris l’Iran, un pays avec lequel Washington est actuellement en conflit.
Le rapport de l’ICSR dispose d’une série de recommandations, ce qu’il propose pourrait améliorer les chances des États-Unis de parvenir à un accord pacifique de partage du pouvoir par des négociations.
Il conseille aux États-Unis de «parler d’une seule voix », par exemple, en tenant les rênes des différents messagers du gouvernement des États-Unis en Afghanistan. «En travaillant depuis le même script » les États-Unis pourraient s’assurer que les afghans comprennent leur position et leur but.
Le rapport suggère également aux États-Unis de s’assurer que toutes les parties prenantes soient impliquées dans le processus de collaboration, et que les besoins de la majorité de la société afghane soient pris en considération.
«Ignorer les besoins et les intérêts fondamentaux », conclut le rapport, « non seulement augmente le risque de guerre civile, mais déstabilise également le processus de négociation lui-même. »
Commentaire :
Grâce à cet article, nous pouvons mieux comprendre les dessous d’un accord de paix. Il permet de se rendre compte des difficultés liées aux négociations et met en avant les différences d’interprétations lors de négociations entre parties prenantes de différentes cultures.
Nous pouvons comprendre à travers cet article que les États-Unis ont fait preuve d’un défaut de management lors de leurs opérations, ils n’ont pas pris en compte toutes variables du problème d’accords de paix avec l’Afghanistan et doivent maintenant faire face à des problèmes de gestion stratégiques de leurs manœuvres lors des négociations.
Sitographie :
Source : http://globalgeopolitics.net/wordpress/about/
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Afin d’éclairer ces quelques points, il convient d’étudier en quoi l’importance des facteurs religieux permet à l’Afghanistan de cristallise l’affrontement de deux interprétations différentes de l’Islam.
Afin de comprendre ce conflit, il est nécessaire d’étudier l’organisation ethnique et religieuse de l’Afghanistan et de sa région. De même, il est primordial de connaitre la nature des deux Islam et des factions les véhiculant. Enfin nous verrons que l’Afghanistan est le vecteur d’enjeux d’autres Etats.
Description
Les différentes ethnies
L’Afghanistan est une mosaïque ethnique, on y dénombre environ une quinzaine d’ethnies parlant environ 30 langues, ce qui fait que le bilinguisme est courant. Ainsi le pachto et le dari (variante du persan) sont les deux langues officielles.
On peut classer les ethnies d’Afghanistan selon trois groupes :
– le groupe iranien
– le groupe turc
– le groupe regroupant les autres ethnies minoritaires
Le groupe iranien comprend :
– les pachtounes (les afghans de souche car le mot afghan est synonyme du mot pachtoune) parlant le pachto (langue appartenant au sous-groupe iranien) et formant le plus grand groupe estimé à environ 40 % de la population
– les tadjiks, persanophones, parlant le dari (persan parlé en Afghanistan) ou le dialecte Tadjik (persan du Tadjikistan), surtout présents au nord-est, dans la vallée du Panshir et constituant environ 25 % de la population. Ils sont les ennemis récurrents des pachtounes
– les Hazaras, majoritairement chiites ismaéliens, sont surtout présents dans le centre de l’Afghanistan, parlent des variantes du persan et représentant environ 15 % de la population. D’une manière plus générale les Hazaras sont considérés comme au plus bas de l’échelle sociale en Afghanistan à cause de leurs convictions religieuses (la majorité de l’Afghanistan étant sunnite) et de leurs traits physiques de type mongoloïde
– d’autres ethnies comme les Aimaks (sunnites de type hanafite, représentant environ 4 % de la population), les Baloutches (sunnites hanafites, représentant environ 2 % de la population) ou encore les Kizilbachs (chiites)
Le groupe turc est composé :
– des turkmènes, ayant fui les révoltes contre les russes de 1916 à 1930. Ils parlent un dialecte turc et sont sunnites de rite hanafite, et représentent environ 2 % de la population. Ils sont surtout présents dans le nord du pays
– des ouzbeks, turcophones, sunnites hanafites, représentant 5 % de la population
On trouve encore de nombreuses ethnies minoritaires tels que les nouristanis, les baloutches (d’origine iranienne) ou les Kirghizes (d’origine turque). On dénombre par ailleurs des ethnies d’origine indienne en très faible proportion.
