La sécurité au Sahel

La sécurité au Sahel

Carte sahel

 

Le Sahel est grande bande désertique mesure 5 500 kilomètres de longueur quis’étend sur 400 à 500 kilomètres de largeur et constitue un espace charnière, de contact et d’échanges qui demeure difficilement contrôlable. Entre une population ethniquement très hétérogène, avec par exemple des touaregs, des peuls, ou encore des maures, ainsi que des pays peu organisés et administrés, on comprend rapidement les enjeux inhérents à ce territoire. Lorsque l’on parle du Sahel, on inclut en général les pays suivants : le Niger, Le Mali, la Mauritanie, le Tchad et le Soudan. Cependant, au sens large, plus de pays sont pris en compte dans la délimitation de ce territoire. Un des enjeux majeurs, au regard des problèmes de trafics en tout genre et des conflits qui secouent la zone, demeure la définition claire de frontières entre les Etats. En effet, le Sahel est un espace considérablement sous-administré, avec des Etats extrêmement pauvres ne coopérant quasiment pas entre eux. Les populations nomades, les groupes terroristes ainsi que les trafiquants d’armes ou de drogue bénéficient d’une liberté de circulation presque totale qui profite bien évidemment à leurs activités. La sécurité au Sahel est donc une question épineuse qu’il va falloir traiter dans les plus brefs délais.

L’enjeu est donc ici de savoir quels sont les moyens disponibles pour améliorer la sécurité dans la zone sahélienne dans un futur proche.

Pour essayer de trouver quelques pistes de réponse, il est essentiel de se pencher sur la situation actuelle car elle est une véritable illustration du flou qui règne dans la zone depuis plusieurs années. Il faut aussi se poser les questions sur les potentiels effets d’un renforcement des frontières et pousser un peu plus loin la réflexion sur les modalités de réalisation de ce projet.

I/ La situation sahélienne aujourd’hui

La situation actuelle du territoire sahélien est extrêmement préoccupante. On recense de nombreux groupes terroristes dans la région, comme par exemple AQMI (Al Qaïda au Maghreb Islamique), le MUJAO (Mouvement d’Unité pour je Jihad en Afrique de l’Ouest) ou encore Ansar Dine. L’influence de ceux ci est importante car ils ont la capacité d’être extrêmement mobiles du fait de l’absence de frontières précises entre les Etats. On peut distinguer les activités de ces acteurs en plusieurs groupes. Tout d’abord, l’activité la plus « médiatique » est l’action terroriste. En effet, les actions revendiquées par AQMI ou par d’autres groupes terroristes ont été nombreuses ces derniers temps, notamment en ce qui concerne les prises d’otages d’occidentaux (des français notamment). Les prises d’otages constituent une source de revenu non négligeable pour les terroristes puisque les rançons demandées sont souvent payées au terme des négociations menées avec le pays de l’otage. La France est d’ailleurs vivement critiquée à l’échelle internationale pour sa tendance à régler systématiquement ou presque les rançons demandées par les preneurs d’otages. Mais ces actes, qui ont une signification politique claire, ont peut être un autre objectif qui est celui de dissimuler les autres activités de ces groupes. Il faut en effet savoir que le trafic de drogue et le trafic d’arme sont en plein essor dans la région, et que souvent, les groupes terroristes nommés plus tôt sont impliqués dans ces trafics. Par exemple, la cocaïne produite en Amérique du Sud (en Colombie, au Pérou ou en Bolivie principalement) arrive par bateau en Afrique de l’Ouest (Guinée, Ghana ou Nigeria, ce sont les pays ou les saisies de drogues sont parmi les plus importantes d’Afrique) et est ensuite acheminée à travers la zone sahélienne soit vers l’Afrique du Nord, soit vers le Moyen Orient, soit vers l’Europe. Ce trafic génère 900 millions de dollars par an selon les Nations Unies. La production de cannabis a aussi considérablement augmentée en Afrique ces derniers temps, pour atteindre 22% de la production mondiale en 2013 (chiffre de l’Institut Espagnol des Etudes Stratégiques). On retrouve donc ici des acteurs qui sont à l’origine des groupes basés sur des idéologies politiques ou religieuses, mais qui basculent vers des activités narco-criminelles, un peu sur le modèle des FARCS en Colombie. Il ne faut toutefois pas oublier que, bien que certaines des actions menées soient très médiatisées, ces groupes ont des effectifs assez limités et profitent pleinement du flou qui règne en Afrique pour s’approprier certaines régions, notamment sahéliennes.

