Refondation et reconstruction d’un Etat

 

Refondation et reconstruction d’un état

 

Serment_du_Jeu_de_Paume_-_Jacques-Louis_David

Hadrien LAROCHE

Groupe 204 -M. BLERVAQUE

Année 2014 – 2015


Introduction

 

La fin de la guerre froide, entame un processus de déconstruction du bloc soviétique. De nombreux Etats sont ainsi amenés à se refonder, c’est-à-dire à se reconstituer durablement. Certains y parviennent, c’est le cas de la refondation de l’Allemagne unifiée. En effet, qu’ils aient été de l’est ou de l’ouest, les allemands se reconnaissent entre eux et décident d’une seule voix de réunifier l’Allemagne. Cela en dépit de la complexité de la tâche. L’identité du peuple allemand est ce par quoi les Hommes qui le compose se reconnaissent identiques. Un peuple uni par son identité est appelé nation. Cette nation va alors se réorganiser en redélimitant des frontières, à l’intérieur desquelles ses lois s’appliquent à une population permanente. Un nouvel Etat souverain émerge donc dans la foulée et ses institutions lui permettent d’exercer une autorité et un pouvoir exécutif à l’intérieur de ses frontières. Lorsque l’Etat souverain dirige une nation, on parle d’Etat-Nation.

Malheureusement, ce scénario n’est pas appliqué systématiquement lorsque qu’un Etat tente de se reconstituer. C’est par exemple le cas de l’Ukraine, reconstituée en 1991. Cette année, la Russie voit la Crimée s’annexer à elle et des régions ukrainiennes lui demander de l’aide pour sortir de l’Ukraine. Cette dernière voit ainsi sa souveraineté remise en cause et craint désormais une partition plus grande du pays. On définit alors le concept de puissance, ou la capacité d’un acteur d’imposer sa volonté aux autres.

Ainsi, la reconstitution et la refondation d’un Etat, amène rarement à la création d’un Etat souverain. Parmi les 193 Nations membre de l’ONU, on constate des différences entre les Etats qui les dirigent. On peut parfois se demander s’il y a réellement une nation unie derrière un Etat. Emerge alors la problématique suivante :

Comment la puissance et l’identité nationale influent-elles sur la refondation d’un Etat souverain ?

Nous y répondrons en deux étapes. La première vise à décomposer le concept d’identité nationale pour y extraire des facteurs de réussite de la refondation et reconstitution d’un Etat souverain. La seconde vise à faire de même avec le concept de puissance.

 

 

Partie 1 : Identité nationale et refondation d’un Etat

 

L’identité nationale repose sur plusieurs fondements comme l’histoire, la culture, le territoire et la religion. Ces fondements se traduisent par plusieurs facteurs identitaires.

Premièrement, il convient de différencier deux modes de vie opposés : les paysans et les nomades. Selon Ibn Khaldoun, les paysans sont obsédés par le temps et la propriété. Ils tentent de changer la nature pour l’apprivoiser et de délimiter leurs possessions par des frontières. Les nomades sont quant à eux obsédés par l’espace et le mouvement. Ils voyagent et ne tentent pas de changer la nature, ils prennent ce dont ils ont besoin et s’en vont. Ainsi, si le territoire étatique est composé par des représentants de ces modes de vie, le pouvoir est amené à gérer la complexité amenée par la différence des attentes de ces deux types de population pour s’assurer de sa souveraineté. Au Mali, ces deux modes de vie sont représentés. Au nord, les nomades touareg de l’Azawad et au sud les paysans noirs sédentaires. Depuis la reconstitution de l’Etat du Mali après la partition de la Fédération du Mali, le politique est incapable de réunir ces deux franges étant commandé par les paysans sédentaires, l’Azawad est devenu séparatiste. Le Mali est en crise.

