« L’Europe est un Etat composé de plusieurs provinces. »
Montesquieu annonçait déjà au XVIIIe siècle le principe de supranationalité dont l’Union Européenne est aujourd’hui l’exemple le plus abouti.
« La Supranationalité » se situe au-dessus des Etats. On parle « d’organisme supranational » pour désigner une organisation qui regroupe plusieurs nations et qui exerce un pouvoir supranational, supérieur à ceux des Etats-nations membres, sur certains sujets.
Le concept de supranationalité s’oppose au principe de « souveraineté » d’un Etat, décrit dans l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, et selon le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation, qui exerce un pouvoir suprême.
Quelles sont les conditions requises pour qu’une organisation puisse être considérée comme un ordre supranational ? La supranationalité est-elle vraiment réalisable à long terme ?
a. Les niveaux d’intégration des Etats dans les organisations internationales
L’objectif d’une institution supranationale est d’affirmer l’unité de différents Etats sur certains sujets. Les Etats peuvent être plus ou moins intégrés au sein de l’organisation.
Certains sont d’ordre économique, et mettent en place des accords de libre-échange commerciaux. C’est le cas par exemple de la communauté économique Mercosur crée en 1991, qui établit un marché commun entre les pays d’Amérique du Sud ; et de l’ALENA (Accord de Libre-Echange Nord-Américain) datant de 1994, qui crée une zone de libre-échange et assouplit les barrières douanières entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. D’autres organisations supranationales, comme l’Union Africaine, ont des objectifs plus étendus et l’intégration des Etats est plus forte. Etablie en 2002, l’organisation a des objectifs économiques, politiques et législatifs, comme par exemple de promouvoir la démocratie et le respect des droits de l’homme, et de créer une union solidaire entre les Etats d’Afrique.
A ce jour, l’Union Européenne est considérée comme la seule organisation reconnue comme disposant d’un pouvoir supranational officiel. C’est le système le plus intégré à ce jour, à la fois d’ordre politique, législatif, économique et monétaire, avec une zone de libre échange et de libre circulation garantie par les Accords de Schengen. L’organisation est souveraine par rapport à ses Etats membres : les Etats-nations renoncent à une partie de leur souveraineté, qu’ils délèguent à l’organisation supranationale. Contrairement aux organisations intergouvernementales – où chaque Etat et institution disposent de pouvoirs souverains égaux entre eux –, le pouvoir supranational est supérieur aux pouvoirs souverains des Etats-membres.
Le concept de « l’Europe supranationale », a été évoqué pour la première fois par Robert Schuman le 9 mai 1950, lors de la création d’une nouvelle forme de coopération politique européenne, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA). Son but, d’ordre économique, était de mettre en place une liberté de circulation du charbon et de l’acier dans un marché unique, afin d’établir une solidarité et de relancer les économies européennes d’après-guerre. Cette organisation visait aussi à intégrer politiquement et économiquement les pays d’Europe de l’Ouest, afin de rétablir la stabilité. En 1957, à la suite du Traité de Rome, la CECA est remplacée par la Communauté Economique Européenne (CEE) et élargit le marché commun, à l’ensemble des échanges économiques en général. La Communauté européenne de l’énergie atomique « Euratom », sera aussi créé par ce même traité. En 1967, ces trois organisations supranationales vont être remplacées par la Communauté Européenne. L’Europe s’intègre de plus en plus politiquement et économiquement, jusqu’au Traité de Maastricht de 1991 et la fondation de l’Union Européenne. L’organisation fondée sur un accord interétatique : les Etats membres sont égaux en droit. Les Etats-membres de l’UE délèguent certains pouvoirs de décision.
Par ailleurs, on peut relever que l’ONU n’est pas une organisation supranationale : elle a seulement un avis consultatif et ne représente pas un gouvernement, mais les pays et les peuples. Son but est la résolution de conflits internationaux et le maintien de la paix.
b. La question particulière de la législation
Le droit supranational s’impose sur le droit constitutionnel des Etats membres de l’organisation supranationale. Si aucune règle supranationale ne s’applique à une situation donnée, on applique par défaut le droit constitutionnel de l’Etat.
