Sociologie des relations internationales : définition du concept
1. Définition du concept
Tandis que la sociologie désigne l’étude scientifique des sociétés humaines et des faits sociaux (Larousse, 2015), les relations internationales constituent une discipline du domaine des sciences politiques et se centrent sur les relations parmi les États et entre les États et d’autres institutions appartenant au système international (Les définitions, 2011). Historiquement, les relations internationales appartiennent aux domaines académique et politique. Cependant, depuis les années 1970, d’autres domaines s’y intéressent, comme l’économie, le droit, l’histoire, la philosophie ou encore la sociologie. Les deux disciplines que sont la sociologie et les relations internationales se sont en effet beaucoup rapprochées ces dernières années (Linklater et Linston, 2012). Bien que les concepts sociologiques étaient utilisés implicitement dans les relations internationales, ces dernières années, des rapprochements plus explicites entre les deux domaines ont pu être aperçus (Lawson et Shilliam, 2010). Les études sociologiques de la formation et du fonctionnement d’un Etat ont conduit à l’enquête sur la concurrence militaire entre plusieurs Etats, sans pour autant faire de la sociologie des relations internationales une discipline académique à part entière. Cependant, le nombre de spécialistes et chercheurs dans ce domaine, bien que faible, est en constante amélioration (Linklater et Linston, 2012).
Après description de ces deux domaines d’étude, la sociologie des relations internationales pourrait être comprise comme une approche permettant de comprendre certaines prises de position adoptées par les différents acteurs (étatiques ou privés, organisations internationales ou non gouvernementales) (Hassner, 2012). Selon Hassner (2012), « il s’agit de considérer les relations internationales dans leur complexité et globalité, dans leurs dimensions civile, économique et politique, sans distinction entre le domaine public et le domaine privé, le domaine interne et le domaine international, le juridique et le non-juridique ». Cela permet d’introduire la notion de « société civile », qui s’oppose à la conception d’un monde fragmenté en unités territoriales et nationales. De ce fait, la sociologie des relations internationales s’appuie sur l’émergence de règles éthiques et de valeurs communes (droit humanitaire et droit de l’Homme), du souci de protéger les biens considérés comme patrimoine commun de l’humanité (en référence au droit international de l’environnement, par exemple) (Hassner, 2012).
2. Origines du concept et auteurs
Selon Wiatr (1974), la sociologie est plus une méthode qu’une discipline, permettant de comprendre les relations internationales. Afin d’expliquer les origines de la sociologie internationale Wiatr s’appuie, dans les années 1970, sur l’élargissement de l’étude des relations internationales et des politiques étrangères à d’autres types de contacts internationaux, comme les échanges entre scientifiques, écrivains ou artistes. Cet élargissement s’est également produit avec l’indépendance des nombreuses colonies autour du monde, rendant les relations centre-périphérie non plus en rapport avec la politique intérieure mais extérieure des États (Wiatr, 1974). Selon Karl Marx (dans Wiatr, 1974) la politique étrangère est déterminée par la politique intérieure et, notamment, par le régime socio-économique. Afin de bien comprendre la sociologie des relations internationales, l’auteur critique la théorie marxiste et explique que quatre points peuvent être analysés et adaptés à l’actualité :
• « Définir dans quelle mesure la structure socio-économique du pays détermine sa politique étrangère et repérer d’autres facteurs qui peuvent limiter ou modifier son influence. »
• « Tenir compte des traits durables de la vie d’une nation, notamment du caractère national. »
• « Etudier les microfacteurs qui interviennent dans la formulation et l’exécution de la politique étrangère dans leurs rapports avec les macrofacteurs, comme la structure socio-économique. »
• « Prendre en considération les conditions idéologiques et psychologiques, soit qu’elles présentent des liens avec la structure socio-économique, soit qu’elles apparaissent comme des forces autonomes dans le jeu des relations internationales. »
Ainsi, selon Wiatr (1974), l’analyse marxiste forme une approche de base à la sociologie des relations internationales et doit sans cesse être révisée et mise à jour en fonction de nouvelles idées, théories sur le sujet.
Un autre précurseur de la sociologie des relations internationales est Marcel Merle. Dans la troisième édition de son livre Sociologie des relations internationales publié en 1982, il écrit « on voit d’ailleurs mal pourquoi la science qui traite des problèmes de la société s’arrêterait aux frontières des États et s’interdirait de les franchir pour appréhender celles des relations sociales qui s’inscrivent dans le champ de la globalité » (Moreau Defarges, 1982). L’auteur considère le développement massif des voyages et des réseaux d’information et de communication comme des phénomènes sociaux dont les frontières sont de moins en moins claires. Il parle également de la guerre, qui est, selon lui, de plus en plus complexe et où les luttes civiles et internationales, du fait des enjeux idéologiques, sont difficiles à dissocier (Moreau Defarges, 1982).
