Une dictature politique en pleine crise : l’instabilité actuelle du gouvernement communiste vietnamien et les enjeux géopolitiques du « Petit Dragon » d’Asie du Sud-Est

 

« La nation vietnamienne s’est cristallisée autour du Bouddhisme, un bouddhisme particulier qui cultive une opposition constante à l’oppression, que ce soit contre l’ennemi millénaire chinois, l’occupant français ou l’oppression politique. »

 Nhat Vo Tran – Secrétaire exécutif du Comité Vietnam pour la défense des droits de l’Homme, en réponse à l’arrestation et peine d’emprisonnement de 7 ans de l’avocat vietnamien et activiste politique Cu Huy Ha Vu.

Le bouddhisme ici énoncé ne se définit pas par une dimension religieuse, mais plus par une culturelle de l’histoire vietnamienne, un peuple qui a constamment dû faire face à l’oppression dans le sang et les larmes, dont il en tire sa principale fierté, et orgueil.

La « République socialiste du Vietnam » que l’on connaît aujourd’hui fait partie des rares dictatures communistes encore existantes à l’heure actuelle, aux côtés de la Chine et de la Corée du Nord notamment. Elle résulte de la dernière guerre du Vietnam (1963-1973), qui prit officiellement fin avec le retrait des troupes américaines et le traité de Paris déterminant la frontière au 17ème parallèle pour séparer le Vietnam du Nord et du Sud. Le Nord ne tardera pas à annexer le Sud, pour instaurer à la chute de Saigon en 1975, l’unification du Vietnam pour certains, ou l’envahissement du Sud-Vietnam pour d’autres.

L’avènement de la République socialiste du Vietnam entrainera l’exil de près de 3 millions de vietnamiens à travers le monde, principalement aux Etats-Unis, au Cambodge, en Australie et en France, qui sera qualifiée de diaspora vietnamienne. Farouchement opposés au régime actuel du Vietnam, ces réfugiés politiques, dont l’ancien gouvernement du Sud Vietnam en fait partie, seront les fers de lance de l’activisme anti-communiste vietnamien.

Il convient cependant d’observer une croissance économique très positive du Vietnam notamment depuis les années 80, qui comme son homologue chinois, va ouvrir son marché (aux occidentaux notamment) tout en gardant son système de parti unique, d’où il tire son titre de « Petit Dragon » économique d’Asie du Sud-Est, en comparaison avec son « grand frère » chinois.

Alors que récemment les printemps arabes ont « balayé » nombre de dictatures au Moyen-Orient, résultant principalement de famine et d’instabilité économique, une question se pose quant à l’existence d’une instabilité gouvernementale au Vietnam :

Dans un contexte de croissance économique, et de réelle modernisation du pays, quels sont les facteurs géopolitiques et sociaux qui contribueraient à menacer la dictature communiste vietnamienne ?

 

La dictature du parti communiste vietnamien, un régime discret mais répressif

Si de nos jours la répression du régime est discrète, ce ne fut pas le cas de l’après-guerre avec la présence de camps de « rééducation ». Ces derniers étaient destinés à réprimer les fonctionnaires et collaborateurs du gouvernement sud-vietnamien déchu, et s’apparentaient à des camps de travaux forcés. Une certaine propagande fut notamment exercée au sud, à une population déjà affaiblie psychologiquement et matériellement par la guerre. Dans un contexte de guerre froide, l’idéologie communiste devait rapidement être mise en place pour atteindre l’uniformisation du pays et de son peuple. Objectivement, ce n’est en soi que le résultat de l’instauration de tout nouveau régime incombant au vainqueur de n’importe quel conflit, où seules les méthodes diffèrent pour atteindre le même objectif : le contrôle et la soumission du peuple conquis.

Afin d’instaurer un patriotisme poussé et aveugle, le parti unique exerce encore un contrôle strict sur les médias, où la censure est maître mot. Toute information remettant en cause le régime est lourdement réprimée, de l’emprisonnement à la peine de mort. On ne trouvera donc que des informations positives sur le gouvernement, inhérente à la pratique du culte du parti. De ce contrôle découle une surveillance constante à tous niveaux, notamment éducatif, publique, mais également au niveau local. La police de secteur est en effet aux « aguets » quant à d’éventuelles dissidences remarquées, et immédiatement sanctionnées. L’idéologie communiste étant laïque et athée, toute forme de religion est également fortement surveillée. A titre d’exemple, il est indiqué sur la carte d’identité d’un vietnamien sa confession religieuse (ou du moins celle de sa famille), empêchant notamment aux chrétiens d’accéder aux fonctions administratives.

