Relations sino-africaines
“China will forever be a friend, a partner, and a brother to Africa”
Hu Jintao
D’un côté, la Chine perçue comme la nouvelle superpuissance mondiale. De l’autres, l’Afrique, embourbée dans le sous-développement et les guerres ethniques. Depuis les années 90, leur relation s’intensifie pourtant : échanges commerciaux et investissements se multiplient. En effet, la Chine soutient un taux de croissance de 7.9% en 2012 et supérieur à 9% depuis son intégration à l’OMC en 2002. Sa politique étrangère est aujourd’hui conditionnée par son besoin sans précèdent de ressources. La Chine porte une attention particulière aux pays riches en ressources tels que l’Amérique Latine, l’Afrique et le Moyen-Orient. Ses intérêts envers l’Afrique ne sont néanmoins pas limités à l’énergie, mais concerne aussi sa volonté d’être classée comme une superpuissance. L’empire du milieu tire avantage de l’influence en baisse de l’Occident pour s’implanter. Bien que sa présence soit encore relativement nouvelle et faible, elle est en constance augmentation. Quels sont les objectifs de la Chine envers l’Afrique ?
II. La chine, des besoins croissants en nouvelles ressources
Afin de soutenir son développement, la Chine doit consommer d’importante quantité de matières premières d’où l’émergence d’un nouveau besoin pour lequel elle ne peut s’autosuffire.
a. Le besoin en pétrole
La Chine est désormais l’importateur le plus important de pétrole avec 6.3 millions de barils par jour. Sa production est loin de suffire! Le pays applique donc une stratégie agressive afin d’assurer ses approvisionnements. Les pays du moyen orient, dont elle dépend majoritairement, sont dominés par les USA. Afin de se diversifier elle se tourne donc vers l’Afrique qui possède 9.5% des réserves mondiales . La stratégie chinoise peut se résumer ainsi :
² Se différencier des offres occidentales. Cela se traduit par des investissements dans les pays producteurs afin de répondre à leur besoin d’infrastructures et commerciaux. ainsi que par une politique de non-ingérence.
² Se concentrer dans les pays producteurs dont les réserves exploitables vont probablement s’accroître et avec lesquels la Chine peut parvenir à une collaboration.
La Chine a besoin du pétrole et l’Afrique a besoin d’investissements afin de se développer. Elle applique donc la « stratégie du chéquier ».
Elle doit également sécuriser ses approvisionnements. Pour cela, elle a développé « la stratégie du collier de perles » .
Ainsi, la Chine importe d’Angola, du Nigeria et du Soudan, où elle doit concurrencer les USA. Elle reste néanmoins minoritaire comparée aux pays occidentaux et achète au prix du marché davantage qu’elle ne produit.
b. Le besoin de matières premières
De la même manière que le pétrole, les besoins de la Chine en matières premières ont explosé . Beaucoup de pays africains souhaitent répondre à la demande chinoise. Ainsi le Zimbabwe possède le platine, la Guinée la bauxite, la Zambie le cuivre, la Gabon fournit du bois. Il est à noter que si la possession de ressources profite à l’Afrique qui possède l’extraction des matières, leur transformation est chinoise.
III. L’Afrique: un nouveau marché
En plus de ses ressources, l’Afrique représente un marché potentiel de 900 millions de consommateurs pour les produits bas de gamme chinois, notamment les équipements électroniques (41% en 2004), et textiles (18%). Grace à une main d’œuvre 20-30% moins chère, ses factures un tiers inférieure aux occidentales et la possibilité de payer en matière première, la Chine a investi le secteur de la construction et de l’ingénierie civile africaine.
La Chine est aujourd’hui le second partenaire commercial de l’Afrique.
Le gouvernement propose également divers service afin de promouvoir le commerce en Afrique (traités bilatéraux, centres de promotion d’investissement,…). Son implication financière dans certains projets stratégiques a pour objectif la maîtrise de la logistique complète des ressources.
Dans les années 90, l’Afrique était une terre d’accueil pour les paysans chinois ne trouvant plus de travail dans la nouvelle économie. Cette diaspora est désormais au service des entreprises chinoises en tant qu’ouvrier ou petit commerçant. La New China Agency estime à 750 000 cette population.
IV.Un amplificateur de pouvoir diplomatique
Le succès de la Chine en Afrique renforce la nouvelle influence chinoise sur la scène mondiale.
a. Un allié à l’ONU
Les pays africains représentent plus d’un quart des sièges de l’ONU. Rappelons que c’est grâce aux votes africains que la Chine réussit à obtenir la place de Taiwan en 1971. Elle utilise ce pouvoir pour supporter sa position sur des conflits territoriaux tels que la délimitation des frontières dans la mer de Chine contre le Japon.
b. Le développement de la culture chinoise
En parallèle de son développement culturel via la diaspora chinoise et les échanges commerciaux, le gouvernement a aidé au développement du système éducatif : Echange universitaires, bourses aux étudiants africains (2400 en 2009), enseignement du chinois, envoi de professeurs volontaires, implémentation d’Instituts Confucius…
Cette approche reste différente du modelé colonial européen car elle ne cherche pas à « civiliser ». Les deux cultures coexistent mais ne se mélangent pas
c. Vers le statut de superpuissance…
Selon Adan Segal, chercheur au Council of Foreign Relations, « La Chine se sent concernée à propos de sa réputation (…). Elle veut rassurer le reste du monde sur la nature pacifique et responsable de sa croissance. » Ainsi, en 2007 elle envoya 3000 casques bleus au Soudan via l’ONU. Ce chiffre reste relativement bas (Bangladesh a environ 9200 casques bleus dans le monde).