Les trafics et le terrorisme ne sont pas les seuls soucis que connaît la région Sahélienne. Le conflit malien, au sein duquel la France joue un rôle majeur avec l’opération Serval menée début 2013, a considérablement déstabilisé la zone. Les tribus du Nord Mali réclament l’indépendance du territoire qu’ils nomment l’Azawad par l’intermédiaire du MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad). Ces tribus, qui sont pour l’essentiel des touaregs, revendiquent ce territoire comme le leur et ont pris les armes pour se l’approprier. On revient ici à la fameuse conférence de Berlin et à la détermination unilatérale des frontières africaines par les puissances coloniales, en 1885. Ce conflit est un parfait exemple de l’incapacité des pays africains, et plus particulièrement sahéliens, à s’organiser et à coopérer car le Mali n’a pas pu faire face seul à ce problème et n’a pu compter sur l’aide de personne hormis de la France (et de l’Union Africaine dont l’impact a été très faible). La révolte d’une minorité a donc entrainé la paralysie de la zone et engendré l’incapacité de réponse du Mali, qui a du s’appuyer sur le France pour se sortir de l’impasse. Le plus frappant a été de voir les pays proches de la région refermer leurs frontières pour ne pas être touchés par le conflit. On peut ici prendre pour exemple l’Algérie qui a refusé toute intervention alors qu’elle demeure un des pays les plus puissants du continent et que le conflit avait lieu à sa porte. Mais ce conflit au Mali ne résulte pas uniquement d’une volonté d’indépendance des populations touaregs du Nord, il est la suite d’une déstabilisation importante qui a eu lieu en 2011 : la guerre civile lybienne. En effet, suite à ce conflit, de nombreuses populations touaregs qui ont pris part à cette guerre ont migré vers le Mali et le Niger, ceci en possession d’un important stock d’arme. Ces touaregs vont ainsi contribuer à l’armement des groupes tels que le MNLA, le MUJAO ou encore AQMI, et ainsi alimenter le terreau de la révolte des peuples du Nord Mali.

On peut donc voir, grâce aux différents exemples présentés, que la situation dans la région Sahélienne est très préoccupante. Entre la présence de groupes terroristes armés pratiquant des activités telles que le trafic de drogue ou d’armes, des conflits qui peinent à se régler, et des gouvernements ne coopérant presque pas, on peut se demander quelles peuvent être les solutions pour améliorer la situation.

II/ Les effets potentiels du renforcement des frontières

Il ne paraît pas exister de solution miracle pour régler les problèmes que connaissent actuellement les pays africains. Toutefois, le renforcement des frontières pourrait être une arme pour lutter contre les troubles présents sur ce continent, et particulièrement au Sahel.

