Introduction
L’histoire du Califat, débutant à la mort du prophète Mahomet a connu des périodes d’apogées caractérisant l’âge d’or des musulmans. Cependant, l’institution du califat s’est affaiblie au fil des siècles jusqu’à son abolition par le général turc Mustapha Kemal en 1923.
Nous allons tenter à travers cette étude de répondre à la problématique suivante : En quoi l’histoire du Califat explique l’engouement et la volonté de certains mouvements islamistes du retour du califat à son modèle original ?
L’étude présente a pour but de nous éclairer sur ce terme, de connaître son origine, son évolution et de comprendre par ailleurs pourquoi certains mouvements militent pour le retour du califat.
I.Origines et rôle du Califat
Crée après la mort du prophète Mahomet, le califat est une institution qui a organisé la communauté des musulmans pendant plus de 13 siècles. Le chef du Califat est appelé calife, il désigne le « successeur » ou encore « représentant » du prophète. Il symbolise l’unité de la communauté des croyants « la Oumma ». Tout musulman lui doit obéissance.
Le calife a un double rôle politique et religieux pour les populations islamisées qui lui prêtent allégeance. D’une part, sur le plan religieux, il se doit de protéger le message divin et de le diffuser le plus possible. Il veille également à ce que les principes religieux soient respectés et bien appliqués. De plus il est premier officiant de la prière et s’occupe de la conduite du pèlerinage à la Mecque. Par ailleurs, il veille à la protection des lieux saints de la Mecque et de Médine.
D’une autre part, sur le plan politique, il dispose de tous les pouvoirs d’un chef d’état. Il est responsable de la justice, de la trésorerie publique et de l’armée ; il la dirige et décide de ses expéditions. Il nomme également les gouverneurs et subordonnés des différentes provinces.
Sans oublier que le Calife a également une portée symbolique importante. Etant le successeur de prophète Mahomet qui était irréprochable quant à ses actes, sa conduite et ses faits et gestes, le calife se doit d’avoir à son tour une attitude spirituelle et morale exemplaire.
Cependant, nous verrons que le rôle du Califat a évolué au fil de l’histoire et s’affaiblira jusqu’à son abolition.
II.Histoire du Califat jusqu’à son abolition
1.Les « bien guidés »
Il s’agit des quatre premiers califes et qui sont les compagnons les plus proches du prophète Mahomet. Dans l’ordre les quatre califes sont : Abou Bakr As-Siddiq (632-634) ; Omar ibn al-Khattâb (634-644) ; Othmân ibn Affân, (644-656) ; Ali ibn Abi Talib (656-661)
Le calife n’ayant pas été désigné par le prophète avant sa mort, les habitants de Médine et de la Mecque n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le choix du premier calife. C’est d’ailleurs de là qu’est née la division de l’islam en deux principales branches : le sunnisme et le chiisme. En effet, à cette époque, certains affirment que seul Abou Bakr As-Siddiq, le plus fidèle, expérimenté et courageux des compagnons du prophète mérite de diriger les musulmans. Ses partisans forment ainsi le premier courant de l’islam et actuellement le plus répandu : le sunnisme (80%). Pour d’autres, le candidat idéal pour ce titre doit faire partie de la famille proche de Mahomet, et seul Ali ibn Abi Talib, cousin et gendre de Mahomet, qualifié de « fils spirituel du prophète » doit être calife. C’est ainsi qu’est né le second courant minoritaire de l’islam (20%) : le chiisme. C’est finalement Abou-Bakr, remportant la majorité des soutiens des élites médinoises, qui sera le premier calife d’un territoire qui s’étend de l’Arabie à l’Egypte.
À sa mort en 634, c’est son premier ministre Omar qui lui succède. Il continue l’extension de l’islam et conquiert ainsi la Palestine, la Mésopotamie, l’Egypte et la Perse. En 644, il est poignardé par un ancien esclave perse. C’est ainsi qu’Othman (644-656), et ensuite Ali (656-661) qui prennent le flambeau. Ces quatre premiers califes sont nommés « les califes bien guidés »
2.Les Omeyyades et les Abbassides
Après l’assassinat de Othman, Mouawiya son neveu et gouverneur de Syrie depuis le califat de Omar, accuse Ali de complicité dans ce meurtre. Le but étant de mettre en cause la légitimité de ce calife et d’affaiblir sa position. Mouawiya refuse de céder sa position au nouveau gouverneur nommé par Ali. Il ose défier Ali car il possède une armée puissante et qui a été bien préparée lors du combat de frontières contre les byzantins. En 661, lorsque Ali est assassiné, Moawiya prend le pouvoir créant ainsi l’empire des Omeyyades ayant pour capitale Damas. Cet état musulman va s’étendre de l’indus jusqu’à la péninsule ibérique. En 749, ils vont finalement être renversés lors de la bataille sanglante du grand Zab par les Abassides. Il s’agit d’un mouvement Hachimite (secte d’origine chiite) qui va être soutenu aussi bien par les arabes que les non-arabes, ce qui leur confère un immense succès. La dynastie Omeyyade est donc remplacée par la dynastie Abasside. Cependant, un des survivants de cette bataille, Abdou rahman, petit fils du calife Omeyyade, échappe aux massacres et s’enfuit à la péninsule ibérique créant ainsi un émirat indépendant à Cordoue. Son successeur prend le titre de calife et continue la conquête de l’Andalousie jusqu’à sa disparition en 1031.
