Russie – Geolinks Observatoire en Géostratégie de Lyon Thu, 08 Jun 2017 17:25:51 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.6.1 Le TPP : Une mesure de « containment » ? /sans-categorie/le-tpp-une-mesure-de-containment/ /sans-categorie/le-tpp-une-mesure-de-containment/#respond Thu, 29 Sep 2016 09:54:53 +0000 /?p=12402 « A l’âge de la mondialisation et des guerres asymétriques, la réponse américaine aux enjeux du moment est fort différente (par rapport aux années 1970) : les nécessités du désengagement militaire les poussent à privilégier une stratégie géoéconomique afin de conserver leur ascendant géopolitique. Concrètement, Washington identifie aujourd’hui deux rivaux à encadrer : la Chine et la Russie. Il est frappant que les deux vastes traités de libre-échange négociés actuellement (le TAFTA et le TPP) réactualisent dans l’ordre économique et commercial l’ancienne logique du containment. Dans les deux cas, les rivaux sont non seulement exclus des négociations mais menacés par elles ». C’est en ces termes que Frédéric Munier, enseignant en géopolitique en classes préparatoires au lycée Saint Louis de Paris, qualifie la stratégie Américaine pour conserver son statut de puissance hégémonique à l’échelle mondiale dans le 7ème numéro du magazine « Conflits ».  « Containment », le mot est fort : c’était en effet le terme utilisé pour décrire la stratégie Américaine qui visait à stopper l’extension de la zone d’influence soviétique au-delà de ses limites atteintes en 1947, et à soutenir tous les États non communistes. Dès lors, en quoi l’accord de partenariat Trans pacifique (TPP), traité multilatéral de libre-échange  visant à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Américaine, obéit-il à une mesure de « containment » ?

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Les Etats-Unis sont sur le déclin, économiquement et géopolitiquement, et ils en sont conscients. Le centre de l’économie mondiale bascule de l’Ouest, de l’Atlantique, vers l’Est, le Pacifique, l’Asie. L’obtention du « fast track » par Barack Obama, voté par le Sénat après de nombreuses réticences, lui octroyant un pouvoir de négociation accru dans la négociation du TPP, témoigne de l’empressement de ce dernier de redistribuer les cartes en sa faveur . En effet, les multiples échecs militaires (Afghanistan, Irak), les déficits abyssaux (La dette publique Américaine s’élève en 2015 à 18 milliards de dollars), la perte de l’hégémonie économique et la montée en puissance de rivaux menaçants (BRICS) sont autant de facteurs qui poussent les Etats-Unis à consolider leurs blocs géopolitiques en Europe et surtout en Asie, nouveau moteur de la croissance économique mondiale, dont ils entendent bien tirer profit. Cette focalisation sur l’Asie-Pacifique se traduit aussi par la présence militaire : actuellement, 60% de l’US Navy est présente dans le pacifique, contre 50% il y a quelques années. Le partenariat militaire avec le Japon, ennemi héréditaire de la Chine, a été renouvelé, tout comme les bases militaires à Guam, dans les Philippines ainsi qu’en Australie, à Darwin. Aux yeux de la Chine, une telle situation est interprétée comme une volonté d’endiguement de son territoire…

Le TPP est aujourd’hui le plus grand traité économique jamais réalisé : il représente en effet 40% du PIB mondial. En plus d’être un accord de libre-échange, il vise également à établir des normes communes entre les Etats signataires. Dès lors la Chine a tout à perdre face à un basculement des échanges en faveur des membres du TPP en Asie : selon le PECC, les pertes en termes de recettes pour la Chine pourraient s’élever à 34,8 milliards de dollars. Pourquoi un basculement des échanges aurait-il lieu ? Car le TPP inclut 12 des 21 membres de l’APEC, Etats avec lesquels Xi Jinping souhaite créer un traité de libre-échange concurrent, baptisé le FTAAP, traité qui avance à tâtons vu qu’il ne contient pas de calendrier de fin de négociations… Surtout, le TPP vise expressément les membres de l’ASEAN, pré-carré Chinois en termes d’exportations : il faut savoir que bien que les gains potentiels de la Chine, si le FTAAP venait à voir le jour, seraient moindres (+0,27% de PIB, toujours selon le PECC), l’économie Chinoise est extrêmement dépendante des exportations. Du point de vue des économistes Américains, le TPP n’est pas une mesure agressive, bien au contraire. Elle vise simplement à rééquilibrer les forces dans cette région du monde car, selon l’économiste Français Jean-Michel Quatrepoint : «Les Américains et leurs multinationales considèrent que le marché chinois n’est pas suffisamment accessible à leurs entreprises, que les chinois copient allègrement —ils n’ont pas tort —, ne versent pas de redevances quand ils copient, que, en plus, ils ne donnent pas un accès suffisant à leurs marchés aux groupes américains, et qu’ils privilégient les entreprises chinoises pour leur marché». En résumé, l’objectif des Etats-Unis est de un de réduire leur dépendance commerciale vis-à-vis de la Chine, en créant un réseau de partenaires en pleine croissance, et de deux d’étouffer les velléités Chinoises dans le Pacifique et en Asie… Du « containment » à l’état pur.

 

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La stratégie d’endiguement américaine trouve ses origines au XIXème siècle, sous la plume d’Alfred Mahan. Dans son livre intitulé «Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire », le géopoliticien Aymeric Chauprade explique sa pensée comme suit : « En 1897, (…) Mahan définit la doctrine qu’il entend voir défendue par son pays. Elle recommande de : s’associer avec la puissance navale britannique dans le contrôle des mers, contenir l’Allemagne dans son rôle continental et s’opposer aux prétentions du Reich sur les mers, mettre en place une défense coordonnée des européens et des américains destinée à juguler les ambitions asiatiques ». On retrouve le même conflit terre/mer, et la même volonté d’étouffer les ambitions des puissances continentales qu’aujourd’hui. On peut aussi trouver ici les germes de l’OTAN et du TAFTA. Dans le même ouvrage, Mr Chauprade explique en quoi les puissances maritimes étreignent le « heartland » à défaut de l’atteindre, ce qui est aujourd’hui l’objectif du TPP : « La thèse centrale de Mackinder définit l’épicentre des phénomènes géopolitiques à partir du concept de centre géographique. C’est autour du pivot, du « heartland », que s’articulent toutes les dynamiques géopolitiques. Ce pivot de la politique mondiale est l’Eurasie, que la puissance maritime ne parvient pas à atteindre et son cœur intime est la Russie, qui occupe dans l’ensemble du monde la position stratégique qu’occupe l’Allemagne en Europe (…) Autour de cet épicentre des secousses géopolitiques mondiales, (…) s’étendent les terres à rivages. Au-delà des coastlands, deux systèmes insulaires viennent compléter l’encadrement du heartland : la Grande-Bretagne et le Japon ». Ce qui explique les relations étroites qu’entretiennent les Etats-Unis avec ces deux nations, qui peuvent être vues comme les « gendarmes » des Américains autour du bloc continental. L’ancien conseiller du président Carter et éminence grise du TAFTA, Zbigniew Brzezinski, s’inscrit lui aussi dans cette pensée. Toujours selon Mr Chauprade : «Brzezinski défend la logique d’endiguement par les Etats-Unis de la masse Eurasiatique :  les Etats-Unis ne pourront rester la superpuissance unique et globale que s’ils parviennent à isoler la Russie. Le leadership mondial des Etats-Unis passerait par une maîtrise américaine des zones occidentales, méridionales et orientales de l’Eurasie, autour du heartland. L’alliance Atlantique serait la garantie de contrôle de la zone occidentale (…) quant à l’influence Américaine dans la zone orientale, elle aurait fortement décru en Chine, au Viêt-Nam et dans les pays de l’Indochine mais resterait forte en Corée du Sud et au Japon. ». Il a conscience de la vulnérabilité Américaine et voit dans l’alliance du heartland une menace. Il faut isoler la Russie, via une alliance Atlantique et une alliance avec le Japon. Prise en étau à l’Ouest par le TAFTA et à l’Est par le TPP, La Russie se trouve bel et bien dans la position décrite précédemment, et lorsque l’on regarde les membres des deux traités sur une carte, l’isolement du bloc continental saute aux yeux.