On sait qu’aujourd’hui, les différents groupes dont nous avons parlé plus haut, jouissent d’une liberté quasi totale dans leurs déplacements car les Etats sont incapables d’assurer une quelconque protection des frontières. Les seules bandes frontières gardées dans la région sont tenues par des troupes françaises ou américaines. Ainsi, un renforcement de la surveillance des frontières pourrait affecter la mobilité des groupes armées et rendre le trafic de drogue plus compliqué. On peut prendre pour exemple les récentes prises d’otages dans la région. Bien souvent, les otages sont capturés dans un pays, et on retrouve leur trace dans un autre. En seulement quelques heures, les terroristes sont ainsi capables de brouiller les pistes et d’exploiter leur connaissance des territoires pour se cacher et garder leurs otages. Il en va de même pour le trafic de drogue. Aujourd’hui, la plupart de la drogue saisie en Afrique est saisie au port ou à l’aéroport lors de son arrivée d’Amérique du Sud. Une fois qu’elle est entrée au Sahel, cela devient presque impossible de la repérer du fait de l’absence de contrôle frontalier.

Enfin, avoir des frontières plus fortes pourrait avoir des conséquences ambivalentes sur les populations sahéliennes. D’un côté, les peuples sédentaires pourraient voir leur sentiment d’appartenance à une nation et à un territoire augmenter. Mais de l’autre côté, les peuples nomades tels que les touaregs se verraient amputés de leur liberté de mouvement à laquelle ils sont tant attachés. Le renforcement des frontières permettrait donc de baisser les flux migratoires, mais engendrerait certaines tensions au sein de certains peuples nomades. La question est donc très complexe.

Il apparaît toutefois essentiel de souligner que le changement est soumis à la volonté des Etats sahéliens. Ce sont eux qui doivent être la source du changement de la région. La renforcement des frontières est une possibilité parmi d’autres, mais quoi qu’il arrive, les Etats africains et sahéliens doivent se développer, s’organiser, pour avoir une vraie légitimité et un vrai pouvoir sur leur territoire. La coopération entre les Etats concernés semble donc être une voie à privilégier pour résoudre la crise que connaît la région aujourd’hui.

III/ Une coopération nécessaire entre les états

Aujourd’hui, le fait qui illustre le mieux le degré de coopération entre les Etats est le conflit malien. L’empressement que chacun a mis à essayer de fermer ses frontières témoigne de la solidarité dont font preuve les Etats de la région. Or aujourd’hui, pour faire face aux nombreux problèmes qui ont été ici mis en avant, la coopération entre les Etats est un levier primordial. Tout cela doit commencer par l’échange d’informations et par une coopération militaire accrue entre les Etats. On sait aujourd’hui que les pays de la région disposent de contingents militaires très réduits, et très peu entrainés (exemple de l’armée malienne qui a été rapidement complètement dépassée). L’aide internationale peut ici jouer un rôle dans le développement d’un soutien tactique et stratégique aux armées de ces pays. On sait notamment que la France et les USA jouent déjà quelque peu ce rôle, mais à une échelle insuffisante pour que l’impact soit important. On peut aussi parler du rôle de pays comme le Maroc et l’Algérie, qui sont deux des pays les plus développés d’Afrique et qui disposent d’un pouvoir militaire plus fort ainsi que d’un statut de « leader » en Afrique du Nord. Une coopération entre ces Etats et les Etats du Sahel pourrait être bénéfique pour ces derniers, tant pour la lutte contre les groupes terroristes que pour le développement militaire. Il faut savoir que les pays d’Afrique du Nord ont aujourd’hui une volonté de ne pas s’impliquer au Sahel et ferment leurs frontières sur cette zone.

En ce qui concerne l’échange d’information, les Etats sahéliens coopèrent d’avantage aujourd’hui, notamment en raison des nombreuses prises d’otages des derniers mois. Ces prises d’otages, qui impliquent souvent plusieurs Etats, ont contraint les pays à échanger leurs informations, de manière à être le plus efficace possible dans la recherche des otages. On note ici les coopérations entre les Etats nigérian et camerounais dans l’affaire de la prise d’otage de la famille Moulin Fournier, qui fait figure d’exemple dans ce domaine. Mais les efforts sont encore trop faibles et les rivalités entre Etats sont encore très présentes. Le fait que les gouvernements de cette région soient assez instables, ou au contraire rigides depuis plusieurs décennies, ne facilite pas leur coopération. On peut parler par exemple des relations tumultueuses du Mali avec ses voisins mauritaniens, burkinabés ou encore nigériens. La mise en place de mécanismes communs efficaces pour lutter contre les différents problèmes dont il a été question plus haut semble donc être difficilement concevable aujourd’hui au vu des rivalités existantes entre les Etats de la région.