Deuxièmement, l’homogénéité culturelle et linguistique d’un groupement humain possédant une structure familiale, économique et sociale homogène constitue une ethnie. Au sein de l’ethnie c’est le groupe qui prime sur l’individu. Ainsi, au sein d’une ethnie on ne considère plus un bien commun pour une nation mais directement pour l’ethnie. Le problème est donc que l’appartenance à l’ethnie se fait détriment de l’appartenance à la nation. Ainsi, le politique doit gérer la complexité apportée par la différence des attentes des différentes ethnies lorsqu’elles composent son territoire. C’est le cas du Soudan du Sud, dernier Etat reconstitué à avoir été reconnue par l’ONU, où les ethnies de ce pays s’affrontent fréquemment depuis la refondation de l’Etat. On parle ainsi de conflits inter-ethniques.

Troisièmement, la prise en compte de la religion joue un majeur dans la reconstitution d’un Etat. En effet, elle apporte un socle de valeurs et de traditions forgeant en partie l’identité des peuples. Il convient alors aux Etats de prendre en compte les religions représentées au sein de son territoire et de gérer la complexité qu’elles apportent. Le Liban est un bon exemple pour considérer le problème de la religion. En effet, on distingue 18 confessions répertoriées par l’Etat Libanais. Dès son indépendance en 1943, l’Etat Libanais reconstitué est géré par le système du confessionnalisme. Les postes du gouvernement, ainsi que les sièges des institutions législatives, sont distribués d’une façon assez proportionnelle, par rapport au poids démographique de chaque confession dans la population totale. Malgré cette particularité étatique, la mosaïque religieuse libanaise demeure très fragile et elle est divisée lorsqu’il s’agit de prendre parti au niveau international.

L’identité nationale est donc un facteur clé pour la reconstitution d’un Etat souverain. En effet, le nouveaux gouvernement doit être capable gérer la complexité amené par les particularités de ses ressortissants. Mieux, il doit être capable de la fédérer pour que l’intérêt général prime sur l’intérêt particulier.

 

Partie 2 : Pouvoir national et refondation d’un Etat

 

La souveraineté d’un Etat est premièrement fondée par sa capacité à faire respecter son autorité et son pouvoir exécutif à l’intérieur de ses frontières.

Pour cela, les états peuvent faire appel au hard power et à la coercition pour se procurer des ressources ou protéger leurs intérêts. Un Etat fait alors appel à son armée pour défendre ses intérêts. C’est par exemple le cas de la Russie en 2008. Dans le but de protéger des personnes possédant le passeport russe en Ossétie du Sud, elle envahit l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Cette guerre se termine par l’indépendance des régions de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Cette forme d’utilisation du pouvoir est très visible et peut occasionner l’émergence de tensions avec la communauté internationale.

Le soft-power constitue quant à lui la capacité d’obtenir ce que l’on veut par l’attraction plus que par la coercition. Cette forme de pouvoir, beaucoup moins visible, reste un vecteur très important de puissance. Edward Snowden révèlera en 2013 l’utilisation de programmes de surveillance électronique (PRISM, XKeyscore) de citoyens, d’entreprises et d’États par les agences de renseignements américaines (NSA, FBI), britanniques (GCHQ), canadiennes (CSEC), australiennes (DSD) et néo-zélandaises (GCSB). Ce genre de programme permettent à ces pays de nourrir d’importantes bases de données utilisées ensuite pour mener leur politique étrangère de manière plus efficace.

Toutefois, une autre source de pouvoir est constituée par des alliances intergouvernementales. C’est le cas de la Corée du Sud qui justifie la présence de l’armée américaine sur son sol par la menace nucléaire Nord-Coréenne. Cette alliance bilatérale permet à la Corée du Sud de réduire ses investissements dans l’armée. Au-delà de ces accords, de nombreuses organisations territoriales multilatérales contribuent à servir l’intérêt des Etats. L’Union Européenne en est un exemple contrasté, car elle permet à ses membres de profiter notamment de ressources financières, tout en étant source de contrainte pour ses membres. Au niveau global, de nouveaux acteurs transnationaux influent sur les intérêts des Etats. On peut citer les ONG (organisations non gouvernementales), les firmes multinationales, les opérateurs financiers, les migrants, les terroristes, les trafiquants de drogue, les mafias et une infinité d’autres acteurs privés. La puissance nationale fait intervenir de nouveaux rapports de force impactant les Etats de manière positive ou négative.

