Jim Lagrange
Master 1 IAE Lyon
Géopolitique et Interculturel
Fiche technique individuelle :
Les cycles d’innovation
Introduction :
On ne peut évoquer le terme de cycle d’innovation sans penser à Joseph Schumpeter. C’est un économiste autrichien ayant vécu entre le XIXème et XXème siècle, et il est connu pour ses théories sur les fluctuations économiques, la destruction créatrice et l’innovation. Il est donc l’un des premiers théoriciens à avoir évoquer cette notion de cycle d’innovation.
Un cycle se définit comme une suite de phénomènes se renouvelant dans un ordre immuable (comme par exemple le cycle des saisons). Quant à elle, l’innovation est décrite comme l’ensemble du processus qui se déroule depuis la naissance d’une idée jusqu’à sa matérialisation (comme par exemple le lancement d’un produit). Donc finalement, parler de cycle d’innovation revient à dire que les innovations se manifestent de manière cyclique. C’est notamment ce que Schumpeter a pu définir au travers du concept de grappe d’innovations. Mais actuellement on a tendance à observer que ce concept de cycle d’innovation s’efface et évolue avec notre époque et l’avènement d’internet.
Pour décrire les différents aspects des cycles d’innovation, et mieux comprendre leur évolution, nous allons donc poser la problématique suivante :
En quoi consiste la théorie des cycles de l’innovation ?
Dans un premier temps nous allons étudier les origines des cycles d’innovation, avant de nous intéresser dans un second temps à l’actualité de cette théorie et ses limites.
I – Les origines
1) Théorie
Schumpeter voit le système capitaliste comme un système dynamique dont l’évolution est cyclique. Non seulement le capitalisme « n’est jamais stationnaire, mais il ne pourrait jamais le devenir ». Il évolue sans cesse mais cette évolution est heurtée : aux phases de prospérité succèdent les phases de récession. Dès lors que l’amplitude et la périodicité de ces phases paraissent plus ou moins régulières, il devient possible de les interpréter comme des cycles. Schumpeter voit que la durée moyenne de ces cycles est de 50 ans. Cela correspond à la théorie des cycles de Kondratieff (du nom d’un statisticien russe), selon lequel les sociétés capitalistes connaissent des cycles qui s’étendent sur environ un demi-siècle. Le cycle long est la manifestation de changements structurels. On peut décomposer un cycle en quatre phases : expansion, récession, dépression et reprise. Schumpeter explique ces cycles par l’innovation.
2) Grappes d’innovation
Pour rendre compte du caractère irrégulier de la croissance, il faut supposer que les innovations ne se répartissent pas uniformément dans le temps mais apparaissent de façon discontinue, « en grappes » (ensemble d’innovations interdépendantes). Schumpeter a précisément évoqué le terme de grappes d’innovation. Ces grappes d’innovation alimentent la dynamique et l’essor du capitalisme. En effet, lorsque les innovations se développent l’économie connaît une phase d’expansion. A l’inverse, lorsque les effets de l’innovation s’épuisent, l’économie traverse une phase de croissance faible, de stagnation voire de récession (cela correspond aux 4 phases du cycle vu précédemment).
La phase d’expansion est générée par l’innovation. Les entreprises innovatrices exploitent l’innovation et grâce au crédit bancaire génèrent l’expansion de l’investissement, la création de nouveaux biens, la création d’emplois, la hausse du pouvoir d’achat. Ainsi, les profits élevés font venir sur le marché des imitateurs qui investissent et embauchent à leur tour. C’est ce que Schumpeter appel l’entrepreneur innovant, suivi des entrepreneurs suiveurs.
La phase de récession survient quand il y a surinvestissement. L’offre va devenir abondante, les prix et les profits vont chuter. Avec la surchauffe, un certain nombre d’entrepreneurs ne pourront plus assurer le remboursement de leurs emprunts. Irrémédiablement, cela entraînera des faillites avec des conséquences sur l’emploi. Il faudra alors assainir l’économie et attendre une nouvelle vague d’innovations pour réamorcer la croissance et la phase de reprise.
