Introduction
A propos du tremblement de terre de Lisbonne de 1755, Rousseau disait : « si la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également et plus légèrement logés, le dégât eut été beaucoup moindre, et peut-être nul ». Il posait déjà les principales interrogations liées aux catastrophes naturelles, concept dont la dénomination-même peut induire en erreur. Afin de mieux comprendre cette notion complexe et les perspectives qui y sont associées, le présent exposé traitera de la définition des catastrophes naturelles, puis des limites de celle-ci. Ensuite, il sera question des enjeux stratégiques.
A) Les catastrophes naturelles : de quoi parle-t-on ?
1. Définition
Une catastrophe est un événement subit qui cause un bouleversement, pouvant entraîner des destructions et des morts. De la sorte, une catastrophe est dite naturelle lorsqu’elle est causée par des phénomènes anormaux d’ordre climatique, sismique ou astronomique. Les avalanches, les crues, les sécheresses et les glissements de terrain peuvent être à l’origine de catastrophes naturelles. De même, les invasions d’insectes, les feux et les épidémies en font partie. Elles se distinguent des catastrophes technologiques, causées directement par les activités humaines. Le diagramme suivant présente la répartition des différents types de catastrophes naturelles.
C’est la rencontre entre le phénomène naturel et l’enjeu humain qui produit une catastrophe naturelle. En tant que tels, un séisme, une tempête ou une éruption volcanique ne constituent donc pas une catastrophe naturelle mais un phénomène naturel. La chute de météorites survenue en 1908 en Sibérie est un phénomène naturel rare et imprévisible. Elle ne constitue pas une catastrophe naturelle puisqu’elle a eu lieu dans une zone inhabitée. Il faut noter que la catastrophe de Fukushima combine les éléments naturels et technologiques.
Se pose aussi la problématique des comportements humains face à ces phénomènes. Quant aux nombreuses définitions proposées par les organismes internationaux et les textes législatifs, elles ne font pas toujours consensus. Certaines se focalisent sur le côté aléatoire de la catastrophe naturelle, quand d’autres portent davantage leur attention sur le facteur humain.
2. État des lieux
Le risque, c’est-à-dire l’éventualité de dommage liée à un phénomène naturel entre en compte lorsque l’on parle de catastrophe naturelle. Potentiellement, personne n’est à l’abri d’une catastrophe naturelle. Les données collectées depuis 1976 indiquent que les zones les plus fréquemment touchées sont les États-Unis, ainsi qu’une majeure partie de l’Asie et de l’Océanie.
Les catastrophes naturelles suivantes figurent parmi les plus meurtrières :
o 1970 et 1992 : cyclones au Bengladesh – 440 000 morts
o 1976 : séisme de Tianshan en Chine – de 250 000 à 900 000 morts selon les sources
o 2004 : tsunami dans l’océan Indien – 260 000 morts
o 2010 : séisme à Haïti – 230 000 morts
Ces catastrophes naturelles figurent parmi les plus coûteuses économiquement :
o 1999 : cyclones de décembre en France, environ 15 milliards d’euros
o 2005 : cyclone Katrina aux Etats-Unis, environ 50 milliards de dollars
o 2011 : séisme et tsunami du Tōhoku au Japon, plus de 80 milliards de dollars
Les phénomènes naturels ne sont pas directement déclenchés par l’homme. Pour autant, ses actions semblent avoir un impact dans l’intensité de la catastrophe naturelle, en termes de morts et de destructions.
B) Des catastrophes vraiment naturelles ?
1. Des inégalités économiques
Deux événements aux caractéristiques similaires n’ont pas toujours le même impact sur les populations touchées. Le séisme de Niigata au Japon en 1964, de magnitude 7,5 a fait 36 victimes, pour une ville d’environ 800 000 habitants. Dans d’autres pays, des séismes de même force ont eu un bilan humain nettement plus lourd. Les nombreux risques naturels auxquels le Japon a été soumis n’ont pas empêché son développement économique. Ce pays est connu pour son génie parasismique qui a contribué à limiter les pertes humaines et matérielles. Les populations sont également bien préparées aux séismes.
Les populations des nations les moins riches sont plus vulnérables face aux catastrophes naturelles. Cette tendance est nette si l’on compare les cartes ci-dessous. La première indique le nombre annuel de catastrophes par pays, tandis que la seconde comptabilise les victimes.
Toutefois, les comparaisons entre régions devraient être nuancées : les effectifs et les densités de population sont très variables selon qu’on se trouve aux Etats-Unis ou en région Asie-Pacifique.
Les catastrophes naturelles sont souvent révélatrices des inégalités et des différences stratégiques de gestion du territoire. Dès lors, dans quelle mesure les conséquences des catastrophes dites naturelles sont imputables à l’homme ? Le cyclone Katrina en Nouvelle-Orléans a mis en lumière plusieurs éléments. Les victimes étaient majoritairement des populations défavorisées. Les digues étaient mal entretenues, et les logements étaient souvent construits dans des zones inondables, par négligence. De plus, la situation a fortement souffert de l’absence de coordination entre les autorités locales et nationales.
Certaines catastrophes continuent de faire des victimes sur le long terme, en raison de problèmes sanitaires et logistiques, avec la destruction ou l’inefficience des infrastructures de santé, de transport et de communication.
Haïti reste sévèrement impacté par le séisme de 2010. De plus, le pays connait des tensions antérieures au séisme avec son voisin, la République dominicaine. L’exode massif provoqué par le séisme est contrecarré par les autorités dominicaines, et mène à des expulsions.
