Risques, menaces & Opportunités – Geolinks Observatoire en Géostratégie de Lyon Thu, 08 Jun 2017 17:25:51 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.6.1 Escalade et désescalade de la violence /sans-categorie/escalade-et-desescalade-de-la-violence/ /sans-categorie/escalade-et-desescalade-de-la-violence/#respond Tue, 10 Jan 2017 14:07:25 +0000 /?p=12653 Escalade et désescalade de la violence

 

 

“La violence se donne toujours une contre-violence, c’est-à-dire pour une riposte à la violence de l’autre” (Jean Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, 1960). Le soulèvement des peuples face à l’oppression coloniale, la première intifada en Palestine témoignent de l’utilisation de la violence face à la violence. Aujourd’hui, le Moyen-Orient est le théâtre de la violence, les guerres religieuses entre chiites et sunnites, le conflit israélo-palestinien, la guerre syrienne, la lutte contre daesh ne laissent planer aucun espoir pour une paix réelle.

La violence peut être définie comme: “l’ensemble des actes caractérisés par des abus de la force physique, des utilisations d’armes, des relations d’extrême gravité” (Larousse). Le gain de tension, amenant à une intensification de la violence au cours d’une période définira l’escalade et par extension la période d’apaisement définira la désescalade. L’Etat joue un rôle prépondérant dans l’utilisation de la violence puisque selon Max Weber, l’Etat possède le monopole de la violence et est légitime quant à l’utilisation de celle-ci. Dans le Savant et le politique, il définit l’Etat de la manière suivante: « un Etat est une communauté humaine qui revendique le monopole de l’usage légitime de la force physique sur un territoire donné ».

Dans notre étude nous étudierons la crise des missiles de Cuba de 1962 qui aurait pu entraîner le monde dans une guerre nucléaire. Cette crise représente parfaitement l’escalade de la violence entre deux Etats fondamentalement opposés sur le plan politique. Enfin nous approcherons la désescalade de violence à travers la Détente de 1963 à 1979 qui désigne la période de rapprochement entre le bloc de l’est et le bloc de l’ouest.

La crise des missiles de Cuba

 

Avec l’arrivée de Fidel Castro au pouvoir à Cuba en 1959 soutenu par la majorité du peuple cubain, les Etats-Unis craignent une perte d’influence sur la politique de ce territoire qui était sous leur contrôle durant les années 1950. Plusieurs manœuvres américaines pousseront le gouvernement cubain à se tourner vers Moscou notamment le fiasco du débarquement de la baie des cochons en 1961 pour renverser le gouvernement cubain. Le début de la crise est marqué par l’opération Anadyr lancée par Nikita Khrouchtchev en mai 1962 qui envoie 50 000 soldats à Cuba et prévoit d’y installer du matériel militaire lourd.

En août 1962, des avions de reconnaissance de la CIA U-2 survolent Cuba et repèrent l’installation de rampes de lancement de missiles. Les cubains qui émigrent en Floride témoignent de l’afflux de matériel d’armement soviétique sur l’ile ce qui a pour effet de renforcer la surveillance américaine sur le sol cubain. Les agents de la CIA informent le gouvernement américain que des missiles circulent sur les routes de l’île, ils sont en effet acheminés vers différentes bases militaires. Ayant connaissance des ces informations, le gouvernement américain ne s’inquiète pas puisque ces missiles ne concernent qu’un éventuel débarquement américain à Cuba.

John McCone directeur de la CIA pense que l’URSS veut faire de Cuba une base militaire pour ses missiles offensifs. Kennedy met alors l’URSS en garde contre toute velléité d’aller au delà (des missiles défensifs). Il déclare que rien ne prouve la présence de missiles offensifs mais s’il en était autrement les conséquences pourraient être sans précédent.

Les Etats-Unis qui redoutent tout de même une crise diplomatique si un U-2 se faisait abattre par un missile défensif soviétique interrompent les missions de reconnaissance au dessus de l’île en septembre 1962. Dans un même temps, un avion de reconnaissance américain photographie au dessus de l’atlantique un cargo soviétique en route vers Cuba chargé de missiles nucléaires. Malgré la possibilité d’un possible incident diplomatique J.F Kennedy donne son accord pour l’envoie d’un avion de reconnaissance. Le 14 octobre 1962 décolle un U-2 au dessus de la pointe ouest de l’île et parvient à photographier à proximité de San Cristobal la construction de bases de lancement de missiles offensifs à moyenne portée (SS4).

Le 18 octobre Kennedy reçoit le ministre des affaires étrangères soviétiques Andreï Gromyko qui se livrera à la masirovska, l’art de la désinformation militaire. Messager de Khrouchtchev, il explique à Kennedy que le déploiement d’armement soviétique n’est que purement défensif. Arthur Lundhal chef de l’interprétation photographique de la CIA fourni de nouvelles preuves venant corroborer les doutes américains quant au discours de Gromyko. Il découvre sur les photos des missiles SS5 qui ont une portée de 3 500 kilomètres mettant ainsi la quasi totalité du territoire américain sous une menace soviétique directe.

Trois possibilités se présentent alors au gouvernement américain: envahir Cuba, diriger une frappe aérienne détruisant les rampes de lancement, établir un blocus des cargos soviétiques transportant les armes. Les conseillers de Kennedy lui préconisent l’usage de la force soit par le biais du débarquement soir par le biais de frappes aériennes mais le Président redoute une contre attaque soviétique à Berlin. Le gouvernement américain optera donc pour le blocus maritime. Dans le discours du 22 octobre 1962, Kennedy déclare: “une quarantaine va être instaurée sur toute cargaison de matériel militaire à destination de Cuba”.

En parallèle, l’armée américaine prend place dans plusieurs positions stratégique du monde en cas de conflit ouvert. C’est la plus importante mobilisation depuis la 2nd guerre mondiale. La marine américaine se place dans l’océan atlantique, une partie de l’aviation américaine chargée d’ogives nucléaires met le cap sur le cercle polaire en attendant l’ordre d’attaquer l’URSS en cas de conflit et les missiles nucléaires américains des différentes bases sont prêts au lancement. Avec le déploiement d’armement soviétique à Cuba et le déploiement de l’armée américaine, la stabilité du monde ne tient qu’à un fil, en l’espace de quelques jours le monde est au bord du chaos.

Le 24 octobre, la stratégie du gouvernement américain porte ses fruits, plusieurs cargos soviétiques transportant du matériel militaire offensif font demi-tour avant d’arriver à la ligne de blocus. Néanmoins, la crise n’est pas terminée puisque les missiles de Cuba sont toujours sur les rampes de lancement et orientés vers le sol américain. Le 25 octobre, Adlai Stevenson ambassadeur des Etats Unis aux Nations Unies demande ouvertement à son homologue soviétique Valerian Zorin lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies: “Mr Zorin, niez-vous que l’URSS ait installé des missiles de portée moyenne et intermédiaire à Cuba ? N’attendez pas la traduction, oui ou non ?” Zorin ne souhaitera pas répondre mais Stevenson appuiera ses propos avec les photographies prises par les avions d’espionnage de la CIA.

La crise des missiles atteint son paroxysme lorsqu’un avion de reconnaissance américain est abattu par un missile de défense soviétique au dessus de Cuba. Depuis le 18 octobre la tension entre les deux superpuissances n’a fait que monter, la guerre semble la seule issue. Malgré la pression de ses conseillers et des généraux, Kennedy souhaite résoudre le conflit de façon diplomatique, il craint que toute intervention à Cuba ne plonge le monde dans le chaos le plus total. Il posera alors un ultimatum à Khrouchtchev qui explique dans son livre “Souvenirs”:

“Le président Kennedy, dans un ultimatum, exigea que nous retirions les fusées et les bombardiers amenés à Cuba. Je garde un souvenir très vif de ces journées. Je me rappelle particulièrement cet échange avec Kennedy parce que j’en pris moi-même l’initiative et que, dans la mesure où c’est moi qui envoyais les messages et recevais les réponses, je restais jusqu’au bout au coeur de l’action. Je revendique l’entière responsabilité du contact direct qui s’établit entre le président Kennedy et moi-même au moment le plus crucial et le plus dangereux de la crise […]”.

Dans la négociation, l’avantage de Kennedy réside dans la puissance de l’équipement américain par rapport à celui des soviétiques. De ce fait, Kennedy pense que Khrouchtchev reviendra sur ses positions et souhaitera négocier de façon diplomatique avec lui. Finalement le 28 octobre sous promesse de ne pas envahir Cuba, et avec le retrait de ses missiles en Turquie les Etats-Unis obtiennent les désassemblages des rampes de missiles à Cuba.

Raymond Aron qui avait défini la guerre froide comme “paix impossible, guerre improbable” a failli voir cette expression tomber à l’eau suite à la crise des missiles de Cuba. Le manque de communication entre les deux superpuissances combiné à l’ego fort des deux nations a conduit à une escalade de violence qui aurait pu bouleverser la face du monde. Suite à la crise de 1962, le bloc de l’est et de l’ouest ont cherché à se rapprocher ce qui a conduit à la période dite de “Détente”.

 

La Détente 1963-1979

 

Le dégel des relations entre les Etats-Unis et l’URSS s’est installé en 1963 après la crise des missiles de Cuba. Aucune des deux nations n’est prête à prendre le risque d’un conflit nucléaire et c’est ce qui amorcera le processus de détente. La détente ne verra pas le jour uniquement grâce aux concessions des deux superpuissances, l’Europe et la Chine joueront également un rôle essentiel. La détente n’est en revanche pas synonyme de paix, chaque bloc conserve son ambition de l’emporter sur l’autre. Au début de cette période, la question de confiance sera un enjeu de taille, notamment pour les américains; peuvent-ils réellement faire confiance aux soviétiques qui ont essayé de les duper à Cuba en plaçant des missiles offensifs?

Kennedy sera le précurseur de ce processus d’apaisement avec Moscou, il proposera une stratégie de paix et prendra l’initiative d’arrêter les essais nucléaires dans l’atmosphère. Processus que Khrouchtchev acceptera, en juin 1963 la “ligne rouge” sera établie, ainsi la Maison Blanche et le Kremlin pourront se concerter et éviter une diplomatie “au bord du gouffre”. Les changements des gouvernements suite à l’assassinat de Kennedy et à la destitution de Khrouchtchev ne changeront pas la ligne directrice entamée par les deux nations.

D’autres puissances ne souhaitent pas se voir influencée par les Etats-Unis et l’URSS en matière de politique extérieur. La France du Général de Gaulle refusera catégoriquement l’hégémonie américano-soviétique, et amorcera le retrait de la France de l’OTAN en 1966. De Gaulle s’oppose à la fois à la guerre du Viêt Nam menée par les Etats-Unis et au régime totalitaire communiste installé par l’URSS. La stabilisation politique de l’Europe est primordiale pour le Général de Gaulle qui souhaite voir la Russie se rapprocher de l’Europe sur le plan économique et politique. Sa rencontre à Moscou avec Brejnev marquera la détente en Europe. Le 28 avril 1969 De Gaulle se démet de ses fonctions et Willy Brandt prendra le relais en matière de stabilité politique en Europe avec l’Ostpolitik. Cette politique “tournée vers l’est” permettra à trois traités de voir le jour. Premièrement, le traité germano-soviétique de 1970 reconnaissant l’inviolabilité des frontières européennes et le statut quadripartite de Berlin. Deuxièmement, le traité germano-polonais de 1970 où la RFA reconnaît l’Oder-Neisse (frontière entre l’Allemagne et la Pologne). Troisièmement, l’accord quadripartite sur Berlin de 1971 où l’URSS s’engage à ne plus entraver la libre circulation entre la RFA et Berlin-ouest, et à améliorer la situation résultant de la présence du mur de Berlin. En 1972, le traité fondamental voit également le jour, la RDA et la RFA sont alors tous les deux admises à l’ONU en 1973. Willy Brandt recevra le prix Nobel de la paix en 1971 pour sa réussite quant à l’instauration de la détente en Europe.

Dans un même temps, les Etats-Unis et l’URSS éprouvent des difficultés économiques. La course à l’armement représente des dépenses faramineuses, ajouté à cela la guerre du Viêt Nam et la conquête spatiale pour les Etats-Unis et les pertes agricoles pour l’URSS qui l’oblige à se tourner vers l’ouest, la pérennité financière des deux puissances est donc en jeu. Afin de réduire leurs dépenses respectives en armement les accords de SALT 1 signés par Nixon et Brejnev verront le jour le 26 mai 1972 à Moscou. Les accords de SALT permettent alors de contenir le déploiement, la diffusion et la croissance des arsenaux nucléaires des deux pays. Enfin le traité ABM (Anti-Balistic Missile) a permis la limitation du nombre de missiles des deux nations. Les accords de SALT 1 combinent à la fois la limitation d’armes défensives et offensives.

Après 1973 et le choc pétrolier la récession se fait sentir dans les deux camps et fait ressortir le doute quant à la détente. D’autant plus que l’instabilité politique fait perdre une certaine crédibilité, d’un côté le Watergate et la démission de Nixon et de l’autre la perte d’influence de Brejnev du fait de son âge. Les accords de SALT 2 verront le jour dans la continuité des accords de SALT 1 en 1979 en limitant le nombre de bombardier et de lance-missiles stratégiques. Cependant en opposition à l’invasion de l’Afghanistan par les soviétiques le Sénat ne ratifiera pas le traité bien que les Etats-Unis le respecte.

La guerre d’Afghanistan marquera la fin de la détente et ce pays se verra être le théâtre de la guerre froide entre soviétiques et moudjahidines soutenus par les Etats-Unis.

En 1962, la non-communication entre les deux superpuissances, la recherche de zones d’influences supplémentaires ainsi que leur égo a failli amener le monde à une guerre nucléaire. La capacité des deux nations à gérer une crise a été mise à rude épreuve même si les Etats-Unis et l’URSS n’étaient pas prêts à entamer une guerre nucléaire. L’épisode de la crise des missiles de Cuba, synonyme d’escalade violence permettra d’instaurer une période de détente faisant suite à la coexistence pacifique post deuxième guerre mondiale. Cette période de désescalade de violence a vu le jour grâce au gouffre budgétaire que représentait l’extension des zones d’influence et la course à l’armement pour les deux nations. Instiguée par le Général de Gaulle et Willy Brandt en Europe, les chefs d’état des deux blocs ont aussi initiée un processus d’apaisement avec les accords de SALT limitant l’armement nucléaire. La détente fut une réussite avec la réduction du risque de guerre, le dialogue instauré (ligne rouge, accords) permis de stabiliser la situation de Berlin (Ostpolitik). Cette période bien que bénéfique n’a pas abouti à la paix, la recherche de zones d’influence et l’opposition des systèmes politiques étant toujours le nerf de la guerre. Les tensions reprendront alors en 1979 lors de l’invasion de l’Afghanistan par les soviétiques afin d’étendre leur hégémonie au Moyen-Orient.