Guillaume Devin, dans la deuxième édition de son livre La sociologie des relations internationales publiée en 2007, décrit cette discipline comme la description permanente des stratégies des acteurs de la scène internationale, afin d’expliquer et comprendre les évènements internationaux multiples qui apparaissent dans le monde actuel. S’appuyant sur de nombreux auteurs ayant publié des articles sur les relations internationales mais aussi la sociologie, Guillaume Devin, tout au long de son ouvrage, décrit la méthodologie de la discipline. Tout d’abord, selon lui, l’enjeu des relations internationales est la guerre ou bien la paix. Les acteurs en jeu sont donc souvent politiques, c’est pourquoi l’auteur se concentre sur les États, qui constituent pour lui le système international. Ce système à la structure anarchique est caractérisé par les rapports de force entre États, en fonction des capacités de ces derniers : les plus puissants sont les pôles du système international. La stratégie de chaque État est guidée par une recherche permanente de puissance, afin d’assurer leur survie. Guillaume Devin note l’importance des États depuis la fin de la seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin de la Guerre froide. Il souligne ensuite l’apparition de nouveaux phénomènes, tels que l’intervention de la communauté internationale en Irak, la Maison commune de sécurité en Europe, l’émergence des thèmes des droits de l’Homme ou encore la sécurité des populations, qui ont permis l’émergence du concept d’interdépendance, adapté à la globalisation des marchés et à l’arrivée de nouveaux acteurs économiques déterminants, les multinationales. Afin d’analyser les stratégies suivies par les différents acteurs, l’auteur se penche sur la notion de puissance, définie comme une relation entre plusieurs pays, relative à un contexte spatial et temporel particulier. Les relations entre acteurs sont multiples (politiques, économiques, culturelles ou encore migratoires) et une multitude de facteurs doivent être pris en compte afin de comprendre leurs stratégies et de déterminer les enjeux poursuivis, qui ne se réduisent pas uniquement à la recherche de puissance. Ainsi, Guillaume Devin présente une approche de la sociologie des relations internationales en quatre étapes : identification des acteurs, observation de leurs stratégies, interprétation des stratégies dans un contexte particulier, détermination des enjeux poursuivis.
3. Les débats et controverses
La sociologie des relations internationales est fréquemment débattue et de nombreux auteurs la critiquent.
Selon Battistella (2007), on peut tout d’abord s’interroger sur la légitimité de la sociologie des relations internationales, étant donné que cette discipline a été incapable de prévoir la chute du mur de Berlin, les attentats du 11 septembre, ou encore tout récemment les attentats du 13 novembre en France. Celle-ci a de même été inapte à prévenir la guerre américaine en Irak, pourtant critiquée par toute la profession, y compris aux États-Unis. En réalité, selon l’auteur, la première fonction des relations internationales, comme de toute discipline scientifique, consiste, à partir d’une hypothèse théorique, à décrire un évènement et à tenter d’en donner une explication.
Or, si la légitimité des relations internationales fait débat, c’est parce que toute science sociale se définit d’abord par un domaine d’étude délimité et une démarche scientifique reconnue (Battistella, 2007). Concrètement, il s’agit de définir le « quoi étudier ? » et le « comment étudier ? ». Le problème ici, est que le degré d’entente en réponse à ces questions est très faible, et ne fait pas l’unanimité.
En ce qui concerne le domaine d’étude et donc la délimitation des relations internationales, le terme international pose à lui seul une difficulté. En effet, selon Yale Ferguson et Richard Mansbach le terme « international » est un adjectif dérivé de l’adjectif « national » : et donc comment ne pas en déduire que ce qui se rapporte aux relations entre nations, entre États, a une valeur négative, ou du moins résiduelle par rapport aux relations se déroulant « à l’intérieur » d’une nation.
Ensuite, les relations internationales, dont l’objet d’étude n’est pas reproductible en laboratoire, ne sauraient prétendre énoncer des lois et répondre à l’impératif de réfutabilité qui caractérise une théorie scientifique, ce qui les amène d’emblée à qualifier d’illusoire toute théorie des relations internationales, tel est à nouveau la position prise par Yale Ferguson et Richard Mansbach (dans Battistella, 2012).
Enfin, selon Wiatr (1974), la sociologie ne peut permettre l’étude complète des relations internationales, puisqu’il s’agit d’un concept interdisciplinaire. Selon lui, la sociologie peut aider à comprendre les conditions et les conséquences intérieures des politiques étrangères, mais ne permet pas d’expliquer les modalités et les conséquences de l’interaction des politiques étrangères entre plusieurs États.
4. Liens avec d’autres concepts
Ainsi, la sociologie des relations internationales apparaît comme un domaine d’étude controversé et dont la légitimité peine encore à être reconnue. Si l’on reprend l’idée de Wiatr (1974), la sociologie n’est qu’une méthode, qu’un concept parmi d’autres pour permettre l’analyse des relations internationales d’une nation. De ce fait, l’étude sociologique pourrait être complétée par l’étude de l’Histoire, de l’économie ou encore de la politique d’un État et leur relation avec la politique étrangère de ce dernier.
Audrey Miege et Malorie Peyruchaud
Bibliographie
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BATTISTELLA Dario, Théories des relations internationales, Paris: Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2012, 727 pages
DEVIN Guillaume, Sociologie des relations internationales, Paris: La Découverte, Repères n°335, 2007, 128 pages.
Hassner, P., 2012. Les relations internationales. Paris: la Documentation française.
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Linklater, A. and Linston, K., 2012. Sociology and international relations : the future ?. Human Figurations, [online] 1(2). Available at: <http://quod.lib.umich.edu/h/humfig/11217607.0001.201/–editor-s-introduction-sociology-and-international-relations?rgn=main;view=fulltext> [Accessed 13 Dec. 2015].
Moreau Defarges, P., 1982. Marcel Merle. Sociologie des relations internationales. Politique étrangère, [online] 47(4), pp.1042-1044. Available at: <http://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1982_num_47_4_3275_t1_1042_0000_3> [Accessed 14 Dec. 2015].
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