Introduction
Vidéo d’accroche : http://www.youtube.com/watch?v=zYur6En1aQM
Délimitation du sujet : L’Égypte ces dernières années, une puissance et une identité mouvementée.
Intérêt théorique et pratique de cette étude : Comprendre le poids de l’Égypte dans le monde et dans sa région mais aussi tenter une explication des mouvements internes qui déstabilisent le pays.
Problématique :
Peut-on encore considérer l’Égypte comme une puissance régionale incontournable et dans quelles mesures l’identité complexe du peuple égyptien est un facteur déstabilisateur du pays ?
Plan :
- Tentative d’explication des tensions autour de l’Égypte
- Une puissance économique en déroute
- Une diplomatie qui perd de son importance
I. Tentative d’explication des tensions autour de l’Égypte
Présentation de l’Égypte
1. Carte d’identité de l’Égypte
Démographie :
L’Égypte est un pays de 85 millions d’habitants inéquitablement répartis. En effet 90% de la population est concentrée sur une bande de terre autour du Nil. La démographie du pays est fortement positive avec une moyenne de 3 enfants par femmes, ce qui conduit à des prévisions de population de l’ordre de 100 millions d’habitants d’ici 2025. On peut dès lors imaginer toutes les conséquences en termes de logements et d’urbanisation sauvage que cela aura dans un pays en pleine instabilité.
Économiquement et socialement :
L’Égypte a un PIB qui s’élève à 272 milliards de dollars, soit par habitant 3314 dollars, ce qui en comparaison correspond à la moitié du PIB par habitant de la Chine.
L’Egypte a un IDH de 0,682 ce qui classe l’Égypte en 110ème position du classement mondial (sur 146). Un des facteurs rentrant dans le calcul de l’IDH est l’espérance de vie qui s’élève à 71 ans en Égypte, ce qui est malgré sa position dans le classement de l’IDH un bon score.
Une histoire forte : culture coloniale, histoire moderne
Impossible de parler de l’Égypte sans parler de son rayonnement culturel mondial, en effet l’Égypte c’est : 6 sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.
L’Histoire de l’Égypte s’est faite sur 5000 ans et a influencé les cultures européennes, du Moyen-Orient et de l’Afrique. La culture égyptienne a quant à elle été influencée par les cultures helléniste, chrétienne et musulmane.
Des « siècles obscurs »: l’histoire coloniale
- Dès 1517 invasion ottomane
- Puis les européens (français puis anglais) 1798 et 1799
- Fini par l’indépendance en 1953
A travers les occupations successives les cultures se sont mélangées tout en gardant leurs spécificités : au moment de la modernisation les européens ont eu du mal à faire passer les messages avec leurs points de vue chrétiens occidentaux à une population très majoritairement musulmane.
On peut aussi se demander si cette occupation sur plus de 4 siècles a habitué un peuple a être sous l’emprise d’une puissance supérieure (empire coloniaux ou régime fort).
L’histoire égyptienne moderne à travers 3 dirigeants égyptiens :
- Nasser : grande figure de mouvement des non-alignés durant la Guerre Froide et créateur du panarabisme. De nombreux chefs d’Etats arabes s’en sont inspirés : Ahmed Ben Balla (Algérie), Abdullah al Sallal (nord Yémen) et le Colonel Kadhafi.
- Sadate : le fait marquant que nous avons choisi de vous montrer pour exprimer la puissance égyptienne de ce temps là est le suivant, Sadate représente les Etats Arabes pour les accords de Camp David (ce pour quoi il aura un prix Nobel de la paix).
- Moubarak : il a été le leader du monde arabe pendant les années 80-90.
Une identité complexe
L’identité égyptienne a été forgée à travers les âges par les dominations successives : chrétiennes à partir du 5eme siècle puis par l’islam devenu dominant.
Le résultat est qu’aujourd’hui les grands traits qui font l’identité d’une nation sont assez complexes.
1. Langues
Très majoritairement l’arabe égyptien.