 

Annexes:

Une image prise par un avion de reconnaissance U-2 de la CIA à Cuba en septembre 1962

rampes-lancement-cuba

 

Le bras de fer politico-nucléaire entre Khrouchtchev et Kennedy

(Leslie G. Illingworth, Daily Mail, 29 octobre 1962)

caricature-bras-de-fer-cuba-nucleaire

 

 

La portée des missiles soviétiques SS4 et SS5 depuis Cuba

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Le Général De Gaulle et Willy Brandt instigateurs de la Détente en Europe

Sources:

 

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Actu Défense 1 Décembre 2016 /geopolitique/actu-defense-1-decembre-2016/ /geopolitique/actu-defense-1-decembre-2016/#respond Thu, 05 Jan 2017 12:07:25 +0000 /?p=12675

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Sécurité et défense nationale /risques-menaces-opportunites/securite-et-defense-nationale/ /risques-menaces-opportunites/securite-et-defense-nationale/#respond Thu, 15 Dec 2016 14:59:51 +0000 /?p=12541

 

 « Comment un homme peut dire ce qu’il devrait faire lui-même s’il est ignorant de ce que fait son adversaire ? »

 Antoine Jomini

 

Introduction : en quoi consiste la sécurité et la défense nationale ?

 

Aujourd’hui et plus que jamais depuis la seconde guerre mondiale l’intégrité physique et territoriale de la France est menacée. La France a subi il y a un moins d’un an ses pires attentats depuis la seconde guerre mondiale avec plus de 130 morts. Le recul du proto Etat Islamique au Moyen Orient fait craindre une sorte de diaspora des combattants et une exportation du terrorisme et des conflits dans le monde entier, en particulier en Occident. Le thème de la sécurité et de la défense nationale est de fait majeur dans l’esprit des citoyens.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est important de comprendre quels sont les enjeux de la défense et de la sécurité nationale, pour cela on s’appuie sur des textes officiels qui permettent de fixer les limites du sujet : l’article L. 1111-1 du code de la Défense nous fournit une définition de ce que qu’est la défense nationale : « La politique de Défense a pour objet d’assurer l’intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la Sécurité nationale. Elle pourvoit au respect des alliances, des traités et des accords internationaux et participe, dans le cadre des traités européens en vigueur, à la politique européenne de sécurité et de défense communes. ».

On constate donc que cette notion induit des variables supra-étatiques comme les traités européens et les accords internationaux mais que les acteurs étatiques sont sous-entendus dans la politique de Défense. Ce sont ces acteurs que nous allons dans un premier temps étudier en définissant leur rôle et leurs moyens… Enfin nous conclurons rapidement par une ouverture sur les enjeux futurs liés à la défense nationale et à la sécurité du territoire.

Les différents acteurs de la sécurité nationale

Les acteurs institutionnels

Mise en lumière des rôles de chacun dans la politique de défense. Le rôle des responsables institutionnels sont définis par la constitution :

Tout d’abord, le président de la république qui n’est autre que le chef des armées (article 15). Il possède le pouvoir d’engager les forces nucléaires et préside les conseils de défense et de sécurité. Le gouvernement dirige et décide de la politique de défense avec à sa tête le premier ministre qui s’appuie sur le SGDSN (Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale).

Le ministre de la défense doit s’acquitter de la mise en œuvre de la politique de défense avec le premier ministre, ils doivent rendre des comptes devant le parlement. Il est appuyé dans ces missions par un état-major des armées (selon les différentes armées) et de l’armement. Il s’occupe également de questions de cyberdéfense qui sont de plus en plus d’actualité depuis quelques années.

Le ministre de l’intérieur s’occupe de la défense dite civile et de l’administration du territoire national afin de garantir la sécurité des citoyens et des biens (article 17 de la constitution).

D’après l’article 34 de la constitution, le Parlement vote les lois qui vont déterminer les principes et l’organisation de la défense. De plus, il vote les lois de finance qui définissent le budget de la défense et les lois de programmation militaire et se prononcent périodiquement (5 ou 6 ans) sur les orientations militaires en définissant les ressources dont elles disposeront.

La défense militaire

La défense militaire relève de l’armée de terre, de l’air, de la marine et de la gendarmerie (ce à quoi s’ajoute une réserve opérationnelle et volontaire agrée par l’autorité militaire). L’armée Française fait partie des meilleures armées du monde et  est capable d’intervenir à l’extérieur du territoire comme à l’intérieur. Cette défense doit remplir des objectifs de dissuasion et de protection des populations. Son champ d’action ne se limite pas au territoire national, la force militaire peut également intervenir à l’étranger comme elle l’a fait au Mali ou en Centre-Afrique il y a peu, toujours dans l’objectif de garantir la stabilité internationale et de l’aide aux pays alliés. Sa mission consiste à protéger les populations et à assurer l’intégrité du territoire. Elle obéie aux ordres des acteurs institutionnels cités plus haut.

Les effectifs de cette branche sont les suivants (hors réserve) :

effectif

 

La défense civile

La défense civile a un champ d’action plus restreint : il s’agit des effectifs de police nationale, la police de l’air et des frontières, les pompiers, les télécoms et transports… etc. Elle va dépendre directement du ministère de l’intérieur. La gendarmerie dépend également du ministère de l’intérieur mais est rattachée aux forces militaires. Leurs missions sont liées au maintien de l’ordre public, la prévention des risques tels que les catastrophes naturelles, industrielles, etc.

La défense économique

Elle est sous l’autorité du premier ministre et du SGDSN et des douanes, c’est la charge du ministre de l’économie. Elle est divisée en deux volets :

  • La défense économique dite souveraine : avec la protection des intérêts économiques du pays en luttant contre les trafics et contrefaçons, en sécurisant l’accès à l’information, la protection des données informatiques…
  • La défense économique partenariale : repose sur les liens stratégiques entre Etat et entreprises qui ont des activités essentielles dans le fonctionnement de l’Etat.

 

Les services de renseignements : DGSE – DGSI

La direction générale de la sécurité extérieure : il s’agit des services de renseignements extérieurs placés sont l’égide du ministère de la Défense. Leurs missions sont définies par le code de la défense, ils sont chargés de collecter et d’exploiter les renseignements utiles pour la sécurité et les intérêts de la France. Ils sont aussi en charge du contre-espionnage. Ils sont financés par le budget de la défense mais également par des fonds spéciaux provenant de Matignon.

La direction générale de la sécurité intérieure : Ce service est né de la fusion récente de la direction de la surveillance du territoire et des renseignements généraux (2008). Il compte aujourd’hui environ 3500 personnes. Leurs missions : « […] Elle est chargée, sur l’ensemble du territoire de la République, de rechercher, de centraliser et d’exploiter le renseignement intéressant la sécurité nationale ou les intérêts fondamentaux de la Nation ». Tout comme la DGSE, elle est également en charge du contre-espionnage. De manière plus concrète : elle lutte activitement contre le terrorisme, assure la souveraineté économique du pays et elle possède des compétences exclusives pour conduire des enquêtes judiciaires.

Les enjeux actuels et futurs liés à la défense et la sécurité nationale

Problématique actuelle : Depuis la chute de l’URSS, les problématiques de défense ont changé parce que la menace a évolué pour devenir plus insidieuse et sporadique. Le risque d’une guerre conventionnelle sur le territoire national est devenu quasiment inexistant. Aujourd’hui et encore plus ces dernières années, la principale préoccupation est la lutte contre le terrorisme.

La cyber défense, nouvel enjeu ?

Selon le livre blanc de 2013 (qui fixe les orientations liées à la défense et à sécurité) elle est devenue une priorité nationale.  D’après les responsables de la sécurité nationale du pays, les systèmes d’information et de communication sont liés aux domaines les plus sensibles de la défense nationale : on y retrouve la gestion des armes sophistiquées (sous-marin, aéronefs, véhicules terrestres…) mais également la gestion de la dissuasion nucléaire. Les menaces sont nombreuses, de la pénétration de réseau à des fins d’espionnage à la prise de contrôle à distance… C’est pourquoi le ministère de la défense a lancé Pacte Défense Cyber qui fixe une ligne de conduite au travers de projets concrets et qui renforce financièrement et encourage les études et la recherche académique pour faire face à ces menaces à long terme.

Vers un changement du rôle des Etats-Unis dans l’OTAN ?

L’arrivée de Donald Trump au pouvoir au Etats-Unis peut à terme modifier l’équilibre des forces en Europe. En effet, le candidat républicain a une idéologie moins interventionniste que sa concurrente ou son prédécesseur… C’est pourquoi les pays européens et notamment la France vont devoir repenser et développer (et cela passerait par une réévaluation des crédits accordés) un système de défense plus fort et moins se reposer sur la superpuissance que sont les Etats-Unis s’ils veulent continuer à être efficaces.

 

Bibliographie

/geopolitique/les-chiffres-cles-de-la-defense-francaise-en-2015/  + /dictionnaire-de-geopolitique/la-defense-globale-2/ à défense Geolinks; http://www.defense.gouv.fr/ à site du ministère de la défense ; http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-defense/organisation-defense-nationale/ à Acteurs institutionnels.

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Géopolitique de l’eau : La désertification /grands-enjeux/les-enjeux-geopolitiques/geopolitique-de-leau-la-desertification/ /grands-enjeux/les-enjeux-geopolitiques/geopolitique-de-leau-la-desertification/#respond Wed, 16 Nov 2016 16:33:40 +0000 /?p=8943 La Géopolitique de l’eau : désertification

 

 

Qu’elle soit naturelle ou produit de l’activité humaine, la désertification des sols pose des problèmes auxquels nous devrons faire face dans un futur proche. La Convention des Nations Unies définit la désertification comme la dégradation des terres dans les zones arides, semi arides et subhumide sèche, par suite de divers facteurs liés au climat ou à l’activité humaine.

Le problème grandissant depuis plusieurs décennies déjà, a poussé l’ONU en 1992 à proposer une convention mondiale sur la lutte contre la désertification.

Quels sont les enjeux géopolitiques de la désertification et comment lutter contre ce phénomène ?

Nous étudierons cela au cours de cet exposé en nous intéressant à une zone particulièrement touchée qui est le Sahel, cette bande qui longe le sud du Sahara qui était autrefois composée de pleines verdoyantes.

Nous nous pencherons dans une première partie sur les causes de la désertification, cela nous amènera à nous demander pourquoi la désertification est un enjeu géopolitique contemporain et enfin nous verrons qu’il y a des moyens de lutte contre ce phénomène.

 

Les scientifiques s’accordent à penser que la désertification est causée d’une part par le réchauffement climatique et d’autre part par l’activité humaine sur les zones concernées.

Le changement climatique global que connaît notre planète est un cercle vicieux où de nombreux facteurs rentrent en jeu, concrètement l’augmentation de CO2 dû à l’activité humaine en parallèle avec une déforestation massive à pour effet d’intensifier l’effet de serre et donc d’augmenter la température moyenne de la Terre. Les conséquences sont des dérèglements climatiques et dans notre cas les sols sont exposés à des brulures dues aux UV solaires, à l’érosion provoquée par le vent et l’écoulement de pluies rares et violentes. La terre devient érodée et stérile et forme des plaques désertiques appelées « zipelés ».

L’activité humaine locale est une autre composante importante de la désertification. Il est intéressant de noter qu’il n’y a pas seulement des causes modernes. Des indices laissent à penser que les humains, depuis près de 3000 ans, participent à ce phénomène en coupant le bois des forêts et en exploitant les terres. L’aggravation est cependant beaucoup plus importante au cours des deux derniers siècles. En effet, dans la zone du Sahel, la poussée démographique a eu pour conséquence une surexploitation des terres et du bois. Les terres sont surexploitées afin de produire plus de nourritures, la jachère n’est plus respectée et les sols deviennent stériles. La déforestation fragilise aussi les sols qui ne sont plus tenus par les racines des arbres et ceux ci ne peuvent pas repousser car les ruminants mangent sans cesse les jeunes pousses.

La désertification est donc un cycle qui “s’auto entretient” et qui est aggravé par l’activité humaine.

 

La désertification est en grand défi qui touche environ deux milliards de personnes de nos jours, sans compter que les prévisions démographiques prévoient qu’il faudra nourrir neuf milliards d’êtres humains d’ici 2050. Il n’est pas difficile d’imaginer que la géopolitique de l’eau sera donc un enjeu principal de notre futur. Les régions les plus touchées se situent en Afrique, au Nord et au Sud du Sahara, une grande partie de l’Asie orientale et centrale mais aussi en Amérique pour la partie Sud.

La conséquence majeur est une entrave au développement durable pour plusieurs raisons: la pauvreté des peuples qui tirent de moins en moins de ressources de l’exploitation des terres et  la réticence des investisseurs à investir dans ces zones sèches. Ces facteurs contribuent à la marginalisation de ces zones qui restent à l’écart du développement économique des pays.

Les populations de ces zones sont donc particulièrement affectées et il est difficile pour elles de relever leur niveau de vie. Un communiqué de la journée mondiale de la lutte contre la sécheresse et la désertification, en 2009 (du 17 juin), indique d’ailleurs que « la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse menacent la sécurité humaine en privant des personnes de leurs moyens de vie ».

Ces populations sont confrontées à des situations de migration climatique que l’on peut qualifier d’exil forcé et il en découle des situations conflictuelles non négligeables sur la scène internationale. Nous allons maintenant voir comment la désertification des sols du Sahel peut être reliée à des conflits touchant l’ensemble de la planète.

Les peuples du Sahel, se trouvant dépourvus de leurs droits à la sécurité alimentaire, sanitaire et de l’accès à l’eau potable sont plus enclins à se tourner vers des organisations criminelles ou terroristes afin de profiter de la protection de ces groupes et des retombés économiques qui découlent des différents trafics organisés. La zone du Sahel qui s’étale sur plusieurs pays est maintenant contrôlée par les différents groupes terroristes et rebelles qui s’en servent d’arrière base pour leurs activités transnationales, avec le soutient consenti des populations.

Nous voyons ici que la désertification à des conséquences mondiales et que de lutter contre ce phénomène permettrait d’atténuer des chocs géopolitiques grandissants.

 

Il y a cependant des moyens de lutter contre la désertification et la France a mis en place certaines actions pour prendre part à ces projets. Par exemple cent millions d’euros par an sont dédiés aux actions de lutte contre la désertification dans les pays affectés. De plus de nombreuses ONG travaille à éduquer les populations afin de changer leur mode de travail de la terre, par exemple des systèmes de culture fondé sur le semis direct sous couverture végétale permet de stopper l’érosion des sols et de faciliter l’infiltration de l’eau.

