Article co-rédigé par Laurène Barrier et Léa Célant.
Introduction
Le 25 septembre 2014 à Toulouse, une exposition préparée par Federico Dessì et Francesco Fantini présentait en photo la vie des réfugiés syriens dans les camps en Jordanie et au Liban. En effet, depuis 2011, la guerre civile syrienne déstabilise le Moyen et le Proche-Orient.
Source : http://www.tstgroup.biz
Source : http://www.maxicours.com
Le Moyen et le Proche-Orient se composent de la Turquie, le Liban, la Syrie, Israël, la Jordanie, l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan, le Koweït, l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis, Oman et le Yémen. C’est une zone très instable politiquement et socialement, soumise à de fortes tensions, comme en témoignent les nombreuses guerres qui s’y sont succédé ces dernières années : Iran-Irak (1980-1988), la guerre du Golfe (1990-1991), en Afghanistan (2001), en Irak (2003)…
De plus, dès 2010, plusieurs pays voisins du Moyen-Orient, au Maghreb, ont connu une vague de contestation populaire contre les pouvoirs traditionnels en place, les « printemps arabes ».
C’est ainsi qu’en Syrie, en 2011, des manifestations se sont propagées à travers tout le pays pour contester le pouvoir du dirigeant en place, Bachar Al-Assad. Ces mouvements ont été réprimés, et le conflit est ainsi devenu une guerre civile selon le Croissant Rouge et la Croix Rouges. Par guerre civile, on entend un « conflit violent qui oppose entre eux des concitoyens ».
Toutefois, cette guerre civile ne s’est pas limitée à la Syrie. Elle a fortement impacté ses voisins, notamment le Liban et la Jordanie. Ces répercussions sont importantes, mais assez peu médiatisées, car les atrocités commises en Syrie, et l’expansion de l’État islamique concentrent l’attention des médias au détriment des réalités libanaises et jordaniennes.
Ces deux anciens mandats respectivement français et anglais ont un lien culturel significatif avec l’Occident. Le fort attachement et les nombreuses relations dans des domaines variés nous conduisent à nous intéresser à la situation actuelle de ces deux États.
Il convient de voir en quoi la guerre civile syrienne impacte-t-elle les États voisins que sont le Liban et la Jordanie ?
Ainsi, après avoir considéré les caractéristiques essentielles du Liban, de la Jordanie et de la Syrie, nous nous intéresserons aux causes de la guerre civile syrienne et à ses conséquences sur le Liban et la Jordanie. Enfin, nous aborderons les éventuelles solutions qui pourraient venir soulager ces derniers.
Sources :
Ouvrages :
P. Berthelot (coord.)(2013). Théories et pratiques des relations internationales au Moyen-Orient
Jean-Pierre Derriennic (Presses de Sciences Po, 2001). Les Guerres civiles
I. Liban, Jordanie, Syrie : des Etats dans la tourmente
- Le Liban
Généralités
C’est un petit pays (10 000km², équivalent de la Gironde) situé au Proche-Orient, dont la capitale est Beyrouth.
Le Liban, souvent appelé pays du Cèdre, est un pays « moderne », est un membre très impliqué de la Francophonie, considéré comme “occidentalisé”. On en parle souvent comme de la Suisse du monde arabe, tant au niveau économique que médiatique.
Son activité économique se concentre autour des services (75% du PIB), viennent ensuite l’industrie (20%) et l’agriculture (5%).
Qualité de vie
Le Liban a été qualifié d’ « ilot de développement au sein d’un monde arabe sous-développé », faisant ainsi figure d’exception parmi les pays du Proche et Moyen-Orient, comme en témoignent ces quelques chiffres :
Un salaire moyen quatre fois plus élevé que le celui de son voisin syrien
Un Indice de Développement Humain élevé : 0.791
Toutefois, comme beaucoup de pays occidentaux, le Liban fait face au chômage des jeunes et des femmes, à la précarité de certains secteurs (agriculture et industrie), et à la polarisation économique de la société (accentuée par les problèmes politiques du passé).
