INTRODUCTION :
James Monroe annonce le 2 décembre 1823 « L’Amérique aux américains »[1].
Dès le XIXème, les États-Unis établissent une politique d’expansionnisme. Ils ont la volonté de devenir l’hégémon au sein du territoire panaméricain malgré qu’en 1928, la majorité des nations latino-américaines condamne à la Conférence Internationale des États Américains réunie à La Havane, la politique interventionniste des États-Unis sur le continent. Celle-ci étant le résultat de l’application unilatérale de la doctrine Monroe. Les Etats-Unis trouve un consensus en créant en 1948 « l’union panaméricaine », relatif au « mouvement qui tend à rassembler les États du Nouveau Monde dans un ensemble organisé favorisant leur coopération politique, économique et culturelle. »[2] Ce n’est ni une fédération , ni une union réelle d’États. C’est une union morale qui repose sur l’égalité juridique des États du continent et sur le respect mutuel des droits inhérents à leur complète indépendance. « Ils créent une sphère d’influence sud-américaine sur les dépouilles de l’Empire européen »[3]. Entre 1945 et 1990, les États-Unis décidèrent de s’assurer l’appui de l’Amérique latine pour éviter l’expansion du communisme sur le continent américain. Ils cherchent à garder le monopole sur leur territoire panaméricain, en rejetant toutes interventions extérieures qui seraient susceptibles de nuire à leur contrôle.
Le texte que nous avons à étudier est extrait de la revue Matériaux pour l’histoire de notre temps. Cette revue créée en 1985 est une « revue d’histoire contemporaine publiée par la BDIC. La revue publie des études novatrices, de chercheurs français et étrangers, sur les relations internationales et le monde contemporain. »[4] Chaque numéro soulève une thématique inexplorée de l’histoire contemporaine et des relations internationales au XXème et XXIème siècles. La revue numéro 54, source originaire de cet article, traite les regards sur l’Amérique latine de 1945-1990. Son auteur, Jaime MASSARDO, est membre associé en 2000, à l’UPRES-A Philosophie politique et contemporaine de Fontenay-Saint-Cloud, du Centre national de recherche scientifique. Le CNRS est le « principal organisme de recherche à caractère pluridisciplinaire en France, qui mène des recherches dans l’ensemble des domaines scientifiques, technologiques et sociétaux. »[5]
Il est important d’établir l’intérêt d’étudier un tel texte. Pour cela il est nécessaire de fixer le statut américain au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis sortant vainqueur de cette guerre, sont désignés comme les sauveurs de l’humanité. Ils dégagent une image admirable. Cette image se prolonge en Europe au vue de leurs actions. Cependant, le texte de Jaime MASSARDO nous offre une nouvelle vision du monde. Celle-ci nous permet d’apercevoir que les États-Unis perdent cette qualification dans certaines zones du globe tel qu’en Amérique latine, où ils interviennent dans l’unique but de conserver leur rôle hégémonique.
En quoi la politique organique des États-Unis lui a-t-elle permise d’épouser un rôle impérialiste en Amérique latine sous l’égide du containment ?
L’Amérique latine devient une région de l’empire américain. Les EU utilisent donc progressivement son hard power afin d’imposer sa politique impérialiste sur le territoire panaméricain (I). Washington ne voulant pas se reconnaître comme tel face au monde, pose le prétexte d’une lutte anti-communiste afin d’imposer indirectement aux latino-américains une politique de manipulation (II).
I. Mutation des stratégies panaméricaines des États-Unis : le recours progressif du hard power au service de l’impérialisme américain :
L’ingérence des États-Unis en Amérique latine est une constante de la politique étrangère américaine, lancée par Monroe et poursuivie par ses successeurs (A). Par ailleurs, au vu de la stratégie panaméricanisme, la politique étrangère étasunienne mise en place dans les pays latino-américains, tend à se confondre avec sa politique intérieure.(B).