Cette grande diversité ethnique offre une grande richesse linguistique et culturelle à l’Afghanistan mais c’est également une faiblesse. En effet cela pose de nombreuses difficultés pour créer une nation unie étant donné que des tensions existent entre les différentes ethnies (notamment les pachtounes avec les tadjiks et les hazaras).
Religions
L’Afghanistan est à 99 % musulman dont :
– 84 % sunnite
– 15 % chiite
Force est de constater que la majorité de l’islam pratiqué dans la zone de l’Afghanistan est de type sunnite et que seul l’Iran est majoritairement chiite en terme de répartitions géographique et en pourcentage de population (l’Irak étant composé de 51 % de chiites mais on voit qu’ils sont concentrés dans la région du sud-est)
L’Iran est composé de 80 % de musulmans chiites et l’Islam chiite est la religion d’Etat. Ce pays a donc un rayonnement religieux dans le monde musulman et plus particulièrement dans cette région.
L’Arabie Saoudite est composé à 97 % de musulmans sunnites et de 2,5 % de musulmans chiites. Cet Islam sunnite est de type wahhabite, branche extrêmement radicale. Ce pays se considère comme le pays d’où le rayonnement de l’Islam nait et doit se diffuser.
On note que la région du Cachemire, contrôlée par l’Inde, quasi-totalement composé de personnes de rite musulman sunnite.
Massoud opposé aux talibans : confrontation de deux Islam
1) Ahmed Chah Massoud, appelé Le commandant Massoud
Massoud était un chef de guerre doué sur le plan tactique. Ayant combattu les soviétiques puis les talibans, il a toujours eu pour but de faire en sorte que l’Afghanistan soit libre et qu’une réelle nation afghane émerge.
Par conséquent, il n’est pas étonnant que la vision de l’islam du Lion du Panshir soit un Islam tolérant, et ouvert aux changements de mœurs des sociétés, le tout s’incorporant dans une vision patriotique.
Par ailleurs, cet Islam s’avère favorable à une intégration de la femme dans la société politique afghane (Massoud prévoyait d’en mettre dans le futur gouvernement)
L’extrait de l’article suivant est la preuve même de la vision réfléchie et moderne de Massoud
« Que signifie pour vous la révolution au nom d’Allah ?
Avant tout, plus de justice, telle qu’elle est enseignée par le Coran. Nous voudrions que notre pays appartienne à ses citoyens et pas uniquement à la Famille. Nous pensions que l’islam en tant que religion devait servir à parfaire l’Etat et non pas à conserver l’ordre ancien au nom d’une tradition ancestrale. Nous voulions une République islamique tolérante, qui respecte les droits et les libertés de l’homme, prône les règles de la démocratie parce que c’est une absurdité de dire que l’islam est en contradiction avec la démocratie… J’ai toujours été et je reste opposé à toute forme de fanatisme. C’est pour cette raison que je haïssais le communisme. »
Le Monde du 18.09.01
Devenant un modèle à suivre, les autres ethnies, pratiquant ce même Islam, se rallient à sa cause dans le sillage de l’Alliance du Nord. Ainsi, cet Islam lie les autres ethnies, minoritaires par rapport à l’ethnie dominante que sont les pachtounes, dont la majorité des talibans sont issus.
2) Les taliban
“Taliban” signifie littéralement “étudiants religieux”. Comme dit précédemment, la plupart sont pachtounes et ils sont issus des madrasas, écoles coraniques. Ce mouvement cherche surtout à instaurer un islam pur reposant essentiellement sur la charia. Dans ces madrasas s’exerce l’influence de l’Arabie Saoudite les finançant (nous verrons par la suite pourquoi), aboutissant sur une diffusion du wahhabisme. L’Islam que pratiquent les talibans est donc très radical (interdisant par exemple la musique et le rire)
La dérive de cette idéologie va conduire à un renforcement de ce radicalisme, si bien que les talibans ne tolèrent plus que leur ethnie. De plus ce retour fondamental provoqué par une certaine crainte de l’influence de la modernité, en provenance d’Occident, génère une attitude hostile vis-à-vis de l’Occident.
À la tête de ce mouvement islamiste, Mohammad Omar, plus connu sous le nom de Mollah Omar. Cet ancien pasteur de village est notamment accusé par l’occident d’avoir accordée l’hospitalité à Oussama Ben Laden (originaire d’Arabie Saoudite) ainsi qu‘à certains chefs
Les étudiants en « théologie » entretiennent des liens avec le Jamiat Ulema-e-Islami (parti pakistanais de droite) Ces relations ne sont ni exclusives ni approuvées par toutes les classes dirigeantes pakistanaises.