Pour témoigner de ces difficultés, on peut parler de la conférence sur la sécurité des Etats sahéliens qui a eu lieu au Maroc le 14 novembre dernier. Le but de cette conférence était de discuter de la possibilité d’une réponse coordonnée aux problèmes de sécurité que rencontrent les Etats sahéliens. 17 pays participaient à cette conférence, dont la France et les USA. Il faut savoir que l’Algérie, dont le rôle pourrait être essentiel dans les années futures comme nous l’avons vu, a refusé de se rendre à la conférence. Ceci est la preuve de la difficulté qu’il existe à réunir les Etats de la région. Toutefois, du fait de cette absence, c’est le Maroc qui s’implique de plus en plus au Sahel et accroit son influence dans la région. A l’issue de cette conférence, aucune solution « miracle » n’a été retenue, et les Etats ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur une marche à suivre, même avec la collaboration de certains pays d’Europe du Sud, de la France et des USA.

Conclusion 

            On voit bien que la situation des Etats sahéliens est extrêmement complexe aujourd’hui. La volonté de ces Etats à ne pas coopérer n’arrange en rien l’évolution de cette situation, et l’intervention de certaines puissances comme la France et les USA fait l’effet d’un pansement sur une fracture. La sécurité des frontières est un problème auquel ne peuvent répondre individuellement ces pays, et tant que la coopération n’existera pas entre ces derniers, le Sahel restera une zone favorable pour les groupes terroristes et les trafics en tout genre. Mais, au delà de tout ça, on peut aussi se poser la question du véritable intérêt des grandes puissances dans le développement d’une région sahélienne unie, plus forte. En effet, lorsque l’on sait que la France possède le monopole d’exploitation des mines d’uranium du Niger, que les USA exploitent du pétrole dans la région, ou encore que les chinois convoitent de nombreuses mines de métaux précieux, on peut se demander si leur intérêt demeure réellement le développement politique et économique de la zone sahélienne. On sait par exemple que la Chine est le premier participant à l’aide humanitaire dans la région, mais selon certains diplomates, la Chine ne donne jamais plus que ce qui lui garantie l’exploitation des ressources qu’elle convoite… On peut donc se demander si l’influence des grandes puissances dans la région, notamment en ce qui concerne les ressources énergétiques, n’est pas un frein à son développement.

Bibliographie

Encyclopédie Larousse en 3 volumes

 Rapport de la Direction générale des politiques externes vis-à-vis de la stratégie de l’UE au Sahel : http://www.europarl.europa.eu/committees/en/studiesdownload.html?languageDocument=FR&file=74429

 Rapport de l’OCDE téléchargé sur le site www.ocde.org

 Géopolitique de l’Afrique, Philippe Hugon, éditions SEDES

 Rapport de l’Institut Espagnol d’Etudes Stratégiques sur le terrorisme et le trafic de drogue en Afrique Sub-saharienne téléchargé sur le site de http://www.ieee.es

Sitographie

 http://www.fao.org/crisis/sahel/the-sahel-crisis/2012-crisis-in-the-sahel-region/en/

 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000540-le-sahel-un-enjeu-international/le-sahel-sur-la-carte-du-monde

 http://www.rfi.fr/afrique/20131114-maroc-ouverture-rabat-conference-securite-zone-sahelo-saharienne

 http://www.arte.tv/fr/les-frontieres-en-afrique/3712890,CmC=3716764.html

 http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/19/terrorisme-et-trafic-de-drogues-au-sahel_1735046_3232.html

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