Des minorités parlent des langues différentes :
- Le siwi : appelé aussi le berbère en occident
- Le nubien : au sud de l’Égypte sur l’ancien territoire de Nubie
- Le copte : pour des usages liturgiques principalement
2. Territoires
L’Égypte possède malgré la bénédiction qu’est le Nil un territoire qui n’est pas très facile mais plutôt vaste (1 millions de km²).
Le territoire est découpé en deux parties n’ayant pas les mêmes conditions de vie :
Le delta où les températures sont assez douces et le climat humide.
Le désert qui représente 94% du territoire a un climat considéré comme désertique. On y retrouve des températures extrêmes au sud du pays où il peut faire jusqu’à 50 degrés le jour et la nuit des températures glaciales.
L’Égypte est un territoire côtier du fait de son accès à deux mers : la mer rouge à l’est et la mer méditerranée au nord, pour un totale de 2450km² de côte.
Les pays frontaliers : Israël, la bande de Gaza au nord-est, la Libye à l’ouest et le Soudan au sud.
3. Religions
On y retrouve un islam sunnite très majoritaire qui représente 95% de la population, ce qui joue un rôle dans leurs relations extérieures, ce que nous verrons plus tard.
On y retrouve aussi 9% de chrétiens coptes dont une forte majorité copte orthodoxe (copte voulant dire égyptien au départ). Ils constituent une minorité très cultivée mais interdite dans l’administration égyptienne : ils émigrent et dernièrement ils se révoltent et de ce fait le peuple les voit comme des traitres à la cause égyptienne et arabe. Les juifs quant à eux sont partis en masse lors des 50 dernières années notamment du fait de la proximité d’Israël et du conflit Israélo-Palestinien qui divise le peuple égyptien. Ils sont passés de 80000 en 1940 à quelques dizaines aujourd’hui.
4. Ethnies
Il y a encore des peuples nomades : Les bejas et les ababdehs qui vivent dans la zone du nord-est Soudan et du sud-est de l’Égypte. Les Banu Hassan qui sont un clan de bédouin mais ils ont majoritairement émigré vers l’ouest, il en reste assez peu en Égypte.
Les Levantins ce sont les sujets chrétiens du sultan ottoman, sont par conséquent de culture chrétienne.
Enfin les siwis qui vivent entre l’Égypte et la Libye et parle les 2 langues, ce qui pose la question de savoir de quel côté se positionnerait cette ethnie en cas de conflit entre ces deux, pas si anciennes, puissances diplomatiques.
Cette mosaïque identitaire présente en Egypte conduit à des traditions et des mœurs très différentes qui peuvent varier d’un régime à l’autre ou d’une décennie à l’autre suivant les influences internes et externes :
Ex : la question du voile islamique :
- Position de Nasser : http://www.youtube.com/watch?v=YgLxQtXQFz0 , dans cette vidéo on voit bien que l’opinion ne semble pas vraiment se préoccuper de cette question. Leur position est claire tout comme la situation de la femme dans cette Egypte datant de 60 ans.
- Aujourd’hui il est difficile pour une femme non voilée d’avoir une vie normal, c’est-à-dire de ne pas se faire insulter ou réprimander par les citoyens. Comme le montrent les nombreux écrits de journalistes féminines qui ont du mal à se promener sereinement dans les rues de la capitale.
On remarque donc que la diversité identitaire de ce pays fait qu’il peut y avoir de grandes évolutions sociétales, que ce soit en bien ou en mal nous ne sommes pas la pour juger.
5. Facteurs d’unicité : l’armée
L’armée est en Égypte une entité comme nous en n’avons pas l’habitude en France. En effet depuis la révolution de 1952 elle a un rôle de stabilisateur, de contre pouvoir efficace et légitime aux yeux de la population. C’est une puissance soutenue par le peuple et de ce fait les forces armées sont aussi très présentes dans divers aspects du pays tels que l’économie, la politique et les débat sociétaux. On peut légitimement se demander qui va dorénavant jouer le rôle de contre pouvoir stabilisateur du fait que les militaires sont passés au pouvoir…
6. Crise identitaire soutenue par des forces en présence
On peut dénombrer 3 grands acteurs dans la société égyptienne : les pro-laïques (héritiers de Nasser), les musulmans traditionalistes (portés par les Frères Musulmans) et les militaires.