Il y également le Comité Inter-Etat de Lutte contre la sécheresse dans le Sahel qui permet à des acteurs locaux d’accéder à des financements internationaux pour mettre en place des techniques simples et peu couteuses comme le zaï (les semis sont mis en place dans des trous remplis de compost).

Les objectifs de la lutte contre la désertification sont l’amélioration de la gouvernance locale, la diversification des activités pour relâcher la pression sur les ressources, la gestion de l’eau agricole et la conservation et l’amélioration de la qualité des sols. Ceci est détaillé en annexe dans le document « L’action extérieure de la France contre la dégradation des terres et la désertification »

Les  autres organisations luttant contre la désertification sont (liste non exhaustive) :

  • L’ONU
  • Le comité scientifique Français de la Désertification
  • Le Groupe Travail désertification : plateforme Française regroupant des ONG, scientifiques et collectivités locales
  • Réseau Désertification Sahel : Initiative Nord-Sud regroupant Burkina-Faso, Mali, Niger et France

 

Conclusion

 

Le processus de désertification qui caractérise la dégradation des zones arides, semi arides et subhumides sèches pour causes climatiques et humaines ont donc un impact géopolitique important sur les zones concernées. Comme dans la zone du Sahel où la pauvreté et la faim, dû à l’impossibilité d’extraire des ressources de la terre, poussent les populations à migrer ou à chercher de l’aide au niveau d’organisations rebelles ou terroristes. Cependant ce phénomène n’est pas irréversible et certains états dont la France participent à faire changer la situation. Une étude plus large pourrait consister à étudier les migrations de populations pour causes climatiques et les problèmes géopolitiques qui les accompagne.

 

Sources :

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Le TPP : Une mesure de « containment » ? /sans-categorie/le-tpp-une-mesure-de-containment/ /sans-categorie/le-tpp-une-mesure-de-containment/#respond Thu, 29 Sep 2016 09:54:53 +0000 /?p=12402 « A l’âge de la mondialisation et des guerres asymétriques, la réponse américaine aux enjeux du moment est fort différente (par rapport aux années 1970) : les nécessités du désengagement militaire les poussent à privilégier une stratégie géoéconomique afin de conserver leur ascendant géopolitique. Concrètement, Washington identifie aujourd’hui deux rivaux à encadrer : la Chine et la Russie. Il est frappant que les deux vastes traités de libre-échange négociés actuellement (le TAFTA et le TPP) réactualisent dans l’ordre économique et commercial l’ancienne logique du containment. Dans les deux cas, les rivaux sont non seulement exclus des négociations mais menacés par elles ». C’est en ces termes que Frédéric Munier, enseignant en géopolitique en classes préparatoires au lycée Saint Louis de Paris, qualifie la stratégie Américaine pour conserver son statut de puissance hégémonique à l’échelle mondiale dans le 7ème numéro du magazine « Conflits ».  « Containment », le mot est fort : c’était en effet le terme utilisé pour décrire la stratégie Américaine qui visait à stopper l’extension de la zone d’influence soviétique au-delà de ses limites atteintes en 1947, et à soutenir tous les États non communistes. Dès lors, en quoi l’accord de partenariat Trans pacifique (TPP), traité multilatéral de libre-échange  visant à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Américaine, obéit-il à une mesure de « containment » ?

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Les Etats-Unis sont sur le déclin, économiquement et géopolitiquement, et ils en sont conscients. Le centre de l’économie mondiale bascule de l’Ouest, de l’Atlantique, vers l’Est, le Pacifique, l’Asie. L’obtention du « fast track » par Barack Obama, voté par le Sénat après de nombreuses réticences, lui octroyant un pouvoir de négociation accru dans la négociation du TPP, témoigne de l’empressement de ce dernier de redistribuer les cartes en sa faveur . En effet, les multiples échecs militaires (Afghanistan, Irak), les déficits abyssaux (La dette publique Américaine s’élève en 2015 à 18 milliards de dollars), la perte de l’hégémonie économique et la montée en puissance de rivaux menaçants (BRICS) sont autant de facteurs qui poussent les Etats-Unis à consolider leurs blocs géopolitiques en Europe et surtout en Asie, nouveau moteur de la croissance économique mondiale, dont ils entendent bien tirer profit. Cette focalisation sur l’Asie-Pacifique se traduit aussi par la présence militaire : actuellement, 60% de l’US Navy est présente dans le pacifique, contre 50% il y a quelques années. Le partenariat militaire avec le Japon, ennemi héréditaire de la Chine, a été renouvelé, tout comme les bases militaires à Guam, dans les Philippines ainsi qu’en Australie, à Darwin. Aux yeux de la Chine, une telle situation est interprétée comme une volonté d’endiguement de son territoire…

Le TPP est aujourd’hui le plus grand traité économique jamais réalisé : il représente en effet 40% du PIB mondial. En plus d’être un accord de libre-échange, il vise également à établir des normes communes entre les Etats signataires. Dès lors la Chine a tout à perdre face à un basculement des échanges en faveur des membres du TPP en Asie : selon le PECC, les pertes en termes de recettes pour la Chine pourraient s’élever à 34,8 milliards de dollars. Pourquoi un basculement des échanges aurait-il lieu ? Car le TPP inclut 12 des 21 membres de l’APEC, Etats avec lesquels Xi Jinping souhaite créer un traité de libre-échange concurrent, baptisé le FTAAP, traité qui avance à tâtons vu qu’il ne contient pas de calendrier de fin de négociations… Surtout, le TPP vise expressément les membres de l’ASEAN, pré-carré Chinois en termes d’exportations : il faut savoir que bien que les gains potentiels de la Chine, si le FTAAP venait à voir le jour, seraient moindres (+0,27% de PIB, toujours selon le PECC), l’économie Chinoise est extrêmement dépendante des exportations. Du point de vue des économistes Américains, le TPP n’est pas une mesure agressive, bien au contraire. Elle vise simplement à rééquilibrer les forces dans cette région du monde car, selon l’économiste Français Jean-Michel Quatrepoint : «Les Américains et leurs multinationales considèrent que le marché chinois n’est pas suffisamment accessible à leurs entreprises, que les chinois copient allègrement —ils n’ont pas tort —, ne versent pas de redevances quand ils copient, que, en plus, ils ne donnent pas un accès suffisant à leurs marchés aux groupes américains, et qu’ils privilégient les entreprises chinoises pour leur marché». En résumé, l’objectif des Etats-Unis est de un de réduire leur dépendance commerciale vis-à-vis de la Chine, en créant un réseau de partenaires en pleine croissance, et de deux d’étouffer les velléités Chinoises dans le Pacifique et en Asie… Du « containment » à l’état pur.

 

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La stratégie d’endiguement américaine trouve ses origines au XIXème siècle, sous la plume d’Alfred Mahan. Dans son livre intitulé «Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire », le géopoliticien Aymeric Chauprade explique sa pensée comme suit : « En 1897, (…) Mahan définit la doctrine qu’il entend voir défendue par son pays. Elle recommande de : s’associer avec la puissance navale britannique dans le contrôle des mers, contenir l’Allemagne dans son rôle continental et s’opposer aux prétentions du Reich sur les mers, mettre en place une défense coordonnée des européens et des américains destinée à juguler les ambitions asiatiques ». On retrouve le même conflit terre/mer, et la même volonté d’étouffer les ambitions des puissances continentales qu’aujourd’hui. On peut aussi trouver ici les germes de l’OTAN et du TAFTA. Dans le même ouvrage, Mr Chauprade explique en quoi les puissances maritimes étreignent le « heartland » à défaut de l’atteindre, ce qui est aujourd’hui l’objectif du TPP : « La thèse centrale de Mackinder définit l’épicentre des phénomènes géopolitiques à partir du concept de centre géographique. C’est autour du pivot, du « heartland », que s’articulent toutes les dynamiques géopolitiques. Ce pivot de la politique mondiale est l’Eurasie, que la puissance maritime ne parvient pas à atteindre et son cœur intime est la Russie, qui occupe dans l’ensemble du monde la position stratégique qu’occupe l’Allemagne en Europe (…) Autour de cet épicentre des secousses géopolitiques mondiales, (…) s’étendent les terres à rivages. Au-delà des coastlands, deux systèmes insulaires viennent compléter l’encadrement du heartland : la Grande-Bretagne et le Japon ». Ce qui explique les relations étroites qu’entretiennent les Etats-Unis avec ces deux nations, qui peuvent être vues comme les « gendarmes » des Américains autour du bloc continental. L’ancien conseiller du président Carter et éminence grise du TAFTA, Zbigniew Brzezinski, s’inscrit lui aussi dans cette pensée. Toujours selon Mr Chauprade : «Brzezinski défend la logique d’endiguement par les Etats-Unis de la masse Eurasiatique :  les Etats-Unis ne pourront rester la superpuissance unique et globale que s’ils parviennent à isoler la Russie. Le leadership mondial des Etats-Unis passerait par une maîtrise américaine des zones occidentales, méridionales et orientales de l’Eurasie, autour du heartland. L’alliance Atlantique serait la garantie de contrôle de la zone occidentale (…) quant à l’influence Américaine dans la zone orientale, elle aurait fortement décru en Chine, au Viêt-Nam et dans les pays de l’Indochine mais resterait forte en Corée du Sud et au Japon. ». Il a conscience de la vulnérabilité Américaine et voit dans l’alliance du heartland une menace. Il faut isoler la Russie, via une alliance Atlantique et une alliance avec le Japon. Prise en étau à l’Ouest par le TAFTA et à l’Est par le TPP, La Russie se trouve bel et bien dans la position décrite précédemment, et lorsque l’on regarde les membres des deux traités sur une carte, l’isolement du bloc continental saute aux yeux.

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Mais les BRICS, et particulièrement la Chine et la Russie, premières victimes du containment, n’entendent pas se laisser abattre : Sous l’égide de la Russie, les BRICS se donnent les moyens de rivaliser contre les Américains. Cette année, la Russie a réussi à organiser le sommet de l’organisation de coopération de Shanghai et celui des BRICS. L’adhésion de l’Inde et du Pakistan à l’OCS a été acceptée et se concrétisera en 2016, et celle de l’Iran, normalement, suivra. Au-delà de l’économie, c’est un front anti hégémonique qui se construit. C’est une réaction à l’hégémonie américaine, et comme le précise Pascal Marchand dans « Conflits » : « Ce double et même triple sommet constitue un véritable tournant : les BRICS se donnent les moyens de résister à la puissance américaine et de se mettre à l’abri des sanctions économiques qu’elle peut décréter à tout moment, comme elle l’a fait en Crimée. Un véritable front anti-hégémonique serait en cours de constitution pour faire de « l’espace eurasiatique […] notre maison », selon la formule de Vladimir Poutine, à l’abri des intrusions étrangères ».   Les BRICS se donnent les moyens de riposter sur trois fronts : la finance, les nouvelles technologies, et surtout l’énergie. Ainsi en 2014, lors du sixième sommet des BRICS à Fortaleza, la création d’un fonds de réserve monétaire a été décidée, ainsi que celle d’une nouvelle banque de développement, concurrente de la banque mondiale de Washington. En cause, le refus du congrès Américain de valider la réforme du FMI de 2010 qui aurait augmenté les quotes-parts de la Chine, de l’Inde et du Brésil. Elle pourrait accorder ses premiers crédits cette année. Aussi, au sommet d’Oufa, la mise en place d’une station orbitale commune aux BRICS  a été décidée. Mais c’est surtout au niveau de l’énergie que la riposte s’articule : « En s’installant au Moyen-Orient, réservoir pétrolier de la planète, les États-Unis sont en train de contrôler la dépendance énergétique de la Chine. Pékin doit donc diversifier ses approvisionnements. C’est le sens des rapprochements que les Chinois tentent avec La Russie, l’Iran, L’Arabie Saoudite, le Venezuela et les pays Africains du golfe de Guinée. » C’est en ce sens qu’Aymeric Chauprade, dans son ouvrage « Chronique du choc des civilisations », nous décrit la nouvelle inflexion de la Chine en faveur de la Russie. En Mai 2014, par exemple, Pékin et Moscou se sont mis d’accord pour construire le gazoduc force de Sibérie à partir de gisements orientaux déconnectés des bassins travaillant actuellement pour l’Europe. Il explique aussi que bien que « La Chine pourrait être tentée par les immenses richesses de Sibérie Orientale, elle y investit de façon importante (…) mais pour l’instant la Chine a tout intérêt à ne pas assumer les frais d’aménagement et de gestion d’un espace naturellement difficile (…) de toute façon le seul débouché rationnel des matières premières de cette région est l’extrême –orient (…) par ailleurs la complémentarité entre Pékin et Moscou est forte en ce qui concerne la haute technologie ». Malgré des intérêts parfois divergents, les BRICS se rejoignent dans leur volonté d’émancipation vis-à-vis du pôle Atlantiste. Toujours dans le même numéro du magazine « Conflits », Pascal Gauchon explique que « Lors des récents sommets des BRICS et de l’OCS, (…) Xi Jinping a présenté les grandes lignes de sa réponse stratégique : soutenir la Russie, histoire de détourner l’oncle Sam de l’Asie-Pacifique, et s’assurer de la neutralité de l’Inde, cette dernière étant indispensable à la stratégie Américaine d’endiguement » car en effet « Les USA travaillent depuis des années à un rapprochement avec l’Inde. (…) en retour la Chine poursuit une politique de bon voisinage afin d’éviter un partenariat trop solide entre l’Inde et les USA. » La forte diaspora Indienne présente aux Etats-Unis en fait un partenaire naturel, mais l’Inde a conscience de l’intérêt qu’elle a de se rapprocher des pays membres de l’OCS, futur poids lourd de la scène économique mondiale. Mais ceci n’est pas sans intention, cette nation a conscience qu’à l’avenir elle pourra disputer le rôle de leader asiatique à la Chine, c’est pourquoi elle ne regarde pas forcément dans la même direction que cette dernière : « L’Inde travaille aussi avec ses voisins de l’est, notamment le Japon, espérant construire un triangle Inde-Japon-Etats-Unis capable de rivaliser avec La Chine (…) parallèlement les USA sont en train de déposséder l’allié traditionnel Russe de sa place de premier fournisseur d’armement ». Dans la culture Indienne, d’après «la théorie du Mandala» de Kautilya «Votre voisin est votre ennemi naturel et le voisin de votre voisin est votre ami» La question dès lors est de connaître la priorité de l’Inde : l’indépendance vis-à-vis de l’Occident ou voler le titre de leader Asiatique à la Chine ? Une telle situation pourrait faire voler en éclats la stratégie de bloc continental orchestré par la Chine et la Russie… Et les Etats-Unis le savent pertinemment… Quand la Chine et la Russie gardent une rancune historique envers l’Occident, l’une pour les « Traités inégaux » et l’autre pour la Guerre froide, l’Inde doit son rayonnement à l’influence Britannique, par la langue Anglaise.

