Dictionnaire de GéopolitiqueGrands enjeux

La Communauté internationale

    A la une du Monde le 30/10/14 « Burkina Faso : la communauté internationale appelle au calme », à la une de l’Express « Ebola : l’OMS maintient sa pression sur la communauté internationale », sur RFI « la communauté internationale veut reconstruire Gaza »… dans notre actualité, la communauté internationale est sur le devant de la scène, on en parle dans tous les domaines et elle sous-entend l’idée d’une « institution puissante ».

Cependant, bien que l’on l’emploi à tous va, la communauté internationale est un concept qui n’est pas clairement défini. L’idée centrale est d’instaurer une communauté partageant des valeurs communes, qui serait solidaire et juste, et qui pourrait agir en toute légitimité et dans l’intérêt commun en cas de nécessité.
Derrière cette idée, on pourrait imaginer que cette communauté serait composée en toute logique de tous les pays du monde. Là est le problème, dans un monde où différentes visions s’opposent et où les intérêts divergent, il est difficile de parler d’une seule voix et d’agir efficacement.
Nous verrons, qu’entre engagement et désengagement des pays selon les causes, la communauté internationale ressemble plus à une vague idée. Pour certains, elle est un pilier face à l’adversité, pour d’autres, elle n’existe pas. A force de globalisation, y-a-t-il quelqu’un derrière ce terme ? La communauté internationale, est –elle une réalité ?

 

A) La communauté internationale en soi
a) Explications
N’étant pas légalement définie, la communauté internationale est un terme que l’on emploi mais dont la signification est différentes selon le contexte et les personnes qui l’invoquent.

Si pour certains, elle désigne « l’ensemble des Etats », pour d’autres, elle désigne « les Etats soumis au droit international », ou bien « les Etats influents en politique internationale ».
Certains, confondent également, la communauté internationale avec l’ONU, on a aussi, la communauté internationale comme « l’ensemble des Etats, organisations internationales et opinions publiques internationales ». Cette dernière, est la définition la plus fréquemment retenue, c’est donc celle-ci que nous allons considérer.
La multiplicité de ces définitions amorce la volatilité du concept que nous traiterons par la suite.
Par ailleurs, intéressons-nous à la manifestation de cette communauté. Si elle est si difficile à cibler, sous quelle forme intervient-elle ?

Revenons à ses origines : après la Seconde Guerre mondiale et depuis la guerre froide, deux puissances s’opposent. Soucieux de maintenir la paix et de réunir les puissances autour d’un même but, depuis 1945, diverses organisations internationales sont nées.
Parmi elles, la plus connu et la plus ancienne : l’Organisation des Nations Unies (ONU) créée en 1945, elle regroupe 193 pays membres et 4 Etats observateurs. C’est une organisation intergouvernementale sur le plan politique, déterminée à maintenir la paix et la sécurité internationale, à développer des relations amicales entre les nations, à promouvoir le progrès social, à instaurer de meilleures conditions de vie et à accroître le respect des droits de l’homme.
De cette dernière découle différentes institutions spécialisées, sur le plan culturel on a : l’UNESCO (l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science, la Culture), sur celui du travail : l’OIT (l’Organisation Internationale du Travail), sur le plan de la santé : l’OMS (l’Organisation Mondiale de la santé), au niveau du commerce : l’OMC (l’Organisation mondiale du Commerce), concernant la sécurité nucléaire : l’AIEA (l’Agence Internationale de l’Energie Atomique)… à chaque domaine se réfère une organisation.
Il y a derrière toutes ses organisations, l’idée de trouver des points communs, de globaliser les enjeux, de « communautariser » les intérêts mondiaux vers une cause universelle.
On dit que l’ONU est le porte-parole de la communauté internationale, elle regroupe en effet toutes ses valeurs et la matérialise bien à travers une organisation institutionnelle stable et complète.

b) Ses domaines d’activités
On a vu précédemment que la communauté internationale s’organise autour de différentes institutions, chacune occupant un rôle bien spécifique. Ses principes de base sont la garantie des droits, le respect de la justice, la paix universelle, la recherche du bien commun international, de la sécurité et du développement mondial.
On retrouve ces éléments dans les domaines de la sécurité, de la politique, de la santé, du commerce, de l’environnement…et dans ces différents rôles : rôle de médiateur, rôle d’autorité publique… On note d’ailleurs parmi ses interventions récentes:

– Son rôle de coordinateur et de soutien financier, notamment avec le récent fléau du virus Ebola. Dernièrement, le conseil de sécurité demandait aux pays membres de l’ONU “d’accélérer et d’étendre de manière spectaculaire leur aide financière et matérielle” aux pays touchés, en allant jusqu’à qualifier Ebola de « menace pour la paix et la sécurité internationale ». Face à l’urgence sanitaire et à l’appel de fonds de la communauté, de nombreux apports financiers, du personnel et des équipements médicaux et ont été délivrés par les pays membres. L’objectif étant de faire preuve de force, d’unité et de solidarité face à l’épidémie.