Ces trois acteurs présents depuis des décennies ne favorisent pas la reconstruction d’une stabilité égyptienne et amplifient la crise d’identité de nombre d’égyptiens en lançant de nombreux débats sur des thèmes qui créent des clivages pour la population et qui divisent le peuple qui ne se retrouve plus forcément dans son voisin.
La conséquence de ce phénomène est la série de renversements de pouvoirs qu’a connus le pays depuis la révolution
Une implantation géographique spécifique
1. Un carrefour géographique
Autre avantage de l’Égypte, elle se situe à un carrefour stratégique dans le monde arabe entre le monde maghrébin, le Moyen-Orient et à proximité avec l’Afrique noire.
Un avantage certain du pays est son accès à la mer, elle a un accès à deux mers chaudes facilement navigables : la mer Rouge et la mer Méditerranée sur une surface considérable comme nous avons pu le voir précédemment.
Le canal de Suez : constitue un avantage essentiel dans la position diplomatique et économique de l’Égypte, il faut une dizaine de jours pour passer par le sud sans Suez, ce qui entrainerait des sommes colossales en frais de transport.
De nos jours, l’Égypte s’inscrit dans un cadre politique moyen-oriental imprégné par ses nombreux conflits avec Israël et ses tentatives de négociation. Outre ses ouvrages monumentaux tels que le canal de Suez ou le haut barrage d’Assouan, elle demeure mondialement connue pour ses richesses archéologiques présentes dans de prestigieux musées internationaux.
2. Des ressources naturelles
L’Égypte ne constitue pas un puits majeurs de l’économie des hydrocarbures comme son voisin libyen. En effet l’Égypte représente 1% de la production mondiale cependant on retrouve la présence en quantité correcte de gaz et de pétrole.
La production est quand même assez importante pour exporter vers Israël, la Jordanie, la Syrie et le Liban.
II. Une puissance économique en déroute
1. Les secteurs porteurs
L’Égypte a plusieurs secteurs moteurs qui lui permettent de soutenir son économie. Le premier auquel nous pensons est le secteur pétrolier.
L’Égypte possède trois grands bassins productifs. Le golfe de Suez, un bassin tertiaire est de loin le principal.
Les principaux gisements d’hydrocarbures de cette région ont été découverts dans les années 1960. Le désert occidental (bassin d’El-Alamein) est une région d’importance. Il existe aussi de petites quantités de pétrole en Haute-Egypte et en mer Rouge.
L’Égypte est devenue importatrice nette vers 2010.
D’autres ressources souterraines se trouvent également sur ce territoire comme le gaz naturel. L’Egypte se place au 15ème rang des producteurs mondiaux de gaz. Cette place lui permet de peser dans les relations internationales et d’avoir une place dans les négociations sur les hydrocarbures.
Cependant, on assiste à une pénurie de carburant pour les citoyens. Depuis la révolution, la consommation a augmenté, la production stagne ou baisse, nombre de gazoducs sont endommagés, les livraisons pas honorées. Depuis l’an dernier, le solde énergétique de l’Égypte est négatif.
Au quotidien, ce sont des coupures d’électricité incessantes, liées notamment à la pénurie de carburant pour alimenter les centrales électriques.
En outre, l’économie repose toujours en partie sur les devises des expatriés et sur les revenus du canal de Suez. Mais, trois ans après la révolte aux cris de « pain, liberté et justice sociale », les attentes sont grandes.
L’Égypte est aussi fortement présente dans d’autres secteurs comme le tourisme (10% de son PIB) et l’agriculture (30% de sa population active). En effet, elle a de nombreux sites historiques et une culture à faire découvrir aux touristes. Les touristes sont principalement des occidentaux. Cependant, ce secteur n’est actuellement plus porteur du fait des tensions dans la région et dans le pays. Les vols à destination du sol égyptien ont été interrompus en septembre 2014 car le pays était considéré comme dangereux.