Sa population
Après une forte hausse ces 50 dernières années, la population libanaise atteint aujourd’hui 4,2 millions d’habitants.
Il y a une forte densité de population +390hab/km².
Le Liban est depuis toujours une « terre de refuge de minorités ethnico-religieuses », ce qui en fait une véritable “mosaïque de communautés”. Ainsi il compte 18 communautés confessionnelles au total, toutes reconnues officiellement et « disposant d’une reconnaissance juridique et relevant de fait d’un droit sui generis ».
Réalisé selon les informations de Elzein, Notteau et Dravet (2013). Géopolitique du Liban, se reportant aux informations du World Factbook de la CIA (2012).
carte issue de l’ouvrage : D. Elzein, M. Notteau, C. Dravet (2013). Géopolitique du Liban.
On voit aussi sur la carte, que les religions sont réparties un peu partout sur le territoire.
À noter que les réfugiés représentent un pourcentage non négligeable de la population libanaise (désormais plus d’un quart de la population), rappelant le passé et présent de « terre d’accueil de réfugiés » du pays. On compte notamment 12 camps de réfugiés comportant 400 000 Palestiniens et 50 000 Irakiens.
Rapide rappel historique
Selon les informations recueillies dans D. Elzein, M. Notteau, C. Dravet (2013). Géopolitique du Liban.
À l’instar de la Syrie, le Liban est placé sous mandat français, après en avoir fait la demande en janvier 1919 lors de la conférence de la Paix. Les Libanais sont considérés comme indépendants et les autorités françaises vont les aider à installer un « gouvernement autonome » dès 1920, jusqu’à arriver à la rédaction d’une Constitution, adoptée le 23 mai 1926. C’est la première qui possède une vision démocratique et surtout laïque dans le monde arabe.
À partir de 1936, la France va pousser le Liban et la Syrie sur le chemin de l’indépendance et le 13 novembre 1936, le traité franco-libanais est signé.
Le Liban est par la suite touché par une guerre civile : de 1975 à 1990, des affrontements régionaux (notamment avec la Syrie) et internes causeront des milliers de morts jusqu’à ce que les accords de Taëf (1989) soient signés et rétablissent une paix relative.
La Syrie et Le Liban signent par la suite, en 1991, un « accord de fraternité, de coopération et de coordination ». C’est pourquoi jusqu’en 2005, des troupes syriennes seront présentes au Liban. La Syrie a souvent considéré le Liban comme faisant partie de son territoire et n’a reconnu le Liban comme État en tant que tel qu’en 2009.
Le Liban s’applique à défendre les intérêts de la Palestine, ce qui lui vaut de nombreuses frictions avec l’Israël. Il est toujours formellement en guerre avec Israël et aucun cessez-le-feu permanent n’a été conclu entre les deux pays qui ont cependant cessé leurs hostilités.
Toutefois aujourd’hui, à l’instar de l’ancien premier ministre libanais, Fouad Siniora, qui disait que « les Libanais n’accepteraient plus que le Liban soit un champ de bataille pour le combat des autres » en 2006, le Liban est las de toujours subir les conséquences, sur son territoire, des guerres des autres.
L’unité libanaise
Le Liban a réussi le pari de faire cohabiter des communautés fondamentalement différentes, la paix interconfessionnelle étant indispensable au bon fonctionnement de ce régime. Tout d’abord grâce à l’arabité : la langue et la culture arabes unissent la population.
Ensuite, le Pacte National, conclu entre chrétiens et musulmans lors de l’indépendance en 1943, prévoit notamment :
– « la reconnaissance par les chrétiens de l’arabité du pays »
– L’acceptation par les musulmans des frontières fixées lors du mandat français (et donc de se défaire de l’emprise syrienne)
Enfin, la république parlementaire du Liban se base sur le confessionalisme. Ses « mécanismes constitutionnels » garantissent à toutes ses communautés une représentation politique :
– Le parlement se divise entre communautés
– Les hautes fonctions que l’Etat aussi : un président chrétien maronite, un premier ministre sunnite et un président de l’Assemblée Nationale chiite.
