JUSTICE PENALE INTERNATIONALE
Introduction :
« La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique ; il faut donc mettre ensemble la justice et la force ; et pour cela, faire que ce qui est juste soit fort et que ce qui est fort soit juste. » Cette formule de Pascal est toujours d’actualité. En effet, l’une des principales critiques adressées à la justice pénale internationale aujourd’hui est l’absence de forces de police propres pour que la justice puisse effectivement être rendue.
La communauté internationale a pris conscience très tôt au XXème siècle après des atrocités commises, que les crimes les plus graves ne devaient pas restés impunis. De par leur atrocité et leur gravité, ces crimes touchent la communauté internationale dans son ensemble et constituent une violation manifeste du droit international humanitaire. La lutte contre l’impunité des auteurs de tels crimes nécessite donc la mise en place d’un juge pénal international.
Mais comment la justice pénale internationale s’est-elle mise en œuvre et quels sont ses enjeux actuels ?
Si les prémices de la justice pénale internationale ont été prometteurs (I), un pas de géant a été franchi pour l’humanité avec la création de la Cour pénale internationale en 1998 (II).
I – Les prémices d’une justice pénale internationale
A – La prise de conscience de la communauté internationale des crimes les plus graves
Déjà après les atrocités commises lors de la Première Guerre mondiale, l’idée de créer des juridictions pénales internationales pour juger les individus responsables des crimes internationaux avait été avancée. Par la suite, plusieurs accords internationaux en vue de créer des cours pénales internationales ont fait l’objet de discussions, notamment lors des négociations relatives à la Convention de Genève de 1937 pour la prévention et la répression du terrorisme, et à la Convention de New-York de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.
L’après guerre est propice à la définition de crimes internationaux, comme le crime de génocide dans la Convention précitée. C’est également au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que deux tribunaux militaires internationaux vont être mis en place, chargés par les vainqueurs de juger les coupables. Ainsi, le Tribunal militaire international de Nuremberg est institué le 8 août 1945 pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par les nazis, et le 19 janvier 1946, le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient est créé à Tokyo pour juger les responsables de la guerre du Pacifique.
La mise en place de ces deux tribunaux a constitué une étape essentielle dans la prise de conscience de la nécessité d’une justice pénale internationale pour juger les crimes les plus graves. Ces juridictions ont donc contribué à jeter les bases du droit pénal international moderne, notamment en définissant les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Bien que cette justice ait été critiquée comme étant celle des vainqueurs, elle a permis une avancée considérable dans la mise en place d’une justice pénale internationale.
B – Les leçons des juridictions pénales internationales ad hoc
En 1993 avec l’éclatement de l’ex-Yougoslavie et en 1994 avec le conflit inter-ethnique au Rwanda, l’atrocité des crimes perpétrés attire l’attention de la communauté internationale. En l’absence d’une juridiction pénale internationale permanente, le Conseil de sécurité crée, dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies relatif à l’ « action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression », deux tribunaux ad hoc : le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
Ainsi, le TPIY est chargé de juger les auteurs présumés des violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie en 1993. Le TPIR, lui, est chargé de juger des actes de génocide et d’autres violations systématiques du droit international humanitaire dans la région africaine des Grands lacs, commises par des rwandais. Ces deux tribunaux constituent des institutions sui generis, avec un règlement de procédure et de preuve. La procédure, bien qu’à dominante issue de la common-law, est propre à ces juridictions et le principe est celui de la primauté des TPI sur les juridictions nationales étatiques.
Après 50 ans d’efforts pour la lutte contre l’impunité, ces juridictions ad hoc sont présentées comme une réussite. Il convient de citer notamment le procès de Slobodan Milosevic pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Kosovo devant le TPIY, qui a pris fin avec la mort de celui-ci en 2006. Toutefois, certaines critiques peuvent être adressées comme l’absence de prise en compte des droits des victimes dans le procès. Par ailleurs, pour le TPIR, certains inculpés sont toujours en liberté et pour l’ex-Yougoslavie, 22 criminels de guerre présumés étaient toujours en fuite en septembre 2004.
