La diaspora

Etymologiquement, la diaspora vient du grec « diaspora » qui signifie dispersion. Historiquement, le terme « Diaspora » (avec un D majuscule) fait référence à la dispersion des Juifs après leur captivité à Babylone au VIème siècle avant J-C. De nos jours, la Diaspora est la dispersion des juifs dans le monde.

Par extension, la diaspora, dérivé du grec « diaspeirô » signifie la dispersion d’une communauté ethnique ou d’un peuple à travers le monde. La dispersion est souvent le fait d’une guerre, d’une révolution, d’une répression, d’un génocide, de facteurs économiques défavorables ou d’un phénomène collectif. Les faits fondateurs de la diaspora sont toujours intégrés dans la mémoire collective des communautés dispersées. Pour constituer une diaspora, les communautés d’expatriés doivent conserver des attaches avec le pays d’origine, des pratiques ou des habitudes propres au pays. Ce niveau d’attachement est variable, il peut être économique, politique ou culturel.

 

La diaspora, un acteur géopolitique majeur

 

Lord Acton, théoricien anglais, qualifiait les diasporas de « pépinières nationalistes ». L’exportation de l’identité nationale réalisée par les diasporas constitue une extension de la puissance d’un Etat au delà de ses frontières.  Le communautarisme est une composante fondamentale des diasporas. De nombreux systèmes de réseaux sont mis en place dans les pays « hôtes » afin d’accueillir les nouveaux membres et ainsi faire perdurer la constante identification au pays d’origine. C’est dans ce sens que de nombreuses organisations communautaires sont créées comme des écoles, des partis politiques, des associations, des radios, des banques, des clubs de sports, ce qui permet de maintenir un rapprochement et une cohésion culturelle forte.

La diaspora constitue un enjeu stratégique pour le pays d’origine qui voit dans sa population émigrée un outil de rayonnement et d’enrichissement national. Les diasporas  conservent de nombreuses attaches avec le pays d’origine, les liens ne sont donc jamais rompus. Ces liens forts favorisent les échanges économiques entre le pays « mère » et le pays « hôte », influençant même la politique de certaines puissances. La politique des Etats-Unis, soutien d’Israël au Moyen-Orient, est influencée par la forte communauté juive présente dans le pays. L’intégration de la Pologne dans l’OTAN a été influencée par les Etats-Unis et la forte diaspora polonaise présente sur le sol américain.

Certaines diasporas sont plus importantes que la population présente dans le pays « mère ».  Nous pouvons prendre l’exemple de la diaspora arménienne qui est constituée d’un peu plus de 8 millions de personnes à travers le monde alors que la population vivant en Arménie est constituée de 3,5 millions de personnes. La diaspora arménienne constitue un enjeu stratégique pour le développement du pays. Le rapatriement du bénéfice des activités commerciales de la diaspora arménienne représente deux fois le budget de l’Etat (selon la banque nationale arménienne). Les fonds qui sont réinjectés dans l’économie arménienne sont vitaux pour l’économie du pays et le financement de nombreux projets de développement ou de rénovation du pays.

L’Inde possède la deuxième diaspora en nombre avec plus de 20 millions de personnes. Le pays a bien compris les enjeux et l’influence que peut représenter une diaspora aussi importante, c’est pour cela qu’elle a créée la Haute Commission sur la diaspora indienne. Cette organisation a pour but de renforcer les liens culturels entre le pays et sa diaspora, faciliter les investissements de la diaspora en Inde et protéger les citoyens expatriés. L’objectif de l’état indien est de transformer les membres de la diaspora indienne en ambassadeurs de l’Inde à travers le monde. Très nationaliste d’un point de vu socio-politique, la diaspora indienne constitue l’atout majeur de l’expansion de la puissance indienne à travers le monde.

Il est important de souligner que les diasporas peuvent aussi être génératrices de déstabilisation sociale, démographique ou même politique dans les pays « hôtes ». Les diasporas peuvent être le prétexte d’un nationalisme exacerbé renforçant les tensions communautaires et dégradant les relations entre pays « mère » et pays « hôte ». En France, nous pouvons prendre pour exemple l’animosité présente entre certains membres de la diaspora palestinienne et certains membres de la diaspora juive venant renforcer des sources de conflits.

 

Focus sur la diaspora portugaise en France

 

La première grande vague d’immigrants portugais en France a été initiée au début des années 60. Ce sont près d’1,5 millions de portugais qui ont immigrés en France entre les années 1961 et 1974. La majorité des immigrés portugais étaient des travailleurs issus d’un exode rural qui a vidé peu à peu les campagnes du nord du Portugal. La région de « Tras os Montes » situé au nord du Tage est la région ayant subit la plus forte vague d’émigration. Majoritairement issus de familles paysannes pauvres, n’ayant pas été scolarisés, les hommes quittent peu à peu leurs villages en direction de la France dans l’espoir d’une vie meilleure. A cette époque, l’industrie française est à la recherche de main d’œuvre ce qui va permettre aux immigrants portugais d’être massivement employés dans les secteurs de l’industrie et du bâtiment. L’immigration portugaise a été présente dans la réalisation de grands travaux urbains comme le périphérique parisien, le RER, la tour Montparnasse et un peu plus tard la Défense. La faible qualification des travailleurs portugais était compensée par de nombreuses heures supplémentaires de travail dans l’espoir de gagner rapidement l’argent nécessaire afin de retourner dignement dans leur pays. Nombreux sont les Portugais à s’être enracinés profitant de la situation économique favorable de la France pour construire une nouvelle vie avec femmes et enfants.