– Les emplois dans la fonction publique aussi
Chaque communauté « disposent de compétences propres […] judiciaires et juridictionnelles »
Source : ouvrage : D. Elzein, M. Notteau, C. Dravet (2013). Géopolitique du Liban.
Site : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/liban_418/presentation-du-liban_988/index.html
- La Jordanie
Source : http://www.1clic1planet.com/jordanie.htm, document issu de la Division Géographique de la Direction des Archives du Ministère des Affaires étrangères
Généralités
État situé au Moyen-Orient, la Jordanie est entourée par la Syrie, l’Arabie Saoudite, l’Irak et Israël. Ce pays compte environ 7 274 000 habitants, la grande majorité est de religion musulmane sunnite (92%), viennent ensuite les chrétiens (6% de la population), et ensuite les chiites et les druzes (environ 2%).
Sa capitale est Amman.
Graphique réalisé selon les informations de http://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Jordanie/126104
Histoire :
L’État jordanien tel qu’on le connait aujourd’hui est assez récent et nait suite à la chute de l’Empire ottoman. En effet, après la Première Guerre mondiale, la Jordanie, alors appelée Transjordanie, est soumise à un mandat britannique. Le territoire est érigé en émirat en 1923 par le Royaume-Uni. À sa tête, l’émir Abdullah bénéficie d’une indépendance toute relative.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1946, un nouvel accord anglotransjordanien est signé : c’est la naissance du Royaume Hachémite de Jordanie. Abdullah, descendant par le prophète Mahomet de l’ancienne tribu hedjazienne Banu Hachim, monte sur le trône.
En 1949, la Cisjordanie, territoire voisin, sera annexée suite à l’afflux de réfugiés palestiniens, puis en 1988.
L’histoire jordanienne est marquée par ses liens avec les réfugiés palestiniens. En effet, les réfugiés palestiniens avaient bénéficié d’une politique d’assimilation suite à la création de l’État d’Israël et pouvaient obtenir la nationalité jordanienne automatiquement, ce qui provoqua d’importantes arrivées de réfugiés.
Réalisé selon les informations recueillies dans http://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Jordanie/126104
Aspects politiques
La Jordanie est un régime monarchique, parlementaire et arabe, où l’islam est religion d’Etat comme l’indique la Constitution de 1952. L’égalité des citoyens et les principales libertés publiques y sont garanties. Le roi nomme le gouvernement, responsable devant une Chambre de députés élue au suffrage universel. Avec le Sénat, nommé par le roi, la chambre des députés vote la loi. Le pouvoir judiciaire est en principe indépendant. Malgré ces procédés démocratiques, certaines décisions sont prises uniquement par le Roi.
Régionalement, la Jordanie a un rôle ‘tampon’ au Proche-Orient, rôle d’apaisement et de préservation de la paix dans la région. C’est une région soumise à de nombreux flux de population et à de nombreuses tensions entre les différents États. Au niveau international, la Jordanie est très liée aux États-Unis, qui comptent sur elle pour assurer ce rôle et qui ont plusieurs bases militaires implantées sur le territoire.
La position de la Jordanie face à la crise syrienne est assez équivoque. Le Roi de Jordanie a demandé à Bachar al-Assad de quitter le pouvoir, mais il n’y a pas eu d’implication militaire jordanienne en Syrie. Cependant, on a pu constater l’accueil des services secrets américains assurant la coordination des puissances hostiles au régime syrien et également une assistance aux rebelles par ce biais, existence de camps formant des combattants pour l’opposition syrienne.
Elle a aussi un rôle réformateur, dans le sens où elle concilie islam et démocratie. Ainsi, elle favorise le dialogue entre les religions, comme cela a été souligné par le rapport de stratégie de l’Union européenne.
