Post-colonialisme

Post-colonialisme

En quoi le post-colonialisme et le postcolonialisme diffèrent?

Illustration  du postcolonialisme: le Mali

Charlène Peteuil

Groupe 206 – G. Blin

Le post-colonialisme, ou postcolonialisme, est un courant de pensée apparu à la fin des années 90. Il concerne la représentation du monde, de la politique et de la culture vu par les philosophes des peuples décolonisés. Les fondateurs des études post-coloniales ont tenté de définir l’impact des colonies sur les peuples.  Il s’agit d’une discipline académique qui identifie les legs des grands Empires coloniaux, les conséquences humaines de domination intellectuelle, militaire, politique et économique d’un pays. C’est un courant de pensée très vaste, à la fois historique, anthropologique et idéologique. Il découle des écoles de pensée post-modernes. Les études postcoloniales (postcolonial studies) sont apparues dans les universités australiennes, britanniques et nord-américaines dans les années 1990. Ce sont un ensemble de théories très hétérogènes. Elles tentent de définir et de décrypter l’origine et la cause des rapports sociaux contemporains sous le prisme du colonialisme. En effet, les grands Empire coloniaux comme la France ou l’Angleterre ont laissé des traces historiques et culturelles suite à la décolonisation. L’enjeu serait donc de comprendre la société et la culture de ces pays en associant leurs racines culturelles et leur passé de colonie. On peut également parler de l’acculturation des peuples, processus d’interpénétration de deux ou plusieurs cultures, qui les conduisent à s’influencer entre elles. L’originalité des études postcoloniales est d’avoir fait le lien entre la critique du colonialisme et celle d’autres formes de domination.

Ce n’est pas, comme on aurait pu s’y attendre, simplement la politique des pays décolonisés, suite à la décolonisation. En effet, le terme « post » dans le mot « post-colonialisme » n’exprime pas une idée d’ «après » mais plutôt une idée de continuité. Il existe également un flou orthographique sur ce mot qui illustre bien ces deux aspects. En effet, comme l’a écrit Jean-François Bayart : « Doit-on écrire postcolonial ou post-colonial ? C’est selon, nous dit Akhil Gupta : postcolonial pour désigner ce qui vient chronologiquement après la colonisation et post-colonial pour « penser le postcolonial comme tout ce qui précède du fait colonial, sans distinction de temporalité. » »

Le post-colonialisme désignerait donc deux termes. Le premier est issu des études postcoloniales faites par des intellectuels du Tiers-Monde dans les années 1990. Le second, issu de la stricte étymologie du terme, désigne la période qui a suivi la décolonisation. En termes de géopolitique, il semble plus logique de s’intéresser à la seconde signification, même si les deux sens sont bien évidemment interconnectés. Le post-colonialisme est aussi utile pour décrypter la société actuelle des anciens pays colonisateurs, tels que la France. Lors des émeutes des banlieues en France, en 2005, le terme postcolonial a souvent été repris pour tenter de donner une signification historique et culturelle aux évènements. L’enjeu était de savoir si les minorités issues des anciennes colonies étaient encore influencées par le passé postcolonial de la France, et s’ils agissaient en réaction à leurs racines. En effet, pour comprendre la France, il faut se pencher sur son passé colonialiste. Les relations politiques actuelles françaises sont encore influencées par ses anciennes colonies, comme le Mali. L’actualité de ces derniers mois nous a rappelé que la France et le Mali partageaient encore une relation spéciale, puisque la France est intervenue au Mali, suite à la demande de celui-ci. La politique française semble donc tournée vers ses anciennes colonies, notamment africaines. C’est pourquoi l’on dénonce souvent la politique néo-colonialiste de la France. Le néo-colonialisme est une politique impérialiste des anciens pays colonisateurs  à l’égard de leurs anciennes colonies. Cela se traduit par une présence militaire, économique et politique dans un pays censé être souverain. Dans le cas de la guerre au Mali en 2014, la France n’a pas envahi un pays souverain, puisque c’est celui-ci qui a directement réclamé son aide.  La France aurait plutôt tendance aujourd’hui à clamer son anticolonialisme, et à tenter d’oublier son passé colonisateur.

