La force conjointe du G5 Sahel, entre espoirs et illusions d’une lutte contre le terrorisme

Le 13 décembre dernier se tenait à Paris un sommet réunissant un ensemble de différents représentants du monde international, parmi lesquels des chefs de gouvernement et des agents de l’ONU, dans le but d’accélérer la mise en place de la force conjointe du G5 Sahel. Cette conférence, organisée à l’initiative du président français Emmanuel Macron, avait pour principal objectif d’accélérer la prise d’initiative concernant cette force vouée à la défense de la bande Sahélo-Saharienne contre la menace terroriste.

1 Le G5 Sahel, une union pour plus de force ?

Le G5 Sahel voit le jour le 16 février 2014. Groupe unissant 5 Etats centraux de la région Sahélienne, à savoir le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, il est créé dans le but de garantir des conditions de développement et de sécurité dans l’espace des pays membres, d’offrir un cadre stratégique d’intervention permettant d’améliorer les conditions de vie des populations, d’allier le développement et la sécurité, soutenus par la démocratie et la bonne gouvernance dans un cadre de coopération régionale et internationale mutuellement bénéfique mais aussi de promouvoir un développement régional inclusif et durable.

C’est dans le cadre de sa mission de maintien de la sécurité que le G5 Sahel a beaucoup fait parler de lui au sein de la société internationale ces derniers temps. Impossible d’ignorer à quel point la bande Sahélo-Saharienne est affectée par le terrorisme djihadiste qui y cause de nombreux dégâts sur un plan à la fois humain et matériel. C’est pour cette raison que les Etats du Sahel, forts de leur union au sein du G5 ont choisi, pour leur salut et au nom d’un combat qui relève d’une problématique d’ordre mondial, de donner vie à la FC-G5S, connue également sous le nom de Force Conjointe du G5 Sahel. La menace terroriste qui touche tant la région sahélienne a, au préalable, déjà contraint les grandes puissances mondiales à mettre en place différentes opérations ayant pour but de la contrer. Le projet de la force conjointe du G5 Sahel s’inscrit dans la continuité de telles opérations, et naît de la volonté des Etats affectés par toutes ces violences de s’unir autour d’un ennemi commun : le djihadisme. Cette force antiterroriste sahélienne naît d’une solidarité régionale et connaît une mise en place particulièrement laborieuse. Elle est mentionnée pour la première fois presque 2 ans avant de voir réellement le jour. C’est donc en juillet 2017, après quelques mois de vives discussions permettant d’évaluer si oui ou non elle mérite d’émerger qu’apparaît la force conjointe du G5 Sahel placée sous l’aile protectrice d’un Emmanuel Macron particulièrement enthousiaste. La FC-G5S s’inscrit donc comme réponse à un problème d’ordre prioritaire en ce que la présence terroriste qui s’est implantée dans la région sahélienne est loin de se contenter d’être une menace. Elle est source d’énormément de violences et les Etats directement affectés se doivent d’y trouver une réponse rapide mais aussi efficace.