– Son rôle de médiateur et d’appui se retrouve également dans l’actualité, avec la catalogne demandant l’aide de la communauté internationale à faire entendre sa volonté d’indépendance à Madrid, elle fit notamment part de la requête suivante par courrier officiel « Nous sollicitons les Nations unies, le Parlement européen, la Commission européenne, le Conseil de l’Europe et l’OSCE pour qu’ils mènent les actions nécessaires permettant de garantir que les Catalans puissent décider de leur avenir de manière démocratique ».

– rôle de bienveillance et de prévention : notamment via différentes conférences visant à préserver la biodiversité et à adopter des mesures conséquentes à la dégradation de l’environnement.
Ce domaine concerne l’avenir mondial, en obtenant le soutien des différents pays membres cela appuierais la force et le poids des interventions de l’union. Réuni le mois dernier en Corée du sud et sur un constat alarmant de la situation actuelle en termes d’environnement et de biodiversité, la communauté internationale, tente tant bien que mal d’élaborer des mesures adaptées aux failles de l’écosystème.
Par ailleurs, de toutes les conférences, on se souvient surtout de celle de Nagoya en 2010, où « un plan stratégique »d’une vingtaine objectifs avaient été fixés pour 2020 afin de préserver au mieux la sauvegarde de la biodiversité.

– En assurant la sécurité, la justice et la garantie des droits, elle est également associée à une « autorité publique universelle ». C’est ainsi, que sur la base de résolutions votées, la communauté est à même d’agir face aux conflits entre pays, aux régimes répressifs, aux populations en détresses…en condamnant certains actes et en intervenant militairement sur ses territoires refusant tous accords de médiation.
On retient l’intervention au Mali depuis 2013, de la communauté internationale sous le mandat de l’ONU, suite à la répression du peuple Malien et à la montée du terrorisme et des groupes extrémistes revendiquant l’instauration d’une république islamique dans le pays.
Il y a beaucoup d’autres fonctions occupées par la communauté internationale, globalement, elle intervient dans toutes les branches susceptibles de toucher les intérêts internationaux, le bien-être universel, mais beaucoup encore la remette en question…

 

B) Une « institution »remise en question
a) Des frontières floues
L’expression « communauté internationale » semble aujourd’hui s’imposer, mais reste certes, ambiguë.

Une communauté « totale » ?
Tout d’abord, elle exclut des Etats, ce qui semble singulier pour une communauté « internationale ».
L’ONU, par exemple, rassemble la quasi-totalité des pays mais certains ne sont pas reconnus par tous ses membres : la Taïwan, le Tibet, le Kosovo … La Corée du Nord s’est volontairement retranchée, d’autres Etats tel que le Saint-Siège et la Palestine, occupent une place « d’Etat observateur non-membre » de l’ONU, et sont ainsi exclus de tout vote.

Des membres égalitaires ?
Outre le rejet de certains pays, il est difficile d’identifier les acteurs cachés derrière la « communauté internationale ».
En effet, les résolutions se faisant par vote, certains Etats peuvent se soustraire aux règles de droit international en refusant de s ‘engager dans les traités. De plus, le droit de veto et la permanence de certains membres au conseil des Nations Unies remettent largement en cause le vote démocratique. Bien souvent, d’ailleurs, la puissance économique, financière et militaire d’un pays détermine son influence à faire valoir son avis au niveau international. Il est dès lors possible de critiquer la « légitimité » d’une communauté internationale inégalitaire, dominée par les pays à forte puissance.

Peut-on parler de valeurs communes ?
La communauté internationale est censée invoquer une communauté de valeurs. Mais aujourd’hui, et depuis longtemps, il flotte encore un parfum de guerre froide dans le monde diplomatique avec 2 idéologies bien distinctes.
Une communauté unanime ?
Il n’y a pas d’autorité » supérieure à la communauté internationale, et il d’autant plus difficile de prendre des décisions unanimes à 193 Etats.
Dans le processus de décision, le droit de véto est un poids important sur la balance, il permet aux membres permanents du conseil de sécurité de pouvoir rejeter une décision ou un projet par le seul vote négatif de l’un de ses membres.
Les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Chine et la Russie sont les Etats membres en mesure d’exercer leur véto. On remarque par ailleurs que si la Chine ou la Russie exercent leur droit, ils peuvent faire barrage dans le processus de décision, et c’est bien souvent le cas.
La qualité de « membres » de la communauté internationale, regroupés dans une entité « démocratique » aux « valeurs communes » sont autant d’éléments instables, qu’ils décrédibilisent la communauté. Aux yeux de certains, elle serait inexistante dans les faits et n’aurais même jamais existé.

b) L’inefficacité de ses « actions »
La communauté internationale parfois divisée, remet en question l’efficacité de ses actions, de ses rôles et à fortiori de son sens.