A) La Doctrine Monroe comme fondement de la politique de containment : l’affirmation du pré-carré de Washington :
Instauré par James Monroe le 2 décembre 1823, la doctrine pose « aux Européens, le vieux continent ; aux Américains, le nouveau monde. »[6] Le président souhaite supprimer toutes interventions européennes sur le continent américain. Pendant la Guerre froide, on constate que la politique étasunienne se dessine dans la continuité de la stratégie impériale. N’ayant aucun droit d’intervention légitime, Théodore Roosevelt établit un corollaire de celle-ci, en 1905. Les EU ont le droit d’intervenir sur le continent américain, et le devoir d’y exercer un pouvoir de police internationale si l’ordre est menacé. Toutefois, S. RICARD, considère ce message comme un principe diplomatique entièrement nouveau. « Les États-Unis sont appelés à jouer le rôle de « gendarme » de l’hémisphère occident »[7]. J’aurais tendance à suivre cette idée. Ce principe de « gendarme » serait-il une référence pour « la doctrine des quatre policiers »[8] posée par Roosevelt ? Les Etats-Unis pensent devoir endosser ce rôle de gendarme afin d’instaurer la paix dans le monde. Considéré comme un laboratoire expérimental, ils imposent cette doctrine en Amérique latine, afin d’empêcher toutes interventions extérieures sur le continent américain. « L’Amérique aux américains »[9]. Ou devrait-on dire l’Amérique au nord-américain ? Ce qui serait, selon moi, beaucoup plus cohérent. Comme l’affirme très bien Thomas A. Bailey, « la doctrine Monroe dont le but originel était d’empêcher les puissances européennes d’intervenir serait utilisée pour justifier les interventions des États-Unis »[10]. Ce corolaire peut-il être considéré comme un paradoxe puisque ils mettent en place ce qu’ils refusent aux européens ? Ou plutôt soutenir qu’il apparaît comme un coup stratégique des EU afin d’obtenir un fondement juridique face à leurs actions impérialistes ? Ce retour à la doctrine a permis aux États-Unis de nombreuses interventions en Amérique Latine malgré les réticences ou les critiques des populations. Claude Julien nous rappelle que « la doctrine Monroe n’a jamais été ratifiée par un vote quelconque du congrès des EU et, à plus forte raison, n’a jamais été soumise à l’approbation des pays de l’Amérique latine qu’elle concernait directement »[11]. La doctrine Monroe peut donc être définit comme un acte unilatéral.[12] Citons l’exemple de la crise des missiles à Cuba, où la doctrine à été réutilisée afin de justifier l’entrave de l’URSS au principe de non intervention sur le territoire américain. Mais juridiquement, est-ce que les États-Unis sont encore apte à appliquer la doctrine Monroe ? puisque « les États-Unis, contrairement aux engagements de Monroe, interviennent non seulement en Europe, mais aussi en Asie[13] et partout où ils pensent devoir intervenir dans le monde »[14].
Théodore Roosevelt inaugure la « politique du gros bâton »[15] qui instaure l’intervention armée comme principe de réaction face à un éventuel mauvais gouvernement sud-américain. Les relations avec les pays latino-américains sont donc marquées d’agressivité. C’est pourquoi Franklin Roosevelt tente d’améliorer ces relations par la politique de « bon voisinage »[16]. Il décide de rompre avec la doctrine Monroe qui légitimait l’influence américaine sur le sud du continent. Ainsi qu’avec le principe wilsonien qui nécessitait des interventions militaires, ou le refus de reconnaître certains régimes latino-américains. Mais c’est par l’acte de Chapultepec en 1945 que la politique américaine se dessinera, durant la Guerre froide. Il impose la « transition vers un ennemi à diaboliser, (…) dans laquelle le communisme allait prendre la place du nazisme »[17]. Les dirigeants pensaient que toute poussée du communisme dans l’Amérique latine serait une victoire pour l’Union Soviétique et une défaite pour les États-Unis. Considéré comme le modèle idéal pour le monde, la défaite était inimaginable. En pleine « chasse aux sorcières »[18] sur son territoire, et considérant l’Amérique latine comme son « arrière cour », ils tendent à lui appliquer cette politique. Souhaitant établir un modèle mondial, les États-Unis considèrent que s’ils réussissent à repousser l’URSS de leur région, ils pourront alors l’exécuter sur n’importe quelles autres régions du monde. Ils vont donc exercer une « politique de containment »[19], par le biais de la doctrine Monroe qui servira de fondement juridique et idéologique.
