Le salafisme, origines et enjeux actuels

Le salafisme désigne un mouvement, principalement sunnite, qui prône un retour à l’Islam comme il était pratiqué à l’époque du Prophète Mahomet, et aux origines du Coran et de la  Sunna. Cela conduit ainsi la plupart du temps à l’intégration de pratiques conservatrices ou extrémistes, au niveau religieux mais aussi social. Le mouvement reste cependant majoritairement apolitique et non violent.

Pour comprendre les différents mouvements qui composent le salafisme, ainsi que ses origines, nous commenceront par définir le salafisme, puis nous présenterons son histoire. Ensuite, il conviendra de s’intéresser au mouvement salafiste en France. Nous verrons enfin un exemple de salafisme politique à travers le cas de La prédication salafiste en Egypte.

 

I / Définition, histoire et étymologie

 

Salafisme vient donc de la langue arabe, et plus particulièrement du mot salaf al-salih qui signifie « pieux ancêtres ».  Cela désigne la génération des compagnons du Prophète ainsi que les deux générations qui lui ont succédé. Cette idéologie est née durant le XVIIIe siècle dans la péninsule arabique,  avec comme principal maître à penser Abd al-Wahhab. Ce dernier deviendra plus tard le cofondateur du premier Etat Saoudien. Les salafistes cherchent donc à restaurer une foi authentique, des pratiques ancestrales, et cela se traduit par exemple à travers leurs habits. Ils portent en effet souvent une longue barbe, une calotte et la qâmis, sorte de djellaba.

Malgré des pratiques assez conservatrices, la plupart des salafistes sont non-violents, quiétistes, c’est-à-dire qu’ils intègrent leurs convictions sans se révolter face aux autorités, avec une certaine passivité. A la naissance du mouvement, les revendications politiques importent peu les salafistes. Dès la seconde partie du XXe siècle en revanche, « les salafistes commencent à investir le champ politique, notamment pour concurrencer les Frères musulmans » comme l’explique Stéphane Lacroix, professeur à Sciences Po et spécialiste de l’Islam politique, dans une interview donnée au Figaro fin 2012.

Au sein du mouvement salafiste, une mouvance djihadiste est apparue avec le conflit afghan contre l’occupation soviétique dans les années 1980, mais reste très minoritaire. Cette mouvance reste néanmoins violente et refuse de limiter son action religieuse à la prédication, mais place le djihad armé comme son activité principale.

En résumé, trois mouvements composent aujourd’hui le salafisme. Les quiètistes, tout d’abord, dont le but est de réislamiser les populations, ce mouvement s’écarte de toute question politique. C’est de loin le mouvement le plus important. Ensuite, le courant le plus récent, les réformistes, qui prônent une plus grande ouverture des institutions politiques vers le monde religieux. Enfin, le salafisme révolutionnaire considère le djihad comme une obligation religieuse. C’est le seul des trois mouvements à préconiser une intervention armée, et il est très minoritaire. C’est aussi le plus médiatisé. Cela est notamment dû aux actions néfastes de groupes terroristes comme Ansar-Dine (du côté du conflit malien) ou Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) qui se revendiquent comme des mouvements salafistes.

La mouvance salafiste est aujourd’hui financée par deux principaux Etats : l’Arabie Saoudite et le Qatar. Le premier finance par exemple plusieurs partis salafistes, comme An-Nour dont nous parlerons plus tard. Aussi, plusieurs mécènes saoudiens offrent des bourses pour étudier la religion, dans les villes de Médine, Ryad ou La Mecque. Ce financement se fait de manière privé, il vient en effet d’hommes d’affaires saoudiens ou de membres de la famille royale entre autres. Le Qatar lui, finance principalement un salafisme anti-saoudien. Par exemple, le Qatar finance l’organisation Ansar Dine présente au nord du Mali, mais aussi les Frères Musulmans en Egypte. Le Qatar cherche ainsi à devancer l’Arabie Saoudite dans son rôle de gardien de l’Islam.

 

II/ La mouvance salafiste en france

 

Si la mouvance salafiste tient ses origines de la péninsule arabique, ce mouvement a pris de l’ampleur et ses adeptes ont parfois traversé les frontières. En Europe et en France, le salafisme connait un succès faible mais grandissant. Les chiffres du Ministère de l’Intérieur français montrent que ses adeptes sont environ 15 000 contre quelques dizaines de fidèles dans les années 1990.

Les salafistes en France semblent rester très minoritaires par rapport à l’ensemble des musulmans présents dans le pays, quand on sait que seul 10% des 6 millions de musulmans de France sont des pratiquants réguliers et assidus. Ces adeptes sont principalement issus de l’immigration nord-africaine, mais on estime tout de même qu’un tiers d’entre eux sont des catholiques ou des protestants convertis. La mouvance présente en France est donc apparue dans les années 1990, et se caractérise par un salafisme en grande partie apolitique et passif.