Cela permet également de prouver que la Chine peut réussir à développer l’Afrique, alors même que les pays occidentaux y ont échoués.
V. Les facteurs clés de succès
Le parti communiste chinois applique le principe de la diplomatie au service de l’économie.
a. Le sommet Chine-Afrique
En 2000, la Chine organisa le premier Forum de la coopération Chine-Afrique (FOCAC) qui aboutit à l’annulation de 1,2 milliards de dollars de dettes, à la déclaration de Pékin et le programme de la coopération Chine-Afrique. En 2006 eu lieu le premier sommet Chine-Afrique qui réunit 41 chefs d’états. Les principales mesures furent un doublement des aides jusqu’en 2009, un fond de 5 milliards de développement, 3 milliards de prêt préférentiel et la création d’écoles et hôpitaux.
b. Le droit de non-ingérence
La Chine a persuadé les pays d’Afrique en s’abstenant d’interférer dans leurs affaires internes, contrairement aux pays occidentaux. Elle ne requiert aucune condition politique si ce n’est la non-reconnaissance de Taiwan. Il est arrivé néanmoins qu’elle rompt ce principe : en 2006, elle menaça de stopper l’aide lorsque Michael Sata, en Zambie, menaçait la Chine dans sa campagne . Il revint sur sa décision en 2008.
VI.Une présence controversée
La communauté internationale suit de près la politique chinoise en Afrique, en particulier les pays européens qui considèrent ses anciennes colonies encore comme son territoire d’influence. Critiques et suspicions se font entendre.
a. Échange équitables?
Sur les cinquante-trois pays africains, quarante sont déficitaires, les autres sont les producteurs de pétrole. De plus, leur interdépendance est inégale. En effet, en 2009 les exportations en Chine étaient équivalentes à 35% des exportations africaines, alors que les importations africaines atteignent seulement 2.4% des importations chinoises. L’impact reste positif pour le continent en termes de développement économique et de transfert de technologie. Ainsi, le Soudan est passé du statut d’importateur de pétrole, à exportateur avec un système complet de production, raffinage et exportation.
L’industrie du textile a été négativement impactée depuis la levée des quotas américains sur les exportations chinois en 2005. Les exportations ont tant diminué que depuis lors, 85000 emplois ont disparus dans le secteur. Paradoxalement, le Chine investit dans l’industrie du textile africaine depuis que les Etats-Unis ont signé en 2003 l’AGORA (African Growth and Opportunity Act).
L’Afrique permet à la Chine d’accéder aux marchés américains et Européen.
b. Une aide à double tranchant
L’aide chinoise est à double tranchant pour l’Afrique qui devrait payer davantage attention à son intérêt long-terme.
L’Afrique possède des ressources, mais cela peut la maintenir dans son sous-développement si elle se limite à l’extraction. En effet, cette activité ne crée que peu d’emplois, peut rendre dépendant (dans le cas présent, la Chine), et ne bénéficie qu’a une minorité. La croissance est donc artificielle, sans transfert de richesse à la population. Cette spécialisation n’a que peu de valeur ajoutée et détourne les pays de l’agriculture et de l’industrialisation. Pour simplifier : la Chine importe le bois d’Afrique, le transforme, puis l’exporte le bien, plus cher, en Afrique!
Dans les années 90, les pays occidentaux avaient lancé des initiatives ayant pour objectifs d’assainir la dette des pays africains les plus pauvres. Cela était un succès : la dette diminua de 80% du PIB en 1995 à 35% en 2006. Les prêts à taux d’intérêts bas, voire nuls, de la Chine risquent d’entraîner le re-endettement de l’Afrique. Prenons le cas de l’Angola : Alors que l’FMI négociait le remboursement de sa dette, Beijing accorda un nouveau prêt à Luanda. De 2003 à 2009, le pays reçu $10 milliards de la Chine, contre $9.5 milliards de la part des instituts internationales.
La Chine est considérée comme un « créancier irresponsable ».
L’aide alimente également la corruption du fait de son caractère non contrôlé. Ainsi, 79% de prêt de China Eximbank sont destinés aux investissements gouvernementaux dans l’infrastructure, secteur connu pour sa corruption. Selon le Bribe Payer’s Index de 2011, la Chine est classé 27eme sur 28eme.
c. Les droits de l’Homme
La communauté internationale accuse la Chine de ne poursuivre que les profits économiques et la sécurisation de son approvisionnement sans considération des droits de l’Homme et des impacts environnementaux. La Chine rétorque par le droit de non-ingérence, et protège ses alliés avec son droit de veto au conseil de l’ONU.
Les ventes d’armes aux régimes dictatoriaux sont également critiquées. De 2003 à 2006, elles représentent 15.4%, soit $500 millions, des transferts d’armes conventionnelle au continent.
VII. Conclusion
Les relations sino-africaines peuvent être caractérisées par une interdépendance postcoloniale, avec comme objectif le développement via les investissements étranger d’une part, et la sécurisation des ressources de l’autre. La Chine a mis en place un système de coopération qui émerge graduellement, plus adapté au besoin africain. Malgré les critiques internationales, les bénéfices sont réciproques, du moins à court terme.
Du point de vue des pays africains, le défi est désormais de s’assurer que les relations soit à leur avantage en évaluant de manière critique leur engagement avec la Chine et en s’assurant que la population bénéficie des échanges en établissant des mécanismes de distribution locaux. Les leaders africains doivent prêter attention aux questions environnementales. L’Afrique doit sauvegarder et contrôler l’exploitation de ses ressources afin de soutenir sa croissance interne et future stabilité.
VIII.Références
Livres
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