B) Le développement d’une gestion continentale des intérêts américains : le recours à la politique organique :
« Les États-Unis interviennent en Amérique latine d’une façon de plus en plus organique, montre une politique qui a pour but essentiel, d’entretenir et de reproduire la logique de la domination de leurs propres capitaux »[20]. Selon Gilpin, pionnier de l’économie politique internationale orthodoxe, l’hégémonie est basée sur l’économie. Dans les années 1970, ce paradigme s’est toujours efforcé de lier le domaine politique et ses relations de pouvoir avec le domaine économique. L’hégémon tend systématiquement vers une politique impérialiste puisque selon lui, la stabilité internationale dépend de l’existence d’un équilibre unipolaire exercé par lui-même. Les États-Unis vont donc utiliser leur smart power[21] afin d’appliquer intelligemment et délibérément leur politique intérieure. Cette méthode souligne la nécessité d’alliance et d’institution à tous les niveaux. La Conférence de Bogota est « l’échafaudage institutionnel de la croisade anticommuniste »[22]. Celle-ci constitue le cadre institutionnel du panaméricanisme qui est marqué par une volonté hégémonique. Instituée le 30 avril 1948 par les États, l’OEA est le premier pas vers la politique organique interaméricaine. Elle constitue un organisme régional au sein des Nations Unies. Sous l’impulsion des États-Unis, elle vise à étendre l’application de la doctrine de Monroe à tout le continent. Par celle-ci, les États-Unis jouissent du droit d’adopter, sans consultation préalable des autres États, toute mesure de légitime défense. C’est pourquoi, dans la plupart des conflits importants survenant sur le continent, l’OEA apporte son soutien au gouvernement de Washington. « L’OEA, a toujours fourni aux États-Unis le cadre juridique et la caution internationale dont ils avaient besoin pour leurs actions »[23].
La Conférence de Rio de Janeiro, d’Août 1947, est considérée comme la clé de voûte de la politique militaire des États Unis envers l’Amérique latine pendant la Guerre froide. Le TIAR devient le premier pas vers l’institutionnalisation d’un panaméricanisme « sécuritaire ». Ce traité entraine en 1950, la mise en place des « Bérets verts », le bras militaire étasunien en Amérique latine. Ayant obtenu une formation stricte à l’US School of the America, leur rôle est d’organiser la guérilla au profit d’un chef de gouvernement pro-américain renversé par un coup d’État militaire. Les États-Unis savent que la survie de l’ordre d’un empire dépend de l’efficacité de son appareil militaire et de la confiance qu’il lui accorde[24]. Cette activité organique des militaires devient plus cohérente au vue des mutations des rapports économiques entre les EU et l’Amérique latine. Gilpin fonde ses études sur les questions de sécurité et du pouvoir coercitif des États. Selon lui, la force militaire explique le changement de l’ordre économique en temps de guerre. La BID fut fondé en 1959.[25] Le congrès instaura diverses dispositions « destinées à arranger le retour du profit vers les États-Unis »[26].
