Présentation
Créée en 1975, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est une organisation régionale, au départ essentiellement vouée à la promotion de l’intégration des économies des quinze Etats membres, avec pour objectif de créer une union économique et monétaire. Elle s’est progressivement transformée sous la pression des évènements politiques, en une organisation également chargée de trouver des solutions aux conflits armés et autres crises politiques qui mettaient en péril la paix et la sécurité dans l’espace communautaire. La décennie 1990 a vu la CEDEAO, sous l’impulsion de son pays membre de loin le plus puissant, le Nigeria, intervenir bien au-delà du terrain diplomatique traditionnel en envoyant des milliers de soldats afin de tenter de restaurer la paix au Liberia puis en Sierra Leone .
La gestion militaire des conflits ouest africains par l’ECOMOG.
Les années 1990 ont été particulièrement décisives pour l’évolution de la CEDEAO vers une organisation capable d’interventions diplomatiques mais aussi militaires en cas de menaces graves à la sécurité d’un Etat membre et de l’espace communautaire dans son ensemble. En 1999, suite aux différentes guerres civiles, les États membres décidèrent la création d’une force de sécurité en attente. Cette force conserve son appellation d’origine : ECOMOG (Economic Community of West African States Cease-fire Monitoring Group). Ses principales tâches seront entre autres l’observation et la supervision des cessez-le-feu, le maintien de la paix, l’intervention humanitaire, le déploiement préventif, la construction de la paix, le désarmement et la démobilisation.
La CEDEAO a ainsi joué un rôle clé dans la laborieuse résolution des guerres civiles longues et dévastatrices au Liberia (1990-97 et 2003-2007) et en Sierra Leone (1991-2002) qui avaient également ponctuellement débordé en Guinée et menaçaient d’embraser toute l’Afrique de l’Ouest.
La CEDEAO était alors intervenue sur le terrain diplomatique à travers ses organes de médiation, réunissant des chefs d’Etat et de gouvernement d’un noyau d’Etats membres, et militairement à travers l’envoi de milliers de soldats du Groupe de contrôle du Cessez-le-feu de la CEDEAO (ECOMOG), provenant de l’armée fédérale nigériane mais aussi d’autres Etats membres de l’organisation. C’est après plusieurs années de présence militaire de l’ECOMOG dans des conditions matérielles et sécuritaires extrêmement difficiles, et sous l’impulsion de la puissance politique et militaire régionale, le Nigeria, que la Sierra Leone et le Liberia ont accueilli des opérations de maintien de la paix des Nations unies. La CEDEAO a été amenée à intervenir vigoureusement dans la gestion et la résolution des conflits des années 1990 avant même d’avoir mis en place toutes les bases institutionnelles et opérationnelles d’un mécanisme régional de paix et de sécurité encadré.
Un exemple de l’engagement diplomatique de la CEDEAO : la crise Guinéenne de 2009.
Le coup d’État militaire qui porte Lansana Conté au pouvoir en 1984 met fin aux années de restrictions du régime socialiste du Président Sékou Touré. Initialement accueilli avec enthousiasme par la population, le nouveau régime s’affirme rapidement comme une dictature militaire, dirigée par un Comité militaire de redressement national (CMRN). Il faut attendre 1991 pour qu’une Constitution soit enfin adoptée, reflétant le vent de changement démocratique dans la sous-région. Malgré la relative démilitarisation du régime, qui voit alors le CMRN muer en Comité transitoire de redressement national ouvert à des civils, et la réforme constitutionnelle qui ouvre la voie aux premières élections pluralistes : le système politique reste dominé par le Parti de l’unité et du progrès (PUP) du Président Conté. Les élections présidentielles de 1993 puis législatives de 1995 sont entachées de sérieuses irrégularités. Sur fond de violations des droits de l’homme, Lansana Conté consolide sa mainmise sur les institutions. Il remporte l’élection présidentielle de 1998.
En 2002, l’opposition boycotte les élections législatives et le PUP rafle 75% des sièges. Lansana Conté remporte à nouveau le scrutin présidentiel de 2003, boycotté par l’opposition, après un référendum constitutionnel qui transforme le mandat présidentiel en septennat, sans limitation du nombre de mandats et sans limite d’âge des candidats.
Enfin, les dernières élections communales de 2005 voient la victoire du PUP dans toutes les préfectures sauf une. En dépit de ces « victoires électorales », le régime de Lansana Conté est fragilisé, à partir de 2007, par une contestation grandissante qui s’exprime au travers de nombreux mouvements sociaux, réprimés violemment, et de plusieurs mutineries militaires.
A la mort de Lansana Conté, le 22 décembre 2008, le capitaine Moussa Dadis Camara s’empare du pouvoir à la tête d’une junte militaire constituée en Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD). À peine constitué, le CNDD suspend la Constitution, dissout les institutions républicaines et déclare la suspension de toute activité politique et syndicale. En dépit d’une histoire marquée par la brutalité de répressions menées par les forces armées, l’immense impopularité du régime de Conté et le désir de changement la population a accueilli favorablement le coup de force du CNND avec sa promesse d’un retour à un ordre civil et constitutionnel dans l’année. Après la nomination, dès le 30 décembre, d’un premier ministre civil, Kabiné Komara, la constitution du nouveau gouvernement en janvier est toutefois marquée par la nomination de nombreux militaires. La communauté internationale réagit rapidement au coup de force. L’Union africaine et la CEDEAO suspendent la participation de la Guinée à leurs activités. L’Union européenne adopte pour sa part les mesures prévues au titre de l’article 96 de l’Accord de Cotonou, dont la suspension de la coopération pour les nouveaux projets, à l’exception des domaines suivants : humanitaire, urgence, appui direct aux populations, transition politique et sortie de crise. La reprise progressive de la coopération ne peut alors se faire qu’au travers d’une feuille de route bien précise qui comprend notamment la mise en place effective d’un Conseil national de transition.