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Mais les BRICS, et particulièrement la Chine et la Russie, premières victimes du containment, n’entendent pas se laisser abattre : Sous l’égide de la Russie, les BRICS se donnent les moyens de rivaliser contre les Américains. Cette année, la Russie a réussi à organiser le sommet de l’organisation de coopération de Shanghai et celui des BRICS. L’adhésion de l’Inde et du Pakistan à l’OCS a été acceptée et se concrétisera en 2016, et celle de l’Iran, normalement, suivra. Au-delà de l’économie, c’est un front anti hégémonique qui se construit. C’est une réaction à l’hégémonie américaine, et comme le précise Pascal Marchand dans « Conflits » : « Ce double et même triple sommet constitue un véritable tournant : les BRICS se donnent les moyens de résister à la puissance américaine et de se mettre à l’abri des sanctions économiques qu’elle peut décréter à tout moment, comme elle l’a fait en Crimée. Un véritable front anti-hégémonique serait en cours de constitution pour faire de « l’espace eurasiatique […] notre maison », selon la formule de Vladimir Poutine, à l’abri des intrusions étrangères ».   Les BRICS se donnent les moyens de riposter sur trois fronts : la finance, les nouvelles technologies, et surtout l’énergie. Ainsi en 2014, lors du sixième sommet des BRICS à Fortaleza, la création d’un fonds de réserve monétaire a été décidée, ainsi que celle d’une nouvelle banque de développement, concurrente de la banque mondiale de Washington. En cause, le refus du congrès Américain de valider la réforme du FMI de 2010 qui aurait augmenté les quotes-parts de la Chine, de l’Inde et du Brésil. Elle pourrait accorder ses premiers crédits cette année. Aussi, au sommet d’Oufa, la mise en place d’une station orbitale commune aux BRICS  a été décidée. Mais c’est surtout au niveau de l’énergie que la riposte s’articule : « En s’installant au Moyen-Orient, réservoir pétrolier de la planète, les États-Unis sont en train de contrôler la dépendance énergétique de la Chine. Pékin doit donc diversifier ses approvisionnements. C’est le sens des rapprochements que les Chinois tentent avec La Russie, l’Iran, L’Arabie Saoudite, le Venezuela et les pays Africains du golfe de Guinée. » C’est en ce sens qu’Aymeric Chauprade, dans son ouvrage « Chronique du choc des civilisations », nous décrit la nouvelle inflexion de la Chine en faveur de la Russie. En Mai 2014, par exemple, Pékin et Moscou se sont mis d’accord pour construire le gazoduc force de Sibérie à partir de gisements orientaux déconnectés des bassins travaillant actuellement pour l’Europe. Il explique aussi que bien que « La Chine pourrait être tentée par les immenses richesses de Sibérie Orientale, elle y investit de façon importante (…) mais pour l’instant la Chine a tout intérêt à ne pas assumer les frais d’aménagement et de gestion d’un espace naturellement difficile (…) de toute façon le seul débouché rationnel des matières premières de cette région est l’extrême –orient (…) par ailleurs la complémentarité entre Pékin et Moscou est forte en ce qui concerne la haute technologie ». Malgré des intérêts parfois divergents, les BRICS se rejoignent dans leur volonté d’émancipation vis-à-vis du pôle Atlantiste. Toujours dans le même numéro du magazine « Conflits », Pascal Gauchon explique que « Lors des récents sommets des BRICS et de l’OCS, (…) Xi Jinping a présenté les grandes lignes de sa réponse stratégique : soutenir la Russie, histoire de détourner l’oncle Sam de l’Asie-Pacifique, et s’assurer de la neutralité de l’Inde, cette dernière étant indispensable à la stratégie Américaine d’endiguement » car en effet « Les USA travaillent depuis des années à un rapprochement avec l’Inde. (…) en retour la Chine poursuit une politique de bon voisinage afin d’éviter un partenariat trop solide entre l’Inde et les USA. » La forte diaspora Indienne présente aux Etats-Unis en fait un partenaire naturel, mais l’Inde a conscience de l’intérêt qu’elle a de se rapprocher des pays membres de l’OCS, futur poids lourd de la scène économique mondiale. Mais ceci n’est pas sans intention, cette nation a conscience qu’à l’avenir elle pourra disputer le rôle de leader asiatique à la Chine, c’est pourquoi elle ne regarde pas forcément dans la même direction que cette dernière : « L’Inde travaille aussi avec ses voisins de l’est, notamment le Japon, espérant construire un triangle Inde-Japon-Etats-Unis capable de rivaliser avec La Chine (…) parallèlement les USA sont en train de déposséder l’allié traditionnel Russe de sa place de premier fournisseur d’armement ». Dans la culture Indienne, d’après «la théorie du Mandala» de Kautilya «Votre voisin est votre ennemi naturel et le voisin de votre voisin est votre ami» La question dès lors est de connaître la priorité de l’Inde : l’indépendance vis-à-vis de l’Occident ou voler le titre de leader Asiatique à la Chine ? Une telle situation pourrait faire voler en éclats la stratégie de bloc continental orchestré par la Chine et la Russie… Et les Etats-Unis le savent pertinemment… Quand la Chine et la Russie gardent une rancune historique envers l’Occident, l’une pour les « Traités inégaux » et l’autre pour la Guerre froide, l’Inde doit son rayonnement à l’influence Britannique, par la langue Anglaise.

En conclusion, on peut dire que cette stratégie, ce conflit qui ne dit pas son nom, s’inscrit dans la lignée des conflits entre les paysans (Heartland) qui pensent le temps et les marins (Les Etats-Unis) qui pensent l’espace, pour reprendre la terminologie du penseur Tunisien Ibn Khaldoun. Néanmoins, avec le recul, on peut citer plusieurs incohérences, voire des erreurs dans la stratégie Américaine : premièrement il faut noter qu’une des constantes géopolitiques de la Chine est qu’elle a toujours privilégié la terre au détriment de la mer… Alors que le propre du containment est de bloquer les puissances continentales en leur bloquant leur accès aux mers chaudes voire aux mers tout court (réf : Grand Jeu). Première incohérence. Ensuite, on peut se demander si, à long terme, la Chine et la Russie seront les principaux rivaux des Etats-Unis. C’est vite oublier que le continent affichant les plus gros taux de croissance ces dernières années est l’Afrique, malgré, évidemment, un retard énorme. On peut aussi se demander si l’ingérence brutale des Etats-Unis à l’étranger ne peut pas entraîner un effet boule de neige contre eux, et ainsi perdre de précieux alliés en plus d’affaiblir son Soft Power… Mais surtout, il convient de souligner un bouleversement majeur en Chine qui pourrait contrarier la stratégie Américaine : Les Etats-Unis souhaitent faire diminuer les exportations Chinoises en leur coupant l’herbe sous le pied en Asie du sud-est. C’est ne pas savoir que la crise actuelle en Chine résulte d’un déséquilibre : les prix des exportations Chinoises ont augmenté ces dernières années en raison de l’augmentation des salaires dans l’empire du milieu, elles sont donc moins compétitives sur le marché mondial. Les entreprises Chinoises elles-mêmes délocalisent au Vietnam. Or la demande interne ne suffit pas à compenser le déficit d’exportation. C’est pourquoi, depuis quelques temps, la politique économique Chinoise s’oriente de plus en plus vers une économie de la demande, au détriment des exportations, une demande d’un milliard quatre-cent millions d’individus, soit plus de quatre fois la population Américaine… en plus du projet Chinois de nouvelle route de la soie, autre moyen de contrer l’interventionnisme Américain au Moyen-Orient, visant à développer ses transports et ses apports énergétiques vers l’Europe, l’Asie centrale et l’Afrique. Le containment Américain ne fait qu’accélérer ce processus. Le grand défaut des marins est de trop s’éloigner pendant que les paysans continuent de cultiver…

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Petit Adrien

Janvier 2016

 

Sources

Numéro 7 du magazine Conflit

Chroniques du choc des civilisations, Aymeric Chauprade, édition Chroniques

Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire, Aymeric Chauprade, éditions Ellipses

http://www.latribune.fr/economie/international/tpp-le-japon-et-les-etats-unis-confirme-la-signature-d-un-large-accord-510833.html

http://www.revueconflits.com/

http://blog.realpolitik.tv/

http://www.lexpress.fr/actualite/l-inquietude-de-l-inde-face-aux-actions-de-la-chine_1702886.html

http://www.chinausfocus.com/finance-economy/tpp-or-ftaap-what-it-means-for-us-and-the-asia-pacific-region/

http://chine.blogs.rfi.fr/category/tag-pour-votre-blog-encres-de-chine/apec-chine-zone-de-libre-echange-asie-pacifique-

http://www.latribune.fr/economie/international/asie-pacifique-pour-contrer-le-tpp-la-chine-relance-son-projet-de-plus-grande-zone-de-libre-echange-du-monde-521258.html