Ces pénétrations idéologiques, économiques, et militaires, sont expliquées par « le Secrétaire d’État John Foster Dulles déclarant : « Si nous ne prenons pas garde nous allons nous réveiller un matin et lire dans les journaux la même sorte de chose qui est arrivée à la Chine en 1949 »[27] L’infiltration communiste porte atteinte à sa politique impérialiste qu’il souhaite instauré en Amérique latine. Six coups d’État se produisent entre 1962 et 1963. Prenons l’exemple du Pérou. Lorsque le soulèvement fut exercé, Washington rompt toute relation diplomatique et économique avec celui-ci, ce qui entraîne de nombreuses protestations voisines tel qu’au Brésil, en Argentine ou au Mexique. Washington met donc en place une politique de hard power[28].
Opposés aux espoirs étasuniens et à son immiscions dans la gestion des affaires du pays, les latino-américains œuvrent à différentes actions politiques telles que des coups d’États et des guerres civiles. Soucieux de perdre toute position hégémonique sur ce territoire, Washington décide d’utiliser son hard power au détriment du smart power afin de conserver tout contrôle sur cette région.
II. La lutte anticommuniste comme outil de manipulation politique de l’Amérique latine :
Événement phare de la Guerre froide, la crise cubaine contraint Washington à consolider sa politique sur le territoire panaméricain afin de ne pas abandonner son hégémonie à Moscou (A). La CIA, ainsi que d’autres forces spéciales, vont œuvrer à de multiples reprises à des pratiques plus ou moins légales dans le but de conserver leur monopole sur l’Amérique latine (B).
A) L’échec cubain : de la nécessité pour Washington de renforcer son contrôle sur la région :
« Les États-Unis exercent sur l’Amérique latine un contrôle étroit sans être dérangés par Moscou »[29] l’instauration d’une détente entre ces deux camps pousse à garder un certain équilibre pour ne pas tomber en Guerre chaude. Selon Waltz, la puissance devient le moyen et la finalité se retrouve dans la préservation de la sécurité des États. Les États n’ont plus l’unique but de maximisation de la puissance, mais ils cherchent à garantir leur sécurité et leur survie. Le système monde est configuré sur « une structure bipolaire »[30]. Afin de garder cet équilibre, les EU sont forcés de resserrer leur contrôle. Mais celui-ci ne doit pas entraver le champs d’influence de l’autre pour ne pas tomber en guerre hégémonique, ou dans ce cas, en pleine Guerre chaude[31]. La situation à Cuba, fait naître une instabilité des puissances. Le communisme entrave le champs d’influence des États-Unis qui cherche à devenir l’hégémon sur le territoire des Amériques. Dérangeant sa politique impérialiste, Washington cherche au plus vite à exclure le communisme du pouvoir. Cette situation peut également être interprétée comme un exemple type du cycle hégémonique instauré par Gilpin[32]. Fidel Castro est ni doctrinaire, ni communiste, il souhaite simplement transformer la société cubaine en instaurant une réforme agraire en 1959. Perdant l’appui des modérés il fait appelle à certains militants communistes, et bénéficie par la même occasion d’une aide économique de l’URSS. La stabilité des puissances établit par Waltz commence à se fragiliser. Apercevant cette aide soviétique comme une ingérence, les EU mettent un terme à toute aide technique ce qui entraîne un nouvel accord avec l’URRS et donc l’émergence d’une puissance extérieure. Ils perdent donc toute puissance sur Cuba, ce qui les pousse à un blocus économique de l’île. Mais cette action rapproche Cuba de l’URSS. Arrivée au pouvoir, Kennedy tente un débarquement militaire qui sera perçu comme « mal montée, mal conçue, mal exécutée »[33]. En 1961, Castro proclame son adhésion à la doctrine marxiste léniniste, ce qui met fin à l’hégémonie américaine sur Cuba au profit de l’URSS. Cuba fut suspendu, en 1962, de participer à l’OEA en raison de l’acceptation de l’aide militaire soviétique. Encore maintenant les tensions entre Cuba et les EU sont notables : lorsque les États-Unis s’opposent à la présence de Cuba le 14 mars 2012, en Colombie, pour le VIème Sommet des Amériques[34].