En conclusion, on peut dire que cette stratégie, ce conflit qui ne dit pas son nom, s’inscrit dans la lignée des conflits entre les paysans (Heartland) qui pensent le temps et les marins (Les Etats-Unis) qui pensent l’espace, pour reprendre la terminologie du penseur Tunisien Ibn Khaldoun. Néanmoins, avec le recul, on peut citer plusieurs incohérences, voire des erreurs dans la stratégie Américaine : premièrement il faut noter qu’une des constantes géopolitiques de la Chine est qu’elle a toujours privilégié la terre au détriment de la mer… Alors que le propre du containment est de bloquer les puissances continentales en leur bloquant leur accès aux mers chaudes voire aux mers tout court (réf : Grand Jeu). Première incohérence. Ensuite, on peut se demander si, à long terme, la Chine et la Russie seront les principaux rivaux des Etats-Unis. C’est vite oublier que le continent affichant les plus gros taux de croissance ces dernières années est l’Afrique, malgré, évidemment, un retard énorme. On peut aussi se demander si l’ingérence brutale des Etats-Unis à l’étranger ne peut pas entraîner un effet boule de neige contre eux, et ainsi perdre de précieux alliés en plus d’affaiblir son Soft Power… Mais surtout, il convient de souligner un bouleversement majeur en Chine qui pourrait contrarier la stratégie Américaine : Les Etats-Unis souhaitent faire diminuer les exportations Chinoises en leur coupant l’herbe sous le pied en Asie du sud-est. C’est ne pas savoir que la crise actuelle en Chine résulte d’un déséquilibre : les prix des exportations Chinoises ont augmenté ces dernières années en raison de l’augmentation des salaires dans l’empire du milieu, elles sont donc moins compétitives sur le marché mondial. Les entreprises Chinoises elles-mêmes délocalisent au Vietnam. Or la demande interne ne suffit pas à compenser le déficit d’exportation. C’est pourquoi, depuis quelques temps, la politique économique Chinoise s’oriente de plus en plus vers une économie de la demande, au détriment des exportations, une demande d’un milliard quatre-cent millions d’individus, soit plus de quatre fois la population Américaine… en plus du projet Chinois de nouvelle route de la soie, autre moyen de contrer l’interventionnisme Américain au Moyen-Orient, visant à développer ses transports et ses apports énergétiques vers l’Europe, l’Asie centrale et l’Afrique. Le containment Américain ne fait qu’accélérer ce processus. Le grand défaut des marins est de trop s’éloigner pendant que les paysans continuent de cultiver…

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Petit Adrien

Janvier 2016

 

Sources

Numéro 7 du magazine Conflit

Chroniques du choc des civilisations, Aymeric Chauprade, édition Chroniques

Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire, Aymeric Chauprade, éditions Ellipses

http://www.latribune.fr/economie/international/tpp-le-japon-et-les-etats-unis-confirme-la-signature-d-un-large-accord-510833.html

http://www.revueconflits.com/

http://blog.realpolitik.tv/

http://www.lexpress.fr/actualite/l-inquietude-de-l-inde-face-aux-actions-de-la-chine_1702886.html

http://www.chinausfocus.com/finance-economy/tpp-or-ftaap-what-it-means-for-us-and-the-asia-pacific-region/

http://chine.blogs.rfi.fr/category/tag-pour-votre-blog-encres-de-chine/apec-chine-zone-de-libre-echange-asie-pacifique-

http://www.latribune.fr/economie/international/asie-pacifique-pour-contrer-le-tpp-la-chine-relance-son-projet-de-plus-grande-zone-de-libre-echange-du-monde-521258.html

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ONU: 68 ans d’opérations de maintien de la paix : Quel bilan ? /risques-menaces-opportunites/12394/ /risques-menaces-opportunites/12394/#respond Mon, 26 Sep 2016 11:25:12 +0000 /?p=12394 Kofi Annan a déclaré que l’Organisation des Nations Unies est « la seule brigade de pompiers au monde à devoir attendre que le feu se déclare avant de demander un camion de pompiers ». En effet l’ONU ne disposant pas de forces propres, elle est, dans chacune de ses action, tributaire de ses Etats membres.

 

Les opérations de maintien de la paix ont, depuis leurs origines, connu un développement original. Issues du blocage du Conseil de sécurité, elles se sont développées de manière autonome et improvisée, toujours dans le but de préserver la paix partout où celle-ci était menacée. La première mission de maintien de la paix fut envoyée dès 1948 lors de la première guerre israélo-arabe (mission UNTSO), et était composée principalement d’observateurs militaires. Il ne s’agissait pas encore d’une intervention militaire, mais cette première opération établit l’un des principes fondateurs des OMP : l’importance du rôle du Secrétaire général dans la conduite des OMP. Elle est aussi considérée par l’ONU comme la première opération de maintien de la paix. Elle sera suivie par la mise en place du Groupe des observateurs des Nations unies entre l’Inde et le Pakistan (UNMOGIP, 1949), et de la Force d’urgence des Nations unies (FUNU I, 1956) qui formeront ce que Jocelyn Coulon et Michel Liégeois appelleront la « triade fondatrice des opérations de maintien de la paix ».

 

 

Le secrétaire général des Nations Unis, Dag Hammarskjöld s’appuya sur l’expérience dégagée de cette triade afin de théoriser la première doctrine du maintien de la paix, qui fait émerger trois concepts de base qui guideront alors les interventions onusiennes en matière de maintien de la paix : le consentement des parties au conflit, l’impartialité de la force déployée et un usage de la force coercitive strictement limité à la légitime défense.

 

 

Ce développement à tâtons a été renforcé par l’élaboration de documents successifs (Agenda pour la paix, Rapport Brahimi, Doctrine Capstone…), qui à l’issu se sont constitué comme véritable doctrine du maintien de la paix.

 

L’élaboration de cette doctrine par la pratique a eu comme avantage de donner une relative autonomie dans les buts et les moyens d’actions des OMP. En effet le Secrétaire général, et le DOMP restent les acteurs principaux et quasiment exclusifs du maintien de la paix au sein de l’ONU. Cette doctrine, bien qu’encore en constante évolution, a su établir un cadre aux opérations de maintien de la paix, leurs faisant ainsi quitter leur tradition d’improvisation pour une mise en œuvre plus structurée.

 

Pourtant la marge de manœuvre du DOMP reste extrêmement limitée. Les premières réussites des OMP, l’élargissement et la diversification des menaces après la guerre froide, ainsi que la volonté des Etats membres d’utiliser les opérations de paix dans de nombreuses situations différentes, ont conduit à un accroissement progressif des missions de maintien de la paix, sans que la doctrine ou les ressources leur étant allouées ne soient revues à la hausse.

 

En effet, si le DOMP est relativement indépendant, il ne dispose néanmoins pas de ressources propres. Son budget est réduit et dépend exclusivement du bon vouloir des Etats membres et ses troupes et matériels sont mis à disposition par les Etats contributeurs, sur la base du volontariat. Ce faisant, il lui est impossible d’adapter sa doctrine sans prendre en compte les recommandations des Etats qui lui fournissent ses moyens d’actions. Il existe une relation directe entre le conseil de sécurité et le secrétaire général, qui lui permet d’influer

 

largement sur l’élaboration de la doctrine, notamment dans les buts qu’elle poursuit. Les contributeurs financiers, pour la grande majorité des pays occidentaux, font également partie du conseil de sécurité et peuvent ainsi avoir un contrôle direct sur les opérations de maintien de la paix, et ainsi imposer leur vision du maintien de la paix. Un retard, volontaire ou non, de paiement, et une diminution des contributions sont d’autres outils à la disposition de ces Etats pour se faire entendre.

 

 

Au-delà de la participation financière, les Etats contributeurs en contingents exercent eux aussi une influence certaine. Celle-ci se présente de manière détournée du fait du manque de liens directs entre les contributeurs, le plus souvent des pays en voie de développement, et les autres acteurs du maintien de la paix : Conseil de sécurité, secrétaire général et DOMP. Ainsi une véritable lutte d’influence s’est installée au sein de ces institutions, entre les Etats contributeurs, sous représentés, et les Etats membres du Conseil de sécurité et payeurs. Il s’agit en effet pour les contributeurs en troupes de posséder une voix, ou du moins un droit de regard sur le déroulé des opérations dans lesquelles leurs hommes seront déployés et pourraient potentiellement trouver la mort. Actuellement les contributeurs en contingents ne prennent pas part aux prises de décisions, alors même qu’ils restent responsables des résultats de ces opérations devant leurs opinions publiques nationales, et qu’ils sont souvent les mieux informés sur les difficultés que rencontrent leurs contingents sur le terrain.

 

Cette rivalité est aussi alimentée par le fait qu’elle s’inscrit aussi dans une lutte entre pays occidentaux dominants, et pays en voie de développement, désireux de se faire une place sur l’échiquier international. Il arrive bien souvent que ces conflits parasitent l’action du DOMP, réduisant l’efficacité des opérations de maintien de la paix, et remettant en cause la vocation universelle au cœur du maintien de la paix. Le manque de dialogue entre les décideurs des OMP et les contributeurs incite également ces derniers à faire pression sur les troupes qu’ils mettent à disposition et sur tous les acteurs du maintien de la paix, afin d’obtenir des garanties quant à l’usage qui est fait de leurs hommes

 

 

L’influence exercée par les contributeurs se rapproche de celle que possèdent les armées nationales. Le désir de conserver un certain contrôle sur ses troupes, la réticence vis à vis des mandats relativement contraignants des OMP, le doute dans les capacités d’un Etat-major disparate et inexpérimenté de mener à bien ces opérations conduisent bien souvent les armées nationales à tenter de conserver une certaine influence sur les hommes déployés dans les OMP. Cette influence, facilitée par l’essor des moyens de communication en temps réels, réduit considérablement la marge de manœuvre des commandants onusiens et impacte l’efficacité des opérations.

 

Il n’est alors pas rare de voir les armées les plus développées tenter d’imposer des modèles qui leur sont propres à l’ensemble des contingents onusiens. Cela est justifiable par volonté d’accroitre l’efficacité opérationnelle des casques bleus, mais entraine aussi le risque de voir l’armée la plus puissante et la plus expérimentée influencer, par le biais d’une organisation qui se veut universelle et égalitaire, les doctrines et moyens des armées d’autres Etats, souvent bien moins développées. Par extension c’est toute la doctrine onusienne de maintien de la paix qui va subir les conséquences de cette lutte d’influence.

 

Nous avons donc vu que la doctrine onusienne est le théâtre de conflits et de luttes d’influences entre Etats membres qui agissent au nom de leurs intérêts propres. Bien qu’elles aient su se développer dans une relative autonomie, les OMP sont aujourd’hui encore largement tributaires de ces Etats. Ces derniers peuvent utiliser le maintien de la paix comme d’un outil stratégique de plus sur la scène internationale pour imposer leur puissance, au détriment des objectifs propres au maintien de la paix, qui connaît aujourd’hui une certaine désillusion.

 

L’ONU, si elle veut pouvoir atteindre ses objectifs de manière optimale, délivrée des frictions qui opposent les différents acteurs étatiques du maintien de la paix, doit apprendre dépasser les visions réalistes des Etats qui la composent, et développer une réflexion totale sur la doctrine à mettre en place, sous peine de connaître les mêmes travers que la Société des Nations.

Elle doit alors continuer son évolution vers une plus grande autonomie et professionnalisation de sa doctrine, notamment sur les moyens mis à disposition pour les OMP. De nombreux acteurs réfléchissent aux meilleurs moyens d’atteindre cette autonomie. Il en ressort un besoin de redéfinir strictement les missions laissées à l’ONU, et d’agir en coopération avec d’autres acteurs, notamment les alliances régionales, ou autres coalitions, afin d’atteindre aux mieux ses objectifs, tout en respectant les limites inhérentes au maintien de la paix onusien. Pour certains, l’externalisation par la privatisation des OMP serait l’une des pistes de réflexion à creuser afin de se libérer au mieux de l’influence étatique.

 

Toutefois une doctrine du maintien de la paix reste nécessairement contrainte par le caractère purement diplomatique des Nations Unies, qui repose entièrement sur le principe du consentement des parties. Ainsi toute évolution ne pourra se faire que lentement, étape par étape, après de longues discussions et d’âpres négociations.

 

Ainsi l’action de l’ONU sera toujours prisonnière des critiques qui condamnent son inefficacité et sa lenteur. A celles-là il faut rappeler que le maintien de la paix a le mérite d’exister, de se développer, et d’agir pour permettre l’achèvement d’une paix mondiale.

Loïc Balayn

Février 2016

 

Travaux cités :

 

1             Site officiel des opérations de maintien de la paix de l’ONU. URL : http://www.un.org/fr/peacekeeping/issues/military.shtml.

 

2             COULON Jocelyn, LIÉGEOIS Michel, « Qu’est-il advenu du maintien de la paix ? L’avenir d’une tradition », Institut Canadien de la Défense et des Affaires Etrangères, 2010, pp. 1-58.

 

URL : http://www.psi.ulaval.ca/fileadmin/psi/documents/Documents/Documents/QU_EST-IL_ADVENU_DU_MAINTIEN_DE_LA_PAIX.pdf

 

3             BOUTROS GHALI, L’Agenda pour la Paix, A/47/277, S/24111, 17 Juin 1992. URL : http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/47/277

 

4             BRAHIMI, Lakhdar, Rapport du groupe d’étude sur les opérations de paix de l’ONU, A/55/305-S/2000/809,Aout 2000.

URL : http://www.un.org/fr/peacekeeping/sites/peace_operations/

 

5             DEPARTEMENT DES OPERATION DE MAINTIEN DE LA PAIX, DEPARTEMENT DE L’APPUI AUX MISSIONS, Opérations de maintien de la paix : Principes et orientations, 18 janvier 2008. pp. 8.

 

URL : http://www.un.org/fr/peacekeeping/documents/capstone_doctrine_fr.pdf

 

6             TARDY Thierry. « Chapitre 3. L’Organisation des Nations unies : l’éternel recommencement ? p. 80-83.

 

7             LIEGEOIS Michel, « Quel avenir pour les Casques bleus et le maintien de la paix ? », Politique étrangère 3/2013 (Automne), p. 65-71.