L’implication de la CEDEAO
La ligne de la CEDEAO au lendemain de la prise du pouvoir par le CNDD a été définie par la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement à l’issue du sommet du 10 janvier 2009. La conférence a « rejeté toute idée d’une transition militaire en Guinée et décidé la suspension de la participation de cet Etat membre aux réunions de toutes les instances de décision de la Communauté, conformément aux dispositions du Protocole de 2001 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance », rappelant que ce protocole prévoyait une tolérance zéro pour la prise ou le maintien du pouvoir par des voies anticonstitutionnelles et ne considérait comme légitime que l’accession au pouvoir à travers des élections libres, justes et transparentes.
La CEDEAO s’est engagée à suivre de près la situation en Guinée afin de veiller au rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel et a proposé un programme en neuf points qui prévoyait notamment la mise en place par la junte militaire d’un Conseil national de transition, organe délibérant qui serait composé de civils et de militaires et veillerait à la réalisation de l’objectif du retour à la démocratie par l’organisation d’élections libres, justes et transparentes en 2009 et qui interdisait aux membres du CNDD et du gouvernement mis en place par la junte de se présenter aux élections qui devront se tenir avant la fin de l’année 2009. La CEDEAO a également décidé, malgré la suspension de la Guinée, de maintenir « un dialogue permanent et constructif avec le CNDD, les parties prenantes guinéennes et les partenaires » afin d’assurer la mise en œuvre immédiate de ces mesures. L’organisation a convenu de plaider en faveur de l’inclusion de la Guinée sur la liste de la Commission de Consolidation de la Paix des Nations Unies, pour lui permettre de bénéficier d’un accès au Fonds des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix.
Les Evénements de Septembre 2009
Les tensions politiques se sont muées en violences et en violations extrêmement graves des droits de l’Homme le 28 septembre 2009 lorsque des éléments des forces armées guinéennes ont délibérément ouvert le feu sur des manifestants qui s’étaient rassemblés dans le grand stade de Conakry à l’appel des principaux leaders politiques réunis avec des animateurs de la société civile au sein du Forum des forces vives. Le Forum entendait rassembler des milliers de personnes pour manifester contre la volonté devenue évidente du capitaine Camara de se porter candidat à l’élection présidentielle et le gel des activités prévues dans le calendrier initial de la transition. La manifestation a été maintenue par les responsables politiques, dont trois anciens Premiers ministres, malgré son interdiction par les autorités militaires. Les circonstances de la répression sanglante de cette manifestation pacifique dans un endroit clos provoquent l’émoi et la consternation de la communauté internationale. La Commission d’enquête internationale qui sera rapidement mise en place établira un bilan de 156 personnes tuées ou disparues, 109 femmes victimes de viols et d’autres violences sexuelles, y compris de mutilations sexuelles et d’esclavage sexuel.
Malgré la récurrence des répressions meurtrières de manifestations de populations civiles par les forces armées guinéennes depuis plusieurs années, et notamment celle de janvier et février 2007 qui avait déjà fait 186 morts, l’ampleur des tueries et les violences sexuelles commises sur les femmes présentes au stade le 28 septembre 2009 a surpris à l’intérieur et à l’extérieur de la Guinée. Les responsables des Forces vives présents dans le stade, dont les trois anciens Premiers ministres, ont été eux-mêmes molestés par des éléments fidèles à la junte.
La CEDEAO a promptement réagi au massacre en publiant le 29 septembre 2009 un communiqué condamnant les actes de violence commis la veille en Guinée et en appelant immédiatement à « la mise sur pied d’une commission d’enquête internationale en collaboration avec l’Union africaine et la Commission des Nations Unies pour les droits de l’Homme pour situer les responsabilités et prendre les mesures idoines ». Avant les évènements du 28 septembre, le GIC-G avait demandé au président en exercice de la CEDEAO, le président Umaru Yar’Adua du Nigeria de nommer un médiateur qui serait chargé d’engager des consultations directes avec le CNDD. La CEDEAO annonce officiellement la désignation du président Blaise Compaoré du Burkina Faso comme médiateur pour la Guinée.
Le dénouement de la crise
L’activité diplomatique dans les jours qui suivent le 28 septembre est intense, menée essentiellement par le président de la Commission de la CEDEAO, Mohamed Ibn Chambas, l’envoyé spécial de l’UA Ibrahima Fall et le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit. Dès le 2 octobre 2009, ces trois personnalités rencontrent le Président Compaoré au sujet de la mise en œuvre du processus de médiation et présentent les éléments d’un projet de mandat pour la médiation, qui prévoit notamment des dispositions exigeant que le capitaine Camara renonce à participer aux élections, comme il s’y était engagé.
Le 15 janvier 2010, à la suite d’une série d’événements (tentative d’assassinat du Président Camara), une déclaration conjointe est signée par Dadis Camara, Sekouba Konaté et le Président Compaoré. Cet accord politique fait du Général Konaté le président intérimaire pendant la période de transition, il prévoit la création d’un conseil national de transition et l’organisation d’une élection présidentielle dans un délai de six mois.
Le 7 novembre 2010, Alpha Condé (Candidat du RPG et de l’Alliance Arc-En-Ciel) obtient 52,5% des suffrages face à son adversaire Cellou Dalein Diallo (candidat de l’UFDG et de l’Alliance des bâtisseurs).
ANNEXES :
Annexe 1 : Pays Membres de la CEDEAO
Annexe 2 : Situation Géographique de la Guinée
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