La nouvelle zone de défense aérienne chinoise inquiète le Japon

 

 

The guardian weekly 29.11.13 vol 189 n°25

Chico Harlan Seoul, Washington post

 China’s new no-go air zone alarms Japan

La nouvelle zone de défense aérienne chinoise inquiète le Japon

Le journal

Le Guardian Weekly est l’équivalant anglais du Monde Diplomatique avec qui il entretient un partenariat. Il traite des relations internationales en relayant les articles de divers journaux. Le présent article est issu du Washington Post, quotidien américain tirant à plus de 800 000 exemplaires et connu par le passé pour son esprit d’indépendance et ses investigations. Anciennement réputé de centre-gauche, il se situe aujourd’hui plutôt à droite, bien que sa ligne éditoriale demeure centriste.

 

L’auteur

Chico Harlan, diplômé de l’université de Syracuse, est correspondant en Extrême-Orient pour le Washington Post depuis 2010. Il a notamment couvert le désastre de Fukushima, ou encore le changement de leader en Corée du Nord.

Contexte

L’article traite des mesures prises par la Chine pour protéger ce qu’elle estime être son espace aérien, qui se heurte à celui des Japonais. La Chine et le Japon sont en conflit territorial autour des îles Senkaku depuis plus d’un an.

Traduction

 La Chine a déclaré samedi dernier que les avions non-commerciaux pénétrant la zone frontière de l’est de la mer de Chine devront d’abord s’identifier auprès des autorités chinoises, au risque de se voir confrontés aux « mesures de défenses d’urgence » de ses  forces armées.

La « zone de défense d’identification aérienne » chinoise annoncée par le ministère de la défense nationale ajoute une nouvelle dimension à la discorde territoriale avec le Japon et augmente les risques d’un conflit armée.  Les huit îles inhabitées au centre du différent se situent dans cette nouvelle zone de défense aérienne. Cette décision du ministère de la défense chinois, implique que les avions japonais devront soumettre leurs plans de vol au ministère ou à l’administration de l’aviation civile. Ils devront en outre maintenir un contact radio permanent avec les autorités chinoises.

La Chine n’a pas précisé quelles mesures elle prendrait en cas de non-obtempération, mais les experts en matière de défense prétendent que son armée pourrait envoyer des chasseurs et même abattre les avions vus comme une menace.

L’armée de l’air chinoise a conduit sa première patrouille aérienne samedi dernier, au moyen de deux avions de reconnaissance  soutenus par des avions de combats, selon l’agence Chine nouvelle.

« La patrouille est conforme aux pratiques internationales, et le trafic international  ne s’en trouvera pas affecté » selon Shen Jinke, porte-parole de l’armée de l’air. Il ajoute que l’armée prendrait des mesures pour traiter les diverses menaces afin de protéger l’espace aérien chinois.

De nombreux pays, dont les Etats-Unis et le Japon, ont des moyens de défense aériens d’identification de leurs propres zones, qui les aident à pister et surveiller les avions proches de leurs frontières, mais dans le cas présent, les frontières chinoises et japonaises se chevauchent. Les experts en sécurité craignent que la nouvelle zone chinoise n’augmente les risques d’incidents pouvant dégénérer en conflit plus large, incluant les Etats-Unis, liés par un traité de défense avec le Japon.

La décision de la Chine rend « la zone déjà dangereuse autour des îles, encore plus mûre pour une collision accidentelle » selon Paul Haenle, directeur du centre Canergie-Tsinghua pour une politique globale à l’université Tsnghua de Pékin.

Le ministère des affaires étrangères japonais a déclaré que  « l’espace aérien du côté chinois établi aujourd’hui est totalement inacceptable et extrêmement regrettable car il comprend l’espace aérien japonais sur les îles Senkaku (connues sous le nom de Diaoyu en Chine), un territoire faisant partie inhérente du japon. Etablir unilatéralement un tel espace aérien et restreindre les vols dans cette zone est extrêmement dangereux et peut conduire à des erreurs d’interprétations ».

La zone aérienne ne couvre pas le sud de la mer de Chine, où la Chine est engagée dans plusieurs autres conflits territoriaux, notamment avec les philippines et le Vietnam. Un porte-parole de la défense chinoise, Yang Yujun, estime que la Chine constituera des zones supplémentaires «  au moment opportun après que les préparatifs nécessaires soient terminés ».

« Si la Chine réalise pleinement la défense aérienne de sa zone, il y aura une augmentation des probabilités de conflits et de confrontations dans l’air entre la Chine et le Japon » d’après Zhou Yongsheng, un spécialiste des problèmes sino-japonnais de l’université des Relations Internationales de Pékin. Mais je ne pense pas que la Chine devrait craindre les conflits au motif que nous avons été soumis par le Japon pendant des années ».

Commentaire

 

Cette nouvelle zone de défense aérienne annoncée par la Chine s’inscrit dans le bras de fer qui oppose Chine et Japon pour le contrôle des îles Diaoyu/Senkakhu. Ces îles, qui renfermeraient des réserves de gaz, revêtent une importance stratégique majeure du point de vue de chacun des deux pays. Elles cristallisent la rivalité entre les deux puissances d’Extrême-Orient.

La Chine, malgré l’étendue apparente de sa façade maritime, est un empire enclavé. Sa zone économique exclusive est cinq fois moins importante que celle de la France, soit un peu plus de deux millions de km2 contre plus de onze millions. Le droit international prévoit en effet que l’étendue d’eau appartient à un Etat côtier jusqu’à 200 milles marins. Le Japon étant un archipel, il accapare ainsi une grande partie de territoire maritime. Cela a pour effet de fermer la porte du grand large aux Chinois. Ces derniers ont en outre un besoin croissant d’énergie qu’ils sont obligés d’importer, notamment depuis le Moyen-Orient. Or la Chine ne contrôle pas ces routes maritimes. Enfin, elle revendique, afin d’étendre son territoire  maritime, l’île de Taiwan qu’elle considère comme étant chinoise et qui lui a été arrachée par le Japon en 1895 (traité de  Shimonoseki).

Le Japon, composé de milliers d’îles est en conflit territorial avec ses voisins. Outre les Senkaku, il dispute à la Russie, autre empire enclavé, la souveraineté sur les îles Kouriles. Au regard du passé dominateur du Japon et de la thalassocratie qu’il a constitué au détriment de ses voisins, jusqu’à menacer l’Australie au plus fort de son expansion, il suscite la méfiance dans la région. Le Japon a récemment inauguré un porte aéronef de 250 mètres de long, qui sera opérationnel en 2015, le plus grand navire construit par ce pays depuis la Seconde guerre mondiale. Les  Japonais songent  à désigner leurs « forces d’autodéfenses » par un nouveau nom plus militaire, plus offensif. Enfin, ils ont à leurs côtés l’allié américain, aux forces navales notoirement gargantuesques.

La Chine, à un degré certes moindre, est également en conflit d’autres Etats, notamment le Vietnam (la moitié des pêcheurs en mer de Chine sont Vietnamiens). On peut dès lors comprendre cet acte unilatéral, l’établissement de cette nouvelle zone de défense aérienne  qui se complète avec les ambitions aéronavales chinoises et du lancement récent de son premier porte-avions. Les grands pays d’Asie, la Chine, le Japon, mais aussi la Corée du Sud, l’Inde se livrent à une course aux armements sur les mers. Les budgets militaires vont croissant. La région reste cependant encore largement arbitrée par l’Amérique.

 

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