URL : www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2013-3-page-65.htm

 

8             GUEHENNO Jean-Marie, « Maintien de la paix : les nouveaux défis pour l’ONU et le Conseil de sécurité », Politique étrangère N°3-4 – 2003 – 68e année pp. 689-700.

URL: home/prescript/article/polit_0032-342x_2003_num_68_3_1247.

 

 

9             BEIGBEDER Yves, « La crise financière des Nations Unies et les travaux du Comité des Dix-huit », Annuaire français de droit international, volume 32, 1986. pp. 426-438.

URL : home/prescript/article/afdi_0066-3085_1986_num_32_1_2727.

 

10           TRINQUAND Dominique (Général), « L’Organisation des Nations Unies et les influences qui s’y exercent dans la gestion des crises », Lettre de l’IRSEM n°3, 2013.

URL : http://www.defense.gouv.fr/irsem/publications/lettre-de-l-irsem/les-lettres-de-l-irsem-2012-2013/2013-lettre-de-l-irsem/lettre-de-l-irsem-n-3-2013/dossier-strategique/l-organisation-des-nations-unies-et-les-influences-qui-s-y-exercent-dans-la-gestion-des-crises

 

11           VOELCKEL Michel, « Quelques aspects de la conduite des opérations de maintien de la paix », Annuaire français de droit international, volume 39, 1993. pp. 75.

URL : home/prescript/article/afdi_0066-3085_1993_num_39_1_3122

 

12           Voir l’exemple de la FINUL.

MICHEL Benoît, « Maintien de la paix robuste : le cas de la FINUL renforcée », Politique étrangère /2, 2011, pp. 403-408.

URL : www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2011-2-page-403.htm

 

  • MADONNA Pascal, « Vers l’externalisation du maintien et de la consolidation de la paix ? », Etudes géostratégiques, 22 janvier 2013.

 

  • BANEGAS Richard, « De la guerre au maintien de la paix : le nouveau business mercenaire », Critique internationale, no 1, automne 1998, p. 179-194.
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Les enjeux du port de Chabahar /geopolitique/les-enjeux-du-port-de-chabahar/ /geopolitique/les-enjeux-du-port-de-chabahar/#respond Mon, 18 Jan 2016 14:57:03 +0000 /?p=11921 Le port de Chabahar, porteur d’espoir et d’ambition… mais pour qui ?

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Introduction
Exemption de taxe professionnelle pendant 20 ans, droits de douane réduits, garantie à 100% sur le capital investi et les bénéfices (AFP, 2015) .Voilà ce qu’offre la zone franche de Chabahar (CFZ), en Iran, pour attirer les investisseurs.

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Source : PressTV, 2015

Cette zone franche se situe au sud de la province de Sistan-et-Balouchistan, proche de la frontière du Pakistan. Elle offre un port en eaux profondes ouvert sur l’océan indien via le golfe d’Oman. Son développement permettra d’une part, le désengorgement du détroit d’Ormuz et, d’autre part, de donner un accès à la mer au continent centrasiatique.

IRAN

Source : Visoterra, 2015

Bien qu’étant sur territoire iranien, c’est principalement l’Inde qui s’occupe du développement des infrastructures et qui en a la gestion. Le membre des BRICS a en effet rapidement saisi l’importance stratégique et commerciale qu’un tel projet pouvait représenter. L’Inde voit ici un accès aux ressources dont regorge la région. Déjà proche de l’Iran, dont elle est un des principaux partenaires commerciaux, elle entend bien là étendre son influence au-delà des seules frontières iraniennes.
L’Iran, qui semble peu à peu sortir du marasme économique résultant de l’embargo qui le frappait jusqu’alors, voit en les investissements indiens une aide au développement, à la sécurité de son territoire ainsi qu’un affranchissement du commerce de la région aux pays de la péninsule arabique.

La problématique sera ici de comprendre quels sont les intérêts portés par ce port pour l’Inde et l’Iran. Ainsi, dans une première partie, nous tâcherons d’analyser les enjeux qui poussent l’Inde à investir dans le port iranien. Dans une seconde partie, il sera question des motivations iraniennes à encourager la stratégie indienne.

I. La volonté indienne

L’Inde, 8e puissance mondiale, jouit aujourd’hui d’une croissance supérieure à celle de la Chine et cherche à être reconnue comme un acteur majeur. Le pays doit donc être en mesure d’alimenter sa croissance et de se prémunir d’une suprématie chinoise. Ce sont ces raisons qui poussent aujourd’hui l’Inde à étendre son influence au-delà de ses frontières.

A. Accès aux mines d’Afghanistan : quand un investissement en cache un autre

L’Afghanistan disposerait de ressources minières estimées à environ 3 000 milliards de dollars (ARNOULT, 2011). Naturellement, le pays suscite l’engouement de nombreuses nations. Parmi elles, l’Inde tente de faire la différence en apportant plus qu’un financement, un développement.

En 2011, l’Inde connaît sa première victoire en remportant son premier appel d’offres afghan (BOBIN, 2011). L’Afghanistan, jusque-là en guerre, entend se développer grâce à l’exploitation de ses ressources naturelles. Le pays ne cherche pas ici de simples investissements étrangers, mais également des partenaires susceptibles de développer des infrastructures aidant à son développement. C’est dans cette optique que l’Inde entreprend des projets routiers et ferroviaires. Cependant, l’Afghanistan ne possédant pas de frontière terrestre avec l’Inde et ne disposant pas d’ouverture sur la mer, il est difficile pour l’Inde de rapatrier les ressources exploitées. La voie terrestre lui étant bloquée par le Pakistan, avec lequel elle est toujours en conflit soixante-huit ans après leur séparation, le Cachemire cristallisant toujours de vives tensions entre les deux pays. Par contre, l’Iran, qui possède 936 km de frontière avec l’Afghanistan et qui donne sur l’océan Indien, et grand partenaire économique, semble être un point d’accès idéal. Cet accès est notamment facilité par une frontière se situant sur un plateau. Mais jusque-là, l’Iran ne possédait pas d’infrastructures suffisantes pour assurer le transit et le volume souhaité par l’Inde. C’est en grande partie pour cette raison que l’Inde a souhaité investir dans le développement du port de Chabahar. De plus, nous l’étudierons par la suite, par le contrôle de la gestion qui lui a été accordé par les autorités iraniennes sur le port et la levée de l’embargo, le port pourrait rapporter encore davantage.

À cela s’ajoute une volonté de désenclavement par l’ouest de l’Inde. En effet, le pays se retrouve pris en étau par les relations chinoises et pakistanaises. Le premier fait barrage sur le flanc ouest, soutenu par la Chine avec laquelle l’Inde partage une frontière au nord. La Chine entend profiter de la situation géographique du Pakistan et nouer des partenariats dans le but de désenclaver sa province du Xinjiang et, de ce fait, se doit de soutenir le Pakistan dans ses oppositions à l’Inde. À ce barrage s’ajoute le « collier de perles » chinois, présenté par Booz-Allen-Hamilton en 2004, qui enclave maritimement l’Inde.

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Source : Conflits n°7, 2015

La principale issue pour accéder aux marchés centrasiatiques est alors d’adopter une stratégie tête de pont, à plus forte raison si l’un des principaux partenaires sur le marché centrasiatique cherche à se développer et à retrouver une place conséquente dans l’économie mondiale ; c’est le cas de l’Iran. Enfin, ce partenariat avec l’Iran assure un apport énergétique sécurisé à l’Inde, qui importe 70% de son énergie et dont l’Iran est le second fournisseur de pétrole (BAIXAS, 2010).

B. Rattraper son retard sur la Chine

La Chine semble mener les mêmes batailles que l’Inde. Alliée du Pakistan, elle est déjà établie dans le secteur minier afghan et sur le front de l’océan indien.
Tout d’abord, la Chine a elle aussi mesuré l’importance du littoral du sous-continent et le potentiel de celui-ci. Ainsi, en 2006, elle achève la construction du port de Gwadar, au Pakistan. Situé à moins de 180km (106 miles précisément) de celui de Chabahar, il offre des conditions géographiques similaires et, de ce fait, est en concurrence directe. Ainsi, en investissant dans le port de Chabahar, l’Inde compte bien concurrencer, voire s’approprier les intérêts économiques visés par la Chine. La zone du Baloutchistan, où se trouve le port de Gwadar, est instable et des milices prennent les armes et revendiquent leur indépendance. Aubaine pour le gouvernement indien qui, selon de nombreuses sources, mais sans reconnaissance officielle de l’Inde, leur fournit alors des armes pour maintenir l’instabilité quand, parallèlement, avec le soutien du gouvernement iranien, elle stabilise l’est de l’Iran et apporte un développement d’infrastructures portuaires, routières et ferroviaires. De la sorte, l’Inde amène l’Afghanistan à favoriser les négociations avec l’Iran et elle-même.
L’Inde doit aussi faire face à la Chine sur l’exploitation des mines afghanes. En effet, les firmes chinoises sont déjà solidement implantées avec des concessions de mines telles que celles d’Aynak (WINES, 2010), d’Amu Darya (SHALIZI, 2012) ou encore de Sanduqli et Mazer-e-Sharif (PETERSON, 2013). Une course aux appels d’offres a lieu entre les deux pays, mais la Chine semble avoir pris une avance certaine. C’est donc sur la pérennité des relations, sur la sécurité des exportations et sur la sécurisation du territoire que l’Inde compte faire la différence. L’Inde fait donc face à de nombreuses incitations qui la poussent à développer son influence hors de ses frontières. Nous allons à présent nous concentrer sur les intérêts de l’Iran qui, à première vue, semble passif dans ce processus.

II. Les intérêts iraniens

L’Iran est aujourd’hui un pays dont l’économie est fragilisée par des années de sanctions économiques.
Son développement nécessite des investissements étrangers ainsi que des alliances solides. C’est pour cette raison que le pays multiplie les accords avec l’Inde qui lui apporte un soutien essentiel.

A. Reprendre le contrôle de la zone et se préparer à une ouverture économique

Cette mutation, à la fois économique et géographique, a un intérêt certain pour l’Iran qui a du mal à contrôler la zone de Sistan-et-Baloutchistan, dans laquelle se situe le port de Chabahar.
Comme du côté pakistanais, il règne d’une part, une instabilité ethnique, et d’autre part, le développement d’un certain nombre de trafics que Téhéran a du mal à contrôler.

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Source : CNRS, 2013 www.irancarto.cnrs.fr

Cette région de l’Iran est à dominance sunnite baloutche, alors que le reste du pays ainsi que le gouvernement est à majorité chiite perse. Les Baloutches se sentent délaissés et n’ayant pas les mêmes droits que les Perses (MINOUI, 2009). Ce terrain propice aux rébellions a notamment donné naissance à Jundollah, un groupement militaire revendiquant plusieurs attentats, notamment contre les Gardiens de la révolution en octobre 2009 (REUTERS et AFP, 2009).
Ce climat de tension sociale entraîne une hausse générale de la criminalité et des trafics, à commencer par celui de la drogue en provenance d’Afghanistan. Éloigné de Téhéran et frontalière avec l’Afghanistan et le Pakistan, cette région semble être difficilement contrôlable pour Téhéran. La situation est telle qu’en avril 2009, « le chef de la police iranienne a annoncé le retrait total de la police civile de la région » (EIFFLIN, 2011). Ce sont aujourd’hui les Gardiens de la Révolution qui sont chargés d’assurer la sécurité.

Or, la mise en place d’infrastructures et de projets de développement légitimerait un accroissement sécuritaire, qui servirait alors tant pour la sécurisation des transits que pour l’éradication des sources de tensions. Il ne s’agit pas là d’une volonté de contrôle par la force, mais d’instaurer un développement stable, notamment grâce aux investissements étrangers et aux infrastructures nécessairement liées. Avant l’embargo de 2006, les autorités déclaraient avoir totalement éradiqué le chômage dans la ville de Chabahar. Cependant, suite aux sanctions économiques, les investisseurs se sont raréfiés et l’instabilité s’est accrue. L’Iran compte alors renouveler l’exploit et l’étendre sur l’ensemble du front Est du pays avec cette fois le soutien de puissances telles que l’Inde.

Le rapprochement avec de nouveaux partenaires va aussi permettre à l’Iran de redynamiser ses exportations de pétrole et de gaz pour lesquelles le pays dispose respectivement de la 4e réserve mondiale et la 2e réserve mondiale (Le Moci, 2015). Jusqu’en 2012, l’Iran oscillait entre le 3e et 4e rang des exportations pétrolières en valeur. Mais depuis les sanctions qui frappent le pays sur ce secteur, l’Iran se hisse péniblement au 9e rang, ayant vu le montant de ses d’exportation pétrolière chuté presque de moitié (101.468 milliards de dollars en 2012, 53.652 milliards de dollars en 2015) (OPEC, 2015). Enfin, pour consolider sa balance extérieure, l’Iran pourrait aussi développer une industrie de raffinement de pétrole et d’essence afin de limiter ses importations. Le pays ne dispose pas actuellement des équipements nécessaires pour assurer la transformation de pétrole en essence et se retrouve à devoir en importer en grande quantité. Ainsi, par une dualité exportation de pétrole et limitation des importations d’essence, l’Iran pourrait voir sa balance commerciale redevenir positive. La moyenne de celle-ci entre 1974 et 2014 s’élevait tout de même à plus de 5 milliards de dollars (Trading economics, 2015).

B. Sortir de la dépendance vis-à-vis des Émirats arabes unis

Jusque-là, les Émirats arabes unis étaient la porte d’entrée du marché iranien. Du fait des nombreuses sanctions économiques que la théocratie perse a connues, l’alternative des Émirats arabes unis (EAU) s’est rapidement révélée être la favorite. Dès 1979, et les premières sanctions suivant la révolution islamique, des commerçants iraniens ont migré aux EAU et ont servi d’intermédiaire entre l’Iran et le reste du monde, faisant alors de Dubaï l’accès privilégié au marché iranien. L’Iran se trouve donc en partie dépendant des EAU.