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Les “Blood Borders” au Moyen-Orient, vers une solution miracle à la problématique des frontières ? (2/6) /geopolitique/russie-caucase/les-blood-borders-au-moyen-orient-vers-une-solution-miracle-a-la-problematique-des-frontieres-26/ /geopolitique/russie-caucase/les-blood-borders-au-moyen-orient-vers-une-solution-miracle-a-la-problematique-des-frontieres-26/#respond Fri, 20 Nov 2015 15:29:34 +0000 /?p=11709
Info

Second article collectif d’une série de six, sur la problématique des frontières.
1er article ici
Focus sur le plateau anatolien et le sud-Caucase

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L’Anatolie et le sud Caucase illustrent la complexité du fait politique. Des côtes méridionales de la Mer Noire aux côtes occidentales de la Caspienne, les puissances se sont toujours affrontées. D’Alexandre le Grand aux empires européens, en passant par Pompée et les califes, chacun a tenté d’influer sur ce verrou stratégique. Pourtant ce sont bien les conditions du règlement des effondrements ottoman et soviétique qui pèsent aujourd’hui sur les liens régionaux.

 

Peuples, nations et ethnies : une mosaïque ethnolinguistique

 

La diversité linguistique est l’une des caractéristiques fondamentales du Caucase et de l’Anatolie. Ainsi s’entrecroisent les langues indo-européennes, ouralo-altaïques et celles caucasiques. Du point de vue confessionnel, l’histoire du Caucase est marquée par la présence des trois grandes religions monothéistes, l’Islam étant le plus représenté. Le christianisme est la religion dominante en Arménie et en Géorgie. Le judaïsme a vu une baisse substantielle du nombre de ses fidèles dans le Caucase, notamment depuis la création de l’État d’Israël en 1947.

Parmi l’ensemble des États étudiés, l’Arménie est celle qui tend à une quasi-homogénéité ethnique. 96 % des ressortissants sont arméniens, les quatre pour cent restants étant Russes, Yézidis, Kurdes, Assyriens, Grecs, Ukrainiens et Juifs. Cette homogénéité s’explique d’abord par l’ancrage antique du peuple arménien sur l’axe Anatolie-Caucase. D’autre part, la nature montagneuse de l’Arménie rend son accès difficile et crée une frontière naturelle avec ses voisins. Enfin, l’afflux massif d’Arméniens victimes des persécutions ottomanes a contribué à l’homogénéisation de la République d’Arménie.

L’Azerbaïdjan compte une population de plus de neuf millions de personnes, principalement musulmane. L’Islam est implanté en Azerbaïdjan depuis le VIe siècle, mais c’est au XVIe siècle que la population s’est convertie au Chiisme duodécimain. Ainsi, sur 93 % de musulmans, 85 % sont chiites. Les autres ethnies présentent son russe orthodoxe et Arménienne apostolique. Le peuple azéri est à la croisée d’origines turcomanes et iraniennes. En effet si la langue fait partie de l’ensemble altaïque, il existe des similarités culturelles entre Persans et Azéris. L’Azerbaïdjan avant l’arrivée des Oghouz avait des liens forts avec le monde persan. Finalement, il est possible de dire que les Azéris sont des Caucasiens ayant intégré les rites et les traditions iraniennes et turques.

La Turquie compte près de 80 millions d’habitants. La population majoritairement musulmane (80 %) compte une minorité alévie issue du chiisme duodécimain. L’Alévisme n’est pas officiellement reconnu par les institutions turques. Les Kurdes constituent aussi une minorité importante, ils représentent en effet un cinquième de la population. Ils occupent essentiellement le sud-est du pays et leur langue indo-européenne entre dans la catégorie des langues iraniennes occidentales. Au même titre que la majorité turque, les Kurdes sont pour la plupart sunnites.

Un carrefour géostratégique de première importance

 

L’incidence du poids de l’histoire sur les relations régionales

 

La Turquie, à bien des égards, peut être considérée comme l’État dominant l’axe Bosphore-Caspienne. Fort de son appartenance aux organisations régionales et à l’OTAN, la Turquie est une interface de premier ordre. L’État moderne a émergé des cendres de l’Empire ottoman et a su s’imposer dans le concert des nations. Loin d’être anecdotique, la reconquête politique et militaire de la profondeur stratégique anatolienne par Atatürk est à la source de la diplomatie turque. Istanbul a su revenir sur le traité de Sèvres par le biais de celui de Lausanne, annihilant de fait les prétentions territoriales kurdes ou arméniennes.

Utilisant les enjeux de pouvoirs de la région, la Turquie a su s’accorder avec le monde soviétique, tout en ménageant sa politique occidentale. Le cas arménien reste pourtant symptomatique des maux entre la Turquie et ses voisins. Les pogroms et le génocide arménien prenant racine dans les idées pantouranistes et la vision turque de l’Arménie comme « cinquième colonne de la Russie » [1] ont attisé les tensions stratégiques. La Turquie a toujours tenté d’utiliser le jeu des puissances à son avantage, oscillant entre un national-neutralisme, un atlantisme modéré et une prétention régionale. Istanbul et Bakou ont des relations fortes occultant l’antagonisme religieux, au profit d’une communauté sémiologique.

L’axe Caspienne-Méditerranée, pivot stratégique entre Europe et Moyen-Orient

 

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Depuis les années 2000, la politique occidentale turque semble s’infléchir dans ses moyens comme dans ses buts. Si depuis 1943 le partenariat entre Turcs et Américains reste structurant, les évolutions récentes ont modifié les relations turco-occidentales. D’un côté, le partenariat pour la paix a permis à Istanbul de renouer des relations privilégiées avec les Balkans. L’importance des forces nationales et sa position ont fait de l’Anatolie turcomane une plateforme pour les forces atlantiques. De l’autre, la doctrine Davutoglu portée par un courant néo-islamiste attire la Turquie vers ses frontières méridionales. En interne, l’armée semble perdre son rôle de régulateur au profit d’une démocratie viciée. En somme, la Turquie s’ancre plus à son identité musulmane qu’à son héritage kémaliste.

Les turbulences au sein des États panarabes sont source d’opportunités, mais aussi de menaces pour l’État turc. Si la mise au ban des nations de la Syrie ouvre un canal d’influence dans l’environnement turc, la contagion irrédentiste n’est pas à écarter. Finalement, la Turquie est actuellement à un carrefour de son histoire : les tensions internes et externes fragilisent son soft balance traditionnel. S’il est difficile de définir formellement le futur de la diplomatie turque, il y a fort à parier que l’ambivalence entre son identité musulmane, l’idéal turcoman et l’ancrage euro-méditerranéen finira de modifier durablement sa position dans la région.

L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont un destin commun récent. Jouissant d’une indépendance nationale suite à la dislocation soviétique, leurs relations sont très liées. Ces États limitrophes doivent faire face aux conséquences géopolitiques de l’enclave. Ainsi la région azérie du Nakhitchevan est séparée de Bakou par le territoire arménien, les territoires azéris derrière la ligne de cessez-le-feu et l’enclave orpheline[2] arménienne du Nagorno-Karabakh. Ces deux enclaves ont conduit à une lutte armée au début des années 1990, dont les enjeux pèsent encore aujourd’hui dans la région.

La période fédérale communiste ne viendra que geler le contentieux qui finira par se déclencher, à la suite du référendum d’indépendance du Karabakh arménien et de heurts ethniques. Pour l’Arménie, fermeture frontalière et blocus turc entérineront un enclavement géographique et politique. Seuls l’Iran et la Russie resteront des partenaires. Avec le Nagorno-Karabakh, on assiste à l’apparition d’un quasi-État[3], enclave ethnopolitique née de la désintégration de l’URSS, possédant le soutien arménien, mais étant non reconnue par la communauté internationale.

Bien que ce quasi-État doive son existence à la persistance des tensions entre son État protecteur (Erevan) et l’État territorialement compétent (Bakou), son avenir ne laisse que peu d’opportunités. Ce territoire devra soit être réintégré ou absorbé. Un élément fait aujourd’hui consensus : les deux États pâtissent de leur opposition – leur proximité géographique et les interdépendances qui en découlent devraient signifier une coopération politique accrue.