Les talibans reçoivent donc l’appui du Pakistan mais cela ne signifie pas qu’ils soient pro pakistanais ou contrôlés par l’Islamabad et encore moins soumis à ses ordres.
La grande force des talibans réside dans la peur qu’ils inspirent pour deux grandes raisons :
– leur composition ethnique, leur loyauté envers leur communauté d’origine. « L’insurrection des talibans est essentiellement pachtoune. Tous les pachtouns ne sont pas talibans, mais tous les talibans sont pachtouns tandis que les autres groupes ethniques (tadjiks, Ouzbeks, Hazâras…. N’ont rien contre les américains »( cf Propos du Dr Abdullah Abdullah, ancien conseiller de Massoud, leader de l’opposition au Pdt Hamid Karzaï. In Le Figaro du 19 février 2010) Cette ethnicité des talibans constitue un handicap pour dominer cette région.
– la violence de leur idéologie puritaine voire fanatique
Leur comportement est strict mais apporte plus de sécurité. Ainsi, la population, lassée de vivre sous la peur de la guerre, finit par les accepter et les talibans arrivent à contrôler en moins de deux années les deux tiers du pays.
Par les précédentes descriptions, on voit que deux Islam se confrontent, chacun avec ses propres différences tout en conservant certaines caractéristiques communes. Tout d’abord, ces deux Islams sont sunnites et fondamentalistes. Ensuite, la religion joue un rôle d’agent liant et identitaire : l’ensemble des ethnies minoritaires avec un Islam dont l’essence est conservée d’un côté, et l’ethnie pachtoune majoritaire dont l’Islam a été radicalisé et parfois aliéné dans un autre.
Le jeu des puissances extérieures
L’Afghanistan était un carrefour entre Asie et Moyen-Orient, le conflit entre les talibans et leurs ennemis a des conséquences sur l’ensemble de cette région d’Asie mineure. Ainsi, d’autres Etats vont intervenir en faveur de tel ou tel camp afin d’atteindre leurs propres objectifs.
1) Le rôle du Pakistan, de l’Arabie Saoudite, et des Etats-Unis
« Depuis le départ des troupes soviétiques, Islamabad joue un rôle croissant de puissance régionale. Le Pakistan, qui a un contentieux historique avec l’Afghanistan sur le tracé de la frontière entre les deux pays (ligne Durand), a profité de la présence sur son sol de millions de réfugiés afghans pour manipuler les représentants de la résistance afghane [contre Moscou] établie à Peshawar [ville pakistanaise, près de la frontière afghane]. Un Afghanistan “satellisé” permet en effet à Islamabad d’avoir un accès vers l’Asie centrale et d’enterrer le contentieux sur la ligne Durand…… Le Hezb-é-islami de Gulbuddin Hekmatiyar [pachtoune], vieil allié du Pakistan, a ainsi été utilisé pour tenter de renverser le gouvernement Rabbani [l’allié de Massoud], mais sans succès. Dès lors, le Pakistan a décidé de mettre sur pied le groupe extrémiste des talibans. »
Extrait de l’article “Le Pakistan est responsable de la guerre”, Courrier International du 22 mars 2001, n° 542
A travers cet article, on note l’ingérence du Pakistan en Afghanistan. Or, rendre puissant les talibans est onéreux et le Pakistan n’a pas la puissance financière nécessaire pour y parvenir. Il fait donc appel à deux Etats disposant de moyens importants : l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis.
Les pakistanais sont obsédés par leur rivalité avec l’Inde. Les militaires Pakistanais veulent à tout prix conserver une « profondeur stratégique » en Afghanistan. Mais ce point de vue à peu de soutien dans l’opinion Pakistanaise. Celui-ci constate que les talibans attaquent la police et menacent la stabilité du pays.
Concernant l’Arabie Saoudite, ce pays trouve un intérêt religieux à soutenir le Pakistan. En effet, l’Arabie Saoudite a contribué au financement de diverses madrasas afin de diffuser le wahhabisme. Cela permet, par effet ricoché, de former des individus sunnites radicaux à caractère anti-chiite et donc anti-iranien, dont l’Arabie Saoudite voit d’un très mauvais œil son rayonnement religieux, qu’elle considère illégitime.