L’ouverture du pays et l’internationalisation de son marché, débutant dans les années 80, résultèrent de l’arrêt d’approvisionnements et d’aides financières soviétiques avant la chute de l’URSS, ce qui explique la subsistance des régimes communistes chinois et vietnamien. Avec le tourisme grandissant des années 90, le régime a cependant dû changer de méthodes concernant sa propagande et le contrôle du peuple et de l’industrie nationale. Une idéologie communiste aux pratiques capitalistes, voilà le paradoxe qui subsiste en Chine et au Vietnam de nos jours.

Si certains jugements et exécutions sont montrés à titre d’exemple, il demeure une répression assez discrétionnaire. En effet, l’avènement et la mondialisation d’internet contribueront à la révision des méthodes du parti. Néanmoins il sera difficile pour le régime d’empêcher les fuites d’informations litigieuses et compromettantes pour son image, attisant toute l’attention des mouvements activistes anti-communiste, d’abord d’origine externe, puis interne.

 

Le lobbying des mouvements activistes anti-communistes « Viet-Kieu »

Le terme « Viet-kieu » désigne tous les expatriés vietnamiens issus de la diaspora vietnamienne à travers le monde. Encore aujourd’hui, il subsiste un goût amer, 40 ans après l’annexion du Sud-Vietnam par le régime communiste actuel, particulièrement chez les réfugiés américains, très présents en Californie. Si le taux d’intégration des vietnamiens dans leurs pays d’accueil est reconnu comme l’un des plus élevés comparé aux autres minorités issues de l’immigration, le patriotisme et le sentiment d’appartenance au peuple vietnamien demeure important dans les familles expatriés.

Les Viet-Kieu se regrouperont donc pour former un lobbying persistant afin de dénoncer la dictature communiste au Vietnam, principalement le non-respect des droits de l’homme, et la violation du traité de Paris de 1973. Les actions peuvent prendre diverses formes. Il existe une émission de divertissement très populaire nommée « Asia », produite par des Viet-Kieu américains qui est très populaire au sein des expatriés vietnamiens dans le monde. Promouvant de nouveaux talents, et invitant régulièrement les vétérans de la FNL (Front National de Libération du Sud Vietnam), l’émission musicale et théâtrale est entièrement dédiée à la mémoire du Sud-Vietnam, ainsi qu’à la dénonciation des pratiques du régime communiste actuel. Elle est évidemment formellement interdite de diffusion au Vietnam.

Politiquement, ils appuient généralement le parti républicain aux Etats-Unis, pensé comme étant plus anti-communiste que le parti démocrate. Les républicains sont bien conscients de cet appui non négligeable afin de gagner bon nombre d’électeurs Viet-Kieu. Des manifestations prendront notamment forme pour revendiquer la libération du Sud-Vietnam, ou contester la venue du Premier Ministre vietnamien aux Etats-Unis. Ce fut le cas récemment le 25 juillet 2013, lorsque le président Obama accueillait le Premier Ministre Truong Tan Sang, et également le 13 décembre dernier lors de la visite de John Kerry à Hanoï. On peut d’autre part le comité Vietnam en France, qui prône sur le respect des droits de l’Homme aux Vietnam, démontrant la lutte politique très actuelle contre la dictature communiste.

Enfin, il existe un réel activisme sur le net, comme la page Facebook « Jeunes Activistes Vietnamiens », des blogs tels que « Que Me » également, afin de dénoncer les pratiques du parti communiste. Au nom de la liberté d’expression, les sujets décriés sont notamment les arrestations abusives d’activistes au Vietnam, leurs conditions de vies en prison, ou encore leurs condamnations à mort. Malgré la surveillance stricte sur l’utilisation de Facebook au Vietnam, certaines de ces informations arrivent à circuler sur le net, aux risques et périls de leurs auteurs, souvent recherchés activement par la police vietnamienne. Le gouvernement a notamment crée un décret en août 2013 pour interdire aux utilisateurs d’utiliser la page d’actualité pour autre chose que l’échange d’informations personnelles.

Si le parti a craint une insurrection populaire suite à l’arrestation de l’activiste politique et avocat vietnamien Cu Huy Ha Vu le 23 mai 2011, largement amplifié et amorcé par le lobbying Viet-Keu, il convient de relativiser les conséquences sur l’instabilité gouvernementale du parti. De nombreuses pétitions ou demandes auprès de l’ONU pour condamner la violation du traité de Paris de 1973 n’ont pas donné suite. Cependant, les Viet-Kieu ont l’espoir de rebondir sur les conflits géostratégiques dont le Vietnam fait face actuellement, afin d’agiter le peuple pour renverser le régime.

 

La pression chinoise sur le Vietnam, détonateur d’une future insurrection populaire ?

On pourrait croire que la similitude politique de la Chine et du Vietnam depuis la fin de la guerre en 1975, ainsi que leur proche géographie auraient formé deux formidables alliés, mais ce n’est pas le cas. Affirmer que la Chine est l’ennemi millénaire du Vietnam est encore d’actualité.