De plus, jusque-là, le principal port iranien était celui de Bandar Abbas, par lequel transitait 85% du transit maritime à destination et en provenance d’Iran. Cependant, ce port est limité à des navires ne pouvant excéder 100 000 tonnes. Ainsi, la majeure partie des navires étrangers à destination de l’Iran doivent faire escale aux EAU, où les marchandises sont alors transférées sur des navires de taille modeste afin qu’ils puissent être accueillis à Bandar Abbas (RAMACHANDRAN, 2014). Le port de Chabahar, en eaux profondes, évite l’intermédiaire émirati et permettra l’accroissement des échanges. Cet accroissement des échanges et les investissements étrangers semblent déjà être au rendez-vous selon Hamed Ali Mobaraki, qui déclare que des compagnies sud-coréennes, européennes, émiraties… et chinoises, se seraient déjà implantées (PRESSTV, 2015). Par cette indépendance, l’Iran se protège de toute atteinte à son commerce. En cas de tension avec les autres pays du golfe persique, qui pourrait alors déboucher sur l’obstruction du détroit d’Ormuz, l’Iran verrait alors les principaux ports jusque-là, Busherh et Bandar-Abass, totalement bloqués. Ainsi, le port de Chabahar permet tout d’abord à l’Iran de se libérer des pressions que les autres nations du Moyen-Orient pourraient exercer sur elle. De plus, il va permettre au pays d’assurer une croissance saine à travers le développement de son commerce extérieur et de ses partenariats.

Conclusion

L’Inde et l’Iran coopèrent au développement d’infrastructures dans l’optique de satisfaire leurs propres intérêts. Pour l’Inde, la terre perse représente une opportunité d’accès à un marché qui lui est en partie fermé et une tête de pont permettant son désenclavement et une opposition à la domination chinoise. Elle cherche aussi à nouer des relations durables et stables avec l’Iran ; relations qui lui assurent une alimentation en hydrocarbures ainsi qu’un accès à l’Afghanistan. De son côté, l’Iran souhaite développer des infrastructures amenant un développement de son commerce extérieur. Elle souhaite aussi sortir de sa dépendance vis-à-vis des Émirats arabes unis et s’assurer un degré de liberté en cas de tensions. Enfin, ce développement permet aussi à l’État de « reprendre en main » une région jusqu’ici délaissée et sous tension.

Par souci de délimitation du sujet, cette analyse ne présente que brièvement le rôle de l’Afghanistan dans ces négociations. Cependant, les questions portant sur son avenir et son modèle de développement n’ont pas été abordées. Ces aspects pourraient avoir un impact fort sur les négociations futures et sur la gestion des relations diplomatiques du pays.

 

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Iran welcomes UAE investors to Chabahar Free Zone: Iran official

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Les “Blood Borders” au Moyen-Orient, vers une solution miracle à la problématique des frontières ? (2/6) /geopolitique/russie-caucase/les-blood-borders-au-moyen-orient-vers-une-solution-miracle-a-la-problematique-des-frontieres-26/ /geopolitique/russie-caucase/les-blood-borders-au-moyen-orient-vers-une-solution-miracle-a-la-problematique-des-frontieres-26/#respond Fri, 20 Nov 2015 15:29:34 +0000 /?p=11709
Info

Second article collectif d’une série de six, sur la problématique des frontières.
1er article ici
Focus sur le plateau anatolien et le sud-Caucase

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L’Anatolie et le sud Caucase illustrent la complexité du fait politique. Des côtes méridionales de la Mer Noire aux côtes occidentales de la Caspienne, les puissances se sont toujours affrontées. D’Alexandre le Grand aux empires européens, en passant par Pompée et les califes, chacun a tenté d’influer sur ce verrou stratégique. Pourtant ce sont bien les conditions du règlement des effondrements ottoman et soviétique qui pèsent aujourd’hui sur les liens régionaux.

 

Peuples, nations et ethnies : une mosaïque ethnolinguistique

 

La diversité linguistique est l’une des caractéristiques fondamentales du Caucase et de l’Anatolie. Ainsi s’entrecroisent les langues indo-européennes, ouralo-altaïques et celles caucasiques. Du point de vue confessionnel, l’histoire du Caucase est marquée par la présence des trois grandes religions monothéistes, l’Islam étant le plus représenté. Le christianisme est la religion dominante en Arménie et en Géorgie. Le judaïsme a vu une baisse substantielle du nombre de ses fidèles dans le Caucase, notamment depuis la création de l’État d’Israël en 1947.

Parmi l’ensemble des États étudiés, l’Arménie est celle qui tend à une quasi-homogénéité ethnique. 96 % des ressortissants sont arméniens, les quatre pour cent restants étant Russes, Yézidis, Kurdes, Assyriens, Grecs, Ukrainiens et Juifs. Cette homogénéité s’explique d’abord par l’ancrage antique du peuple arménien sur l’axe Anatolie-Caucase. D’autre part, la nature montagneuse de l’Arménie rend son accès difficile et crée une frontière naturelle avec ses voisins. Enfin, l’afflux massif d’Arméniens victimes des persécutions ottomanes a contribué à l’homogénéisation de la République d’Arménie.

L’Azerbaïdjan compte une population de plus de neuf millions de personnes, principalement musulmane. L’Islam est implanté en Azerbaïdjan depuis le VIe siècle, mais c’est au XVIe siècle que la population s’est convertie au Chiisme duodécimain. Ainsi, sur 93 % de musulmans, 85 % sont chiites. Les autres ethnies présentent son russe orthodoxe et Arménienne apostolique. Le peuple azéri est à la croisée d’origines turcomanes et iraniennes. En effet si la langue fait partie de l’ensemble altaïque, il existe des similarités culturelles entre Persans et Azéris. L’Azerbaïdjan avant l’arrivée des Oghouz avait des liens forts avec le monde persan. Finalement, il est possible de dire que les Azéris sont des Caucasiens ayant intégré les rites et les traditions iraniennes et turques.

La Turquie compte près de 80 millions d’habitants. La population majoritairement musulmane (80 %) compte une minorité alévie issue du chiisme duodécimain. L’Alévisme n’est pas officiellement reconnu par les institutions turques. Les Kurdes constituent aussi une minorité importante, ils représentent en effet un cinquième de la population. Ils occupent essentiellement le sud-est du pays et leur langue indo-européenne entre dans la catégorie des langues iraniennes occidentales. Au même titre que la majorité turque, les Kurdes sont pour la plupart sunnites.

Un carrefour géostratégique de première importance

 

L’incidence du poids de l’histoire sur les relations régionales

 

La Turquie, à bien des égards, peut être considérée comme l’État dominant l’axe Bosphore-Caspienne. Fort de son appartenance aux organisations régionales et à l’OTAN, la Turquie est une interface de premier ordre. L’État moderne a émergé des cendres de l’Empire ottoman et a su s’imposer dans le concert des nations. Loin d’être anecdotique, la reconquête politique et militaire de la profondeur stratégique anatolienne par Atatürk est à la source de la diplomatie turque. Istanbul a su revenir sur le traité de Sèvres par le biais de celui de Lausanne, annihilant de fait les prétentions territoriales kurdes ou arméniennes.

Utilisant les enjeux de pouvoirs de la région, la Turquie a su s’accorder avec le monde soviétique, tout en ménageant sa politique occidentale. Le cas arménien reste pourtant symptomatique des maux entre la Turquie et ses voisins. Les pogroms et le génocide arménien prenant racine dans les idées pantouranistes et la vision turque de l’Arménie comme « cinquième colonne de la Russie » [1] ont attisé les tensions stratégiques. La Turquie a toujours tenté d’utiliser le jeu des puissances à son avantage, oscillant entre un national-neutralisme, un atlantisme modéré et une prétention régionale. Istanbul et Bakou ont des relations fortes occultant l’antagonisme religieux, au profit d’une communauté sémiologique.

L’axe Caspienne-Méditerranée, pivot stratégique entre Europe et Moyen-Orient

 

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Depuis les années 2000, la politique occidentale turque semble s’infléchir dans ses moyens comme dans ses buts. Si depuis 1943 le partenariat entre Turcs et Américains reste structurant, les évolutions récentes ont modifié les relations turco-occidentales. D’un côté, le partenariat pour la paix a permis à Istanbul de renouer des relations privilégiées avec les Balkans. L’importance des forces nationales et sa position ont fait de l’Anatolie turcomane une plateforme pour les forces atlantiques. De l’autre, la doctrine Davutoglu portée par un courant néo-islamiste attire la Turquie vers ses frontières méridionales. En interne, l’armée semble perdre son rôle de régulateur au profit d’une démocratie viciée. En somme, la Turquie s’ancre plus à son identité musulmane qu’à son héritage kémaliste.

Les turbulences au sein des États panarabes sont source d’opportunités, mais aussi de menaces pour l’État turc. Si la mise au ban des nations de la Syrie ouvre un canal d’influence dans l’environnement turc, la contagion irrédentiste n’est pas à écarter. Finalement, la Turquie est actuellement à un carrefour de son histoire : les tensions internes et externes fragilisent son soft balance traditionnel. S’il est difficile de définir formellement le futur de la diplomatie turque, il y a fort à parier que l’ambivalence entre son identité musulmane, l’idéal turcoman et l’ancrage euro-méditerranéen finira de modifier durablement sa position dans la région.

L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont un destin commun récent. Jouissant d’une indépendance nationale suite à la dislocation soviétique, leurs relations sont très liées. Ces États limitrophes doivent faire face aux conséquences géopolitiques de l’enclave. Ainsi la région azérie du Nakhitchevan est séparée de Bakou par le territoire arménien, les territoires azéris derrière la ligne de cessez-le-feu et l’enclave orpheline[2] arménienne du Nagorno-Karabakh. Ces deux enclaves ont conduit à une lutte armée au début des années 1990, dont les enjeux pèsent encore aujourd’hui dans la région.

La période fédérale communiste ne viendra que geler le contentieux qui finira par se déclencher, à la suite du référendum d’indépendance du Karabakh arménien et de heurts ethniques. Pour l’Arménie, fermeture frontalière et blocus turc entérineront un enclavement géographique et politique. Seuls l’Iran et la Russie resteront des partenaires. Avec le Nagorno-Karabakh, on assiste à l’apparition d’un quasi-État[3], enclave ethnopolitique née de la désintégration de l’URSS, possédant le soutien arménien, mais étant non reconnue par la communauté internationale.

Bien que ce quasi-État doive son existence à la persistance des tensions entre son État protecteur (Erevan) et l’État territorialement compétent (Bakou), son avenir ne laisse que peu d’opportunités. Ce territoire devra soit être réintégré ou absorbé. Un élément fait aujourd’hui consensus : les deux États pâtissent de leur opposition – leur proximité géographique et les interdépendances qui en découlent devraient signifier une coopération politique accrue.

 

L’énergie catalyseur des enjeux de pouvoirs

 

Objet géopolitique de premier ordre, l’énergie est à la source des rivalités territoriales. Le passage de la population turque entre 1950 et 2012 de 21,5 à 80 millions a augmenté les besoins agricoles. L’intensification induite par cette croissance nécessite un apport considérable en eau. Cette région constitue un « château d’eau » grâce au Tigre, à l’Euphrate, l’Araxe ou encore la Koura qui sont des fleuves partagés entre États. Ils s’inscrivent dans une géologie complexe, inexorablement structurante des systèmes hydriques.

Les ressources hydrauliques turques sont concentrées à l’Est alors que la population vit plutôt à l’Ouest. Le Tigre et l’Euphrate[4] alimentent la Turquie sud orientale, l’Irak et la Syrie. La Turquie contrôle dorénavant 86 % du débit de l’Euphrate[5] grâce aux aménagements du GAP. L’achèvement du projet du barrage d’Ilisu sur le Tigre prévu pour 2016 l’amputerait de 10 milliards de m³ d’eau, le quart de son débit à son entrée en Irak[6]. Toutefois, la crise d’approvisionnement de 2007 a mis en exergue les carences de la planification hydraulique alors que le pays s’est engagé à fournir de l’eau à Chypre et à Israël. Malgré de faibles ressources en hydrocarbures, la Turquie bénéficie d’un levier certain sur les pays en aval.

 

 

L’agriculture représente encore à ce jour plus de 20 % du PIB arménien. L’Arménie sillonnée de cours d’eau abrite l’immense lac Sevan. Le fleuve Araxe couvre le territoire, traverse la Géorgie et l’Azerbaïdjan pour se jeter dans la Koura. Des affluents de l’Araxe et de la Koura naissent dans le Karabakh. Le débit fort des cours d’eau du Haut-Karabakh assure un approvisionnement en énergie. Le point culminant de Karvachar fournit plus des trois quarts de ressources en eau du Haut-Karabakh[7].

67 % du débit des fleuves de l’Azerbaïdjan proviennent de l’extérieur. La Koura y représente jusqu’à 80 % de l’eau consommée[8]. Le canal allant jusqu’au réservoir de Djeiranbatan alimente l’agglomération de Bakou, où réside le tiers des Azéris. En outre, l’eau de la Koura et de l’Aras est polluée lors du passage en Arménie et en Géorgie. La gestion conjointe des eaux est peu probable au regard des tensions actuelles.

Carrefour naturel entre l’Europe et le bassin Caspien, l’Anatolie constitue une interface Nord-Sud entre Mer Noire et Méditerranée. Le rôle du corridor anatolien questionne la plateforme turque. Le territoire du pays est constitué d’une interface naturelle de transit entre les États orientaux et caucasiens, détenteurs des plus grandes réserves mondiales de ressources fossiles et le marché de consommation européen. La Turquie s’est imposée au fil des constructions d’oléoducs, comme un corridor « est-ouest » privilégié et est devenue, au début des années 1990, une pièce centrale du complexe puzzle des pipelines.

Grâce à l`oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan et celui Kirkouk-Yumurtalik, la Turquie assure environ 4 % du transit du pétrole mondial. À ce flux terrestre, il faut également ajouter les 3 millions de barils quotidiens de pétrole russe et kazakh qui transitent à travers les détroits maritimes turcs depuis le terminal de Novorossisk sur la mer Noire. Cette position est renforcée depuis l’exportation du pétrole « fédéral » du Kurdistan irakien – processus contesté par le gouvernement central irakien. Le complexe pétrochimique de Ceyhan s’affirme de plus en plus comme le véritable hub pétrolier de la Turquie.

 

 

L’ambition de la Turquie n’est pas de rester un simple pays de transit, mais de devenir une plaque tournante gazière, afin de sécuriser et diversifier ses approvisionnements. Le projet Southern Gas Corridor incluant le Trans-Anatolian Natural Gas Pipeline (TANAP), a pour but de diminuer l’influence régionale russe, en renforçant le rôle turc et azéri. La Russie a lancé un projet concurrent au TANAP le South Stream, mais il a été rejeté par les Européens, dont la Bulgarie. Face à cet échec, la Russie a entamé des discussions bilatérales avec la Turquie pour un éventuel Turkish stream répondant aux attentes des acteurs.