En France, l’expansion du salafisme a ralenti après les attentats du 11 septembre 2001, dans la mesure où les autorités considéraient le mouvement (pourtant souvent quiétiste) comme une étape avant le passage à l’action violente. Le chercheur à l’Ehess, Dominique Thomas, spécialiste de l’Islam radical, estime que le salafisme pratiqué en France ne représente aucun danger pour la société. Les musulmans qui se sont radicalisés de manière violente ne viennent en effet pas de ce mouvement. On estime tout de même qu’entre 100 et 300 salafistes considérés comme violents sont suivis par les autorités françaises.

 

III/ Un mouvement parfois politique : l’Egypte et la prédication salafiste

 

Le mouvement salafiste s’inscrit parfois dans le monde politique, à travers un extrémisme religieux. Prenons pour démontrer ce point un exemple précis, celui de l’Egypte et plus particulièrement de l’organisation de « La prédication salafiste » (al-da‘wa al-salafiyya).

Cette organisation, fondée en 1978 par un groupe d’étudiants d’Alexandrie, cherche à diffuser depuis sa création la doctrine islamique et la charia en Egypte. Dès ses débuts, ce mouvement cherche à devenir un mouvement de masse, organisé en sections et doté d’une hiérarchie claire. Ce choix de structure organisationnelle a aidé La prédication salafiste à mobiliser de nombreux adeptes. En effet, depuis plus de 30 ans maintenant, ce mouvement a étendu son emprise à plusieurs milliers de fidèles à travers le pays. Sous le régime d’Hosni Moubarak, le mouvement s’est limité à la prédication religieuse, et en même temps l’organisation était à l’époque utilisée par le gouvernement pour affaiblir les Frères Musulmans. Cependant, depuis la chute de Moubarak le 11 février 2011, le mouvement s’est développé vers une forme plus politique. Cela s’est traduit par la création du parti politique extrémiste religieux An-Nour (« Parti de la Lumière »), qui va alors appeler à la mise en place de la charia en Egypte.

Dès les élections législatives de 2011, le parti obtient 24% des sièges en jeu, derrière les Frères Musulmans (47%). An-Nour est donc rapidement devenu la seconde force politique du pays.

Aujourd’hui, le mouvement salafiste égyptien est divisé entre ceux qui veulent participer au pouvoir, et à la vie politique égyptienne, ceux qui ne veulent pas perdre leur autonomie face aux Frères Musulmans, et ceux qui réclament l’application directe, immédiate et totale de la charia.

 

L’affiche d’une campagne politique d’An-Nour, parti extrémiste religieux du mouvement salafiste égyptien

Conclusion

 

Nous l’avons vu, le salafisme est donc un mouvement religieux aux méthodes archaïques, de par la volonté assumée de revenir à un Islam tel qu’il était pratiqué à l’époque de Mahomet, aux alentours du VIIe siècle. Malgré une forte médiatisation des salafistes djihadistes, cette mouvance violente reste très minoritaire face aux salafistes quiétistes et réformistes. Deux principaux Etats financent le mouvement salafiste, l’Arabie Saoudite et le Qatar, qui se concurrencent au Maghreb et au Mashreq  pour le rôle d’Etat gardien de l’Islam.

En France, le mouvement a pris de l’ampleur depuis sa création en restant toutefois apolitique et non-violent. En marge de la société, les salafistes ne représentent donc pas un réel danger pour celle-ci. Le mouvement a cependant reculé dans le pays depuis les attentats du 11 septembre 2001.

L’exemple concret de La Prédication Salafiste en Egypte montre bien que ce mouvement religieux peut être actif au niveau politique. Le parti est devenu en 2011 la seconde force politique égyptienne.

D’une manière générale, les Printemps Arabes ont ouvert de nouvelles perspectives politiques. Il y a de ce fait débat aujourd’hui plus que jamais, entre les salafistes quiétistes qui souhaitent se concentrer sur la prédication religieuse, et le courant réformiste qui souhaite participer activement au pouvoir dans différents pays, au Moyen-Orient et au Maghreb.

 

Sources :

– Documentaire ARTE : Les dessous des cartes – Qu’est-ce que le salafisme ? – Novembre 2013

– La Tribune – Gilles Kepel « Le salafisme dans les banlieues françaises ? Une réalité qui s’étend »

http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20131030trib000793284/gilles-kepel-le-salafisme-dans-les-banlieues-francaises-une-realite-qui-s-etend-.html

– Le Monde Diplomatique – Qu’est-ce que le salafisme ? – Février 2008, Wendy Kristianasen

http://www.monde-diplomatique.fr/2008/02/KRISTIANASEN/15574

– Le Figaro – Stéphane Lacroix «Les salafistes en France restent dans leur bulle» – Octobre 2012

http://www.lefigaro.fr/international/2012/10/12/01003-20121012ARTFIG00488-les-salafistes-en-france-restent-dans-leur-bulle.php

– Slate France – C’est quoi un salafiste (français) ? – Septembre 2012, Ariane Bonzon

http://www.slate.fr/story/45709/salafiste-francais

 

 Hugo ROTA

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