Toutefois, Kissinger estime que « nous ne pouvions permettre un deuxième Cuba en Amérique latine »[35] sous le prétexte de la croisade contre le communisme international. Les États-Unis mettent en place une nouvelle tactique prenant la forme d’un programme d’aide à l’Amérique latine : « Alliance pour le progrès, mise en place à Punta del Este, en Août 1961, sous le prétexte de lutter contre la pauvreté et le « sous-développement » »[36]. Volonté de resserrer encore plus les liens de contrôle. Cette alliance est une sorte de « plan Marshall »[37] pour l’Amérique latine. C’est un programme de modernisation et de transformation de l’Amérique latine. Contrairement au plan Marshall, les EU investissent dans des domaines particuliers, tel que le pétrole, la stabilisation du cours du café… L’alliance pour le progrès, est un prêt aux pays latino-américains et non un don comme cela a pu être accordé à l’Europe, qu’ils utilisent selon leur propre volonté à condition que ce don soit utilisé pour acheter des marchandises américaines aux prix de marché. Cette alliance met en place des accords bilatéraux, ils investissent dans certains domaines, et dans certains pays d’Amérique Latine, tel que le pétrole au Venezuela, le cuivre au Chili… et non par le biais d’une organisation tel que l’OECE. Enfin, l’alliance pour le progrès contraint les bénéficiaires à rendre des comptes tout comme elle les enjoint à adapter leur schéma politique aux critères du pays donateurs.
B) Mutation tactique de Washington : les interventions directes et clandestines au service de la manipulation des masses :
La violence de ces nombreuses interventions militaires étasuniennes pendant ces dernières années de la Guerre froide n’ont pas de limite. Créée en 1946, par les EU, l’US school of America, permet à de nombreux futurs dictateurs latino-américains de recevoir une formation aux méthodes de torture, un endoctrinement idéologique… Leur objectif est la résistance des armées latino-américaines face au communisme et aux poussées révolutionnaires du continent. La situation au Guatemala, lors du renversement du gouvernement constitutionnel de Jacob Arbenz, est étroitement comparable à un génocide. L’intervention clandestine de la CIA eut des conséquences désastreuses pour ce pays. Au Guatemala, le colonel Arbenz a la volonté de mettre en place une réforme des structures agraires. Mais celle-ci le transforma en véritable empire économique latino-américain. Sous le modèle du cycle hégémonique de Gilpin, les Etats-Unis se font dérober leur place d’hégémon par une puissance extérieure. Face aux enjeux de la Guerre froide, les EU ne pouvaient plus accepter ce principe de non intervention. Il cherche donc « à donner un fondement diplomatique à l’intervention. L’OEA, réuni à Caracas en mars 1954, adopte une résolution affirmant que le communisme est incompatible avec la notion de freedom »[38]. Par la suite, des communiqués secret défense affirmaient que les EU se réservaient le droit de prendre toutes les mesures qu’ils jugeraient « appropriées » si une nation latino-américaine décidait de se rallier au mouvement communiste international. Ce qui laissait, en pratique, libre champs à la CIA pour déstabiliser les gouvernements et s’en prendre aux responsables latino-américains qu’elle jugerait suspects[39]. Dans l’affaire « Arbenz », une petite armée de mercenaires et de pression fut établit grâce à la propagande. La CIA examina toutes archives du gouvernement sans trouver de lien entre Arbenz et Moscou. Les EU, membre permanent de l’ONU, font donc pression sur leurs alliés européens pour que l’ONU n’adopte aucune résolution condamnant l’intervention armée au Guatemala. Le Conseil National de Sécurité et le président Eisenhower, le 25 septembre 1956, établissent la politique américaine envers l’Amérique Latine « si un État latino-américain établissait avec le bloc soviétique des liens étroits, les États-Unis devraient être prêts à réduire leur coopération économique et financière avec ce pays et à recourir à des mesures politiques, économiques ou militaires appropriées »[40]. Par cette disposition, Washington tente de légitimer ces pratiques brutales lors de cette affaire.