L’Azerbaïdjan, qui dispose des ressources d’hydrocarbures estimées à environ 0,9 milliard de mètres cubes[9] souhaite s’affranchir de l’influence russe sur ses ressources et réseaux de transport. Aujourd’hui, la construction du corridor sud-européen, dont le TANAP constitue la partie la plus importante, permet à l’Azerbaïdjan d’exporter son gaz par une ligne directe de plus de 2 500 kilomètres qui débouche directement à l’intérieur de l’Union européenne. Les ressources azéries ne suffissent pas à satisfaire la demande croissante de la Turquie et des pays européens, c’est pourquoi le développement du corridor sud-européen, via la construction du Trans-Caspian Pipeline (TCP) est essentiel. Il devrait relier les gisements turkmènes au réseau de transport azéri en traversant la Caspienne.

Le hub énergétique anatolien doit faire face à des luttes de pouvoirs. Comme le signale la possible création du TANAP, les États sont en concurrence pour la gestion des ressources. Le désaccord entre Azerbaïdjan et Turkménistan autour du Trans-caspian Gas Pipeline, les tumultes concernant l’extraction des réserves off-shore et la vulnérabilité accentuée des pipelines face aux sabotages du PKK, montrent que l’énergie est un facteur déterminant du fait géopolitique de dans cette région.

Mise en perspective d’une redéfinition moins arbitraire des tracés limitrophes

Une remise en cause des frontières, sources de déstabilisation pérenne des relations régionales

 

De nouvelles frontières telles que définies par Ralph Peters auraient plusieurs vertus dans le sud Caucase. Premièrement, elles régleraient l’impact des enclaves arméno-azéries. Ainsi, le Nagorno-Karabakh serait de facto intégré au territoire arménien de même qu’une partie du territoire sous contrôle d’Erevan au sud de la ligne du cessez-le-feu. L’Arménie gagnerait également sur son flanc ouest avec l’intégration plus ou moins partielle du Mont Ararat, lieu hautement symbolique pour la nation arménienne. Au nord comme au sud, les frontières resteraient inchangées. Même si les frontières ne coïncident pas avec la grande Arménie, les frontières du sang auraient le mérite de réduire les effets pervers de l’enclavement tel que le sentiment obsidional. Pourtant elle n’aurait toujours pas une façade maritime sur la Mer Morte comme convenu lors du traité de Sèvres. De son côté, l’Azerbaïdjan obtiendrait une continuité territoriale pour rattacher le Nakhitchevan, en obtenant des territoires jusqu’à la ville de Rasht au détriment de l’Iran.

Pourtant loin de résoudre les tensions ethno politiques, ces possibles tracés frontaliers laissent en suspend de nombreuses questions. L’exclave d’Erevan à Artsvachen et les ancrages azéris en Arménie resteraient dans leur territoire respectif. Ajoutons à cela que toute remise en cause des tracés est conditionnée aux accords de volonté de l’Iran et de la Turquie. Or, la Turquie comme l’Iran pâtiraient d’une quelconque modification de leurs frontières, d’autant que l’un comme l’autre souhaite avoir une influence régionale de premier ordre. L’ambivalence du droit international sur les tracés territoriaux s’ajouterait aux réticences politiques et conduirait à des tensions accrues.

Les interactions profondes entre tracé territorial et contrôle du devenir énergétique

 

La refonte des frontières selon Ralph Peters rebattrait les cartes dans la région en faveur du Kurdistan. Le Kurdistan disposerait d’une grande zone fertile, ancien sol syro-irakien ainsi que le lit du Tigre et de l’Euphrate, faisant de cet État un acteur puissant du Moyen-Orient.

Un redécoupage des frontières permettrait aux Kurdes turcs de jouir de l’autonomie kurde en Irak. En effet, les Kurdes irakiens ont l’opportunité de construire seuls un pipeline d’une capacité quotidienne d’un million de barils. Ce pétrole kurde serait contrôlé par et au profit des populations kurdes. Ces ressources étant transportées vers le hub turc.

En raison des sujets délicats du génocide arménien et du Haut-Karabakh, l’Arménie n’a pas de relations diplomatiques avec la Turquie ni l’Azerbaïdjan. Ainsi elle reste fortement isolée des grands projets énergétiques régionaux. Le pays est dépendant de la Russie à hauteur de 80 % de ses importations. Pourtant, le pays a commencé les négociations avec l’Iran pour la construction d’un pipeline de pétrole similaire à celui de gaz fonctionnant depuis 2007. Une refonte des frontières aurait sans nul doute des conséquences néfastes, car l’Arménie perdrait sa frontière avec l’Iran. Cela rendrait encore plus pressant le besoin d’une coopération entre Erevan et Bakou.

Quasi et proto-États aux sources d’une modification de facto des limites territoriales

 

L’accession de la communauté kurde à l’État est mise en avant par Peters. Dans les configurations actuelles, le Kurdistan irakien du fait de son autonomie est proche d’être un proto-État kurde. Obtenant une façade maritime en Mer Noire, il couperait définitivement l’Anatolie et le Caucase. La création du Kurdistan contribuerait donc à la poursuite de l’enclavement arménien puisqu’Erevan ne profiterait pas du retrait turc. Ces deux États pourraient tout de même faire front communs contre la Turquie. Un bloc pourrait ainsi se former contre Ankara, ce qui aurait pour conséquence une déstabilisation profonde de la région. Pour autant, la logique ethnique de Ralph Peters serait respectée dans le cas kurde, car ceux-ci constituent un bloc homogène au Moyen-Orient.

kurdistan-historique

L’horizon politique de la conciliation semble éloigné et l’activité de l’État Islamique pourrait jouer sur les limites des États. Si la pérennité de son contrôle territorial n’est pas actée, l’avancée rapide de l’État Islamique ces derniers mois a mis sous pression les États frontaliers. Tant la porosité des frontières que l’absence d’une réponse politique acceptée par tous nourrissent l’instabilité régionale. La campagne du groupe qui a mis à nu la frontière sud de la Turquie dans le Nord syrien, pourrait déboucher sur des incursions en territoire turc. Le franchissement des frontières et la lutte ouverte entre Kurdes et Daesh pourraient conduire, à la suite du conflit, à des frictions entre autorités compétentes et combattants peshmergas. Le contrôle d’un territoire politiquement turc, mais faisant partie intégrante du Kurdistan de Sèvres pourrait donner lieu à un nouveau tracé de facto.

Si ces pistes de réflexion restent hypothétiques, elles mettent tout de même en lumière la complexité des enjeux de pouvoirs dans une région où chaque État doit face à un environnement particulièrement instable. Plateau anatolien et Sud Caucase sont des interfaces essentielles au bloc eurasiatique, et la coopération est l’élément central qui permettra une véritable stabilisation de la région.


 

Alexia Tinant, Arthur Bachmann, Milen Zhelev, Quentin Voutier, Stéphane Hamalian

 

[1] MONGRENIER Jean-Sylvestre, « L’État turc, son armée et l’OTAN : ami, allié ou non aligné ? », Hérodote, La Découverte, n° 148, 2013, pp. 47 – 67.

[2] Enclaves sans appartenance clairement établie. NIES Susanne, « Les enclaves : “volcans” éteints ou en activité », Revue internationale et stratégique, Armand Colin/Dunod, n° 49, 2003, pp. 111 – 120.

[3] RYWKIN Michael, « Le phénomène des “quasi-États” », Diogène, PUF, n° 210, 2005, pp. 28 -33.

[4] ŞANVAR BOUCHER NurÁin, Fiche de synthèse, MINEFI-DREE, juillet 2001, p. 1.

[5] MUTIN George, Géopolitique du monde arabe, 3e édition, Carrefour, Ellipses, 2009, p. 113.

[6] LACHKAR Michel, « L’eau, l’autre facteur du conflit syrien », Geopolis, mars 2015 : http://geopolis.francetvinfo.fr/leau-lautre-facteur-du-conflit-syrien-55777.

[7] OHANYAN Karine, “Water complicates Karabakh peace talks”, Institute of War and Peace, 2010 : https://iwpr.net/global-voices/water-complicates-karabakh-peace-talks.

[8] THOREZ Pierre et THOREZ Julien, « Le partage des eaux dans les républiques d’Asie centrale, manifestation des tensions post-soviétiques », Cahiers d’Asie centrale, 13/04/2004, p. 10.

[9] Voir http://www.theoilandgasyear.com.

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Les mécanismes de la désertification /grands-enjeux/les-mecanismes-de-la-desertification/ /grands-enjeux/les-mecanismes-de-la-desertification/#respond Tue, 06 Oct 2015 10:15:03 +0000 /?p=8717

INTRODUCTION

La convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) a estimé que 41,2 % des terres émergées sont actuellement classifiées comme désertes ou dites terres sèches. À l’échelle planétaire, environ un quart de la terre en surface serait en constante dégradation[1]. La désertification n’épargne aucun continent et nous concerne donc tous, directement ou non.

Souvent, à tort, le mot désertification est assimilé à une avancée naturelle du désert justifiée par le réchauffement climatique. Notamment l’extension du désert du Sahara vers le Nord, atteignant les pays sud-européens. Nous allons donc solidement définir les termes qui seront employés avec récurrence au cours de cette synthèse afin d’éviter les confusions.

L’UNCCD, considérée comme la première organisation internationale destinée à combattre ce problème social et environnemental décrit le processus de la manière suivante :

Le terme « désertification » désigne la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines.[2]

Nous remarquons donc que l’homme est en partie responsable de la désertification, et que ce terme est souvent confondu avec le phénomène suivant:

Le terme « sécheresse » désigne le phénomène naturel qui se produit lorsque les précipitations ont été sensiblement inférieures aux niveaux normalement enregistrés et qui entraîne de graves déséquilibres hydrologiques préjudiciables aux systèmes de production des ressources en terres.[3]

De ce fait, notre démarche consistera à répondre aux questions suivantes : comment peut-on expliquer le phénomène de désertification? Et quelles en sont les conséquences selon les contextes?

Nous nous intéresserons dans un premier temps aux différentes causes établies du fait observé, qu’elles soient naturelles ou humaines. En second lieu nous aborderons les particularités du processus selon les régions. Pour finalement justifier l’importance, parfois sous-estimée, d’une lutte contre la désertification, à toutes les échelles.

LA DÉGRADATION DES TERRES

Les Nations Unies emploient le terme de dégradations des terres dans l’explication du processus :

L’expression « dégradation des terres » qui désigne la diminution ou la disparition, dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, de la productivité biologique ou économique et de la complexité des terres cultivées non irriguées, des terres cultivées irriguées, des parcours, des pâturages, des forêts ou des surfaces boisées du fait de l’utilisation des terres ou d’un ou de plusieurs phénomènes, notamment de phénomènes dus à l’activité de l’homme et à ses modes de peuplement, tels que : l’érosion des sols causée par le vent ou l’eau, la détérioration des propriétés physiques, chimiques et biologiques ou économiques des sols et la disparition à long terme de la végétation naturelle.

Nous savons grâce à certaines traces humaines anciennes que des zones, actuellement occupées par le désert du Sahara, étaient encore humides il y a environ 2000 ans. Ces zones humides étaient donc riches en faune.[4]

  • Le Sahara pourrait-il avoir été créé par l’homme ?

Ces peintures rupestres sont l’une des différentes raisons qui ont poussé certains analystes à examiner le lit du fleuve Congo, en extrayant des carottes sédimentaires. Cette méthode permet de retracer les climats traversés par la région centrafricaine pendant environ 40 000 ans.[5]

Durant plus de 35 000 ans, les relevés illustrent un couplage logique entre érosion, intensité des intempéries et humidité ou assèchement. La zone a ainsi connu successivement des périodes plus ou moins arides et étonnamment une période appelée le « grand humide » il y a environ 10 000 ans.

En arrivant aux environs de l’an 1000 avant J.C, les études montrent cette fois un découplage entre les facteurs naturels de sécheresse, et la dégradation des terres.  En cette période, le climat semble ne pas avoir été l’unique responsable de la désertification.

  • La combinaison de facteurs favorables

Les scientifiques ne peuvent pas avancer avec certitude une implication humaine[6], mais nombreux avancent la thèse d’une combinaison de facteurs favorables[7]. Il est prouvé que le climat connaît des cycles de réchauffement et d’autres de refroidissement. Le découplage pourrait donc être expliqué par la culture et la déforestation par écobuage et brûlis. Les techniques sont similaires, la première consiste en un défrichage permettant de laisser sécher les végétaux, que l’on va ensuite brûler pour fertiliser les terres, la seconde revient directement à bruler la végétation présente pour libérer de l’espace sur des terres humides et fertiles.

Des études récentes prouvent que les espaces cultivés ne retiennent pas autant l’humidité que la végétation naturelle, plus enracinée, qui permet à la terre d’accumuler des sédiments et de garder en fertilité. La terre est alors plus exposée aux aléas climatiques, à la chaleur, à l’érosion conduisant à une rapide dégradation. L’irrigation conduit également à l’accélération de la salinisation.

Ce pourrait donc être la culture entreprise par les Bantous qui aurait conduit à une exposition des sols. L’incapacité de retenir l’humidité, couplée à un cycle de réchauffement climatique, aurait donc pu expliquer cette forte dégradation des terres, et la surface actuelle du désert du Sahara.

Néanmoins la véridicité de cette thèse n’est pas partagée par toute la communauté scientifique. Bien que l’implication humaine dans l’histoire antique ne soit pas certaine, les causes contemporaines sont plus facilement vérifiables.

LES CAUSES CONTEMPORAINES DE LA DÉSERTIFICATION

  • La désertification aujourd’hui

De nos jours, l’implication humaine est irréfutable.

La désertification est causée par une combinaison de facteurs qui évoluent dans le temps et varient selon le lieu. Ceux-ci comprennent des facteurs indirects, tels que les facteurs socio-économiques et politiques, la pression démographique et le commerce international, ainsi que des facteurs directs, comme les modèles et pratiques d’utilisation des sols et certains processus liés au climat.[8]

La désertification accuse ainsi les exploitants qui utilisent des techniques de culture non durables, par opposition à la jachère par exemple. Ces pratiques, peut-être plus productives à très court terme, conduisent toutefois à une dégradation continuelle des sols et une diminution de la qualité et de la quantité des récoltes du fait de l’appauvrissement constant de la terre.

Les différents facteurs économiques et démographiques contraignent parfois les habitants à exacerber ces situations. En effet, les terres sèches et menacées de désertification comptent une population conséquente, mais confrontée à au dilemme de la survie à court terme. Dans les pays d’Afrique subsaharienne par exemple, qui sont les plus touchés par le phénomène, les habitants pratiquent le surpâturage. La taille des élevages n’est pas modérée, le bétail mange donc toute la végétation présente. Cette dernière n’est pas replantée ni épargnée cycliquement. Les sols se retrouvent donc déprotégés et exposés à l’érosion et à l’appauvrissement comme vu précédemment. On retrouve ce qu’on appelle un cercle vicieux.