Il convient aussi d’identifier la capacité de nuisance des Etats comme source de puissance. En effet, l’accès à l’arme atomique de certains Etats permet de réévaluer les rapports de forces au niveau de leur région. C’est par exemple le cas d’Israël, détenteur de l’arme atomique et d’une force de frappe bien supérieure à ses voisins. Le petit Etat sert alors ses intérêts en dépit de sa faible profondeur géographique et des inégalités grandissantes avec les Etats limitrophes.

Au-delà, la puissance d’un Etat est aussi liée à sa capacité à se procurer les ressources nécessaires à son fonctionnement et à l’établissement de sa puissance à l’extérieur. Ainsi la puissance nationale permet de protéger ses intérêts.

 

 

Conclusion

 

L’identité joue donc un rôle majeur dans la refondation d’un Etat. L’Etat est amené à fédéré ses ressortissants malgré leurs différences individuelles pour créer une dynamique et un effort national. Pour revenir à l’exemple de l’Allemagne, la langue allemande, la religion protestante majoritaire, la culture singulière et l’histoire millénaire de ce peuple, sont autant de caractéristiques qui forgent son identité. Ce sentiment d’identité fort a permis en partie à l’Allemagne réunifié de se hisser à la tête de des puissances européennes. Plus ce sentiment d’appartenance est fort, plus les Hommes qui la composent pensent à l’intérêt national.

Dans le cas la Crimée ayant été vidée de ses habitants historiques : les Tatars par Staline, elle est habitée à majorité par des russes à l’aube de son annexion par la Russie. Ces derniers ne pouvaient décemment pas accepter les nouvelles lois de l’Etat ukrainien contre l’usage du russe à l’école et dans les administrations. Ceci explique relativement bien les 96,7% de oui lors du referendum pour l’indépendance de la région et son rattachement à la Russie. Si l’identité explique la volonté des habitants de Crimée, elle n’explique pas l’impuissance de l’Ukraine pour conserver son autorité et son pouvoir sur ses ressortissants.

C’est le concept de puissance qui permet d’expliquer ce phénomène. En effet, l’Ukraine ne dispose pas de réelle capacité de nuisance sans l’arme nucléaire et sa force de frappe est faible face à la Russie. De plus, n’étant intégrée à aucune alliance permettant de faire face au poids militaire de la Russie, celle-ci se retrouve incapable de servir ses intérêts et de conserver sa souveraineté sur la Crimée. Les sanctions économiques appliquées par l’Union Européenne ne suffisent pas non plus pour faire plier la Russie. L’Ukraine faillit donc à la refondation d’un Etat souverain ukrainien à cause de la fracture identitaire mais aussi de son impuissance face à la Russie.

Pour que la reconstitution d’un Etat soit durable, il faut donc une nation soudée, et le vouloir de manière commune, mais aussi la puissance nécessaire pour protéger ses frontières et assurer la durabilité de ses intérêts, c’est-à-dire le pouvoir.

 

Sources :

(Complément des cours de géopolitique et interculturel de M Louis et de M. Blervaque)

Kattalin Gabriel-Oyhamburu, « Le retour d’une géopolitique des ressources ? », L’Espace Politique, 11/02/2011 URL : http://espacepolitique.revues.org/1796

Samy COHEN, «Les États et les “nouveaux acteurs”», Politique internationale n°107, printemps 2005

La toupie, définitions mots clefs, http://www.toupie.org/Dictionnaire/Nation.htm

Quelle évolution de la notion de puissance et de ses modes d’action à l’horizon 2030, appliquée aux États-Unis, à l’Europe et à la Chine ?, Barthélémy COURMONT, Valérie NIQUET et Bastien NIVET chercheurs à l’IRIS, 2004

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