 

L’énergie catalyseur des enjeux de pouvoirs

 

Objet géopolitique de premier ordre, l’énergie est à la source des rivalités territoriales. Le passage de la population turque entre 1950 et 2012 de 21,5 à 80 millions a augmenté les besoins agricoles. L’intensification induite par cette croissance nécessite un apport considérable en eau. Cette région constitue un « château d’eau » grâce au Tigre, à l’Euphrate, l’Araxe ou encore la Koura qui sont des fleuves partagés entre États. Ils s’inscrivent dans une géologie complexe, inexorablement structurante des systèmes hydriques.

Les ressources hydrauliques turques sont concentrées à l’Est alors que la population vit plutôt à l’Ouest. Le Tigre et l’Euphrate[4] alimentent la Turquie sud orientale, l’Irak et la Syrie. La Turquie contrôle dorénavant 86 % du débit de l’Euphrate[5] grâce aux aménagements du GAP. L’achèvement du projet du barrage d’Ilisu sur le Tigre prévu pour 2016 l’amputerait de 10 milliards de m³ d’eau, le quart de son débit à son entrée en Irak[6]. Toutefois, la crise d’approvisionnement de 2007 a mis en exergue les carences de la planification hydraulique alors que le pays s’est engagé à fournir de l’eau à Chypre et à Israël. Malgré de faibles ressources en hydrocarbures, la Turquie bénéficie d’un levier certain sur les pays en aval.

 

 

L’agriculture représente encore à ce jour plus de 20 % du PIB arménien. L’Arménie sillonnée de cours d’eau abrite l’immense lac Sevan. Le fleuve Araxe couvre le territoire, traverse la Géorgie et l’Azerbaïdjan pour se jeter dans la Koura. Des affluents de l’Araxe et de la Koura naissent dans le Karabakh. Le débit fort des cours d’eau du Haut-Karabakh assure un approvisionnement en énergie. Le point culminant de Karvachar fournit plus des trois quarts de ressources en eau du Haut-Karabakh[7].

67 % du débit des fleuves de l’Azerbaïdjan proviennent de l’extérieur. La Koura y représente jusqu’à 80 % de l’eau consommée[8]. Le canal allant jusqu’au réservoir de Djeiranbatan alimente l’agglomération de Bakou, où réside le tiers des Azéris. En outre, l’eau de la Koura et de l’Aras est polluée lors du passage en Arménie et en Géorgie. La gestion conjointe des eaux est peu probable au regard des tensions actuelles.

Carrefour naturel entre l’Europe et le bassin Caspien, l’Anatolie constitue une interface Nord-Sud entre Mer Noire et Méditerranée. Le rôle du corridor anatolien questionne la plateforme turque. Le territoire du pays est constitué d’une interface naturelle de transit entre les États orientaux et caucasiens, détenteurs des plus grandes réserves mondiales de ressources fossiles et le marché de consommation européen. La Turquie s’est imposée au fil des constructions d’oléoducs, comme un corridor « est-ouest » privilégié et est devenue, au début des années 1990, une pièce centrale du complexe puzzle des pipelines.

Grâce à l`oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan et celui Kirkouk-Yumurtalik, la Turquie assure environ 4 % du transit du pétrole mondial. À ce flux terrestre, il faut également ajouter les 3 millions de barils quotidiens de pétrole russe et kazakh qui transitent à travers les détroits maritimes turcs depuis le terminal de Novorossisk sur la mer Noire. Cette position est renforcée depuis l’exportation du pétrole « fédéral » du Kurdistan irakien – processus contesté par le gouvernement central irakien. Le complexe pétrochimique de Ceyhan s’affirme de plus en plus comme le véritable hub pétrolier de la Turquie.

 

 

L’ambition de la Turquie n’est pas de rester un simple pays de transit, mais de devenir une plaque tournante gazière, afin de sécuriser et diversifier ses approvisionnements. Le projet Southern Gas Corridor incluant le Trans-Anatolian Natural Gas Pipeline (TANAP), a pour but de diminuer l’influence régionale russe, en renforçant le rôle turc et azéri. La Russie a lancé un projet concurrent au TANAP le South Stream, mais il a été rejeté par les Européens, dont la Bulgarie. Face à cet échec, la Russie a entamé des discussions bilatérales avec la Turquie pour un éventuel Turkish stream répondant aux attentes des acteurs.

L’Azerbaïdjan, qui dispose des ressources d’hydrocarbures estimées à environ 0,9 milliard de mètres cubes[9] souhaite s’affranchir de l’influence russe sur ses ressources et réseaux de transport. Aujourd’hui, la construction du corridor sud-européen, dont le TANAP constitue la partie la plus importante, permet à l’Azerbaïdjan d’exporter son gaz par une ligne directe de plus de 2 500 kilomètres qui débouche directement à l’intérieur de l’Union européenne. Les ressources azéries ne suffissent pas à satisfaire la demande croissante de la Turquie et des pays européens, c’est pourquoi le développement du corridor sud-européen, via la construction du Trans-Caspian Pipeline (TCP) est essentiel. Il devrait relier les gisements turkmènes au réseau de transport azéri en traversant la Caspienne.

Le hub énergétique anatolien doit faire face à des luttes de pouvoirs. Comme le signale la possible création du TANAP, les États sont en concurrence pour la gestion des ressources. Le désaccord entre Azerbaïdjan et Turkménistan autour du Trans-caspian Gas Pipeline, les tumultes concernant l’extraction des réserves off-shore et la vulnérabilité accentuée des pipelines face aux sabotages du PKK, montrent que l’énergie est un facteur déterminant du fait géopolitique de dans cette région.

Mise en perspective d’une redéfinition moins arbitraire des tracés limitrophes

Une remise en cause des frontières, sources de déstabilisation pérenne des relations régionales

 

De nouvelles frontières telles que définies par Ralph Peters auraient plusieurs vertus dans le sud Caucase. Premièrement, elles régleraient l’impact des enclaves arméno-azéries. Ainsi, le Nagorno-Karabakh serait de facto intégré au territoire arménien de même qu’une partie du territoire sous contrôle d’Erevan au sud de la ligne du cessez-le-feu. L’Arménie gagnerait également sur son flanc ouest avec l’intégration plus ou moins partielle du Mont Ararat, lieu hautement symbolique pour la nation arménienne. Au nord comme au sud, les frontières resteraient inchangées. Même si les frontières ne coïncident pas avec la grande Arménie, les frontières du sang auraient le mérite de réduire les effets pervers de l’enclavement tel que le sentiment obsidional. Pourtant elle n’aurait toujours pas une façade maritime sur la Mer Morte comme convenu lors du traité de Sèvres. De son côté, l’Azerbaïdjan obtiendrait une continuité territoriale pour rattacher le Nakhitchevan, en obtenant des territoires jusqu’à la ville de Rasht au détriment de l’Iran.

Pourtant loin de résoudre les tensions ethno politiques, ces possibles tracés frontaliers laissent en suspend de nombreuses questions. L’exclave d’Erevan à Artsvachen et les ancrages azéris en Arménie resteraient dans leur territoire respectif. Ajoutons à cela que toute remise en cause des tracés est conditionnée aux accords de volonté de l’Iran et de la Turquie. Or, la Turquie comme l’Iran pâtiraient d’une quelconque modification de leurs frontières, d’autant que l’un comme l’autre souhaite avoir une influence régionale de premier ordre. L’ambivalence du droit international sur les tracés territoriaux s’ajouterait aux réticences politiques et conduirait à des tensions accrues.

Les interactions profondes entre tracé territorial et contrôle du devenir énergétique

 

La refonte des frontières selon Ralph Peters rebattrait les cartes dans la région en faveur du Kurdistan. Le Kurdistan disposerait d’une grande zone fertile, ancien sol syro-irakien ainsi que le lit du Tigre et de l’Euphrate, faisant de cet État un acteur puissant du Moyen-Orient.

Un redécoupage des frontières permettrait aux Kurdes turcs de jouir de l’autonomie kurde en Irak. En effet, les Kurdes irakiens ont l’opportunité de construire seuls un pipeline d’une capacité quotidienne d’un million de barils. Ce pétrole kurde serait contrôlé par et au profit des populations kurdes. Ces ressources étant transportées vers le hub turc.