II – Un pas de géant dans la lutte contre l’impunité : la création d’une juridiction permanente à vocation universelle
A – Un événement sans précédent dans l’histoire de l’humanité : la création de la Cour pénale internationale
Les tentatives de création d’une cour pénale internationale ont été interrompues pendant la Guerre froide, les Etats étant alors rattachés au principe de souveraineté. Mais le succès des TPIY et TPIR ont accéléré les réflexions sur la mise en œuvre d’une juridiction permanente. Ainsi, la conférence de Rome en juillet 1998 a aboutit à la signature du Traité visant à établir une cour pénale internationale à juridiction universelle : la CPI. Mais sa mise en place a souffert de l’absence d’un consensus global, certains états affichant leurs réticences comme les Etats-Unis, cette cour étant également un enjeu politique.
Mais la lutte contre l’impunité devait être plus forte et le 1er juillet 2002, le statut de la CPI est entré en vigueur, comme un symbole. Ce statut met fin à la compétence étatique pour juger les auteurs de crimes internationaux. Il prévoit le caractère permanent et le principe de complémentarité entre la Cour et les juridictions nationales. La Cour est compétente pour les crimes commis après son entrée en vigueur à l’égard des crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes d’agression. Le statut de Rome définit chaque crime de façon précise et consacre « le défaut de pertinence de la qualité officielle », celle-ci ne pouvant exonérer un auteur de sa responsabilité. De plus, l’accent est mis sur les instigateurs des crimes internationaux. Enfin, le statut de Rome, comme une leçon tirée de l’expérience des tribunaux ad hoc, constitue une avancée historique dans la reconnaissance des droits des victimes devant la justice pénale internationale.
La création de la CPI constitue véritablement une grande avancée dans la lutte contre l’impunité.
B – L’avenir de la justice pénale internationale
La Cour pénale internationale, bien que constituant une grande avancée pour la justice pénale internationale, n’est pas sans poser de difficultés. En effet, la Cour est dépendante de la coopération des Etats puisqu’elle ne dispose pas de forces de police propres. Une des difficultés majeures auxquelles se heurte la justice pénale internationale est de garantir la comparution des suspects devant la Cour. De plus, certains critiquent l’indépendance de la Cour, et notamment du bureau du Procureur qui peut subir des pressions diplomatiques pour ne pas poursuivre un individu.
Par ailleurs, le Traité de Rome est critiqué par les ONG pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le Conseil de sécurité des Nations Unies peut empêcher toute poursuite ou enquête pendant une année dans le cadre d’opérations de maintien de la paix. De plus, la Cour ne pourra intervenir que pour des violations commises dans le cas d’états signataires, or qu’en est-il des violations graves impliquant les citoyens ou le territoire d’un Etat non membre ? Enfin, une disposition permet à un Etat d’ôter la compétence de la Cour pendant une durée de 7 ans pour les crimes de guerre. Le président de la Cour pénale internationale appelle donc à ne pas oublier les trois principes essentiels : la coopération, la complémentarité et l’universalité.
L’avenir de la justice pénale internationale ne se trouve-t-il pas dans l’institution de tribunaux mixtes, comme ceux pour la Sierra-Léone ou le Cambodge, qui allient ainsi le droit international et le droit national. On peut citer également le bel exemple du Chili qui, sous la pression de la communauté internationale, a engagé des poursuites contre Pinochet avec la Cour suprême de Santiago. Enfin, l’alternative peut être celle de la compétence universelle, qui permet de déroger aux principes classiques de territorialité et de personnalité, tout en luttant contre les crimes internationaux les plus graves.