Ses velléités de modernisation et de modération sont malgré tout mises à mal par son environnement.
Sources :
Sites :
http://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Jordanie/126104
http://ifpo.hypotheses.org/5419
http://www.lesclesdumoyenorient.com/La-Jordanie-entre-perils.html
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/jordanie/presentation-de-la-jordanie/
- Syrie
Source : http://www.msf.fr/presse/communiques/syrie-deir-ezzor-dizaines-milliers-habitants-blesses-et-malades-prives-assistance (Médecins sans frontières)
Histoire
Réalisé selon les informations recueillies dans Z. Taha (octobre 2013). Syrie
La Syrie faisait autrefois partie du « Pays de Damas » qui regroupait Liban, Syrie, Jordanie et Palestine. C’est un peuple ancien, mais dont les frontières sont récentes. C’est un État nation formé au début du XXe seulement. De nombreuses civilisations y ont laissé leurs marques (Araméens, Babyloniens Byzantins…). Vers les IXe et Xème siècles, ce fut notamment une terre d’asile pour les groupes religieux hétérodoxes.
Le christianisme y fut présent avant l’islam. A ce titre, la liberté religieuse est garantie : les minorités ont l’indépendance des tribunaux pour leur statut personnel (chrétiens, druze…)
En 1916, les accords Sykes-Picot déterminent le partage du Moyen-Orient. La Syrie sera alors confiée à un mandat français en 1920. Les autorités françaises diviseront ensuite le territoire syrien en 4 états confessionnels : 2 états sunnites finalement regroupés en un en 1925, un état alaouite et un état druze. Ces deux derniers rejoindront l’État de Syrie en 1936.
L’indépendance de la Syrie sera reconnue en 1946.
Source : ouvrage : Z. Taha (octobre 2013). Syrie
II. La guerre civile syrienne
- Le contexte
La guerre civile syrienne
Elle nait en 2011 de la contestation de la légitimité du régime de Bachar Al-Assad,
Le régime d’al-Assad est d’ailleurs à l’origine de tensions intercommunautaires, tout particulièrement entre les sunnites qui représentent 82 % de la population et les alaouites qui n’en représentent que 10 %. Ainsi les alaouites constituent une minorité dominante dont le dirigeant Bachar-Al-Assad est issu.
Cela ne signifie pas que le régime soit uniquement centré sur les intérêts de la communauté alaouite ni qu’il soit bénéfique à la totalité de cette dernière. Al-Assad s’associe également avec des sunnites lorsqu’il est question d’affaires. La doctrine du Baath aux penchants socialistes et panarabiques est adoptée. C’est un mouvement laïque qui se concentre sur l’individu au-delà de son appartenance religieuse, et cherche à rassembler les pays de civilisation arabe, du Maroc jusqu’à l’Irak.
Source : ouvrage : Z. Taha (octobre 2013). Syrie
Site : http://irak.arte.tv/reperes/grandeur-et-decadence-du-parti-baas/
Le soulèvement : le printemps syrien
S’inspirant des révolutions arabes, des adolescents ont inscrit sur le mur de leur école : « le peuple veut la chute du régime ». Ils ont par la suite été torturés et séquestrés par les services de sécurité syriens. Cela a provoqué une révolte, largement diffusé sur les réseaux sociaux et a conduit à des manifestations contestatrices du régime. Les principales revendications concernaient l’atteinte à la dignité et aux libertés, mais la répression brutale entrainant une propagation de ces manifestations à plusieurs villes à travers le pays.
Par la suite, Al-Assad promulgue en 2012 une nouvelle constitution, perçue comme illégitime. Les bombardements continuent de la part des troupes de Bachar al-Assad, réprimant de nouveau les mouvements populaires. Le conflit a été qualifié de guerre civile en 2012 par la Croix Rouge et le Croissant Rouge suite à l’escalade des violences et de la brutalité, les civils étant les premières victimes.