Ces exemples mettent en exergue les tensions intra et interétatiques.
2. Des négligences lourdes de conséquences
L’éruption de la montagne pelée en 1902 en Martinique a causé plus de 30 000 morts. Le maire avait rassuré la population, craintive à juste titre en raison des premiers signes précurseurs de danger. Il avait contraint les habitants à rester, à des fins personnelles car les élections approchaient.
Mexico est un autre exemple criant. La ville a été bâtie sur un sol instable, un ancien lac asséché artificiellement. A cela s’ajoute un développement fulgurant et incontrôlé, avec des constructions mal conçues. Ces éléments expliquent en partie le lourd bilan humain du séisme de 1985.
Les avalanches peuvent parfois s’expliquer par la déforestation liée à la surexploitation des ressources, comme pour celle de Stevens Pass en 1910 aux Etats-Unis, qui a causé 96 morts.
C) Quelles stratégies face aux catastrophes naturelles ?
1. Prévention et secourisme
En dépit des progrès technologiques incontestables réalisés, la connaissance historique des phénomènes et catastrophes naturelles reste limitée. Or, l’étude des anciens événements influence les prévisions des risques. Ainsi, le périmètre actuel du plan d’action de la région de Naples se base sur l’éruption du Vésuve en 79. Des événements plus intenses encore et antérieurs à celui-ci ont ensuite suggéré que d’autres zones devraient aussi en bénéficier.
Les principaux domaines d’intervention pour limiter les pertes se résument ainsi : sensibilisation, sécurisation, alerte, secours.
La Décennie Internationale de la Prévention des Catastrophes Naturelles (DIPCN), initiée par l’ONU, a vu s’opérer la synthèse de deux doctrines d’actions antagonistes. La première part du principe que les catastrophes naturelles sont inéluctables, et qu’il faut donc concentrer ses efforts sur le secours et sauver ceux qui peuvent encore l’être. La seconde se base sur la réduction des impacts sur les populations à travers la prévention, malgré le caractère inévitable des catastrophes naturelles.
2. Des enjeux diplomatiques
Suite à la DIPCN, l’initiative de Hyogo, en 2005, a émis des recommandations pour réduire les effets des catastrophes naturelles. Elle a permis d’orienter les politiques des Etats, ainsi que celle de l’ONU et ses diverses agences, comme la Banque mondiale. Il ressort que l’hypothèse du développement économique comme moyen de lutter contre les effets des catastrophes naturelles n’est pas suffisante, voire inefficace. En revanche, une bonne stratégie de prévention est préalable au développement économique. C’est pourquoi la DIPCN avait affirmé que les actions de prévention sont rentables, et que l’implication des populations concernées est déterminante dans la mise en œuvre des stratégies. Concrètement, l’intervention d’un Etat dans un pays catastrophé est un moyen d’exercer son soft power. L’aide n’est jamais neutre et elle vise à acquérir ou maintenir une influence dans une zone d’intérêts, comme cela a été le cas avec les typhons des Philippines et l’aide japonaise.
Conclusion
L’intervention humaine est déterminante dans les mécanismes et les conséquences des catastrophes naturelles. Les catastrophes naturelles conduisent aussi à parler du changement climatique. L’existence de liens entre ces deux concepts est sujette à controverses. On peut tout de même s’interroger à propos des conséquences sur les territoires, entre accroissement des risques et appauvrissement. La communauté internationale est face à de nouveaux enjeux, avec les déplacements massifs de population et les conflits entre les Etats.
Sources
Livres
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BRUGNOT Gérard. – Les catastrophes naturelles. – Paris : Le Cavalier Bleu, 2008. – 127 p.
VELU Thierry. – L’avenir, quel devenir ? : L’homme face aux catastrophes naturelles. – Montmoreau : Les 2 encres, 2010. – 78 p.
Sites internet
Auteur inconnu, Wikipédia. – Date inconnue. Catastrophes remarquables http://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_naturelle#Catastrophes_remarquables
Auteur inconnu, Cartographie Sciences Po. – Date inconnue. Catastrophes naturelles, nombre de morts 2000-2008 http://cartographie.sciences-po.fr/en/catastrophes-naturelles-nombre-de-morts-2000-2008
Auteur inconnu, Wikipédia. – Date inconnue. Séisme de 2011 de la côte Pacifique du Tōhoku http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9isme_de_2011_de_la_c%C3%B4te_Pacifique_du_T%C5%8Dhoku
Auteur inconnu, Wikipédia. – Date inconnue. Eruption de Vésuve en 79 http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ruption_du_V%C3%A9suve_en_79#Victimes_de_l.27.C3.A9ruption
BARON Amélie, 20 minutes. – 19 janvier 2010. Haïti: Le voisin dominicain oublie les tensions face à l’adversité http://www.20minutes.fr/monde/377498-20100119-haiti-voisin-dominicain-oublie-tensions-face-a-adversite
MAGDELAINE Christophe, Notre Planète. – 14 mars 2014. Statistiques sur les catastrophes naturelles http://www.notre-planete.info/terre/risques_naturels/catastrophes_naturelles.php
PFLIMLIN Edoudard, Le Monde. – 19 novembre 2013. Philippines : les catastrophes naturelles, “arme” de la diplomatie japonaise http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/11/19/philippines-le-japon-lance-sa-plus-grande-operation-militaire-a-l-etranger-depuis-1945_3516093_3216.html
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