La violence sacrificielle

La violence est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé comme « l’utilisation intentionnelle de la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ».

Il existe une typologie de la violence : criminelle, politique, symbolique entre autres. La violence sacrificielle peut être considérée comme une forme de violence symbolique dans la mesure où sa légitimité est souvent contestable et qu’elle s’attache à la notion de symbole.

Quels sont les fondements de la violence sacrificielle et comment s’est-elle manifestée au cours du temps ?

Afin de répondre à cette problématique, nous exposerons dans un premier temps les origines et les justifications de cette violence à travers les travaux d’un grand penseur de la violence, René Girard. Nous illustrerons ensuite nos propos à l’aide de deux exemples se distinguant à la fois par leur but et par la période à laquelle ils ont appartenu.

 

René Girard et la violence sacrificielle

On ne peut parler de violence sacrificielle sans évoquer les travaux de René Girard, grand penseur de la violence.

Le désir mimétique, base de la réflexion sur la violence sacrificielle

L’auteur est parti du désir mimétique introduit par Aristote : « L’Homme diffère des autres animaux en ce qu’il est le plus apte à l’imitation ». Pour expliquer et illustrer cette notion, René Girard s’est basé sur le comportement d’enfants qui se disputent des jouets. Ces derniers font l’objet de convoitises et les enfants finissent par oublier l’origine de cette rivalité qui les a conduits à la violence. René Girard en conclut que le désir est sans objet, sans sujet et qu’il est en quelque sorte calqué sur le désir des autres, ce n’est pas un désir « personnel », on se « fabrique » un désir en imitant celui d’un autre.

L’auteur s’est ensuite penché sur la violence, provoquée par ce désir mimétique. La rivalité dont je parlais dans le paragraphe précédent est contagieuse : elle naît de la confrontation d’un petit groupe de personnes et se propage rapidement aux alentours. On peut parler d’un effet boule de neige. Le conflit mimétique conduit à ce que Hobbes a appelé « la guerre contre tous » et que René Girard a appelé la crise mimétique. Se pose alors la question de la résolution de cette crise.

La violence sacrificielle, mécanisme de résolution de la crise mimétique ?

Le « tous contre tous » évolue rapidement vers un « tous contre un », c’est le mécanisme de victime émissaire ou arbitraire.

L’individu vers lequel toute la haine est concentrée est vu comme l’élément déclencheur de la crise. Il est « naturellement » éliminé avec l’accord unanime de la communauté. Cette victime a été sacrifiée pour mettre fin à la crise qui faisait rage dans le groupe et a permis d’y ramener la paix. Le bouc-émissaire est donc considéré à la fois comme auteur et solution du conflit, c’est une victime nécessaire qui se trouve finalement divinisée. René Girard affirme que la résolution d’une telle crise est indissociable de la notion de sacré. Autrement dit, il faut un sacrifice pour réguler et apaiser la situation, il n’existe aucune autre solution pour revenir à la paix. On préfère sacrifier un humain plutôt que de courir le risque de vivre un déchaînement de violence et de voir la communauté s’affronter et s’effondrer.

A la suite du sacrifice, la communauté enfin apaisée cherche à éviter qu’une crise ne se reproduise. Pour cela, des règles et des rituels sont instaurés. Ils ont pour but de prévenir une potentielle violence qui serait susceptible de menacer l’union du groupe.

On voit bien qu’il y a un lien avec la religion, tout un système de croyances se met naturellement en place.

La violence sacrificielle revêt plusieurs formes

Le sacrifice humain comme offrande : l’exemple aztèque

L’offrande est un don fait à un dieu et porte le nom de sacrifice latreutique (du grec latreutikos, « qui concerne l’adoration de la divinité », de latreuein « servir », de latris « serviteur d’un culte »).

Chez les Aztèques, le sacrifice humain était pratiqué régulièrement et massivement (entre 3 000 et 4 000 individus par an selon Hernan Cortés, conquistador espagnol des XVe et XVIe siècles). C’est pour cette raison que le peuple aztèque est aujourd’hui encore considéré comme sanglant et barbare. Les sacrifices humains étaient pratiqués pour célébrer leurs dieux. Il est nécessaire de rappeler que les aztèques avaient un nombre très important de divinités et que leur vie était régie par les rites religieux et les commémorations.

Les sacrifiés pouvaient être volontaires ou non. Pour les premiers il s’agissait de se rapprocher des dieux car ils pensaient que leur vie après leur mort ne dépendait pas de leurs actions mais de la façon dont ils mourraient. Les seconds pouvaient être des esclaves, des prisonniers de guerre, des condamnés, des nobles, des personnes ayant des particularités physiques (nanisme par exemple). Quel qu’était le statut de la victime, celle-ci pouvait être noyée, incinérée ou pendue.

La civilisation aztèque reste l’une des civilisations ayant commis le plus de sacrifices au monde.

Les attentats-suicides : du sacrifice au terrorisme

L’attentat-suicide est une forme de sacrifice dans la mesure où la victime en est également l’auteure. La différence avec les sacrifices explicités tout au long de cet exposé réside dans son but : bien que le « sacrifié », comme dans les autres formes de sacrifices, cherche le salut en s’infligeant la mort, il tient également à montrer au plus grand nombre son désaccord face à ce qu’il considère comme une injustice. Il est volontairement rarement la seule victime de son acte.

Nous pouvons citer les attentats du 11 septembre qui constituent l’exemple le plus connu et le plus meurtrier d’attentat-suicide.

On retrouve la plupart du temps des revendications liées à la religion, mais les raisons et les caractéristiques précises de cette forme de sacrifice sont bien trop complexes et diverses pour que je les développe ici.

 

La violence sacrificielle existe depuis la nuit des temps et revête des formes distinctes selon le but recherché. Le plus souvent elle est utilisée à des fins religieuses, mais on voit désormais apparaître d’autres types de revendications. Afin d’élargir le sujet nous pouvons nous demander si la violence sacrificielle ne perdrait pas de son sens originel pour revêtir dorénavant un sens plus politique ?

 

Sources

http://www.ieccc.org/spip.php?article116

http://agora.qc.ca/thematiques/mort/documents/les_attentats_suicides

http://fr.wikipedia.org/wiki/Azt%C3%A8ques#Sacrifices_humains

http://www.leconflit.com/article-21251086.html

 

Amélie DELEUZE

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