2 La FC-G5S, une initiative qui divise

Bien que le projet soit vivement soutenu par la France, on ne peut pas dire qu’il ait été reçu unanimement au sein de la société internationale. C’est d’ailleurs dans le but de rallier le plus d’acteurs à la participation, la création et l’entretien de cette force antiterroriste qu’Emmanuel Macron s’est vu porteur de l’initiative du sommet qui s’est tenu le 13 décembre 2017 à Paris. En effet, l’idée seule de mettre en place une force armée ne suffit pas à lui donner vie, il s’agit également de la financer, et les Etats du G5 Sahel, comptant parmi les plus pauvres au monde, sont loin de détenir les capacités de subvenir seuls aux besoins de la FC-G5S, que ces besoins soient d’ordre purement financiers mais également matériels ou logistiques. Les Etats Unis n’ont pas manqué de se faire une place parmi les Etats les plus réfractaires au projet en faisant part de leur réticence. Bien qu’à l’issue du sommet de décembre les Etats Unis aient émit la promesse de fournir une aide bilatérale à la force conjointe s’élevant à hauteur de 60 millions d’euros. Ils ont également saisi l’opportunité pour faire preuve de leur scepticisme, d’autant plus que leur politique vis-à-vis du Sahel, mais également des différentes opérations de maintien de la paix onusiennes, n’est pas de celles qui mettent rapidement en place des mesures de soutien. Depuis l’arrivée de Donald Trump, la politique adoptée face aux différentes batailles menées au nom du soutien à l’ONU a radicalement changé faisant place à une volonté forte de réduire au maximum les coûts de ces opérations. Cette politique n’aide pas le soutien des Etats Unis à se manifester envers les Etats du Sahel d’autant plus que Macron a émis le souhait d’inscrire l’action de la FC-G5S dans le cadre du chapitre VII de la charte de l’ONU, afin de légitimer tout emploi éventuel de la force.

Au risque de décourager les Etats Unis, le président français a pourtant déjà fait preuve de beaucoup de zèle en obtenant, le 8 décembre dernier, du conseil de sécurité une résolution démontrant le soutien de ce dernier quant au développement de cette nouvelle force armée. C’est « d’action collective de lutte contre le terrorisme » dont parle la France pour encourager ses partenaires étatiques à prendre part à ce nouveau projet antiterroriste. Elle voit en la FC-G5S le remède tant attendu au fléau terrorisme djihadiste et souligne l’urgence de renverser la tendance après les victoires militaires et symboliques remportées par les terroristes ces derniers temps. Les espoirs des Etats sahéliens et de la France, qui parraine ce projet avec grand enthousiasme, sont très élevés, et peut être même trop si l’on effectue un rapide comparatif entre les attentes et la réalité quant à la mise en exergue de cette force armée qui se veut efficace au point d’éradiquer le terrorisme au sein de la bande Sahélo-Saharienne. Ce n’est pas moins de 5000 hommes que les Etats fondateurs ont l’espoir de rassembler au titre de la FC-G5S. Mais la première mission ayant eu lieu, sous le nom de « Haw Bi » a pourtant ramené sur terre ceux dont les rêves s’écartaient bien trop de la réalité. Lors de cette mission, dont l’enjeu était celui de la réduction de l’emprise terroriste sur la région, ce ne sont qu’environ 3500 hommes qui ont été réunis. Cette mission, bien que loin d’être placée sous le signe de la réussite a cependant servi de témoin quant au travail qu’il reste à réaliser pour que la force conjointe atteigne l’efficacité ciblée. Les attentes de ceux qui se sont vu porteurs de la création de la CF-G5S sont bien élevées : des capacités humaines élevées, des fonds conséquents (qui ont été estimés dans un premier temps à hauteur de 250 millions d’euros et par la suite à 400 millions d’euros en pleins exercices) et des résultats ambitieux.