En raison des sujets délicats du génocide arménien et du Haut-Karabakh, l’Arménie n’a pas de relations diplomatiques avec la Turquie ni l’Azerbaïdjan. Ainsi elle reste fortement isolée des grands projets énergétiques régionaux. Le pays est dépendant de la Russie à hauteur de 80 % de ses importations. Pourtant, le pays a commencé les négociations avec l’Iran pour la construction d’un pipeline de pétrole similaire à celui de gaz fonctionnant depuis 2007. Une refonte des frontières aurait sans nul doute des conséquences néfastes, car l’Arménie perdrait sa frontière avec l’Iran. Cela rendrait encore plus pressant le besoin d’une coopération entre Erevan et Bakou.

Quasi et proto-États aux sources d’une modification de facto des limites territoriales

 

L’accession de la communauté kurde à l’État est mise en avant par Peters. Dans les configurations actuelles, le Kurdistan irakien du fait de son autonomie est proche d’être un proto-État kurde. Obtenant une façade maritime en Mer Noire, il couperait définitivement l’Anatolie et le Caucase. La création du Kurdistan contribuerait donc à la poursuite de l’enclavement arménien puisqu’Erevan ne profiterait pas du retrait turc. Ces deux États pourraient tout de même faire front communs contre la Turquie. Un bloc pourrait ainsi se former contre Ankara, ce qui aurait pour conséquence une déstabilisation profonde de la région. Pour autant, la logique ethnique de Ralph Peters serait respectée dans le cas kurde, car ceux-ci constituent un bloc homogène au Moyen-Orient.

kurdistan-historique

L’horizon politique de la conciliation semble éloigné et l’activité de l’État Islamique pourrait jouer sur les limites des États. Si la pérennité de son contrôle territorial n’est pas actée, l’avancée rapide de l’État Islamique ces derniers mois a mis sous pression les États frontaliers. Tant la porosité des frontières que l’absence d’une réponse politique acceptée par tous nourrissent l’instabilité régionale. La campagne du groupe qui a mis à nu la frontière sud de la Turquie dans le Nord syrien, pourrait déboucher sur des incursions en territoire turc. Le franchissement des frontières et la lutte ouverte entre Kurdes et Daesh pourraient conduire, à la suite du conflit, à des frictions entre autorités compétentes et combattants peshmergas. Le contrôle d’un territoire politiquement turc, mais faisant partie intégrante du Kurdistan de Sèvres pourrait donner lieu à un nouveau tracé de facto.

Si ces pistes de réflexion restent hypothétiques, elles mettent tout de même en lumière la complexité des enjeux de pouvoirs dans une région où chaque État doit face à un environnement particulièrement instable. Plateau anatolien et Sud Caucase sont des interfaces essentielles au bloc eurasiatique, et la coopération est l’élément central qui permettra une véritable stabilisation de la région.


 

Alexia Tinant, Arthur Bachmann, Milen Zhelev, Quentin Voutier, Stéphane Hamalian

 

[1] MONGRENIER Jean-Sylvestre, « L’État turc, son armée et l’OTAN : ami, allié ou non aligné ? », Hérodote, La Découverte, n° 148, 2013, pp. 47 – 67.

[2] Enclaves sans appartenance clairement établie. NIES Susanne, « Les enclaves : “volcans” éteints ou en activité », Revue internationale et stratégique, Armand Colin/Dunod, n° 49, 2003, pp. 111 – 120.

[3] RYWKIN Michael, « Le phénomène des “quasi-États” », Diogène, PUF, n° 210, 2005, pp. 28 -33.

[4] ŞANVAR BOUCHER NurÁin, Fiche de synthèse, MINEFI-DREE, juillet 2001, p. 1.

[5] MUTIN George, Géopolitique du monde arabe, 3e édition, Carrefour, Ellipses, 2009, p. 113.

[6] LACHKAR Michel, « L’eau, l’autre facteur du conflit syrien », Geopolis, mars 2015 : http://geopolis.francetvinfo.fr/leau-lautre-facteur-du-conflit-syrien-55777.

[7] OHANYAN Karine, “Water complicates Karabakh peace talks”, Institute of War and Peace, 2010 : https://iwpr.net/global-voices/water-complicates-karabakh-peace-talks.

[8] THOREZ Pierre et THOREZ Julien, « Le partage des eaux dans les républiques d’Asie centrale, manifestation des tensions post-soviétiques », Cahiers d’Asie centrale, 13/04/2004, p. 10.

[9] Voir http://www.theoilandgasyear.com.

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INTRODUCTION                                                                                                                                                                                                                                              

I. La Russie…

          1…. et son histoire

          2…. et l’héritage de son orthodoxie

          3…. et sa politique (les acteurs)

PROBLÉMATIQUE

II. L’impact de l’Église orthodoxe dans la politique

          1. Constat

          2. Des enjeux distincts, mais indissociables

                    A. Du côté de l’Église

                    B. Du côté de l’État russe

          3. L’influence de l’Église orthodoxe russe dans la politique internationale de Poutine

          4. Les raisons de la place de l’orthodoxie dans la politique russe

          5. Une étude de cas : La Crimée

                    A. Contexte et cadre

                    B. Des motivations religieuses

                    C. Notre avis

VIDÉO

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

 

 

INTRODUCTION

            La population de la Russie atteint presque 148 millions d’habitants. Sa capitale est Moscou qui compte à elle seule 11,5 millions d’habitants. La Russie est une fédération de 89 sujets (régions). Chaque sujet de la Fédération possède sa propre Constitution (Statuts), ses propres systèmes de pouvoirs législatifs et exécutifs.

La surface totale du pays dépasse 17 millions km2 ce qui représente  l/8me de la terre ferme du Globe. Pour traverser le pays de l’ouest à l’est, il faut plus de dix heures de vol en avion. En voyageant notamment de Moscou jusqu’à Kamchatsky, on suit le changement successif de 9 fuseaux horaires.

 

Au niveau du littoral, il y a l’Océan Arctique au nord de la Russie, l’océan Pacifique à l’Est ou encore la mer Noire ou la mer Caspienne à l’Ouest.

La Russie dispose de ressources minières (houille, fer, nickel, diamant…) et de ressources énergétiques abondantes (pétrole, gaz naturel…) qui en font l’un des principaux producteurs et exportateurs mondiaux.

La Russie compte près de 80 % de chrétiens orthodoxes, 7 % de musulmans, 1,5 % de chrétiens protestants, 1,5 % de chrétiens catholiques et moins de 0,1 % de bouddhistes et de juifs.

La monnaie est le rouble.

Le président actuel est Vladimir Poutine et le Premier ministre Dmitri Medvedev.

I. La Russie…

               1. … et son histoire

1721 : L’empire de Russie : C’est l’époque de grandes conquêtes : La Géorgie, la partie orientale de la principauté de Moldavie, l’Arménie, le Daghestan et une partie de l’Azerbaïdjan. Le déclin de l’Empire ottoman, qui attise les convoitises des puissances européennes, est à l’origine d’un conflit entre la Russie et les autres puissances européennes, notamment avec la Crimée.

1856 : L’empire russe perd la Crimée à Sébastopol contre les Anglais et perd donc ses droits de passage entre la mer Noire et la Méditerranée. En réalité, la Crimée reste sous le contrôle de la Russie.

1914 : 1re Guerre mondiale : La Russie entre en guerre contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie pour venir en aide à la Serbie, son alliée. À l’issu de cette guerre, la paix est signée à Brest-Litovsk avec les Allemands au prix d’énormes concessions territoriales : La Russie perd notamment l’Ukraine, la Crimée et la Biélorussie.

1918 – 1921 : Durant ces 4 années de guerre civile russe, l’Armée rouge reprend l’Ukraine, la Crimée et la Biélorussie.

1928 – 1941 : L’URSS de Staline.

1941 : L’URSS entre dans la Seconde Guerre mondiale contre l’Allemagne nazie.

1947 à 1989 : La guerre froide entre les deux superpuissances que furent les États-Unis et l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).

1954 : Nikita Krouchtchev, alors président de l’URSS et lui-même d’origine ukrainienne « offre » en cadeau la péninsule de Crimée à l’Ukraine à l’occasion du 300e anniversaire de la réunification de la Russie et de l’Ukraine.

1989 : Fin du communisme en URSS et dans les démocraties populaires satellites.