Le régime Al-Assad tente de convaincre les populations que le maintien du régime permet la paix communautaire et empêche le développement de l’islamisme, alors que les premiers soulèvements n’impliquaient pas d’organisation islamique. Cependant, le soulèvement a créé une brèche dans laquelle d’autres communautés s’engagent, comme les Kurdes et les Frères Musulmans, comme l’illustre ce graphique. On voit que la Coalition Nationale Syrienne a une composition assez diversifiée.
Source : ouvrage : Z. Taha (octobre 2013). Syrie
Issu de Z. Taha (octobre 2013). Syrie
- Les conséquences sur le Liban et la Jordanie
Les réfugiés
Terre d’accueil depuis toujours, accueillant déjà des réfugiés palestiniens, le Liban et la Jordanie doivent aujourd’hui faire face à une arrivée massive de réfugiés syriens sur leur territoire. Au Liban cela représente déjà plus 1,14 million de personnes et plus 600 000 en Jordanie.
Proportionnellement à la taille du Liban, l’afflux de réfugiés a été tel qu’à titre de comparaison, si cela s’était passé en France, il aurait fallu accueillir l’équivalent de 8 fois la population parisienne en deux ans soit environ 16 millions de réfugiés. Au nord du pays, dans certains villages on dénombre plus de réfugiés syriens que de Libanais.
– La scolarisation : Au Liban, la moitié des réfugiés sont des enfants et leur nombre surpasse celui des enfants libanais scolarisés. Il en va de même en Jordanie où les écoles sont saturées.
– Subvenir aux besoins des réfugiés: le nombre de réfugiés est tel que les besoins essentiels des réfugiés (nourriture, eau, soins…) ne peuvent être satisfaits par aucun des pays. Toutefois la prise en charge de ces réfugiés varie subtilement entre le Liban et la Jordanie. Au Liban, les organismes des Nations unies (UNICEF, Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés…) sont en charge de l’accueil des réfugiés. L’État libanais, encore très marqué par la présence depuis plus d’un demi siècle de camps palestiniens sur son territoire, ne s’implique que légèrement et ne souhaite pas ouvrir lui-même des camps. En Jordanie, on voit que l’État est davantage impliqué, comme l’illustre la vidéo suivante (voir vidéo de l’ONU : http://www.un.org/content/fr/_vidout/video870.shtml). On voit donc qu’il existe une certaine coopération entre l’ONU et la Jordanie à ce niveau-là. Toutefois, les zones urbaines jordaniennes sont également très touchées, notamment les villes proches des frontières du Nord.
Source : Sites :
http://www.france24.com/fr/20140403-liban-refugies-syriens-crise-humanitaire-syrie-hcr-million/
http://www.nytimes.com/2014/03/18/opinion/jordans-urban-refugees.html?_r=2
Conséquences économiques
Les économies des deux pays ont beaucoup souffert depuis le début de la guerre civile syrienne. Étant limitrophes, les échanges entre les trois pays étaient importants.
Tout d’abord, le marché du travail a été touché par l’arrivée des Syriens prêts à travailler à moindre coût et à effectuer des tâches ingrates.
En Jordanie, l’arrivée des réfugiés cause une hausse du loyer, mais surtout une flambée des prix des produits de base. Dans la même idée, au Liban cela menace de faire passer 170 000 Libanais sous le seuil de pauvreté entre 2014 et 2015.
Le conflit syrien menace aussi grandement les activités économiques des deux pays : au Liban, dont la seule ouverture terrestre avec l’extérieur est la Syrie, en 2013, le conflit a causé une perte d’activité de 1.82 milliard d’euros, en freinant le tourisme, le commerce et les investissements.