D’autres interventions clandestines se voient strictement resserrées pour ne pas faire face à une seconde crise de Cuba. Par exemple en république Dominicaine, en 1965, Juan Bosh, malgré son opposition au communisme, n’a pas l’appui des États-Unis, donc il est exilé en 1963 par une junte militaire. Le triumvirat mis en place par la suite est renversé, par un groupe d’officiers libéraux qui souhaitent le retour de Bosh. C’est pourquoi la guerre civile éclate. Craignant un nouveau Cuba, les EU interviennent pour traquer les partisans de Bosh. Malgré une forte hostilité relative à cette intervention, ils réussissent à faire approuver l’intervention par l’OEA. Sous l’administration Kennedy, « la stratégie américaine s’est transformée pour protéger le continent, non pas d’une agression extérieure mais de la subversion interne (…) celle qui pourrait faire basculer le pays dans l’autre camp. »[41] La politique américaine employée lors de ces interventions se traduisent par des sanctions économiques, des grèves et pressions sur les militaires du pays. Ces méthodes sont réutilisées lors de la campagne menée contre le président Salvador Allende au Chili, par Nixon dans les Années 1970. Cependant, les masses même anticommunistes, font sentir au gouvernement américain leur mécontentement et leur exaspération. Ils souhaitent que Washington procède à un réel examen de conscience face à leur méthode. L’administration Kennedy emploiera également ces méthodes pour déstabiliser les gouvernements de Joao Goulart au Brésil et du premier ministre Cheddi Jagan en Guyane britannique. L’administration de Kennedy influence les militaires latino-américains à se détourner de leur mission première pour combattre les rebelles et les insurrections sur leurs territoires respectifs en leur fournissant des méthodes de lutte antiguérilla. Cependant, par ces méthodes, les militaires latino-américains ont souvent entravé les droits de l’Homme, ou les droits civiques de leur pays.
CONCLUSION :
A travers des présidents aussi différents les uns que les autres, la politique impérialiste continue à s’appliquer plus ou moins intensément. Le hard power américain est visible politiquement par l’intervention de Washington, via l’OEA, économiquement par l’exportation des capitaux, via la Banque Inter américaine de Développement ou militairement, par la lutte anticommuniste afin de garantir leur place d’hégémon, via la CIA ou TIAR. Cependant, le fait de parler de politique impérialiste sur l’Amérique latine au détriment de la lutte anticommuniste n’est pas une erreur. Par ailleurs, le prétexte de lutte anticommuniste ne peut durer que le temps que perdure la Guerre froide. En 1989, au Panama, l’armée américaine déclenche une nouvelle opération militaire similaire aux précédentes afin de mettre fin au règne du général Noriega. Seulement, la chute du mur de Berlin met fin à la Guerre froide. Les États-Unis vont donc attribuer à leur intervention le fondement que Manuel Noriega est accusé d’être à la tête d’un trafic de drogue. « En 1998, la victoire électorale de Hugo Chavez au Venezuela marque le point de départ de l’extension de la gauche latino-américaine sur tout le continent : Lula au Brésil en 2003, Evo Morales en Bolivie, Michelle Bachelet au Chili en 2006, les Kirchner en Argentine… »[42] Le paysage géopolitique de l’Amérique latine, est donc modifié vers des aspirations « rouges »[43]. Ce terme « rouge », faisant référence à la gauche de l’URSS. Depuis le début des années 2000, un certain nombre d’acteurs internationaux majeurs s’opposent clairement à la doctrine Monroe. C’est le cas de la Chine, de l’Iran ou de la Russie. De même l’Amérique latine elle-même, tente de contrecarré l’intervention étasunienne. Officiellement lancé en 1994 sous l’impulsion du gouvernement américain, le projet d’instaurer une Zone de Libre-Echange des Amériques (ZLÉA) réunissant 34 États aux profils politiques et économiques fort différents. Les EU se verront cependant confrontés à une opposition grandissante menée par les membres du marché commun du Sud, le Mercosur , entraînant, en 2005, l’échec des négociations.