Mais il existe d’autres politiques postcoloniales, telle que le Commonwealth of Nations. Cette organisation issue de l’ancien Empire Britannique comporte 54 Etats et se traduit par son originalité. Il s’agit d’un ensemble de nations désormais liées plus moralement que juridiquement, et solidaires entre elles. Il s’agit d’une autre façon d’envisager le post-colonialisme, en l’occurrence créer une organisation de solidarité entre Etats ayant partagé une histoire commune mais en respectant chaque Etat souverain.

L’un des autres aspects du postcolonialisme est l’enjeu des frontières. En effet, suite à la décolonisation, les frontières ont été comme tracées à la règle, sans tenir compte des ethnies et des religions sur place. Les accords Sykes-Picot en sont un exemple flagrant. Ces deux diplomates ont tenté de recréer les frontières au Moyen-Orient suite à la chute de l’Empire Ottoman et se sont heurtés à plusieurs difficultés. Les Français et les Britanniques tentaient tous deux d’agrandir leur zone d’influence et leurs colonies au Moyen-Orient mais ont été obligés de céder face à Mustafa Kemal, à qui ils pensaient ne laisser que l’Anatolie. En Afrique, le problème est similaire. Les frontières ont été délimitées arbitrairement, sans tenir compte des ethnies locales. Les pays décolonisés sont sans cesse en crise, car ils ont été mal conçus. Les pays développés essayent d’en traiter les effets et les conséquences, sans traiter les causes intrinsèques. Les pays décolonisés ont, pour la plupart, une situation plus pauvre que pendant la colonisation et ne réussissent pas à établir entre eux des échanges régionaux fructueux. Il y a un vrai problème de développement dans les anciens pays décolonisés, à l’exception de quelques-uns ; l’Inde, l’Afrique du Sud, l’Algérie et l’Egypte, même si leurs bases semblent fragiles. Comme l’écrit Fehrat Mehenni : «le besoin de changer le monde issu de la colonisation, le détricoter pour le reconstruire, est aussi légitime que l’était la perspective jusqu’en 1989, de faire sauter le bloc de l’Est. »

Pour illustrer le postcolonialisme, je vais présenter le cas du Mali. Le Mali devint officiellement une colonie française en 1883, puis de façon effective en 1895. Elle prit d’abord le nom de Haut-Sénégal-Niger puis de Soudan Français. La France intégra le Soudan dans son Empire d’Afrique Occidentale, mais ne développa pas beaucoup son économie, préférant mettre en valeur celle du Niger, pays maritime. En effet, le Mali, pays enclavé, semblait peu attrayant. La loi de 1956 donna aux colonies françaises une certaine autonomie. Les populations du Soudan votèrent en grand nombre « oui » en faveur de la Communauté Française. C’est ainsi que naquit la fédération du Mali en 1959, qui regroupait l’ex-Soudan français et le Sénégal. L’indépendance fut ensuite accordée en 1960.

 

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Carte issue de Courrier International, datée du 27 fev. 2012.
Source: Banque de données minières (ACP)