Sources : Revue : – Emile Bitar Karim, “La Syrie, foyer de déstabilisation régionale ?”, Confluences Méditerranée, 2014/2 N°89, p. 67-79
Site : http://www.nytimes.com/2014/03/18/opinion/jordans-urban-refugees.html?_r=2
http://www.france24.com/fr/20140403-liban-refugies-syriens-crise-humanitaire-syrie-hcr-million/
Les problèmes aux frontières
En Jordanie, les frontières sont le théâtre d’intenses activités de contrebande : les forces armées jordaniennes interceptent régulièrement des cargaisons d’armes, d’explosifs, de drogue, de munition en direction de Syrie. Les contrôles sont d’autant plus difficiles que les réfugiés utilisent les mêmes points de passages. Cette activité est soit motivée par le profit, soit par la volonté de soutenir les rebelles syriens.
Ainsi ces flux contribuent à l’insécurité et au non-respect de la loi en Jordanie. La présence de grandes quantités d’armes pourrait en effet conduire à des violences civiles, entre Jordaniens et réfugiés.
Le Liban, quant à lui, est fréquemment victime de tir d’obus venant de la Syrie et l’armée syrienne viole régulièrement l’intégrité territoriale du Liban au niveau de la frontière Nord du pays.
Sources :
http://carnegieendowment.org/syriaincrisis/?fa=54509
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/liban_418/presentation-du-liban_988/index.html
ouvrage : D. Elzein, M. Notteau, C. Dravet (2013). Géopolitique du Liban.
Les tensions sociales
Tant au Liban qu’en Jordanie, la crise syrienne est à l’origine de tensions entre populations locales, réfugiés et acteurs de la guerre.
En effet, se développe en Jordanie une certaine xénophobie : les Jordaniens ont l’impression que le gouvernement prend soin des réfugiés syriens à leur détriment. Dans les villes où les réfugiés affluent massivement, ces tensions sont d’autant plus palpables : 88 % de la population de la ville de Mafraq se prononçait en 2012 en faveur de l’arrêt de l’accueil des réfugiés (étude du Center for Strategic Studies). Cela n’est pas sans rappeler les frictions entre Jordaniens et réfugiés palestiniens qui avaient conduit à une guerre civile en septembre 1970.
Dans le même esprit, il y avait eu au Liban, vers la fin des années 1970, de violents affrontements, car les camps qui accueillaient les 450 000 réfugiés palestiniens étaient rapidement devenus des sortes de quartiers généraux des organisations propalestiniennes, dont l’OLP. Ceux-ci avaient même été l’un des éléments déclencheurs de la guerre civile. C’est ainsi qu’après accueilli « généreusement » les réfugiés syriens, les Libanais craignent fortement que des événements similaires se produisent. On dit même qu’un « point de saturation a été atteint ». À ce titre, les autorités libanaises prennent des mesures drastiques : « expulsions », « couvre-feux »…
Sources :
Sites : http://carnegieendowment.org/syriaincrisis/?fa=54509
http://ifpo.hypotheses.org/5419
http://www.france24.com/fr/20140403-liban-refugies-syriens-crise-humanitaire-syrie-hcr-million/
Syrie : délocalisation des affrontements entre Hezbollah libanais et son opposition sunnite libanaise
Au Liban une opposition existe entre le Hezbollah et un camp sunnite, appelés « le camp du 14 mars » suite à des faits politiques passés, concernant la politique intérieure. La guerre civile syrienne n’a fait qu’exacerber cette opposition. En effet, d’un côté, le Hezbollah libanais soutient ouvertement Bachar al-Assad grâce à un apport militaire important ; tandis que le camp du 14 mars s’affiche du côté des rebelles en leur fournissant plus sobrement des ressources « logistiques et financières ».
Les attentats survenus dans les camps palestiniens au Liban durant l’été 2013 pourraient laisser penser que les affrontements libano-libanais relatifs au conflit syrien ont lieu sur le territoire national. En réalité, il s’avère que les affrontements entre les Libanais pro-Assad et les prorebelles se déroulent en Syrie.