3) destruction créatrice
Ces différentes phases s’accompagnent ainsi d’une transformation des industries et de la structure de l’économie. Les innovations bouleversent les conditions sociales et économiques de la production selon un processus de destruction et construction. En effet, les innovations ont un aspect destructeur. Elles sont responsables de la nature cyclique de la croissance au sein des sociétés capitalistiques. Certaines activités deviennent obsolètes : chaque vague d’innovations détruit des branches entières, obligeant des entreprises à se reconvertir ou à fermer leurs portes. Cela entraîne notamment des destructions d’emplois et du chômage technologique. Cela peut faire connaitre de grands bouleversements à nos sociétés : par exemple les progrès dans l’agriculture ont provoqué l’exode rural et l’urbanisation massive.
Mais les innovations ont aussi un aspect constructif. Elles donnent naissance à de nouvelles branches d’activités, donc de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois ; les modes de vie changent également.
Il existe donc un processus appelé destruction créatrice par Schumpeter. La croissance n’est pas régulière et harmonieuse: les innovations détruisent les anciennes structures et en créent de nouvelles.
II – Actualité et limites
1) Actualités
Un article de 2005 s’attache à déterminer l’influence des technologies de l’information et de la communication (TIC), dans les cycles d’innovation. Les cycles d’innovation tendent visiblement à se raccourcir, le rythme s’accélère ou peut-être, plus précisément, le paysage de l’innovation se caractérise par un nombre de plus en plus grand de petites ruptures qui sont plus localisées.
Pour Daniel Kaplan, qui parle dans cet article, l’internet a presque immédiatement été créé comme une plate-forme d’innovation conçue de manière à pouvoir accueillir des applications et usages nombreux. Je cite « l’internet se présente comme une “pure” infrastructure, neutre vis-à-vis de ses usages, et la multiplication de ces usages fait partie de la vision d’origine ». Internet est donc bien créé à l’origine pour permettre des usages multiples et variés, et ainsi laisser place à de multiples innovations. Le rythme d’innovation dans le domaine des services et des applications est vraiment très rapide. Chaque rupture est suivie très rapidement d’une vague d’innovations incrémentales (il s’agit généralement d’une petite amélioration technique ou organisationnelle, voire d’une adaptation du modèle économique).
Les utilisateurs disposent d’outils de production aussi puissants que les professionnels et la communication et l’échange restent les moteurs du développement des réseaux. De ce fait, toute innovation se trouve immédiatement échangée, discutée, commentée et enrichi. Le résultat de toute cette activité sur internet est un raccourcissement de la boucle idée-produit-retour du marché.
Pour finir, les cycles de l’innovation sont donc remis en cause, les temps ne sont plus incompressibles, les cycles sont plus courts avec l’évolution actuelle des TIC.
2) Limites
Un article des Echos datant de 2014 apporte un point de vue sur les limites des cycles d’innovation.
Dans un premier temps on nous rappelle qu’il est important d’innover, car cela permet de s’adapter.
Prenons l’exemple de Logitech qui pense que son avenir repose sur l’amélioration de la conception. “Le PDG d’une entreprise doit devenir designer”, confie Bracken Darrell dans l’article. Pour cela, Logitech embauche des concepteurs qui vont transformer les produits et les cycles de production. Au final on arrive dans une ère ou on améliore des produits et des procédés plutôt que de créer des produits vraiment innovants.
C’est pour cela que les capacités d’innovation dans le contexte actuel sont remises en question.