Laura BLET
BIBLIOGRAPHIE :
Ouvrages téléchargés:
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Ouvrages en version papier :
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Sitographie :
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– http://www.robert-schuman.eu
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– http://www.iadb.org/en/inter-american-development-bank,2837.html
Outils pédagogiques :
– CUMIN David, Histoire des relations internationales contemporaines, M1 Relations internationales Sécurité Défense, 2012-2013, Université Jean Moulin Lyon 3.
– DAVID François, Fondement de la politique étrangère américaine, M1 Relations internationales Sécurité Défense, 2012-2013, Université Jean Moulin Lyon 3.
– GUILLET Sarah, Travaux dirigés : Les approches théoriques des relations internationales, Master 1 Relations internationales Sécurité Défense, 2012-2013, Université Jean Moulin Lyon 3.
[1] MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la guerre froide », in Matériaux pour l’histoire de notre temps, 1999, n°54, p. 3. URL:
http://www.persee.frhome/prescript/article/mat_0769-3206_1999_num_54_1_404219
Le 2 décembre 1823, le président James Monroe présente au Sénat sa politique vers l’Amérique latine. Ce document écrit originalement par le secrétaire d’État, James Quincy Adams, passera à l’histoire sous le nom de Doctrine de Monroe.
[2] http://www.universalis.fr/encyclopedie/panamericanisme/ (le 18 novembre 2012).
[3] DAVID François, Fondement de la politique étrangère américaine, Master 1 Relation internationales Sécurité Défense, 2012-2013, Université Jean Moulin Lyon 3.
[4] http://www.persee.frhome/prescript/revue/mat (le 18 novembre 2012).
[5] http://www.cnrs.fr/fr/organisme/presentation.htm (le 18 novembre 2012).
[6] NOUAILHAT Yves-Henri, Les États-Unis et le monde au 20ème siècle, Paris, Armand Colin, 2000, p.21.
[7] VAGNOUX Isabelle et VAN EEUWEN Daniel, Les relations inter-américaines en perspective : entre crises et alliances, Paris, Éditions de l’Institut des Amériques, 2009, pp 29-30.
[8] KISSINGER Henry, « Trois approches de la paix : Roosevelt, Staline et Churchill dans la Seconde Guerre mondiale » in Diplomatie, Paris, Fayard, 1996, pp. 351-358.
[9] MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la guerre froide », Op. Cit., p. 3.
[10] BAILEY Thomas A., A diplomatic History of the American People, 9e édition, Englewood Cliffs, Pretice, 1974 p.505.
[11] JULIEN Claude, L’Empire américain, Paris, Grasset, 1968, p. 106.
[12] http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/unilateral.php (le 18 novembre 201) « par opposition à l’acte ou à la convention bilatérale ou encore synallagmatique, qualifie un engagement dont celui qui le prend n’attend de quiconque aucune prestation corrélative. »
[13] MARCHAND Jean, « Stratégie américaine et stratégie soviétique en Extrême-Orient », in Politique étrangère, 1951, n°4-5, pp. 351-364.
[14] JULIEN Claude, L’Empire américain, Op. Cit., p.107.
[15] Ibid, p. 92.
[16] NOUAILHAT Yves-Henri, Les États-Unis et le monde au 20ème siècle, Op. Cit., p.125.
[17] MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la guerre froide », Op. Cit., p.5.
[18] TOINET Marie-France, 1947-1957: la chasse aux sorcières, le maccarthysme, Complexes Editions, 1999, pp. 5-10. Créée en 1950 par le sénateur McCarthy, les États-Unis voit son hégémonie remise en cause.