1991 : Année marquée par la dissolution de l’URSS et par l’indépendance de l’Ukraine et de la Crimée.

27 décembre 1992 : Création de la Fédération de Russie

26 mars 2000 : Élection à la présidence de Vladimir Poutine.

2008 : Election de Dmitri Medvedev.

2012 : Vladimir Poutine revient au pouvoir.

               2. La Russie et l’héritage de son orthodoxie

             Le schisme de 1054 a séparé l’Église dite « orthodoxe » de l’Église dite « catholique ». Plusieurs querelles théologiques les séparent. Les Églises orthodoxes représentent dans le monde la troisième plus grande confession chrétienne en nombre de fidèles après l’Église catholique et les dénominations protestantes. Elles sont principalement présentes dans l’antique zone de culture grecque, c’est-à-dire dans la zone orientale du bassin de la Méditerranée (Grèce, Turquie, Syrie, Liban, Israël, Palestine, Égypte, Arménie, Géorgie), et dans les zones de peuplement slave (Russie, Ukraine, Biélorussie, Bulgarie, Serbie, Monténégro, République de Macédoine) ainsi qu’en Roumanie et Moldavie.

Ces églises orthodoxes considèrent ne former qu’un seul corps dont le chef n’est autre que le Christ lui-même, et c’est la communion de leur foi qui rend inutile une administration commune. Il n’y a donc pas un chef terrestre absolu comme le Pape et une administration centralisée comme le Vatican.

Il existe une territorialité des églises. Un évêque est en charge d’un territoire défini où se trouvent plusieurs églises locales. Il s’occupe alors de l’organisation de celles-ci en répartissant les prêtres au sein des différentes églises du territoire.

On appelle « patriarches » ou « archevêques » les évêques des villes les plus importantes. Ils jouent au plan local un rôle de coordination et d’arbitrage parmi les autres évêques.

Nous citerons comme exemple l’archevêque de Constantinople, l’archevêque d’Athènes, le patriarche de Bucarest (Roumanie) ou encore Kirill, patriarche de Moscou et de Russie (ci-dessus).

Historiquement et contrairement au catholicisme, l’orthodoxie est une religion qui intervient souvent dans la politique des pays.

               En ce qui concerne l’Église orthodoxe en Russie :

              Pendant plus de 70 ans, les autorités politiques de l’URSS ont tenté d’éradiquer la foi orthodoxe, tenue pour responsable de l’aliénation des masses et coupable d’avoir soutenu, durant des siècles, l’empire tsariste. Dans les années suivant la Révolution russe de février 1917 et le coup d’état bolchevik d’octobre, le pouvoir adopte une position clairement anticléricale. On brûle alors des églises et des reliques. Officiellement pour lutter contre la Grande Famine, la saisie des biens de l’Église est ordonnée en 1934.

En 1941, la politique soviétique vis-à-vis de la religion orthodoxe change (avant 1941, vision politique anticléricale) : pour souder la population autour du régime, il ne s’agit plus de persécuter, mais d’instrumentaliser l’Église. Celle-ci connaît un nouveau départ avec l’élection d’un nouveau patriarche. Staline s’adresse aux citoyens via la radio, en utilisant non plus le terme de « camarades », mais celui de « frères ».

Près de vingt ans après la chute du régime soviétique, qui rétablit une totale liberté de culte, des milliers d’églises ont été construites ou reconstruites et de nombreux citoyens des pays ex-communistes (tel que l’Ukraine) retournent à la religion.

               Le mardi 30 novembre 2010, le président Dmitri Medvedev annonce avoir signé la loi sur la restitution des biens de l’Église. La loi prévoit de rendre à l’Église orthodoxe de nombreux monastères et églises souvent transformées en musées. Ce transfert concerne 6 584 sites religieux.

               3.  La Russie et sa politique

               La Constitution de 1993 définit la Russie comme une République fédérale.

Le président de la Russie, chef de l’État, est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six ans, renouvelable une fois.

Ce dernier est Vladimir Poutine (élu le 4 mars 2012). Il était, par ailleurs, déjà au pouvoir de 1999 à 2008.

Le pouvoir exécutif est exercé par le chef du gouvernement.

Le pouvoir législatif est détenu quant à lui, par les deux chambres de l’assemblée fédérale russe composée du :

  • Conseil de la Fédération : formé de 166 représentants des sujets (régions) appelés souvent « sénateurs ». Ce Conseil est présidé par Valentina Matvienko (depuis septembre 2011).
  • DOUMA ou, plus précisément, DOUMA D’ÉTAT : formée de 450 députés élus pour quatre ans. Celle-ci est présidée par Sergueï Narychkine (depuis 2011).

Les principaux partis sont le parti du président Poutine, Russie unie (238 sièges à la Douma aux élections de 2011), le Parti communiste de la Fédération de Russie (92 sièges), Russie juste (64 sièges), et le LDPR (= Parti libéral-démocrate de Russie ; 56 sièges).

Il n’y a pas de partis chrétiens, mais l’orthodoxie est un facteur non dérisoire de la vie politique. Vladimir Poutine intègre désormais la religion dans sa politique.

Dès lors, la problématique suivante se pose légitimement : en quoi l’Église orthodoxe est-elle impliquée dans la politique russe ?

 

II. L’impact de l’Église orthodoxe dans la politique

               1. Constat

         Les relations entre l’Eglise et l’État russe sont bonnes, à tel point que, quand le patriarche Kirill a prononcé son discours d’intronisation (en 2009), il a utilisé la même expression que Vladimir Poutine, en déclarant qu’il était nécessaire de préserver la « verticale du pouvoir ecclésiastique ». Poutine, lui, parlait de « verticale du pouvoir politique ». L’utilisation du langage du président russe par le patriarche orthodoxe est assez significative ici, de leur entente.

               De plus, tous les observateurs de la Russie actuelle reconnaissent que la religion y apparaît omniprésente : partout dans le pays, on rebâtit, on restaure, on remet en service des lieux de culte. Les églises ne désemplissent pas, et l’on constate un nombre impressionnant de retour à la foi et de baptêmes notamment, dont ceux de responsables politiques de premier plan. Les médias, enfin, accordent aux questions religieuses une attention soutenue, tandis que les évêques et les prêtres occupent une place importante dans les débats de société.

On assiste depuis peu à une renaissance de la religion orthodoxe après 70 ans de répression communiste. L’Église orthodoxe est la deuxième institution à laquelle les Russes font confiance, après le Président, et avant les médias, l’armée, la police, ou encore  le gouvernement.

               On constate aussi un changement d’attitude des autorités à l’égard de la religion à partir de 1987, soit deux ans après l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev et le lancement du programme de réformes appelé « ’perestroïka « ’. Du point de vue interne, il n’était plus possible d’ignorer l’évolution d’une partie de la société qui, abandonnant l’idéologie matérialiste, se tournait de plus en plus vers l’héritage culturel et les valeurs spirituelles. De ce fait, l’Église orthodoxe apparaît objectivement comme l’une des institutions publiques les plus crédibles de la Russie contemporaine. Elle est ainsi devenue la source d’inspiration de toute sorte de formations, d’associations socioprofessionnelles, de mouvements ou de partis politiques (comme dit précédemment), qui se donnent pour objectif de “rénover” la société russe en lui redonnant un fondement religieux.

            Il faut dire que la Russie, qui souffre aujourd’hui non seulement d’une crise économique et sociale, mais encore d’un profond vide identitaire, cherche des repères pour se redéfinir et retrouver une signification à son histoire. Dans ce contexte, la religion chrétienne orthodoxe est perçue à la fois comme un élément de cohésion sociale, un facteur de spécificité culturelle, un instrument de recomposition géopolitique et même une source de valeurs morales : au moment de la perestroïka, le religieux était déjà devenu l’un des moteurs de la transformation politique du pays puisqu’il était déjà utilisé par les autorités politiques comme le vecteur d’un renouvellement moral de la société. Par le religieux, la Russie faisait peau neuve. La religion était alors non seulement synonyme d’éthique, mais aussi de liberté individuelle.

Aujourd’hui, c’est à nouveau en inscrivant la morale au cœur du politique que Vladimir Poutine entretient des relations avec l’Église.

               2. Des enjeux distincts, mais indissociables

          L’Église et l’État vont reconnaitre mutuellement leur institution indépendante. L’approche “officielle” consiste à envisager les relations entre l’Église et l’État sur un modèle de coopération et de synergie.