Le nombre de touristes venant des pays occidentaux a donc chuté alors que cette activité génère beaucoup de profit pour le pays. Baisse de 90% des visites touristiques depuis le printemps arabe. Avant la révolution de 2011, le tourisme représentait 10% du PIB et employait 4 millions d’égyptiens. Les revenus du tourisme ont chuté à 4,2 milliards de dollars, soit deux fois moins qu’en 2010. Néanmoins, la situation politique s’étant calmée depuis septembre 2014, le gouvernement égyptien tente de re-séduire mais surtout de rassurer les touristes.
Exemple : « Vous pouvez venir en Égypte en toute sécurité. Nous sommes le seul pays de la région qui connaisse une certaine stabilité et notre leadership est respecté » : Hicham Zaazou, le ministre égyptien du tourisme. De plus, les compagnies aériennes comme EgypAir assurent des vols directs depuis les grandes capitales européennes pour inciter les voyages sur le sol égyptien. Également les” tours operators” proposent des packs familles. La sécurité sera également renforcée pour rassurer les tourismes (contrôle douanier, investissements gouvernementaux)
2. Bilan commercial
Toutes les données : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codeTheme=7&codeStat=NE.RSB.GNFS.Z&codePays=EGY&codeTheme2=1&codeStat2=x&langue=fr
En 2004, des réformes bancaires, fiscales, monétaires et douanières ont été mises en place par le gouvernement égyptien. Mais ces réformes n’ont pas empêché la crise de 2009. Les indicateurs économiques ont considérablement chuté : hausse du chômage, baisse des investissements étrangers, baisse des exportations.
La crise mondiale a eu des répercussions sur ce pays. Le déficit budgétaire représente 10% du PIB du pays et la dette publique 76.9%. De plus, comme nous l’avons évoqué précédemment la baisse des fréquentations touristiques a fait chuter l’économie. Avec trois ans de violences et des réformes entre parenthèses, la croissance reste faible. Elle était de 2.1 % en 2013. Le FMI prévoit 4 % en 2015. Mais l’Égypte est loin des 5,1 % de 2010.
Le pays a du recevoir des aides pour s’en sortir. Le FMI, organisme mondial, et les USA, fidèles alliés, ont apporté leur aide à l’Égypte en mai 2011.
Désormais le pays a la volonté de relancer les investissements privés et étrangers pour répondre aux demandes du peuple. En effet, le peuple en mouvement requiert plus d’aides, une hausse du salaire minimum… L’Égypte aurait besoin de 20 à 30 milliards de dollars pour améliorer les conditions de vie de leurs populations et désenclaver des régions entières grâce à un programme d’investissements dans les transports, l’énergie et les infrastructures technologiques. Cependant cela reste une utopie…
3. Les partenaires économiques
Les principaux partenaires économiques de l’Égypte étaient en 2004 les États-Unis, l’Union Européenne, la Chine, l’Inde, le Pakistan et le Japon.
L’Europe : 1er partenaire commercial, 1er investisseur et 1er bailleur d’aide.
De fortes relations avec les US et le proche-moyen Orient.
L’Égypte se tourne de plus en plus vers les nouveaux marchés que sont l’Asie, l’Amérique latine et surtout l’Afrique noire par la création de la COMESA (marché commun d’Afrique australe et orientale).
4. Pas de séparation entre politique/économie
Sous le régime de Moubarak, l’économie a prospéré malgré les luttes que l’autorité livre aux intégristes. Cependant, après 29 ans de règne Moubarak quitte son poste présidentiel en janvier-février 2011 à l’âge de 82 ans. Ce départ fortement impulsé par le mouvement des jeunes « hefaya» (assez), qui se manifeste en 2011 mais qui a commencé en 2005, fait considérablement sombrer le pays. Plus aucune activité n’est en place pendant cette crise interne. L’économie va très mal et on voit apparaître une multiplication des suicides économiques de 2005 à 2009 (émeutes du pain 2007, 2008). Le peuple se lève et demande une augmentation du salaire minimum (à 700 livres). Il requiert aussi des investissements de la part du gouvernement et une meilleure distribution des richesses. Le chômage est élevé, ce qui ne favorise pas le développement économique du pays. Dans cette part de chômeurs, le chômage des jeunes diplômés représente 40% : plus de la moitié de la population a moins de 30 ans.