[19] KISSINGER Henry, « Les succès et les revers de l’endiguement » in Diplomatie, Paris, Fayard, 1996, pp. 401-410. On souhaite démontrer la capacité des Etats-Unis à avoir réussi à développer un concept politique international comme le containment, qui va concilier l’idéalisme Wilsonien d’un ordre mondial démocratique et le réalisme américain de leurs intérêt sécuritaire face à la menace que représentent les Soviétiques.
[20] MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la guerre froide », Op. Cit., p.5.
[21] http://www.robert-schuman.eu/doc/questions_europe/qe-127-fr.pdf (le 18 novembre 2012).
[22] MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la guerre froide », Op. Cit., p.5. C’est la IXe conférence panaméricaine, réunie de Mars à Mai 1948.
[23] JULIEN Claude, L’Empire américain, Op. Cit., p.265.
[24] CONNELL-SMITH Gordon, El sistema interamericano, trad. Nelly Wolf, Mexico, Fondo de Cultura Economica, 1971, p.261.
[25]http://www.iadb.org/fr/a-propos-de-la-bid/a-propos-de-la-banque-interamericaine-de-developpement,5995.html (le 22 novembre 2012).
[26] MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la guerre froide », Op. Cit., p.7.
[27] VAGNOUX Isabelle et VAN EEUWEN Daniel, Les relations inter américaines en perspective : entre crises et alliances, Paris, Editions de l’Institut des Amériques, 2009, p.39.
[28] NYE Joseph, Soft Power: The Means to Success in World Politics, New York, Public Affairs, 2004 p 5. les États-Unis utilisent des sanctions économiques, diplomatiques, leur pouvoir de contrainte afin de faire épouser leur idéologie aux pays latino-américains.
[29] MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la guerre froide », Op. Cit., p.5.
[30] ARON Raymond, Les guerres en chaîne, Paris, Gallimard, 1951, p. 207. « la structure bipolaire de la politique mondiale est en elle-même, défavorable à la stabilité. ».
[31] WALTZ Kenneth, “Anarchic Orders and Balance of Power”, Theory of International Politics, pp 102-116.
[32] GILPIN Robert, “The Rise of American Hegemony”, in Two Hegemonies: Britain 1846- 1914 and United States 1941-2001, edited by Patrick Karl O’Brien and Armand Clesse (Aldershot: Ashgate Publishing, Ltd., 2002), pp.165-182. La première phase du cycle, Une puissance bénéficie de la supériorité économique et technique ce qui lui permet d’investir dans les institutions internationales qui favorisent son économie. La seconde phase, il y a un déclin de l’hégémon dans un secteur économique. La troisième phase, des puissances émergentes extérieures investissent dans le secteur économique délaissé pour être supérieure à l’hégémon.
[33] MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la guerre froide », Op. Cit., p.6.
[34]http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20120413.OBS6171/sommet-des-ameriques-des-enjeux-inattendus.html (le 22 novembre 2012).
[35] MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la guerre froide », Op. Cit., p.7.
[36] Ibid., p.6.
[37] JUDT Tony, Après guerre : une histoire de l’Europe depuis 1945, Armand Colin, Paris, 2007, pp. 118-127.
[38] MASSARDO Jaime, « Les rapports entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la guerre froide », Op. Cit., p. 6.
[39] RABE Stephen G., « the Johnson (Eisenhower ?) Doctrine for Latin America », Diplomatic History (Boulder), vol. 9, Winter 1985, p.95-100.
[40] NGUYEN Eric, La politique étrangère des États-Unis depuis 1945: de Yalta à Bagdad, Paris, Studyrama, 2004, p. 58.
[41] JULIEN Claude, L’Empire américain, Op. Cit., p.274.
[42] http://economie.isonline.fr/2009/09/18/l’amerique-latine-est-elle-toujours-le-«-pre-carre-»-des-etats-unis (le 18 novembre 2012).
[43] Ibid.
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