Pour revenir aux rôles énoncés précédemment :

– On peut dire que les fonctions de coordinateur et de soutien financier, sont souvent remises en question, et ce, ne serait que de par l’aboutissement de ses actions. En effet, il n’y a souvent qu’un pas entre promesse et acte mais faut-il encore que ce dernier soit franchi.
Le 18 octobre dernier, et sur près d’1 milliards de dollars de fonds demandés par l’ONU pour combattre le virus Ebola, seulement 38% de la somme ont été versés par la communauté internationale. Sur cette crise de la plus haute urgence, il semblerait que la communauté aurait du mal à trouver de son unité. D’après le président de la Banque mondiale « certains pays ne se préoccupent que de leurs propres frontières », et certains dénoncent même le manque de solidarité criant dans cette situation.

– Son rôle de médiateur est également reconsidérer par certains, notamment au sujet du conflit israélo-palestinien. Depuis de nombreuses années maintenant, et face aux vives tensions de ce conflit, la communauté internationale essaye tant bien que mal de faire le « tampon » entre ses deux Etats.
Le 31 octobre dernier, la Palestine faisait appel à la communauté internationale en lui demandant d’intervenir face au projet d’Israël de construire de nouveaux logements dans la zone de Jérusalem Est. La Palestine conteste ses actes, énonçant la violation du droit international, et un projet de « colonisation » de la capitale Palestinienne. La communauté à réagit en condamnant cette annexion de territoire, mais la résolution de ce conflit profond n’en avance pas pour autant.
Les différents soutient apportés aux deux pays (notamment celui des Etats Unis à Israël, un allié de poids) font que ce conflit traîne et que la communauté ne semble pas influencer les choses.

– Concernant la biodiversité et les efforts promis pour atteindre au mieux les objectifs de Nagoya., là encore, on peut constater que depuis 2010, les mesures n’ont pas été tenues. Il a été estimé que de nombreux objectifs ne seront pas atteints d’ici 2020. L’investissement des pays est une fois de plus, le point noir dans l’accomplissement du projet.
En effet, soucieux de restreindre leur moteur de croissance, près de la moitié des pays signataires du protocole de Nagoya ont manqués d’investissement à ce jour.

– La crise Syrienne confère à son tour des doutes sur les capacités de la communauté internationale.
Peut-on parler d’autorité publique alors qu’elle se retrouve paralysée et impuissante face à ce conflit ?
Face à l’utilisation d’armes chimiques et au massacre de toute une population, la communauté se devrait d’agir. Cependant, devant le refus d’une intervention militaire de la part de la Chine et de la Russie, la situation reste bloquée et empêche toute résolution devant le conseil de l’ONU.
Une intervention en dehors de tout autre cadre de l’ONU serait considérée comme une « agression » susceptible d’attendre en retour des ripostes. Cela en vaudrais-t-il le coup ? Dans les faits, les Etats-Unis s’étaient bien passés de l’accord de l’ONU pour intervenir en Irak…
Une communauté qui peine à s’accorder sur une décision aussi grave a clairement de grandes faiblesses.

 

Bien que la communauté internationale soit reconnue par la majorité des acteurs, elle reste cependant plus efficace en théorie qu’en pratique.
Sur ces grandes fonctions elle laisse paraître des failles qui remettent en question sa légitimité et son sens dans notre société. Sa principale limite est de se dire « autorité », alors que dans les faits, elle ne sévit pas. Son mode de gestion, et notamment le droit de veto accordé à certains pays, appui le sérieux problème de la prise de décision. Conscient que ce droit sert également de protection et de moyen de contrôle, c’est tout un système qui est remis en question.
Par ailleurs, il est pertinent de se demander si une « communauté de valeurs » a et aura toujours sa place dans un monde de plus en plus individualiste et dans lequel les Etats cherchent à conserver leur souveraineté.

Mot clés : valeur, universel, nécessité, légitimité et volatilité

 

Bibliographie

http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=23517#.VGdkx_mG-So
http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/2112515/2014/11/05/La-Catalogne-lance-un-appel-a-la-communaute-internationale.dhtml
http://www.tv5monde.com/cms/chaine-francophone/info/Les-dossiers-de-la-redaction/syrie-2013/p-26169-lg0-La-communaute-internationale-une-pensee-magique-.htm
http://www.un.org/fr/aboutun/
http://www.paris-normandie.fr/detail_article/articles/1593525/biodiversite-la-communaute-internationale-reunie-sur-un-constat-alarmant#.VF-xAPmG-So
Santé | Ebola : la communauté internationale appelée à en faire davantage | Jeuneafrique.com – le premier site d’information et d’actualité sur l’Afrique
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20141016085912/
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/International/2014/10/18/001-ebola-onu-sommes-solidarite-internationale-aide-financiere.shtml
http://www.rfi.fr/afrique/20141031-communaute-internationale-inquiete-situation-burkina-faso-france-etats-unis-onu-ua-/
http://www.rfi.fr/emission/20141106-une-burkina-cedeao-sortie-crise/
http://www.irenees.net/bdf_fiche-defis-223_fr.html
http://french.ruvr.ru/2014_10_31/La-Palestine-appelle-la-communaute-internationale-a-arreter-Israel-7222/

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