C’est à partir de cette date que débuta la période troublée du postcolonialisme malien. Deux mois après la signature de l’indépendance, la fédération du Mali vola en éclat. Le Sénégal et le Mali avaient deux conceptions opposées de la structure de la fédération du Mali. Les Maliens voulaient diviser le territoire en deux provinces autonomes tout en gardant un Etat unitaire tandis que les Sénégalais estimaient que l’indépendance avait été accordée à deux Etats fédérés. Le Soudan prit alors le nom de République du Mali, gouverné par Modibo Keita. Il abandonna le franc au profit du franc malien, provoquant la colère du peuple en 1962, ce qui contribua à la dévaluation de 50% de la monnaie. En 1968, Modibo Keita fut renversé par un Coup d’Etat militaire mené par le lieutenant Moussa Traoré. Modibo Keita mourut en 1977 en prison dans des circonstances suspectes. La dictature militaire de Moussa Traoré dura de 1968 à 1991. En 1990, sous la pression de la France et des difficultés économiques provoquées par les chocs pétroliers, Moussa Traoré fut obligé d’instaurer le multipartisme. Mais en 1991, un nouveau Coup d’Etat militaire eut lieu, dirigé par Amadou Toumani Touré, qui instaura par la suite une transition démocratique. Un président, Alpha Oumar Konaré fut élu à la tête du pays et s’efforça d’établir la démocratie même si sa réélection en 1997 à plus de 90% provoqua de vives contestations. En 2002, c’est Amadou Toumani Touré qui fut élu de façon démocratique. Mais un peu moins de 2 mois avant la fin de son mandat, il fut renversé par un nouveau Coup d’Etat provoqué par les contestataires qui dénonçait sa gestion de la rébellion Touareg. Cette rébellion est une suite logique de la décolonisation. En effet les frontières délimitées par la conférence de Berlin en 1885 ont été définies arbitrairement. Elles ne tiennent pas compte des différentes ethnies divisant le pays.  Au Nord se trouvent les Touaregs, peuple nomade vivant dans la partie désertique du pays. Le Sud abrite une population subsaharienne, les Maliens, vivant dans la partie verte et luxuriante du pays. Les Touaregs sont un peuple Arabo-berbères, avec une culture très forte et une mentalité belliqueuse. Les Maliens sont un peuple sédentaires, historiquement dominés par les Touaregs.  Les Touaregs souhaitent créer leur propre Etat afin de perpétuer leurs traditions. Ils ne veulent pas être dominés par Bamako. En Mars 2012, suite au Coup d’Etat, un groupe armé composé de l’Azawad, un mouvement indépendantiste Touareg, et d’Aqmi prend Kidal, Gao puis Tombouctou. Des discordances commencent à se faire entendre entre les islamistes et les Touaregs. Début 2014, suite à la demande du Mali et de son président intérimaire Dioncunda Traoré, la France intervient, sans attendre l’avis de ses alliés. En quelques mois, elle reconquiert la Nord du Mali, comme nous avons pu le voir dans les actualités.

Toutes ces évolutions de l’Histoire postcoloniale malienne illustrent parfaitement les difficultés des pays décolonisés. Ces difficultés se traduisent par une instabilité politique et un flou des frontières. Le rôle des anciens pays colonisateurs semble encore à déterminer. Ils doivent trouver un moyen d’aider ces pays à accéder à la démocratie et au développement économique sans pour autant tomber dans l’ingérence et le néocolonialisme. De nouveaux enjeux géopolitiques résultent du postcolonialisme. Le but est de redéfinir notre vision du monde, notre appréciation des cultures et de la politique des anciens pays colonisés dans le prisme du postcolonialisme. Qu’est ce que la culture coloniale a laissé derrière elle? L’acculturation des peuples a conduit à un grand flou concernant le positionnement géopolitique des nations. A nous maintenant de savoir redéfinir le monde en prenant en compte ces nouveaux enjeux, ces nouvelles visions et ces nouvelles cultures.

 

 ANNEXES

Graphique post-colonialisme/postcolonialisme

Créé par Charlène Peteuil

Bibliographie :

Bernard Droz, Les décolonisations – Editions du Seuil, 1996

Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, Culture post-coloniale 1961-2006 –  Editions Autrement, collection Mémoires n°126

Jean-François Bayart, Les études postcoloniales, un carnaval académique –  Editions Karthala, 2010

Fehrat Mehenni, Le siècle identitaire, la fin des Etats post-coloniaux –  Editions Michalon, 2010

Internet :

LAROUSSE ENCYCLOPEDIE : Dossier décolonisation

http://www.larousse.fr/encyclopedie/autre-region/Commonwealth_of_Nations/114245

Des accords Sykes-Picot… Au Proche-Orient contemporain – Philippe Rekacewicz, avril 2003

http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/sykes-picot

Comment l’Empire ottoman fut dépecé – Henry Laurens, avril 2003

http://www.monde-diplomatique.fr/2003/04/LAURENS/10102

Histoire du Mali – Afrique-Planete – Mali

http://www.afrique-planete.com/mali/histoire.htm

Dossier Mali –Juin 2013, Jean Guisnel

http://www.lepoint.fr/dossiers/monde/mali-la-France-en-guerre/

 

 

Pour aller plus loin :

Yves Lacoste – La question post-coloniale : une analyse géopolitique, Editions Fayard

Bill Ashcroft, Gareth Griffiths and Helen Tiffin – Post-colonial studies: the key concepts, London, New York : Routledge, cop. 2007, 2nd edition.

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