Les hostilités ont été ravivées le 26 mai 2011, avec les manœuvres de sabotage d’un navire pétrolier de l’entreprise nationale PetroVietnam par les autorités chinoises. Ce ne sont pas les seuls acteurs des tensions : en effet Taiwan, les Philippines, Brunei, et le Malaisie sont également de la partie. La cause ? Deux archipels, les Paracels et les Spratleys, regorgeant de ressources pétrolières.

Ces velléités territoriales ont des conséquences économiques sur le Vietnam. La Chine exerce notamment une pression commerciale et monétaire sur le « Petit Dragon », affectant une inflation graduelle, qui irrite le gouvernement vietnamien, mais surtout la population. Si le pays peut se vanter d’un développement économique exemplaire en Asie du Sud-est, la répartition des richesses demeure très inégale. En effet le niveau de vie aisé d’une minorité vietnamienne, celles des familles de fonctionnaires et membres du parti, suscitent le mécontentement grandissant du reste de la population, contrainte de survivre journalièrement. Malgré le bouc émissaire chinois dans les déclarations du parti, le peuple est de moins en moins dupe, avec la surveillance chancelante des informations circulant sur le web dévoilant les réalités d’une certaine oligarchie communiste au pays.

Le gouvernement pourrait donc craindre un soulèvement populaire, dicté à l’image des printemps arabes, par la faim et la lutte contre l’oppression. Mais pas seulement. La Chine, à travers son développement économique menace la pole position mondiale américaine, à travers une lutte acharnée d’appropriation des ressources naturelles, notamment au Moyen-Orient, mais également en Afrique. Afin de contrecarrer cette avancée chinoise, les occidentaux n’hésitent donc pas à mettre des « bâtons dans les roues », pour protéger ses propres enjeux géostratégiques. Une guerre totale est engagée : la pression de la communauté internationale pour appeler au non-respect des Droits de l’homme et de la liberté d’expression (soit dit en passant un instrument de « guerre » brillamment utilisé pour déclencher conflit ou agiter le peuple), les disputes territoriales, mais aussi et surtout les l’instrumentalisation des conflits interposés telle qu’en Syrie ou en Iran, où les occidentaux et les chinois se positionnent en fonction de leurs intérêts. Cette dernière affirmation peut paraître discutable, mais le dévoilement des dossiers top secret de la CIA sur la guerre du Vietnam au grand public, révèle le véritable but et la stratégie menée par les américains et l’instrumentalisation du Sud-Vietnam à l’époque, ce qui est applicable à l’heure actuelle.

Au regard de ces facteurs géopolitiques, il ne peut donc être écarté cette éventualité : le Vietnam sera-t-il une nouvelle fois le témoin et victime d’une nouvelle guerre civile, et devenir la tête de pont des occidentaux pour stopper la progression chinoise ? Difficilement envisageable aujourd’hui, un futur proche pourrait cependant confirmer cette hypothèse si l’inflation actuelle ne décroit pas. La question est de savoir si le changement politique de la dictature vietnamienne se fera une nouvelle fois dans le sang et les larmes, ou par un autre moyen plaider par certains analystes tel que Lam Chan Tho,  secrétaire exécutif de l’association des vietnamiens au Canada : l’ouverture d’une politique multipartiste par le gouvernement en place au Vietnam.

 

Duc-Khang Nguyen

 

 

 

Sources

 

–          Le témoignage et avis de mes parents, réfugiés politiques en France après la guerre du Vietnam

–          http://fr.scribd.com/doc/46315190/Lobbying-Vietnam

–          http://www.atlantico.fr/decryptage/chine-viet-nam-manoeuvres-militaires-controle-2-iles-mer-sud-petrole-tourisme-120106.html

–          https://fr-fr.facebook.com/pages/Jeunes-Activistes-Vietnamiens-JAVN-/173871925975591

–          http://vietnamconghoa.us/vnchphap.htm

–          https://fr-fr.facebook.com/pages/Jeunes-Activistes-Vietnamiens-JAVN-/173871925975591

–          http://www.liberation.fr/monde/2013/08/06/au-vietnam-priere-de-ne-pas-parler-d-actualite-sur-facebook_923175

–          http://viettan.org/Vietnam-un-important-dissident.html

–          http://www.opinion-internationale.com/2011/07/25/droits-de-lhomme-au-vietnam-la-contestation-fait-doucement-son-chemin_2654.html

–          http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=56219

–          http://viettan.org/Le-FMI-deplore-l-instabilite-de-la.html

–          http://www.neontommy.com/2009/12/communist-flag-at-usc-offends

–          http://thediplomat.com/2013/12/time-for-serious-approach-to-vietnam-human-rights/

–          http://www.voanews.com/content/protests-greet-vietnamese-president-at-white-house/1710313.html

–          http://www.queme.net/fra/news_detail.php?numb=1679

–          http://www.lecarrefourdesopinions.ca/?p=8901

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