L’économie a subi beaucoup de variations.
En outre, l’ouverture économique est contrôlée par le « capitalisme des copains » : poids des acteurs financiers dans la politique et la privatisation de l’état (beaucoup d’entrepreneurs importants s’engagent en politique). Exemple : général à la tête du canal de Suez, tous les anciens généraux sont replacés.
5. L’influence militaire
Selon un article du Monde de juillet 2014, il y a toujours eu une influence de l’armée en Égypte. L’armée est considérée comme un État dans l’état égyptien. Détenant le monopole de la force, elle est également à la tête d’un empire économique, aussi opaque qu’immense, possédant la quasi-totalité des terres et une grande partie des appareils de production du pays.
Exemple : maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, représente une armée soutenue par les médias, et constitue une élite économique, c’est un État dans l’État.
Cette citation représente la puissance de l’armée et son implication dans la politique :
« Il n’a jamais été question de lâcher le pouvoir. Le temps de diviser les Égyptiens, de discréditer des révolutionnaires, de se débarrasser des Frères, ça a pris deux ans et demi », affirme Adel Souleymane, général à la retraite, aujourd’hui directeur d’un centre d’études stratégiques.
L’armée a toujours été impliquée dans l’économie avec en ligne de mire une stratégie de développement visant à l’autosuffisance et qui permet d’utiliser l’efficacité organisationnelle de l’armée.
Elle possède des territoires qui lui permettent de détenir les meilleures positions stratégiques du pays.
Les généraux utilisent des agences d’espionnage qui peuvent être comparées aux services de renseignement militaires extérieurs pour surveiller la population et ses concurrents. On comprend dès lors que la position concurrentielle de la puissance économique militaire est puissante, trop puissante pour ses concurrents potentiels.
Sa puissance économique est énorme et diversifiée à travers des actions variées : achat d’entreprises, possession de sites touristiques, propriété d’usines. Sa part de marché représente selon des estimations entre 30 et 40% du PIB.
On peut donc simplement conclure que la réelle force et le véritable pouvoir en Égypte est dans les mains des généraux plus que des politiques, ce qui se voit aujourd’hui avec la montée au pouvoir du Général Al-Sissi.
6.Les nouveaux défis
Sécurité et relance économique. Voilà les deux priorités d’Abdel Fatah Al-Sissi, l’ancien chef de l’armée égyptienne. Deux priorités intimement liées. En Égypte, 40 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté. De ce fait se glissant dans les pas du charismatique leader Gamal Abdel Nasser, le nouveau président égyptien veut renforcer le rôle de l’État dans l’économie et tenter de contenir la chute du pouvoir d’achat.
L’inflation est de 11,9 %, le déficit s’accroît et le taux de chômage, de 13 %, atteindrait même 39 % chez les 20-24 ans. “L’Égypte est dans une situation difficile. Toute révolution impacte de façon négative un pays économiquement, […] Et deux des quatre piliers sur lesquels repose l’économie égyptienne ont été ébranlés” nous dit Denis Bauchard, ancien diplomate et conseiller pour le Moyen-Orient à l’IFRI.
III. Une diplomatie qui perd de son importance
1. Les relations extérieures
Soudan : un cas de géopolitique de l’eau
Morsi était reconnu comme un interlocuteur par les Occidentaux ; il est fortement soutenu par la diplomatie turque et reçoit un important soutien économique du Qatar. Le 4 mars 2013, le président Morsi rencontre le président soudanien afin de tenter d’améliorer les relations entre les deux pays. Les mésententes se concentrent sur le partage du Nil et de ses terres très fertiles, propices à l’agriculture.