Les chiffres mis en avant lors du Sommet qui s’est tenu à Paris courant décembre laissent à réfléchir et soulignent la difficulté du regroupement des fonds pour la force antiterroriste de la bande Sahélo-Saharienne. Le premier facteur explicatif étant sans aucun doute le fait, déjà mentionné auparavant, que les Etats constituant le G5 Sahel sont parmi les plus pauvres au monde. Mais ce problème, bien que de taille, n’est pas le seul à constituer un obstacle pour le rassemblement de moyens suffisants à la mise en place de la force conjointe. Prenons par exemple la réticence américaine, qui se trouve être la plus manifeste. La conférence qui s’est tenue à Paris le 13 décembre dernier a permis à Macron de montrer l’ampleur de son engouement quant à cette force en parlant de son espoir de voir des victoires remportées par la force antiterroriste dans la première moitié de l’année 2018. Il manifeste ainsi sa volonté de voir les choses avancer à vitesse grand V, et justifie le fait d’être garant et porte-parole de cette mission. Si des fonds, importants mais loin d’être suffisants, ont été promis aujourd’hui par l’ONU, les Etats Unis, l’Arabie Saoudite ou encore les Émirats Arabes Unis et plus encore, c’est grâce au président français, qui se fait porteur du message d’urgence quant à la situation dans la région Sahélo-Saharienne. Certains de ces Etats donateurs ont fait le choix d’un soutien davantage matériel et logistique, aspects qui restent primordiaux pour que la FC-G5S augmente en effectivité. Les Etats bailleurs reposent l’ensemble de leurs espoirs dans la prochaine conférence qui se tiendra courant février à Bruxelles et réunira l’ensemble des contributeurs effectifs ou éventuels dans le but de mettre un terme à la recherche de fonds pour finalement céder la place à la mise en œuvre effective de cette force armée.

3 Un projet placé sous la protection de la France

Mais une question demeure, pourquoi Emmanuel Macron fait-il preuve d’autant d’enthousiasme dans la mise en place d’une force armée qui n’est pas celle de l’Etat qu’il représente ? Pour le président français, la problématique terroriste relève d’un intérêt mondial, il est donc naturel que la France se sente fortement concernée par cette problématique qui, bien que sous un angle différent, l’affecte également. Mais aussi, nul n’est sans connaître la présence des troupes françaises au sein de la bande Sahélo-Saharienne par le biais de la mission « Barkhane ». Une façon d’interpréter l’enthousiasme français serait donc de constater que la mise en place d’une force armée efficace et réellement puissante face au terrorisme djihadiste présent dans la région permettrait alors aux troupes françaises de se retirer et de laisser le conflit se régler dans un cadre purement régional dans lequel la société internationale n’interviendrait que par le moyen de fonds ou de matériel. La pensée selon laquelle l’engagement de la France envers la FC-G5S serait une tentative de désengagement sur le plan de la mission Barkhane s’est ancrée dans de nombreux esprits. L’engagement de la France est donc perçu par une partie de l’opinion internationale comme une occasion de fuite ou d’abandon. Mais cet engouement pourrait tout à fait se justifier par une volonté de ne pas complexifier ce conflit par un nombre d’acteurs trop conséquent. La France tient cependant à montrer qu’elle est loin d’avoir l’intention de se retirer de quelque manière que ce soit et qu’elle voit en cette nouvelle force armée une opportunité supplémentaire pour vaincre le terrorisme et non pas un élément de substitution lui permettant de se débarrasser du problème.

Les représentants français ont tenu à préciser qu’ils ne voyaient pas cette nouvelle puissance comme une « stratégie de sortie » d’autant plus qu’il est impossible aujourd’hui, ne serait-ce que d’envisager que les troupes françaises puissent se retirer. Emmanuel Macron se veut défenseur de l’union pour davantage de force et tient à le démontrer par un soutien féru. Il est donc, selon la France, primordial de percevoir cet engagement comme un redoublement d’efforts, un renforcement des missions déjà mises en place. Macron a profité du sommet de décembre 2017 pour employer des termes forts, il fait en effet mention de la « coalition Sahel » qui témoigne de la solidarité internationale qu’il cherche à mettre en place autour de cette initiative et de son engagement personnel au sein de cette solidarité.