On peut soulever une réelle convergence de deux intérêts.

                              A. Du côté de l’Église orthodoxe russe

              La première ambition de l’Église orthodoxe russe est d’être le leader spirituel de toute l’émigration russe, laquelle devient de plus en plus importante.

             Sa deuxième ambition est de devenir la plus influente Église orthodoxe du monde. Elle l’est numériquement, mais, dans l’ordre de préséance ecclésiastique (ordre de priorité ecclésiastique), elle n’est aujourd’hui que la sixième Église orthodoxe du monde (derrière notamment l’Église orthodoxe de Constantinople classé numéro 1 et l’Église orthodoxe d’Alexandrie que l’on retrouve en seconde position). Elle veut s’affirmer comme la plus importante d’entre elles, en soutenant les Églises de taille plus modeste.

                              B. Du côté de l’État russe   

           Depuis le début des années 1990, tous les observateurs politiques s’accordent sur le constat suivant : après le démantèlement de l’URSS, la Russie n’a pas su élaborer une vision claire de sa nouvelle identité. Les citoyens éprouvent encore des difficultés à intégrer le fait que la Russie soit un État, et non plus un empire. On retrouve cette même réticence dans la vision véhiculée par l’élite au pouvoir, une vision appelée “idée nationale”.

Une partie de la stratégie de Poutine consiste aussi à s’appuyer sur l’Église orthodoxe, avec sa philosophie conservatrice. C’est notamment l’organisation disposant du plus grand réseau social dans la Russie moderne comme nous l’avons vu plus tôt.

            Enfin, un des grands enjeux pour l’Église orthodoxe russe est le maintien de son influence sur l’Église ukrainienne. En effet, compte tenu du nombre de paroisses ukrainiennes (presque aussi nombreuses que les paroisses russes, sur un territoire beaucoup plus restreint), si la Russie perdait l’Ukraine, elle perdrait beaucoup de son poids.

               3.  L’influence de l’Église orthodoxe russe dans la politique internationale de Poutine

            Dans le domaine international, l’Église défend un modèle de cohabitation et de dialogue des civilisations. Elle fait aussi écho à la politique extérieure défendue par le pouvoir. Elle l’aide notamment à renforcer ses liens avec la diaspora russe en établissant des contacts avec la communauté  russe dans le monde. Le patriarche Kirill avait en effet, considéré la disparition de l’URSS comme une “catastrophe” et il attache une importance toute particulière à la défense de la “Sainte Russie” et du territoire canonique de l’Église dans l’étranger proche.

Jean François Colosimo, philosophe et théologien orthodoxe,  dit notamment “qu’en imposant l’Église russe comme le premier interlocuteur orthodoxe dans le monde, Moscou met symboliquement l’accent sur le caractère central de la Russie.”

          De plus, Poutine se positionne comme le défenseur des chrétiens, c’est même le fondement de sa politique extérieure. Il apporte par exemple un intérêt particulier à la Syrie, en soutenant le régime de Bachar Al Assad, le pays où vit la plus grande communauté d’orthodoxes en Orient.

Il se définit également comme le gardien des valeurs chrétiennes en Russie : il condamne notamment les dérives européennes : il a moqué, par exemple, la volonté des États européens de libéraliser le mariage homosexuel.

               Pour finir, citons encore Jean-François Colosimo : “L’Église orthodoxe russe représente pour l’État un ciment symbolique et moral à l’intérieur et une puissance de promotion irremplaçable à l’extérieur”.

               4.  Les raisons de la place de l’orthodoxie dans la politique russe

            Il convient donc d’étudier maintenant avec attention les raisons pour lesquelles le pouvoir actuel peut souhaiter que les organisations religieuses jouent un rôle particulier dans la formation de l’identité nationale.

 La 1re raison tient à la vision romantique, très répandue dans le pays, d’une “renaissance de la Russie”. La référence à l’histoire ancienne est omniprésente, d’autant plus que la période actuelle voit le retour en force d’un conservatisme fièrement revendiqué. Dans la quête actuelle de l’« idée nationale », l’étatisme apparaît comme une valeur extrêmement positive.

La 2de raison réside dans le fait qu’historiquement, l’orthodoxie a souvent permis à la Russie de prendre ses distances avec l’Occident. Le régime actuel veut absolument définir l’unité nationale par opposition à l’Occident.

La 3e raison est la conviction selon laquelle les citoyens russes seraient profondément religieux. Cette conviction se nourrit en partie de la vision historique « romantique » que nous avons évoquée plus haut. Mais elle est aussi confirmée par des sondages, dont il ressort que les Russes font largement confiance à l’Église en tant qu’institution. La « cote de popularité » de l’Église ne cède la place qu’à celle de l’intouchable leader de tous les sondages, à savoir le président Poutine.

Les sociologues des religions soulignent généralement que les personnes se proclamant orthodoxes expriment une religiosité assez confuse. Souvent ces personnes s’avèrent tout simplement non croyantes. Le suivi des rites et des traditions religieuses est très faible en règle générale. Dans la plupart des cas, il conviendrait donc de parler d’identification ethnoculturelle plutôt que d’identification religieuse.

La 4e raison qui explique pourquoi le pouvoir accorde autant d’intérêt à la religion est la foi personnelle de Vladimir Poutine. L’intervention de Poutine dans le processus de réunification entre l’Église orthodoxe de Russie et l’Église de l’étranger, fait que l’on a explicité tout à l’heure, démontre l’intérêt qu’il porte à cette problématique, bien que celle-ci soit strictement cléricale.

La 5e, dernière raison et non la moins importante, est l’inquiétude nourrie par la montée du terrorisme islamiste et, plus globalement, de l’islam radical. Du point de vue du gouvernement actuel, il est nécessaire de conduire une politique dite « thérapeutique ».

               5. Une étude de cas : La Crimée

                              A.  Contexte et cadre

            Au XVIIIe siècle, l’empire russe s’empare de toute la partie orientale de l’Ukraine, tandis que l’Autriche-Hongrie prend la partie occidentale. C’est le début d’un clivage entre l’ouest et l’est du territoire ukrainien. À la chute de l’empire soviétique, l’Ukraine et la Crimée se proclament toutes deux républiques indépendantes, mais l’Ukraine revendique la possession du territoire de la Crimée.

C’est finalement en 1998 que la Crimée est officiellement reconnue comme une province autonome d’Ukraine à qui il est accordé une certaine autonomie budgétaire et le droit d’instituer sa propre représentation. Par ailleurs, grâce à des accords russo-ukrainiens, la Russie dispose de plusieurs bases militaires en Crimée.

                  En novembre 2013, Ianoukovitch (président ukrainien pro russe) annonce un rapprochement avec la Russie. À Kiev, puis dans l’Ouest, on assiste à des rassemblements pro-européens. La pression populaire ukrainienne, les condamnations occidentales et les bavures militaires condamnent Ianoukovitch à l’exil le 22 février 2014. Cette destitution entraîne des manifestations prorusses à l’est. Des régions revendiquent ensuite, un rattachement à la Russie. De ce fait, une rébellion armée voit le jour en Crimée.

Le 18 mars 2014, à la suite d’un référendum entrepris par le Parlement de Crimée et conseillé par les autorités russes, la Russie annonce qu’elle « accepte le souhait de la Crimée de rejoindre la Fédération de Russie ». En effet, les habitants de la Crimée ont voté pour leur rattachement à la Russie à 96 %.

La Russie alterne alors son discours entre apaisement du conflit et réveil des mouvements séparatistes, en envoyant des armements et des troupes : Poutine dit notamment « L’Ukraine orientale, c’est la Russie ! ». Pourtant, le Kremlin continue de garantir sa neutralité dans le conflit.

Dans l’inquiétude, l’Ukraine se tourne vers l’Union européenne et l’OTAN, pour demander une intervention militaire immédiate : le 4 septembre dernier, l’OTAN s’est réunie pour débattre de cette crise politique.

La position du Kremlin semble tranchée : Poutine souhaite un démembrement de l’Ukraine.

                              B. Des motivations religieuses

Il convient de se poser les questions suivantes :

Poutine souhaiterait-il désormais rendre l’Ukraine ingouvernable, dans une situation économique insoutenable, qui ne lui permettrait pas une future intégration à l’Union européenne ?

Souhaiterait-il reconquérir les territoires de l’empire datant de l’époque de l’URSS ?