Au niveau de l’Union Européenne, l’organisation exerce le droit communautaire, qui s’applique à tous les Etats membres et aux institutions. Ce droit s’impose aux Etats membres de l’UE et rassemble les traités et textes communs établis au sein de l’organisation. La Cour de Justice de l’Union Européenne CJUE est un organe juridique indépendant des Etats-membres, et garantit des règles de droit communautaire. Les Etats membres ont pour obligation de faire appliquer la législation de l’Union Européenne au sein de leurs juridictions nationales. Lorsqu’une loi est votée à la majorité, tous les Etats-membres sont obligés de l’appliquer au niveau national, même pour ceux qui l’on rejetée.
Dans la pratique : La supranationalité est-elle vraiment réalisable à long terme ?
a. Une construction longue et difficile de l’UE
L’UE est le résultat d’un long processus de changement des mentalités au sein de l’Europe. La question de la supranationalité et la mise en place d’un ordre supra-étatique ont souvent été délicates à faire accepter, et le terme lui-même de supranationalité a parfois disparu des discours politiques. L’idée d’un ordre politique placé au-dessus d’une entité nationale a été dans le passé difficile à accepter dans les mœurs. En France, le général De Gaulle était le principal acteur contre la construction supranationale de l’Europe, et défendait son idée de « l’Europe des patries », où la souveraineté nationale des Etats était primordiale. De même, le gouvernement britannique de Margaret Thatcher s’y est aussi opposé, refusant de transférer sa souveraineté à un ordre supranational, jugeant que cela réduirait sa puissance et son influence à l’échelle internationale. Aujourd’hui encore, la tentation est grande de remettre en cause la supranationalité de l’Union Européenne.
b. La supranationalité ou plus simplement, une convergence d’objectifs ?
La construction de la supranationalité en Europe a finalement réussi, grâce à la conjonction de certains critères. Tout d’abord, une expérience commune de la guerre, et une nécessité de se reconstruire ensemble. Ensuite, la concentration de l’union sur des petits territoires nationaux, de tailles équivalentes. La répartition des richesses naturelles est également relativement homogène et les Etats membres sont économiquement stables. Une condition fondamentale est d’avoir affaire à un groupe de nations démocratiques. Enfin, une convergence de points de vues sur l’évolution de la société, par exemple, relatif au droit de la famille, droit de vote, égalité des chances, ou religion.
Ces critères sont rarement tous réunis. Le modèle européen pourrait-il s’appliquer à d’autres régions du monde ? La première limite est le refus d’une autorité supérieure à la souveraineté des Etats-nations membres. En effet, appartenir à une organisation supranationale implique d’abandonner partiellement l’autorité d’un Etat membre sur certains sujets. Cette contrainte pourrait être inconcevable pour certaines nations, qui n’admettraient pas d’ingérence dans leur gouvernance.
D’autre part, la prise de décision supranationale doit être basée sur la majorité des votes, et s’imposer aux membres, même s’ils se sont opposés à certaines décisions. De plus, les territoires doivent être bien délimités et stables, à l’abri de revendications de la part des pays voisins. La disparité des situations économiques des éventuels Etats-membres peut être un frein à l’établissement d’une organisation supranationale, sans parler des conflits ethniques, religieux, sociaux, qui agitent régulièrement les régimes politiques.
Face aux difficultés de la mise en place d’une supranationalité, on peut se demander s’il ne serait pas plus simple d’avoir recours à des organisations internationales non étatiques telles que le G20 ou l’OMC, qui ont des rôles ciblés, ou de mettre en place des plans d’intervention à durée limitée sur des sujets ponctuels, tels que l’énergie ou la santé, auxquels pourraient participer des Etats de tailles et de moyens très différents.
BIBLIOGRAPHIE
« Conflits de nationalités: plurinationalité et apatridie », Michel Verwilghen, Martinus Nijhoff Publishers, 2000.
« Penser et construire l’Europe : (1919-1992) », Dominique Barjot, Editions Sede, 2007.
« Le Conseil constitutionnel et le droit supranational », Christine Maugüé, « Pouvoirs » 2003/2 (n° 105), Le Seuil, 2003.
Dictionnaire « Le Robert ». (Définition de « Supranationalité » et « Souveraineté ».
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, Art. 3, 1789
AUTRES SOURCES
http://europa.eu/legislation_summaries/institutional_affairs/treaties/treaties_introduction_fr.htm
http://www.au.int/fr/about/nutshell
http://evene.lefigaro.fr/citations/theme/europe-union-europeenne-ue.php
Photographie : le Journal « La Croix »
Article correct mais mal organisé.