En effet, l’évolution des entreprises consiste à passer de la créativité à la gestion, de l’innovation au contrôle. La majorité créatrice est remplacée par une minorité dominante. Plutôt que de créer, on mesure, on contrôle… Tout le problème des entreprises consiste donc à être capable de renouveler leur capacité créatrice. Cela peut nous faire penser que l’on va vers une mort des entreprises. Pour autant, ceci n’est pas inéluctable. “Il n’y a rien dans l’ADN des entreprises qui dit qu’elles vont mourir. Aucune chute n’est irréversible. Le leadership et le management peuvent rétablir les capacités créatives”. Trop souvent aujourd’hui, les réponses des entreprises sont inadaptées. Elles lancent de grands projets ou des produits qui se veulent révolutionnaire. Mais cela ne fonctionne pas toujours. Le problème consiste plutôt à passer de la créativité individuelle à la créativité collective. Il faut permettre aux employés d’être plus impliqués dans les projets. C’est pourquoi la question du leadership est centrale aujourd’hui.
Conclusion
Pour conclure, nous avons pu réaliser un tour d’horizon des origines de cette grande notion des cycles d’innovation en étudiant Schumpeter et sa théorie et ses concepts comme les grappes d’innovations, et la destruction créatrice.
Par la suite, nous nous sommes intéressés à l’actualité et aux limites de cette notion, à travers deux articles de presse. Le premier visait à nous faire comprendre le rôle des TIC, et notamment Internet, dans le processus d’accélération des cycles d’innovation. Le second quant à lui, nous évoquait les limites de ces cycles d’innovation. En effet, nous sommes plutôt dans une ère qui vise à améliorer les produits et les processus plutôt qu’à créer de vrais innovation de rupture. Nous avons également pris conscience de la question du leadership qui est centrale dans les innovations pour laisser place à de la création collective. On peut faire le parallèle avec l’avènement d’Internet qui permet lui de laisser place à de la création collective et l’on peut donc se poser la question suivante :
Ne faudrait-il pas se diriger vers un modèle de coopération entre les entreprises et le grand public, via intenet, afin d’être plus créatif et de relancer les cycles d’innovation ?
Annexe :
Mots-clefs :
- Schumpeter
- Cycle
- Innovation
- Destruction créatrice
- Création
Citation :
La citation ci-dessous peut faire le parallèle à notre conclusion et à l’importance du mode de leadership et de son influence sur la créativité des salariés au sein de l’entreprise.
« “Dégagez le passage. Laissez faire vos employés. Ils en savent plus que vous. Ils sont aujourd’hui suréduqués. Surconnectés. Surcréatifs. Plus au contact des clients que vous. Je suis chaque fois effaré par le nombre d’idées intelligentes que n’importe quel employé de votre entreprise peut avoir en dix minutes de discussion, et par leur degré de lucidité sur la situation de celle-ci. Alors, laissez-les parler. Vous souhaitez vraiment interdire quelque chose ? Vous y tenez ? Alors, interdisez le silence (…). Et dégagez vos stratèges en culotte courte et cravate, ils sont inutiles : des stratèges, des vrais, vous en avez des milliers et ils travaillent déjà pour vous. Ils sont même plus attachés à votre entreprise que vous, qui souvent n’êtes que de passage. Laissez-les s’organiser. A qui allez-vous faire croire qu’ils ne peuvent pas se contrôler, si vraiment on veut du contrôle, en plus de dix minutes par jour ? A-t-on idée du gaspillage que représentent ces 30% consacré au contrôle ? Là encore, dégagez !” »
Issue du blog de Philippe Silberzahn, spécialiste en stratégie, entreprenariat et innovation
Webographie :
- www.larousse.fr
- fr.wikipédia.org
- stephane-viron.blogspot.fr
- sesperso.voila.net
- www.dolimpio.com
- fabrice.rochelandet.free.fr
- blogs.lesechos.fr
- www.e-marketing.fr
Pour aller plus loin dans la réflexion :
- Voici le lien de l’article d’interne actu utilisé pour évoquer le rôle des TIC dans les cycles d’innovation :
http://www.internetactu.net/2005/06/16/innovation-et-internet-cycles-et-rythmes-de-linnovation/
- Voici le lien de l’article des Echos utilisé pour évoquer les limites des cycles d’innovation :
http://blogs.lesechos.fr/internetactu-net/les-cycles-d-innovation-en-question-a14236.html
Jim Lagrange