Afin d’éviter de reproduire les erreurs du passé, le Liban se protège de possibles déstabilisations par la guerre syrienne en conjuguant trois éléments :
— Des mécanismes institutionnels, fondamentalement garants de la stabilité politique, comme le dispose la Constitution
— L’instauration de la politique de dissociation, qui a pour but de prévenir toutes implications et interventions du gouvernement libanais en Syrie
— La déclaration de Baabda du 11 juin 2012, qui concrétise la volonté de toutes les parties de préserver le Liban et son unité en évitant les conflits sur son territoire à ce sujet ; ainsi que le souhait de faire bloc avec l’armée libanaise face à ce conflit
Sources : ouvrage : D. Elzein, M. Notteau, C. Dravet (2013). Géopolitique du Liban.
Revue : Emile Bitar Karim, “La Syrie, foyer de déstabilisation régionale ?”, Confluences Méditerranée, 2014/2 N°89, p. 67-79
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/liban_418/presentation-du-liban_988/index.html
Déstabilisation interne de la Jordanie
La monarchie jordanienne, qui voyait déjà ses soutiens traditionnels diminuer, s’est retrouvée d’autant plus contestée avec la crise syrienne. Ainsi, le conflit syrien et l’arrivée des réfugiés ont poussé les autorités à réduire les aides publiques alors que le prix des ressources augmentait. Les protestations populaire ont alors laissé craindre une possible « contagion révolutionnaire ». Cependant, cette contestation de la monarchie a peu à peu été remise en cause par la situation critique en Syrie qui a effrayé les protestataires. Les Jordaniens préfèrent ainsi la stabilité apportée par la monarchie, ce qui n’empêche pas le roi de devoir tenter d’améliorer la situation et les conditions de vie.
La montée du salafisme inquiète également : des salafistes jordaniens combattent en Syrie aux côtés des djihadistes s’opposant à Al-Assad et on observe une montée de l’islam radical auprès de certains réfugiés syriens en Jordanie. Ces deux phénomènes préoccupent les Jordaniens et les autorités d’autant plus que la Jordanie a été traumatisée par les attentats d’Al-Qaïda à Amman en 2005. La gestion des relations avec ces extrémistes est un enjeu national majeur.
Sources :
Revue : Emile Bitar Karim, “La Syrie, foyer de déstabilisation régionale ?”, Confluences Méditerranée, 2014/2 N°89, p. 67-79
Sites :
http://www.nytimes.com/2014/03/18/opinion/jordans-urban-refugees.html?_r=2
http://www.lesclesdumoyenorient.com/La-Jordanie-entre-perils.html
http://carnegieendowment.org/syriaincrisis/?fa=54509
III. Quelles solutions pour l’avenir ?
- La résolution du conflit syrien
Étant donné que le conflit syrien constitue la base de tous ces problèmes, une résolution de cette guerre serait la solution ultime.
Bien sûr, cela semble utopique compte tenu de la situation actuelle et de la tournure désastreuse que prennent les évènements avec la présence de l’État islamique sur le territoire syrien.
Cette résolution ne peut être envisagée que comme une solution sur très long terme, et il faut en attendant trouver des solutions à plus court terme, afin d’assurer la survie des réfugiés et la stabilité de la région.
- Aide internationale
Tant la Jordanie que le Liban réclament des aides internationales. La Jordanie a récemment déposé une requête de 4.1 milliards de dollars afin d’améliorer les conditions de santé et d’éducation, et les autres services publics que réfugiés Syriens et Jordaniens partagent dans les zones urbaines.
L’ONU a d’ailleurs demandé à plusieurs reprises qu’une aide internationale soit mise en place afin de soulager ces deux pays qui sont submergés.
Cela permettrait une meilleure gestion des réfugiés, d’apaiser les tensions politiques et sociales dans le pays, et de minimiser l’impact du conflit sur leurs économies respectives.
Sources :
http://www.nytimes.com/2014/03/18/opinion/jordans-urban-refugees.html?_r=2
- Intégration des réfugiés
Cette intégration devrait s’effectuer au niveau local en permettant aux réfugiés syriens de s’impliquer légalement dans l’économie locale, afin qu’ils puissent obtenir plus facilement de permis de travail ou ouvrir des commerces employant des locaux.
