L’ouverture des mines du groenland

 

L’Ouverture des mines du Groenland

 

Le monde est en pleine mutation, d’un point de vue démographique, économique mais également géographique. En effet, les changements climatiques actuels, à commencer par le réchauffement de la planète ouvrent de nouvelles perspectives en matière de prospection énergétique. Ainsi, le Groenland, avec la fonte de sa calotte glaciaire a récemment pris conscience que son sous sol abritait des ressources considérables. Selon l’Institut de recherche géologique du Groenland, il y aurait 600 000 tonnes d’uranium dans le sous-sol de l’île, alors que la production mondiale annuelle est actuellement de l’ordre de 40 000 tonnes[1]. Le 24 octobre 2013, le parlement groenlandais a donc donné son aval pour l’exploitation du minerai de fer et à terme de l’uranium du sous sol.

Sans occulter la dimension écologique de cette décision, ce vote renvoi surtout à la notion d’indépendance et de souveraineté de ce pays de 57 000 âmes.

Il est donc intéressant d’analyser comment un petit état peut espérer se faire une place dans le bal des grandes nations et surtout comment celles-ci vont réagir. En effet, au delà du fer et de l’uranium, le Groenland abrite des réserves considérables de terres rares[2], métaux hautement stratégiques.

Nous tenterons donc de répondre à la problématique suivante : Groenland futur leader énergétique ou terrain de chasse des grandes puissances ?

Pour se faire, nous commencerons par présenter le Groenland et la possibilité de son émancipation puis, nous étendrons notre sujet à  la géopolitique des terres rares.

 

 

 

I)                   Le Groenland

A)    Présentation

Le Groenland est une ancienne colonie danoise. Il s’agit d’une ile située dans l’océan atlantique, au Nord-est de l’Amérique du Nord. Sa capitale est Nuuk. Le pays a une population de 57 000 habitants.[3]

En 2009, le Groenland a accédé à une autonomie renforcée. Cela signifie que l’Etat est désormais quasi-autonome mais le Danemark conserve le contrôle de la monnaie, la défense et la politique étrangère.

De plus, l’unique ressource du Groenland est la pèche, qui représente 95% de ses exportations. Mais, la balance commerciale restant largement déficitaire du fait de la nécessité d’importer la majorité des matières premières, le Danemark continue de verser une subvention d’environ 450 millions d’euros. Ainsi, pour se défaire de la tutelle danoise, le parlement groenlandais a accordé, jeudi 24 octobre, sa première grande concession minière à une compagnie britannique et adopté une loi permettant l’exploitation de l’uranium, jusque-là interdite. Le gouvernement a, dans un premier temps, signé un permis d’exploitation pour trente ans d’un gisement de minerai de fer à 150 km au nord-est de la capitale Nuuk, qui devrait produire 15 millions de tonnes par an[4]. Dans un proche avenir, des mines d’uranium seront ouvertes et parallèlement des exploitations de terres rares.

 

B)    Vers une émancipation ?

Grâce à cette exploitation, le Groenland souhaite gagner réellement son indépendance vis-à-vis du Danemark. En effet, bien que ce dernier lui ait accordé une autonomie renforcée en 2009, il continue de lui verser des subventions chaque année. Le fait d’exploiter les richesses de son sous sol pourrait lui permettre de mettre un terme à la nécessité de ces subventions. De plus, il pourrait s’émanciper de son ancienne colonie et devenir maître de son destin en étant responsable de sa monnaie et de sa défense.

La population groenlandaise a un mode de vie occidentalisé mais son niveau de vie est peu élevé. En effet, ses seules ressources étant la pèche et un faible tourisme, son économie ne peut prospérer. De plus, la pèche est de plus en plus menacée avec la raréfaction du poisson. L’ouverture des ces mines lui assurerait une manne financière considérable, ce qui permettrait de mettre en place de meilleures infrastructures.

Cependant, cela est ancré dans une vision à court terme. En effet, l’ouverture des mines est également synonyme de remise en cause du mode de vie actuel. Les populations Inuits sont habituées à la pèche traditionnelle. Les exploitations minières, notamment des substances radioactives, conduiraient inexorablement à une dégradation écologique. Ce choix d’ouverture s’avère donc propice aux générations actuelles mais entraînera probablement une disparition des caractéristiques du Groenland.

De part cette ouverture, le Groenland peut donc espérer une certaine indépendance économique vis-à-vis du Danemark. Mais, l’importance stratégique de sons sous sol ne risque-t-elle pas d’attirer des convoitises ?

II)                La géopolitique des terres rares

 

Pour le moment, le Groenland a donné son aval pour l’exploitation du fer et de l’uranium mais ce n’est qu’un premier pas avant l’exploitation d’autres minerais tels que les terres rares. Il s’agit d’un groupe de 17 minerais[5] indispensables en matière de haute technologie et notamment d’armement. Ainsi, ils ont un fort impact géostratégique. Dans cette partie, nous allons voir quelle est la situation actuelle et quel impact aura l’ouverture des mines du Groenland.

A)    La fin du monopole chinois ?

Les terres rares sont appelées ainsi en raison de leur faible concentration dans les sous sol. De plus, leur extraction est coûteuse et très polluante. Ainsi en 2002, les Etats-Unis ont fermé leur mine de Moutain Pass, Californie, ce qui fait de la Chine le premier producteur de terres rares avec 95% du marché. Cependant, la Chine ne détient que 48% des réserves de terres rares[6]. D’autre pays tels que l’Australie ou le Kazakhstan se positionnent actuellement sur ce marché mais pour le moment l’empire du milieu reste omniprésent.