L’Égypte possédait un droit de véto sur l’utilisation des canaux du Nil. Elle s’est donc vivement opposée à la séparation en deux territoires du Soudan en 2011 car elle ne pourra plus exercer son pouvoir sur ce nouvel état indépendant.
Or c’est au Soudan, dans la région de Khartoum la capitale, que les deux affluents du Nil se rejoignent. Et si le gouvernement soudanais coupe les vannes par un barrage ou un quelconque autre moyen, la situation en Egypte serait très compliquée.
Israël
Ce sujet est relativement sensible car les deux pays rencontrent de nombreux désaccords.
- Accord Camps de David :
Les accords de Camp David furent signés le 17 septembre 1978 par le Président El-Sadate et le Premier Ministre israélien Begin, sous la médiation du Président des Etats-Unis, Jimmy Carter. Ils consistent en deux accords-cadres qui furent signés à la Maison Blanche après 13 jours de négociations secrètes à Camp David. Ils furent suivis de la signature du premier traité de paix entre Israël et un pays arabe : le traité israelo-palestinien de 1979.
Le premier accord fixait un cadre pour la paix au Proche-Orient et comportait trois parties:
- La première partie, qui devait poser les principes des futures négociations sur le sort de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza, aurait dû déboucher sur une autonomie transitoire de cette nouvelle entité. Elle a été jugée moins claire que le second accord et fut plus tard interprétée différemment par Israël, l’Égypte et les États-Unis. Elle ne sera ainsi jamais appliquée.
- La deuxième partie était un préambule au second accord, concernant les relations diplomatiques entretenues entre Israël et l’Égypte.
- La troisième partie déclarait certains principes qui auraient dû s’appliquer aux relations entre Israël et les autres pays arabes. Cependant ce trait�� resta sans effet.
Les deux états ont toujours eu une relation complexe, d’autant plus depuis la révolution égyptienne. En effet l’opinion voit la position assez neutre de l’Etat comme une trahison envers le peuple arabo-musulman alors que le pouvoir ne peut rien faire du fait de la présence des aides américaines.
De plus il existe de fortes tensions à propos du Sinaï montrées par les propos du ministre israélien des affaires étrangères et du maréchal Tantaoui (chef du conseil suprême des forces armées) qui menace Israël de les chasser de la frontière s’il représente une trop forte menace, propos tenu en réaction à un discours du ministre des affaires étrangères Israëlien.
Palestine
Depuis plusieurs années, le pays a la volonté d’aider la réconciliation inter-Palestine entre le Fatah et le Hamas mais elle rencontre beaucoup de résistances des alliés (Israël et USA). Et comme nous l’avons vu les USA représentent une part importante des investisseurs étrangers. L’Egypte est donc bloquée.
Elle a de plus un rôle d’interlocuteur privilégié et de premier plan dans les négociations sur le conflit israélo-palestinien.
Cependant, le 28/05/2011, elle décide d’ouvrir définitivement la frontière entre le Sinaï et la bande de Gaza MAIS avec beaucoup de contrôles des personnes et l’interdiction de passage de camions et véhicules
Le Fatah (partie de Yasser Arafat) a été créé par des anciens étudiants de l’université du Caire. Leurs détracteurs disent que le Fatah a été créé sur les bancs de l’université du Caire pour montrer l’influence de l’Egypte sur ce mouvement politique palestinien.
Iran
L’Iran et l’Egypte sont deux des grandes puissances historique de la région qui ont des raisons claires de vouloir s’affaiblir avec une Egypte sunnite et arabe contre un Iran chiite et perse.
De plus une lutte pour l’arme nucléaire dans le monde arabe s’est instaurée entre les deux pays : pour cela l’Egypte s’est associée avec Israël afin d’avoir un programme de nucléaire civil.
Syrie
Historiquement les deux pays ont mis en place des actions communes dans le cadre du panarabisme, ils expriment la volonté à plusieurs reprises d’unir les territoires en République Arabes Unies
Récemment lors des événements en Syrie le président Morsi alors au pouvoir avait déclaré toutes relations coupées avec la Syrie.