Zones menacées naturellement de désertification

Zones menacées naturellement de désertification

  • Zones touchées, contexte et rythme de désertification

La carte suivante illustre les zones menacées de désertification. Une première expose les climats, parmi lesquels, les extrêmement arides sont représentés en gris, à l’exclusion des pôles. À leur périphérie se retrouvent les zones arides, puis semi-arides, ici en rouge, puis subhumides en orange voir jaune. Les zones vertes et bleues quant à elles représentent les zones humides ou froides et sont donc, pour le moment, épargnées par le phénomène.

Il serait pertinent de la fusionner avec une carte économique, puis probablement une carte des forêts. Les facteurs humains sont ignorés sur cette carte. Nous remarquons que les zones grises les plus imposantes, considérées comme sèches, sont en résumé, le Sahara, l’Asie centrale, et les alentours du Tibet, sur le pourtour du désert de Gobi.

L’inclusion du facteur économique montrerait que ces zones sont généralement victimes de sous-développement et frappées par la pauvreté. Les populations se retrouvent contraintes au surpâturage et à l’agriculture continue sous réserve de satisfaire leurs besoins primaires, à savoir manger. Le rythme de désertification en serait alors accru, combiné à un appauvrissement des sols, qui ne ferait qu’empire la situation. D’autres populations choisissent alternativement de migrer vers d’autres zones plus fertiles, plus urbanisées. Ces flux migratoires, dont les populations sont surnommées « réfugiés climatiques » concernent aussi les populations menacées par la montée des eaux, le réchauffement plus généralement, et  sont de plus en plus nombreux.

CONCLUSION

La désertification se résume à la dégradation des terres, conduisant à une disparition de la végétation à sa surface. Les zones les plus menacées par le phénomène sont en grande partie dans une situation économique défavorable, poussant à accélérer le processus. Le caractère alarmant de ce processus a été notifié aux grandes institutions internationales. Il est intéressant de se pencher sur les différents moyens mis en œuvre pour lutte contre ce problème. En Afrique par exemple, qui est considérée comme la zone la plus menacée du fait de la combinaison des facteurs, la lutte contre la désertification montre un désir d’unification des efforts, de sensibilisation et l’émergence de méthodes parfois « low-tech » et efficaces. Tout doit être mis en œuvre pour inverser la tendance et entrer dans un cercle vertueux, qui pourra permettre à ces pays de répondre à leurs besoins physiologiques.

Les mécanismes de la désertification

La désertification est donc une question de premier ordre dans notre société contemporaine, évidemment corrélée à la sphère géopolitique.

POUR ALLER PLUS LOIN

Ces différents sites/documents sont très complets et permettront de mieux comprendre la question de la lutte contre la désertification, ses enjeux, son institutionnalisation, etc…

— http://www.unccd.int/en/Pages/default.aspx

— http://www.greenfacts.org/fr/desertification/

— http://www.millenniumassessment.org/documents/document.797.aspx.pdf

http://www.cairn.info/revue-hommes-et-migrations-2010-2-page-42.htm

http://www.csf-desertification.org/combattre-la-desertification/item/desertification-degradation-des-terres

http://hommesmigrations.revues.org/1239

— http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sertification

Webographie/Bibliographie
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Népal : le peuple du sommet du monde ne perd pas espoir /geopolitique/nepal-le-peuple-du-sommet-du-monde-ne-perd-pas-espoir/ /geopolitique/nepal-le-peuple-du-sommet-du-monde-ne-perd-pas-espoir/#respond Mon, 04 May 2015 15:29:27 +0000 /?p=11296 Introduction

Le séisme qui a frappé le Népal, samedi 25 avril, est le plus grave qu’ait connu ce pays. C’est un pays à risque, car il se situe exactement sur la zone de chevauchement des plaques eurasiennes et indiennes, chevauchement à l’origine de l’élévation de la chaîne de l’Himalaya. Le pays enclavé est principalement composé de reliefs montagneux et de vallées difficiles d’accès. Le dernier bilan du séisme d’une magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter s’établit désormais à 7240 morts, et 14,023 blessés. Selon l’ONU, ce sont plus de huit millions de personnes qui ont été gravement affectées par ce séisme qui a causé simultanément destructions, famines et épidémies.

Caroline Sengupta remarque que “cela aurait pu être pire, le séisme s’est produit un samedi, jour férié au Népal. Il n’y avait personne dans les bureaux, dans les écoles, peu de trafic routier et beaucoup de gens dans les rues en train de se promener, ce qui leur a évité de se trouver chez eux quand le séisme a eu lieu, vers midi”.

Pourquoi le Népal est-il touché violentent par ce tremblement de terre ?

D’après le géophysicien, Vincent Courtillot, la plaque indienne et la plaque asiatique (eurasienne) se rapprochent de 2 cm chaque année, après plusieurs siècles de rapprochement on en arrive à plusieurs mètres, causant une intense friction qui peut se libéré d’un coup et l’énergie qui s’en libère crée le tremblement de terre. Un tremblement de terre d’ont épicentre c’est trouvé à 80km de la capitale du Népal, Katmandou. Les pays limitrophes du Népal ont également subi des dommages, notamment la Chine (et plus particulièrement le Tibet, l’Inde, le Bangladesh et le Pakistan.

Voici les plaques tectoniques via Wikipédia Commons et la carte du séisme :

Face à l’ampleur de la catastrophe, le Népal devra déployer d’importants efforts de reconstruction de ses villes où beaucoup de bâtiments anciens ont été détruits ou endommagés et de ses axes routiers qui relient entre elles des vallées difficiles d’accès.
Cependant, la priorité reste à l’urgence de rechercher et secourir les personnes touchées par la catastrophe.

Quelle aide concrète a apporté au pays?

Deux jours après la catastrophe, les associations et organisations internationales ont multiplié leurs appels aux dons, meilleurs moyens d’aider les dizaines de milliers de sinistrés.

La Croix Rouge qui œuvre à la recherche de survivants et à l’aide aux blessés, fais appel aux dons qui seront affectés à la construction d’abri, à l’aide médicale et alimentaire de la population. Cette mesure nous demande la rapidité, explique-t-on au siège de l’organisation, ‘‘Nous avons besoin d’une aide exclusivement financière, car les aides matérielles sont trop compliquées à acheminer sur place’’.

Une aide d’urgence internationale

 

L’ONU

« Nous n’avons pas de temps à perdre concernant les opérations de recherche et de sauvetage », a déclaré la Secrétaire générale adjointe des Nations Unies aux affaires humanitaires et coordonnatrices des secours d’urgence, Valerie Amos, dans un communiqué de presse publié dimanche.
« Nos pensées vont au peuple du Népal alors qu’il fait face aux pertes en vies humaines et aux dévastations causées par le séisme de samedi et par ses répliques », a-t-elle ajouté, faisant écho aux condoléances exprimées la veille, le jour de la catastrophe, par le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon.
Des équipes dépêchées par l’Inde, le Pakistan, la Chine et Israël ont également commencé à travailler, et d’autres sont sur le point d’être déployées en provenance des États-Unis, de Singapour, des Émirats Arabes Unis, de l’Union européenne et d’ailleurs. Mme Amos a souligné aussi l’assistance fournie sur le terrain par les agences onusiennes, notamment le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

La Chine

La Chine a immédiatement envoyé des équipes techniques et médicales sur place pour venir en aide aux victimes, mais aussi pour évacuer ses ressortissants. Les 62 secouristes chinois ont été parmi les premiers à arriver à Katmandou. Cependant il y a aussi des médecins et des psychologues spécialement entraînés pour travailler en altitude. Le gouvernement a promis 3 millions d’euros pour venir en aide aux victimes. La Croix-Rouge chinoise a également envoyé des tentes et des couvertures.

L’Inde

Les régions de l’est et du nord-est de l’Inde qui bordent le Népal ont également été touchées par le séisme, qui s’est ressenti à un millier de kilomètres plus à l’ouest. L’État indien du Bihar, qui borde le Népal au sud a été le plus affecté, c’est là que le séisme a fait le plus de victimes. L’Uttar Pradesh et le Bengale-Occidental ont également été touchés. Mais les dégâts sont sans commune mesure avec ce que l’on peut constater au Népal.
New Delhi a également réagi quasi immédiatement après la catastrophe et proposé son aide. Le Premier ministre indien Narendra Modi a communiqué via Twitter samedi. Treize avions militaires chargés d’aide (nourriture, couvertures, des sauveteurs avec des chiens et un hôpital de campagne) ont été affrétés dans le cadre de l’opération « Amitié ». L’Inde a également rapatrié plus de 1000 de ses ressortissants bloqués au Népal depuis samedi et devrait aussi envoyer des bus et des hélicoptères pour évacuer les victimes de la catastrophe.

L’Europe

Le Secours Populaire Français se mobilise pour apporter assistance aux sinistrés. Ces aides commencent par la distribution de produits alimentaires et des systèmes de potabilisation de l’eau
Des experts de l’Union européenne ont été dépêchés dans les zones les plus affectées par le séisme.
Berlin, Londres, Paris et Madrid ont aussi promis leur aide, la Norvège annonçant pour sa part le déblocage de 4,6 millions de dollars.
Le FMI s’est dit prêt à envoyer une équipe au Népal «dans les plus courts délais pour aider le gouvernement à évaluer la situation macroéconomique et à déterminer les besoins financiers», en coordination avec la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement (BAD) notamment.
Enfin, le pape François a exprimé «sa solidarité à l’égard de tous ceux affectés par ce désastre» et a fait part de sa «tristesse», selon le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican.

Les États-Unis

Les États-Unis ont annoncé l’envoi d’équipes de secours et le déblocage d’une première enveloppe d’un million de dollars. « Du fond du cœur, nous adressons notre sympathie aux peuples du Népal et des régions touchées par cette tragédie », c’est exprimé le secrétaire d’État américain John Kerry.

Conséquences de séisme Népalais

Pertes économiques

L’USGS, l’institut géophysique américain, qui a évalué l’amplitude du séisme, note sur son site que les « pertes économiques estimées pourraient surpasser le PIB du Népal ». Un PIB qui atteignait en 2013 à peine 18 milliards d’euros, pour une population d’un peu plus de 26 millions d’habitants d’après un recensement de 2011.

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Ce schéma montre que les pertes économiques ont 34% de chance de se situer entre 1 et 10 milliards de dollars et 29% de chance de se situer entre 10 et 100 milliards de dollars. Cependant à ce jour, l’impact économique de la catastrophe reste difficile à estimer, l’ampleur des dégâts n’ayant pas encore précisément établie, 40% du pays étant été touché par le tremblement de terre.

Pour le moment, le coût à long terme de la reconstruction du Népal, en appliquant les critères de reconstruction des bâtiments situés dans des régions menacées par d’importants séismes, pourrait dépasser les 5 milliards de dollars », annonce Rajiv Biswas, chef économiste pour l’Asie-Pacifique du cabinet IHS.

Une aide internationale financière massive pour la reconstruction du pays est donc absolument nécessaire et devra venir complexer les aides d’urgence déjà débloquées. Si l’on cumule les aides financières promises par la communauté internationale, le Népal devrait pouvoir compter sur au moins 19,5 millions d’euros. Parmi les plus gros donneurs, l’Union européenne a promis une aide immédiate de 3 millions d’euros, les États-Unis de 1 million de dollars, le Canada de 5 millions de dollars canadiens, le Royaume-Uni de 5 millions de livres et la Chine de 3,4 millions de dollars. Les aides matérielles affluent également. Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’Organisation des Nations unies, notamment, se prépare à une opération de grande ampleur au Népal, et la France participe également, avec des secouristes arrivés dès lundi et un avion gros porteur parti le 28 avril dernier, emmenant une autre équipe spécialisée.

Baisse du tourisme

Face à la situation humanitaire catastrophique, les visiteurs sont sous le choc et l’émotion d’émotion, mais également l’angoisse de par la difficulté de rappariement des étrangers dans leur pays d’origine. L’État népalais doit s’attendre, à court terme, à une baisse significative du tourisme après Fédéric Giroir, directeur général d’Allibert trekking, leader français des treks au Népal. Mais à moyen terme, dès l’automne prochain, le meilleur moyen d’aider le pays, ce sera d’y retourner.
Selon le responsable du département touristique Tulsi Gautam, il est estimé qu’il serait impossible de poursuivre des ascensions cette année, mais aucune décision officielle n’a encore été prise.

Dommages culturels

 

Ce drame est une catastrophe humaine, mais également culturelle, en effet; les grands temples du Durbar, la grande place de Katmandou où se situe l’ancien palais d’Hanuman Dhokka, se sont effondrés. Ce qui fut l’un des lieux les plus symboliques du riche patrimoine du pays est désormais un quasi-champ de ruines.
La tour de Bhimsen, également connue sous le nom de Dharahara, qui avait la forme d’une mince colonne d’une hauteur de 69 mètres construite en 1825, n’a pas résisté non plus à la violence du séisme. Un escalier étroit permettait d’accéder au sommet et de nombreux visiteurs se sont retrouvés coincés sous les décombres.

Conclusion

Le Népal est un pays à risque, certes, mais nos technologies actuelles ne nous permettent pas de prévoir les tremblements de terre avec la précision et la rapidité nécessaires pour pouvoir mettre les populations à l’abri de telles catastrophes. Cependant on sait qu’un séisme important augmente la probabilité d’autres séismes. Le Népal vit encore dans la peur de réplique qui est géologiquement importante pour le réajustement des masses rocheuses. De manière générale, les répliques diminuent en magnitude et en fréquence.
Un séisme ne tue pas, c’est l’effondrement des bâtiments inadapté qui cause la majeure partie des pertes humaines. L’effort de reconstruction népalais devra inclure un fort accent sur des constructions résistances aux séismes. En tant que pays particulièrement exposé, l’État pourrait inciter plus d’étudiants à poursuivre des études en séismologie, une meilleure compréhension du phénomène augmentant les solutions de survie.
Agir contre les séismes, c’est comme agir contre le réchauffement climatique et la protection de l’environnement. On sait que la menace est réelle et inévitable. Mais on préfère consacrer des moyens à ce qui peut sembler plus urgent. Les difficultés économiques et financières du Népal augmentent sa vulnérabilité face à ce genre de tragédie. D’où la nécessité que l’élan de solidarité observé pour l’aide d’urgence puisse se perpétuer dans le déblocage de somme plus importante pour la reconstruction du pays.
À la fin, le monde entier prie pour les sinistrés et espère que les Népalais se remettront.

Images du séisme

 

 

 

Sources

Articles et photos:

http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9pal#G.C3.A9ologie
http://www.francetvinfo.fr/monde/asie/pourquoi-un-tel-seisme-a-t-il-frappe-le-nepal_887651.html
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