Mais il est important que les Syriens puissent également participer aux projets relatifs aux réfugiés, afin de mieux cerner les besoins et ainsi permettre une meilleure appréhension de leurs particularismes.
Source : Site :
http://www.nytimes.com/2014/03/18/opinion/jordans-urban-refugees.html?_r=2
- Accueil des réfugiés sur d’autre territoires
Afin de soulager le Liban et la Jordanie, il serait bon d’ouvrir d’autres zones géographiques aux réfugiés : aux États-Unis ou en Europe. Quelques milliers de réfugiés ont déjà été accueillis par la Suède et l’Allemagne. Le ministre des Affaires étrangères allemand, Frank-Walter Steinmeier, a ainsi convié de nombreux ministres des Affaires étrangères et représentants d’organisations internationales telles que le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à la conférence sur les réfugiés organisée à Berlin, le 28 octobre.
Source : site : http://www.nytimes.com/2014/03/18/opinion/jordans-urban-refugees.html?_r=2
- Notre analyse
Le conflit syrien est loin d’une résolution. Il semble donc primordial de se pencher sur la question de l’accueil des réfugiés, le Liban et la Jordanie ne pouvant à eux seuls s’occuper de ce « fardeau ».
Il est fondamental que les réfugiés soient pris en charge, ce en vertu du droit international et particulièrement au nom de la Convention de Genève (1951) qui a posé les bases en matière de droit relatifs aux populations réfugiées. Ainsi, le « Non-Refoulement ne signifie pas seulement que personne ne peut être renvoyé dans un pays dans lequel sa vie ou sa liberté est menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou en raison de ses convictions politiques, mais aussi qu’une personne, qui exprime cette crainte, doit se voir accorder le droit d’entrée. Le principe du Non-Refoulement fait partie du droit international public coutumier et lie de cette manière l’ensemble des états. »
De plus, dans notre société mondialisée, les évènements à un point a de la planète ont des répercussions positives ou non sur un point B aussi éloigné soit-il. À ce titre, les situations libanaises et jordaniennes nous impactent également. Il est donc impensable de laisser ces deux États s’occuper seuls des réfugiés et gérer les tensions internes que cela a provoquées.
Enfin, Liban et Jordanie font office de piliers de stabilité dans cette région soumise à de nombreuses tensions. Il est donc indispensable de leur apporter de l’aide afin qu’ils restent unis et paisibles pour garantir leur stabilité. On ne peut laisser la crise d’un pays déstabiliser une région entière.
En conséquence, une intervention internationale devient, selon nous, indispensable et urgente.
Source : site : http://www.unhcr.ch/services/questions-reponses/convention-de-geneve-relative-au-statut-des-refugies.html?L=1
CONCLUSION
La Jordanie et le Liban font figure de forces économiques et politiques stables et fortes au Proche et Moyen-Orient.
Lorsque la guerre civile a éclaté en Syrie, ils n’ont pas été épargnés par le conflit. Des conséquences non négligeables, qu’elles soient économiques, politiques ou sociales, se sont manifestées sur leurs territoires. Ils ont fait face à des flux de réfugiés, des pertes d’activité, des intrusions sur leurs territoires, des actes illégaux et une remise en cause de l’équilibre politique…
Des appels à l’aide ont déjà été lancés par le Liban et la Jordanie, une intervention internationale efficace se fait donc attendre.
Cependant, cette aide ne peut se limiter au Liban et à la Jordanie, d’autres États tels que la Turquie et l’Irak accueillent également des réfugiés et les mêmes conséquences peuvent s’y faire sentir.
Source : revue : Emile Bitar Karim, “La Syrie, foyer de déstabilisation régionale ?”, Confluences Méditerranée, 2014/2 N°89, p. 67-79
Auteurs: Laurène Barrier et Léa Célant