Quant au califat Abbasside, il déplace le pouvoir de la Syrie vers l’Iraq s’installant dans sa nouvelle capitale, Bagdad. Les premières années de règne de cette dynastie constituent le début de l’âge d’or islamique et sont marqués par une certaine grandeur. En effet, l’empire Abbasside porte la civilisation arabo-musulmane à son apogée en raison de l’autorité politique dont jouissent les califes et de la prospérité générale de l’empire. Il en découlera une culture originale unifiée par la langue arabe, le commerce et la religion. D’ailleurs, l’islam s’étend considérablement lors de la période Abbasside sans jamais convertir de force les populations. Ce califat octroie aux non-musulmans le statut de « Dhimmi » qui les protège et les autorise à pratiquer leurs propres cultes tout en limitant l’accès aux postes les plus importants. Paradoxalement, c’est également sous leur direction que commence le lent déclin de la civilisation arabo-musulmane. En effet, la puissante administration Abbasside donne beaucoup d’autonomie aux gouverneurs locaux ce qui a conduit à l’autonomisation de plusieurs provinces et à l’apparition des Fatimides en Afrique du nord puis des Saffarides dans Khorassan et des Bouyides dans l’Iran occidental. Le pouvoir du califat Abbasside est ainsi fragilisé et sera renversé par les mongols en 1258, date considérée également comme la fin de l’âge d’or. Les survivants perpétuent une dynastie symbolique en Egypte abandonnant une grande partie de leurs prérogatives et se limitant à des fonctions religieuses.
Les Abbassides conservent cette dignité spirituelle jusqu’à l’avènement des Turcs Ottomans en 1515, qui chassent les abassides et s’attribuent le titre de calife.
3.Dynastie Ottomane et abolition du califat
L’empire Ottoman est considéré comme l’un des califats et des empires les plus puissants. Il s’étend, de la Méditerranée aux rives nord de la mer Noire et de la péninsule arabique aux portes du Maroc (voir annexe).Cette variété géographique contribue à la création d’une civilisation composée de différentes religions et cultures. Cependant, après le brillant règne de Soliman le Magnifique, l’Empire s’affaiblit jusqu’à disparaître au lendemain de la première guerre mondiale et la création du nouvel état turc. Le général turc Mustapha Kémal achève la liquidation des ottomans turcs en 1923 avec l’abolition du califat. La république turque devient ainsi le premier État officiellement laïc du monde musulman.
III.L’idée du retour du Califat
Nous avons pu voir à travers l’histoire du Califat que le monde musulman jouissait au temps du califat et spécialement du califat Abbasside d’une gloire et d’une unité des musulmans sans pareille. La possibilité de restaurer cette institution afin de retrouver cette prospérité perdue continue d’animer l’espérance de certains mouvements. L’un des plus célèbres et terrorisants reste l’état islamique autoproclamé le 24 juin 2014 par Abou-bakr Al Baghdadi. Les membres de ce mouvement revendiquent tous les états qui étaient sous la domination des califats musulmans. Selon eux, les temps« modernes » crées par l’occident sont une dégradation, ils veulent revenir au temps du califat.
Malgré l’attraction d’un grand nombre de jeunes radicalisés à la recherche d’une identité, l’état islamique n’a pas reçu le soutien de la communauté musulmane en raison de sa politique religieuse, son intolérance absolue, les méthodes de terreur utilisées pour conquérir des pays au moyen orient, mais également la violence utilisée comme l’éradication des chiites et la décapitation des otages occidentaux laissant penser à l’instauration plus d’une dictature que d’un califat.
Bien que le retour du califat soit voué à l’échec, d’après Ali Mérad les musulmans restent nostalgiques d’une époque où ils étaient unis et forts, une époque où califat était synonyme de « grandeur et de rayonnement dans le domaine de la culture et de la civilisation ». L’instauration d’un califat dont le rôle serait purement symbolique et spirituel, à l’instar du pape, pourrait-il incarner une autorité pour l’islam ? Le but étant de remettre de l’ordre et de pousser les musulmans vers une cohésion…
Sources
http://www.universalis.fr/encyclopedie/abbasides-abbassides-reperes-chronologiques/
http://www.cosmovisions.com/ChronoOttomans.htm
http://www.larousse.fr/encyclopedie/groupe-personnage/Omeyyades/136117
http://orientxxi.info/magazine/l-etrange-destin-du-califat-dans-l,0642
Merad, A. (2008). Califat, une autorité pour l’islam ? Paris: Desclée De Brouwer.
Annexe :
L’empire Ottoman au 17ème siècle
Source :http://cartographie.sciences-po.fr/sites/default/files/04_empire_ottoman.jpg
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