4 Efficacité ou échec, quel avenir pour la FC-G5S ?

Reste à comprendre si la FC-G5S est une structure de taille à affronter une problématique de l’ampleur que représente celle terroriste. Les gouvernants du G5 Sahel ainsi qu’Emmanuel Macron fondent tous leurs espoirs sur cette force et la considèrent le remède par excellence. Inutile de rapporter encore une fois que la position française et sahélienne n’est pas celle adoptée par l’ensemble des acteurs de la scène internationale. Il est important de ne pas oublier que le conflit impliquant le terrorisme est qualifié par les stratèges internationaux d’asymétrique. En effet, là où les terroristes peuvent mettent en œuvre tous les moyens nécessaires à la mise en exergue de la violence et de la destruction, les acteurs étatiques de la guerre rencontrent un obstacle, celui de respecter les règles de la guerre. Se forme dès lors un déséquilibre qui rend le conflit inégal est bien difficile à remporter pour ceux qui sont limiter par des normes strictes et une manœuvre d’action qui y correspond, quelle que soit leur puissance. De plus, tant que les forces terroristes trouveront des fournisseurs pour leurs ravitaillements d’armes, il restera difficile de leur faire face ou même de les voir faiblir. Un conflit asymétrique ne se remporte ni au nombre, ni aux moyens soulevés. Après la constatation du scepticisme bien présent dans la sphère internationale et le manque conséquent de fonds, est-il possible de croire encore que la FC-G5S aura une vie suffisamment longue pour prouver son effectivité ? Même si les fonds rassemblés venaient à correspondre à l’estimation qu’en ont fait les Etats lors de la conférence du 13 décembre, seront-ils suffisamment élevés pour permettre à cette force de survivre au-delà de sa première année de mise en place ? Se pose également la question de savoir dans combien de temps la force conjointe aura une réelle effectivité et une efficacité conséquente ? La première mission « Haw Bi » qui s’est tenue en novembre 2017 devait témoigner d’une unité particulière et n’a en réalité que témoigné d’un manque de cohésion et de coordination. Nombreux restent ceux qui font part de leurs doutes et ne croient nullement au fait que la force conjointe du G5 Sahel puisse être la solution à un problème que l’on tente déjà de résoudre par l’emploi de la force. Les Etats ont-ils donc raison de mettre tant d’énergie dans un projet qui se pourrait être d’emblée voué à l’échec ? Ou au contraire, visent-ils juste en misant sur la coopération internationale pour contrer des terroristes qui eux aussi font en sorte de s’unir pour gagner en puissance ? La FC-G5S n’est-elle qu’un énième coup de marteau sur un clou qui se renforce à chaque reprise ? Et encore faudrait-il que ce nouveau coup de marteau soit efficace. La FC-G5S, telle qu’elle existe aujourd’hui n’est pas prête de pouvoir faire face à l’ennemi terroriste. Il est primordial de conserver une oreille attentive sur les événements des prochains mois pour pouvoir constater, étape par étape, si cette force antiterroriste fait son chemin dans le sens souhaité.

Maddalena IADAROLA

SOURCES

http://www.irinnews.org/fr/analyses/2017/10/30/une-nouvelle-force-antiterroriste-dans-le-sahel

http://www.g5sahel.org/index.php/qui-sommes-nous/le-g5-sahel

https://reliefweb.int/report/mali/security-council-welcomes-deployment-joint-force-combatterrorism-threat-transnational

http://www.tamtaminfo.com/riyad-promet-100-millions-de-dollars-a-la-force-du-g5-sahel/

http://malijet.com/actualite_internationale/199945-lutte_terrorisme_pays.html

http://maliactu.net/mali-deploiement-des-forces-g5-sahel-en-marche-pour-le-processus/

https://www.mondialnews.fr/2017/12/13/sommet-a-paris-pour-la-force-g5-sahel/

www.rtl.fr/actu/international/macron-g5-sahel-paris-terrorisme-7791405586

http://www.liberation.fr/planete/2017/12/13/g5-sahel-la-course-de-vitesse-du-sprinteurmacron_1616434

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/12/14/emmanuel-macron-obtient-un-soutien-accrupour-le-g5-sahel_5229336_3212.html

http://www.lepoint.fr/monde/la-france-demande-a-l-onu-d-aider-la-force-g5-sahel-sans-frais-30-11-2017-2176433_24.php

http://fr.allafrica.com/stories/201712070516.html

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