Organisations internationales
L’Egypte est membre de l’ONU depuis 1945, de l’organisation de l’unité africaine depuis 1963, de l’OMC depuis 1995 et de la ligue arabe depuis 1945.
Résumé des relations de l’Egypte avec ses voisins :
2. La force armée
Comme le montre cette image l’armée égyptienne possède une puissance de frappe assez conséquente et capable d’agir sur tout terrain plutôt rapidement.
3. Une perte de souveraineté
USA
L’Egypte est un allié des USA. Les USA ont versé en 2011 des aides économiques et militaires pour aider l’Egypte (50 milliards de dollar depuis 1979) soit environ ¼ du budget annuel de l’Egypte qui est fourni par les USA. Ce partenariat n’est pas à négliger par le pays et pose la question de sa place dans les relations dans le monde arabe, est-ce que l’Egypte est réellement un pays souverain sur tous points ou seulement un puissant vassale des USA.
Le Qatar
Pendant l’ère Morsi ils ont fait des investissements pour un montant de 8 milliards de dollars selon le Financial Times. Ils ont aussi fourni un appui médiatique au régime à travers Al-Jazeera.
L’Arabie Saoudite
Apres la chute de Morsi ils soutiennent Al-Nour parti d’extrême droite religieuse par des offrandes diverses pour un montant de 5 milliards de dollars. Al-Nour soutenait eux les militaires pour prendre le pouvoir.
L’Union Européenne
Donne beaucoup d’aide pour aider la démocratie mais faible poids dans la politique du pays.
Les propos que l’on retrouve dans cette vidéo n’aurait jamais été tenu à l’encontre des américains.
http://www.dailymotion.com/video/x1xp5ge_crise-en-egypte-l-ue-ne-peut-faire-pression_news
La Russie
Profite de la baisse de l’influence américaine pour mener des actions des actions afin d’étendre son pouvoir diplomatique sur le pays et sur la région. Il propose des aides militaires : arrière pensée logique de remplacer les américains.
Toutes ses aides font craindre les ingérences des pays. On peut donc se poser la question de la souveraineté réelle du pays et donc de sa capacité à être une puissance régionale régulatrice qui se pose en intermédiaire incontournable et légitime des conflits régionaux.
Voir le tableau des aides
4. Les changements politiques qui déstabilisent le pays depuis le printemps arabe
MOUBARAK : Moubarak utilise le terrorisme intérieur pour introduire une menace de chaos et fait le vide politique autour du régime.
Toute force d’opposition est laminée par des arrestations.
Mise en place de l’arrêt d’urgence : arrestation et détention sans motif de suspects, bloggeurs, restriction du champ d’action des ONG, contrôle des médias.
Ex : contrôle des SMS, interdiction de Facebook, fermeture de 4 chaînes TV privées, pressions sur les journalistes, réseaux de téléphone et internet coupés.
Il s’appuie sur les grandes fortunes et les hommes d’affaires, souvent corrompus, l’« Etat profond » et notamment les policiers pour avoir la main mise sur le pays et garder le contrôle.
Les Frères musulmans égyptiens, qui ont participé aux mobilisations de janvier-février 2011, se sont comportés en force conservatrice d’opposition, cherchant à trouver des compromis avec l’ancien régime, que ce soit la direction de l’armée ou de la police.
MORSI : Les nouvelles élections législatives et présidentielles ont été remportées par le Parti de la liberté et de la justice, le bras politique des Frères musulmans. Le pouvoir n’est cependant resté que peu de temps entre leurs mains car d’importantes manifestations contre le président élu, Morsi, critiquant des dérives dictatoriales, et le retournement de l’armée contre celui-ci l’ont destitué en faveur d’un gouvernement transitoire un an seulement après son élection. L’Égypte connait depuis une période de troubles causée par l’instabilité et les tensions politiques, notamment entre les opposants à l’ex-président et ceux qui continuent à le soutenir et qui n’acceptent pas ce qu’ils voient comme un coup d’État illégal. Ces élections ont le même scénario : corruption + financement illégal que les précédentes. Cependant elles étaient très importantes aux yeux du peuple (renouvellement chambre haute du parlement (Choura), chambre basse (Assemblée du peuple)).