Cela provoque des tensions car la Chine profite de ce statut de monopole pour étendre son influence. La demande mondiale de terres rares est estimée à 134.000 tonnes par an avec une production globale qui avoisine les 124.000 tonnes. La demande étant supérieur à l’offre, la Chine peut se permettre de négocier les prix à la hausse et même de se servir de ce monopole comme levier dans le cadre de sa diplomatie. Un conflit avec le Japon a entraîné un embargo temporaire ce qui a conduit à une hausse du prix des produits de hautes technologies sur les marchés occidentaux.

L’ouverture des mines du Groenland pourrait donc réduire cette hégémonie. En effet, les réserves présentes dans l’Inlandsis, région glacée du Groenland mais désormais accessible en été, font parties des plus importantes de la planète.

Il existe également d’autres alternatives, notamment off shore. Ainsi, des géologues ont annoncé le 29 juin 2012 avoir découvert au large du Japon un important gisement sous-marin de terres rares susceptible « d’assurer les besoins de l’industrie nippone pendant 227 ans ».

Mais ces réserves sous marines sont généralement situées à plus de 5000 mètres sous le niveau de la mer ce qui rend leur extraction très difficile et coûteuse.

B)    La lutte des grands

Le Groenland, avec l’ouverture de ses mines souhaite être indépendant. Mais, face à l’importance stratégique des réserves à extraire, nul doute que les grandes nations ne lui laissent beaucoup de liberté.

Tout d’abord, le Groenland est novice en matière de forage et d’extraction minière. Pour assurer la production, il devra donc la confier à des multinationales. Cette constatation est confirmée par le choix de la société London Mining pour l’extraction du fer et de l’uranium. Cette organisation à dominance britannique est soutenue en grande partie par des aciéristes chinois. Preuve s’il en fallait que la Chine ne souhaite pas laisser s’échapper facilement son monopole. De plus, l’entreprise ne cache pas sa volonté de réduire les coûts. Ainsi, la majorité des ouvriers devraient être chinois, London Mining ayant indiqué en 2010 que “l’implication de groupes chinois devrait selon les prévisions permettre des économies de coût importantes”. La compagnie table sur 810 emplois au plus fort de l’exploitation de la mine, dont elle estime que 55 % pourraient être occupés par des Groenlandais[7]. Cela démontre bien le fait que le Groenland n’est pas maître de ses richesses.

D’autre compagnie comme British Petroleum ou Exxon Mobil, se placent également dans la course à l’extraction. Ainsi, le Canada, les Etats-Unis ou encore l’Australie ont bien l’intention de prendre la mesure de cet enjeu géostratégique. Chacun tentant de mettre le petit état nordique sous sa coupe afin de réduire sa dépendance au géant chinois.

 

 

En conclusion, on peut donc dire que le Groenland sacrifie ses richesses écologiques et ses traditions culturelles sur l’autel du capitalisme et de la soif d’indépendance. Mais, face aux grandes puissances économiques, ses rêves de souveraineté seront probablement bafoués. On peut également noté que, dans cette course à l’Eldorado énergétique les nations européennes sont particulièrement effacées. Cela est fort regrettable pour deux raisons. Tout d’abord le fait que nous ne disposons pas de ces ressources sur nos territoires et donc il pourrait être intéressant d’utiliser les liens existant avec le Groenland pour en faire un allié économique.

Ensuite, car l’Europe souhaite montrer l’exemple en matière d’écologie. C’est pour cette raison qu’elle ne souhaite pas participer à l’extraction des minerais. Or, cela ne l’empêche pas d’en acheter à des pays peu soucieux de l’écologie. Ne serait-il pas plus judicieux de se positionner sur ce terrain afin d’extraire ces matériaux en respectant l’environnement et les populations locales ?

 

 

Bibliographie :

 

  • Minerais et industries de défense, une dépendance à clarifier

Par Christophe-Alexandre PAILLARD, le 17 août 2012

 

 

 

 


[1] Minerais et industries de défense, une dépendance à clarifier Par Christophe-Alexandre PAILLARD, le 17 août 2012

[2] http://ecologie.blog.lemonde.fr/2012/08/01/leurope-convoite-les-terres-rares-et-diamants-du-groenland/

[3] Groenland, vers une indépendance géostratégique ?

Viviane du Castel   Enseignant-chercheur, ISERAM, ISMEA 2012/1

[4] http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/10/25/20002-20131025ARTFIG00487-groenland-feu-vert-a-l-exploitation-d-uranium.php

[5] ] Pour rappel, les 17 terres rares sont le scandium, l’yttrium, le lanthane, le cérium, le praséodyme, le néodyme, le prométhium, le samarium, l’europium, le gadolinium, le terbium, le dysprosium, l’holmium, l’erbium, le thulium, l’ytterbium et le lutétium. On retrouve un bref descriptif de ces minerais sur le site suivant : institut-seltene-erden.org/fr/seltene-erden-und-metalle/die-elemente-der-seltenen-erden/

 

[6] Source Figaro magazine 5 novembre 2011

[7] http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/10/25/le-groenland-ouvre-l-exploitation-de-ses-mines-de-fer-et-d-uranium_3502686_3214.html

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