A propos des Etats-Unis, ils ont fourni des aides financières par le passé afin de lutter contre l’expansion du communisme, dans le cadre de la politique du « containment », et à l’époque, permettre la montée en puissance d’islamistes leur semblait être la solution adéquate. Par la suite, le Pakistan les a convaincus en leur soumettant l’idée d’un tronçon d’oléoducs et gazoducs partant de la Caspienne, passant par l’Afghanistan avant de rallier les mers chaudes via le Pakistan
Dans le cas où les taliban auraient pu obtenir le pouvoir, et le Pakistan, également musulman, aurait pu imposer ce choix, choix qui aurait également profité aux Etats-Unis.
Mais quel intérêt a le Pakistan à adopter un tel comportement ?
« Face à la puissance démographique et à l’immensité géographique de l’Inde, seul l’Afghanistan peut, en cas de guerre, offrir au Pakistan une profondeur stratégique. Il faut pour cela à Kaboul un régime favorable à Islamabad : les talibans, le fondamentalisme sunnite offrant le ciment idéologique de cette alliance. Des tribus pachtounes occupent le terrain de part et d’autre d’une frontière internationale fort théorique. La question afghane devient ainsi une question intérieure au Pakistan. »
Ainsi, face à son a ennemi qu’est l’Inde, majoritairement hindoue, le Pakistan a tout intérêt à promouvoir et maintenir le régime des talibans, dont l’ethnie s’étale à cheval sur les deux pays. Comme dit précédemment, le caractère religieux est un facteur identitaire dans lequel talibans et Pakistan se retrouvent et se comprennent, ce qui permet la création de cette alliance.
Par ailleurs, ces talibans pourraient servir au Pakistan afin de faire pression dans la région du Cachemire, contrôlée par l’Inde, mais majoritairement de confession religieuse musulmane.
1) Le rôle de l’Inde et de l’Iran
L’Inde soutient Massoud et l’Islam qu’il véhicule afin de lutter contrer les taliban, ce qui permet de diviser les forces pakistanaises sur deux fronts :
– d’un côté Massoud contre les taliban en Afghanistan
– de l’autre le Pakistan contre l’Inde dans la région du Cachemire, où Islam en majorité et Hindouisme au pouvoir s’affrontent
Cela permet aussi d’éviter une trop grande propagation de cet Islam vers la Pakistan et même dans le reste de la zone.
L’Iran, lui ne tolère en aucun cas que la répression des talibans sunnites vis-à-vis des Hazaras chiites et soutient donc l’Islam de Massoud, permettant une totale cohabitation entre sunnites et chiites. De plus cela permet de contrer cette avancée sunnite radicale, qui pourrait aller s’étendre en Iran.
Par ailleurs, l’Iran, à travers ce soutien envers les minorités chiites, peut vouloir affirmer sa volonté de diffusion du chiisme dans le monde musulman et ainsi assoir son rayonnement religieux dans cette région afin de réduire ce sentiment d’encerclement (étant donné qu’à part les pays de l’arc chiite, le reste du monde musulman est majoritairement sunnite)
D’un côté, les taliban sont soutenus dans un but stratégique et de diffusion religieuse et de l’autre Massoud l’est afin de lutter contre la propagation de cet Islam, qui pourrait réveiller des tendances similaires dans le reste des Etats de la région.
On peut voir que la religion joue un rôle plus qu’important dans le conflit afghan. Ces deux Islams jouent un rôle unificateur et étant diamétralement opposé, ils ne peuvent donner lieu qu’à des affrontements lorsqu’ils sont confrontés. L’un cherche une unification à travers une tolérance de l’autre et une cohésion ethnique alors que l’autre cherche à imposer une unique conception et décimer les autres ethnies. Le facteur religieux est d’autant plus puissant qu’il est utilisé pour donner plus de poids aux décisions que chaque camp prend. Nous avons également pu voir son importance déterminante lorsque des puissances extérieures s’en servent afin de faire levier et d’arriver à leurs fins. La religion a donc eu et continue de jouer un rôle important dans la géopolitique des Etats.
Bibliographie :
– Ouvrage
Patrick louis. Les minorités sans Etat au moyen Orient. Ed ID.
– wikipédia
– Sitographie
http://www.bassirat.net/La-mosaique-ethnique-afghane,380.html
http://www.kaboul.com/langues.html
http://pagesperso-orange.fr/andre.canessa/Massoud/jagielski.htm
http://www.linternaute.com/savoir/idee-religion/dossier/sunnisme-chiisme/carte.shtml
http://www.conflits.org/index70.html
http://www.alterinter.org/article3253.html
Courrier international, Hebdo n° 470, 570, 571, 574, 576, 696
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