Conclusion :
L’avènement d’une justice pénale internationale est sans conteste aujourd’hui. Les succès des tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda ont poussé la communauté internationale à créer une Cour pénale internationale permanente pour lutter contre l’impunité.
Même si la Cour pénale internationale constitue un pas de géant pour l’humanité, il ne faut pas cesser d’avancer. Aujourd’hui le principal problème est l’absence de forces de police internationales pour traduire les auteurs des crimes les plus graves devant la Cour. Comme le disait Pascal, « la justice sans la force est impuissante ».
Sources bibliographiques :
• Le juge pénal international, François Falleti, La justice pénale internationale de Jean-Paul Bazelaire et Thierry Cretin aux éditions PUF, 2000
• L’exemple chilien, Editorial, Le Monde, 11 août 2000
• La Cour Pénale Internationale, Fédération Internationale des Droits de l’Homme, http:/www.aidh.org/Justice/02install_05 .htm
• Les trois générations de la justice pénale internationale, Annuaire Français des Relations Internationales, Extraits, Renaud de la Brosse, 2005
• Intervention de Mme Carla Del Ponte, Ecole Nationale d’Administration, 2003
• La Justice Pénale Internationale, Dossier Internet La documentation française, Extraits, le rôle des juridictions nationales, définition des crimes, les grandes affaires, le rôle de la société civile internationale, http:/www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/justice-penale-internationale
• 19ème séance d’information à l’intention du corps diplomatique, Cour Pénale Internationale, Allocution du Président Sang Hyun Song, Extraits, 3 novembre 2010
Annexe :
Citation : « La justice pénale internationale est aujourd’hui plus qu’une idée : son processus est désormais irréversible et constitue inexorablement un pas en avant dans la lutte contre l’impunité dans et pour l’histoire de l’Humanité » : c’est ainsi qu’en 2003 Carla Del Ponte, procureur des tribunaux pénaux internationaux pour l’Ex Yougoslavie et le Rwanda marquait la réalité de cette répression.
Définition des 4 crimes internationaux :
Les crimes internationaux sont imprescriptibles
• Crime de guerre :
Le crime de guerre a été définit dès le procès de Nuremberg en 1945 comme une violation grave du droit et des coutumes de la guerre dans le cadre d’un conflit armé international ou civil.
• Crime d’agression :
Le statut de Rome définit l’acte d’agression comme l’ « emploi par un état de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre état, qu’il y ait ou non déclaration de guerre. Est susceptible d’être qualifié d’acte d’agression : invasion d’un état par des forces armées, bombardements par des forces armées, blocus d’un port ou des côtes, attaque des forces terrestres, maritimes ou aériennes, le fait de permettre que son état serve à un autre état d’accomplir un acte d’agression, envoi de groupes armés qui exécutent des crimes contre un autre état ».
• Crime contre l’humanité :
L’article 7 du statut de la CPI définit le crime contre l’humanité comme « l’un quelconque des actes ci-après commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque ».
Actes : meurtre, extermination, esclavage, déportation, privation de libertés, torture, viol, esclavage sexuel, prostitution forcée etc.
3 critères : -crime planifié par un Etat
-attaque lancée contre une population civile
-attaque lancée sur des bases discriminatoires, contre une population en raison de ses caractéristiques
• Génocide : étymologiquement cela signifie « tuer la race ».
L’article 6 du statut de la CPI définit le génocide comme « l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire en tout ou partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel ».
Actes : meurtre de membres du groupe ou atteintes graves à leur intégrité physique ou morale, soumission à des conditions d’existence devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle, mesures visant à entraver les naissances, transferts forcés d’enfants du groupe vers un autre groupe.
3 critères : -les victimes doivent appartenir à un groupe identifiable en raison de ses caractéristiques ethniques, raciales, religieuses etc.
-le massacre doit être réalisé en raison de l’appartenance des personnes à ce groupe
-le massacre doit avoir été réalisé en application d’un plan concerté défini par les responsables