Au début des années 60, le Portugal voit un nombre croissant de jeunes quittés le pays. Cependant, cette émigration n’est pas motivée par l’espoir d’une vie meilleure en France. C’est l’époque de la dictature salazariste, le Portugal est engagé dans des guerres coloniales en Angola, en Guinée Bissau et au Mozambique de 1961 à 1974. Ces jeunes quittent le Portugal, pour certains dès l’âge de 16 ans, pour se soustraire au service militaire qui les aurait directement conduit en Afrique. L’immigration clandestine va favoriser l’arrivée en France de ces groupes de jeunes. L’armée portugaise évaluera à 150 000, le nombre de jeunes s’étant soustrait au service militaire durant cette période. Pour tous ces jeunes, le retour au Portugal n’a été possible qu’après la chute de la dictature et l’amnistie complète signée en 1975.

« Quittez votre zone de confort pour chercher du travail », ce sont les mots du premier ministre portugais Pedro Passos Coelho lors de son discours du 8 juillet 2013. La crise portugaise est forte, le chômage est de 13,4% pour le mois d’octobre 2014, le salaire minimum est de 505 euros pour un coût de la vie qui ne cesse d’augmenter. On assiste aujourd’hui à une toute autre immigration, ce sont les jeunes diplômés portugais qui quittent le pays las de rechercher un emploi qui n’existe pas. D’après l’OCDE, le taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans est de 37,9% pour le mois d’avril 2014.

L’esprit communautaire portugais est très présent en France, il repose sur de grandes associations comme l’Union Luso Française Européenne (ULFE), l’Association pour l’Amitié Franco-Portugaise, l’Association des Familles Portugaises et bien d’autres encore. Ce sont des groupes très actifs qui organisant de nombreux évènements.  A Lyon, le Portugal Business Club est une association créant un réseau autour de chefs d’entreprises portugais favorisant ainsi les interactions économiques entre la France et le Portugal.

Les immigrants portugais gardent un lien très fort avec le Portugal. Pour beaucoup de Portugais, la France est bien plus qu’une terre d’asile ou un pays d’opportunité. La France est devenue, au fil des années, leurs pays. Les conditions de vies y sont meilleures qu’au Portugal et leurs enfants ont grandis en France. Cependant les Portugais sont loin de couper les ponts avec la terre de leurs ancêtres. Chaque année, ce sont plusieurs milliers de portugais qui se rendent au Portugal pour y retrouver familles et amis. C’est alors l’occasion pour les enfants nés en France de découvrir la culture et le pays d’origine de leurs parents.

La diaspora portugaise vient en aide au Portugal dans ce contexte de crise économique. De nombreuses associations portugaises se mobilisent afin de soutenir le pays. C’est le cas de la chambre de commerce franco-portugaise qui souhaite pousser les immigrants et les 45 000 entreprises franco-portugaises à investir au Portugal profitant ainsi d’une main d’œuvre européenne qualifiée et compétitive. L’Etat portugais très endetté peine à soutenir des secteurs d’activités très innovants, secteur qui sont attractifs pour les capitaux étrangers. Cependant la diaspora portugaise en a les moyens, les chiffres parlent d’eux même ; ce sont près de 900 millions d’euros qui ont été transférés de la France vers le Portugal sur l’année 2014.

Je suis moi-même issu d’une diaspora. D’origine portugaise, mes parents, et mes grands-parents avant eux, ont immigrés en France. Il était donc important pour moi de revenir, à travers ce sujet, sur mes origines. Comme le dit notre professeur de géopolitique, Patrick Louis, il est important de savoir d’où l’on vient pour savoir qui l’on est et où l’on va.

 

Source  

  • Histoire – immigration : Consulté le 28 novembre 2014 :  http://www.histoire-immigration.fr/histoire-de-l-immigration/dossiers-thematiques/caracteristiques-migratoires-selon-les-pays-d-origine/portugais
  • Barthes : Consulté le 28 novembre 2014 : http://barthes.ens.fr/clio/revues/AHI/articles/volumes/volovitch.html
  • Le Parisien : Consulté le 28 novembre 2014 : http://www.leparisien.fr/espace-premium/essonne-91/les-portugais-immigrent-de-nouveau-en-france-08-07-2013-2963003.php
  • Atlas géopolitique mondial : Consulté le 28 novembre 2014 – Alexis Bautzman
  • France Culture : Consulté le 28 novembre 2014 :  http://www.franceculture.fr/emission-le-choix-de-la-redaction-comment-la-diaspora-portugaise-aide-les-portugais-dans-la-crise-20
  • Observatorio da emigraçao : Consulté le 28 novembre 2014 :  http://www.observatorioemigracao.secomunidades.pt/np4/home.html
  • Imigrantes : Consulté le 28 novembre 2014 : http://imigrantes.no.sapo.pt/page6franca.html

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