Essoufflement du système politique bloqué.
3 crises persistent : crise de gouvernance d’un appareil étatique déconnecté du pays, crise sociale, crise de succession du vide fait autour du régime en présence. Les régimes politiques ne tiendront pas face à la pression du peuple à part s’ils prennent à bras le corps ces 3 problématiques ou s’ils sont assez puissants pour se maintenir par eux mêmes.
5. Un régime opaque : Morsi
Il nomme un commandant des forces armées comme vice-président du conseil des forces suprêmes ; et on retrouve la présence de l’armée au pouvoir politique comme toujours afin de les contenter et d’avoir leur appui sans quoi il est impossible de diriger.
Il promulgue une déclaration constitutionnelle qui lui confère la possibilité de légiférer par décret et d’annuler des décisions de justice déjà en cours. Outre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, des commentateurs estiment qu’il détient ainsi le pouvoir judiciaire. Morsi est alors comparé par certains à Moubarak et des manifestations de plusieurs milliers de personnes ont lieu dans le pays, rassemblant en particulier des militants se définissant comme des « défenseurs du principe de laïcité ». Ils sont croyants mais les militants pensent que la religion doit être séparée du pouvoir politique, ce sont en quelque sorte des héritiers de la pensée nasserienne.
Morsi applique ensuite le programme des Frères musulmans, ce pour quoi il a été élu il faut quand même le rappeler mais le régime de Morsi est défini comme une véritable démonstration d’incompétence économique, de népotisme, d’autoritarisme. En veut pour preuve ce témoignage : « Morsi et les Frères musulmans ont échoué, affirme Ashraf al-Sherif, professeur de sciences politiques à l’université américaine du Caire. Ils n’ont réussi à introduire aucun changement et n’ont réalisé aucun des objectifs de la révolution. Ils reproduisent les politiques de l’ancien régime sous une forme nouvelle. »
Conclusion :
Pour résumer on peut voir à travers les éléments étudiés ici que l’autoritarisme n’est pas aboli. En effet on retrouve aujourd’hui une dictature militaire. On a un changement de tête mais pas de façon de penser, d’où une volonté de rédiger une nouvelle constitution et de trouver un nouveau porte-parole accepté par tous.
Cette étude portant sur des éléments d’actualité, nous pouvons légitimement nous demander ce qu’il va se passer dans un futur proche mais aussi à plus long terme. Dans ce cadre on peut se demander si l’Egypte n’a pas besoin d’un leadership fort pour avancer dans la modernisation et dans la création d’une stabilité pour le pays ? Si la révolution égyptienne a réellement permis de faire avancer les choses ou est-ce que la situation du pays et de ses habitants était plus favorable avant ? Que peut-on attendre de l’Egypte en tant qu’occidentale, va-t-elle basculer vers l’islamisme radical ou reprendre son rôle d’intermédiaire occidentale au Moyen-Orient ? Toutes ces questions ne peuvent trouver de réponses certaines et rapides, la seule chose que nous pouvons affirmer aujourd’hui est que le processus de rétablissement du pays, s’il se redresse, sera long et complexe.
Source :
Sites Internet
http://perspective.usherbrooke.ca/
http://www.diplomatie.gouv.fr/
http://www.monde-diplomatique.fr/
http://www.tresor.economie.gouv.fr/pays/egypte
Livres
2001-2012, Mondes émergents, Afrique du Nord-Moyen-Orient, révolutions civiques, bouleversements politiques, ruptures stratégiques, Frédéric Charillon et Alain Diekhoff
« L’Egypte au cœur du monde arabe ? » Pascal Meynadier : cartes issues du livre
« Révolutions égyptiennes » Tarek Osman