Doit-on s’attendre au même cas avec la Transnistrie (contre la Moldavie), le Haut-Karabagh (entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie), l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie (contre la Géorgie) ?

Est-ce une guerre contre l’occident ?

               D’une part, il y a l’Église orthodoxe du patriarcat de Kiev à l’ouest de l’Ukraine. Cette dernière a rompu depuis l’indépendance de 1991 avec l’orthodoxie de l’Est, dépendante de la Russie et du patriarcat de Moscou. Elle milite pour le rapprochement avec l’Union européenne. Elle manifeste aussi contre le président prorusse Ianoukovitch et son alliance avec Vladimir Poutine. Elle souhaite détacher l’Ukraine de toute influence russe.

             D’autre part, il y a cette fois-ci, à l’Est, l’Église orthodoxe officielle, dite du patriarcat de Moscou. Elle est l’un des principaux soutiens du président Ianoukovitch en place. Elle dispose d’un statut d’autonomie en Ukraine, mais reste partie intégrante de la puissante Église orthodoxe de Russie, à laquelle elle fournit une bonne partie de ses fidèles, de son clergé, de ses biens. Depuis l’indépendance de l’Ukraine, le patriarcat de Moscou fait tout pour retenir cette Église ukrainienne qui s’autonomise. Elle fait la guerre à l’Église du patriarcat de Kiev, qui lui a pris une partie de son clergé et de ses fidèles.

              On retrouverait donc des intérêts communs entre le patriarcat de Moscou et les intentions politiques de Poutine : Le patriarcat de Moscou souhaite, en effet, contrôler l’Église Orthodoxe en Ukraine afin de devenir le patriarcat le plus influant. Vladimir Poutine, quant à lui, souhaiterait affirmer sa puissance mondiale.

                              C. Notre avis :

                Tout d’abord, malgré le référendum montrant que 97 % des habitants de la Crimée sont favorables à un rattachement à la Russie, ceci n’est pas possible n terme de Droit international. En effet, en ce qui concerne un droit à la sécession, ce dernier peut prendre effet quand le peuple d’un territoire fait l’objet d’une oppression grave. Dans notre cas cependant,  les Criméens ne font l’objet d’aucune oppression avérée. De ce fait, un rattachement à la Russie n’a pas à avoir lieu.

Par ailleurs et selon notre avis, La Crimée peut toujours se déclarer autonome avec l’accord du pays. Nous pouvons relever l’exemple de l’Écosse. Néanmoins, l’Ukraine s’y oppose.

              De plus, l’utilisation de la religion a des fins politiques, nous ne sommes pas d’accord (Exemple : Islam & Daesh). La religion ne devrait pas faire partie de la politique. Ce sont deux idéaux distincts. Nous recommandons un pays laïc.

VIDÉO

La vidéo suivante est très intéressante et pourrait servir de courte conclusion partielle. Nous pouvons y voir le discours du président russe Vladimir Poutine que ce dernier a tenu le 19 septembre 2013, lors du Forum de Valdai (Forum international annuel visant à rassembler des experts pour débattre de la Russie et de son rôle dans le monde) :

Discours de Vladimir Poutine au Forum de Valdai le 19 septembre 2013

–> Nous remarquons très clairement dans cette vidéo que Mr Poutine tient un avis très tranché quant à l’identité qu’il souhaite donner de sa Russie. On discerne notamment très bien qu’il s’oppose à l’Occident. Le lien entre les valeurs morales et la chrétienté que Poutine veut promouvoir, comme on vous l’a expliqué précédemment, est aussi bien mis en avant dans son discours.

 

CONCLUSION

                 On peut ainsi constater que la combinaison du nationalisme et de la tradition religieuse semble revenir actuellement en force en Russie. Après la chute du communisme, l’apparition de la violence, de la drogue et de la mafia, l’Église orthodoxe russe, peut aider cette société en perte de repères.  Elle peut même « aider à réinventer la Russie » souligne H. Tincq. Pour le meilleur, si elle se contente d’exercer une influence spirituelle. Pour le pire si elle cède aux tentations nationalistes.

Dans le domaine de la politique extérieure, l’Église russe est en symbiose avec les intérêts de l’État. Ils ont pour but de défendre les nations orthodoxes face à l’Occident.

Toutefois, l’Église reste un organisme religieux, et le succès de son rôle politique dépendra avant tout de sa capacité à conserver sa place religieuse, son aspect de guide moral.

              Pour finir, on peut se demander si le conflit en Crimée et les nombreuses provocations du président russe à l’égard de l’Occident ne pourraient pas déboucher un jour sur une guerre avec l’Union européenne et les USA.

BIBLIOGRAPHIE

Articles de périodique

Mikhail Mochkine/L’Église orthodoxe réunifiée, une nouvelle force politique/Courrier international. 31 Mai 2007, n° 865

Serge Model /Politique et religion en Russie aujourd’hui. 2009

Ouvrages

Alexandre Verkhovski /Religion et « idée nationale » dans la Russie de Poutine. Les Cahiers russes, 2006

Irene Semenoff /L’Eglise orthodoxe russe, un facteur politique à prendre au sérieux ? 2001

Documents électroniques (sites web)

Religion.info – disponible sur http://www.religion.info/entretiens/article_635

IRIS – Disponible sur http://www.iris/analyse/geopolitique-religieux-article

Wikipedia – disponible sur http://www.wikipedia.fr

Francetvinfo – disponible sur http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/faut-il-craindre-une-guerre-avec-la-russie_684439.html

Lecourrierderussie – disponible sur http://www.lecourrierderussie.com/2014/03/pourquoi-crimee-chere-aux-russes/

Lemonde – disponible sur http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/08/29/ukraine-face-a-poutine-la-marge-de-manouvre-de-l-europe-est-reduite_4479165_3214.html

La croix – Disponilbe sur http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Vladimir-Poutine-se-pose-en-defenseur-des-chretiens-2013-11-25-1065913

Lefigaro – disponible sur http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2014/09/09/31002-20140909ARTFIG00229-ukraine-les-cles-pour-comprendre-le-conflit.php

 

Édouard Neto

Donatienne Harmel

 

 

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La dissuasion nucléaire est-elle encore d’actualité? /grands-enjeux/la-dissuasion-nucleaire-est-elle-encore-dactualite/ /grands-enjeux/la-dissuasion-nucleaire-est-elle-encore-dactualite/#respond Fri, 18 Sep 2015 15:47:09 +0000 /?p=8026 La dissuasion nucléaire est-elle encore d’actualité ?

Bernard Brodie (1910-1978),  le militaire américain qui a établi les bases de la stratégie nucléaire, nous expose la dissuasion nucléaire comme un concept qui « déplace la question centrale du comment gagner la guerre à comment l’éviter ». Plus tard, Etienne Copel (1935), Général de la brigade aérienne française soumet quant à lui l’idée selon laquelle « l’humanité a accumulé de quoi mettre un terme à l’histoire humaine sur la terre ».

Soulevé dès les débuts de la guerre froide, ce concept de dissuasion nucléaire a joué un rôle central dans les stratégies de défense et les relations des « deux grands » à savoir le bloc Soviétique et le bloc Américain. L’arme nucléaire a suscité une rupture profonde dans l’histoire de l’humanité avec les bombardements de Nagasaki et Hiroshima en 1945. Il n’est d’ailleurs pas admis avec certitude que le 21ème siècle se termine sans que l’arme ne soit utilisée une troisième fois.

Il est intéressant ici d’analyser cette notion au niveau mondial, puisque à proprement parlé, la dissuasion repose sur une relation interétatique. Pour répondre à la problématique centrale : « La dissuasion nucléaire est-elle encore d’actualité ? », nous allons nous poser les questions suivantes : Pourquoi la dissuasion est encore d’actualité ? Et pourquoi dérive-t-elle vers une idée d’abandon ? La dissuasion nucléaire est-elle aussi efficace et adaptée au 21ème siècle qu’au 20ème siècle?

N.B : Rappelons qu’ici nous comprenons la notion « actualité » comme faisant référence à la qualité de ce qui est récent, donc de ce qui appartient ou convient au moment présent.

Pour répondre à ces questions, et s’intéresser à cette notion de dissuasion nucléaire, nous allons présenter trois grandes parties. Dans un premier temps, nous développerons les fondamentaux de la dissuasion nucléaire (origine, définitions et moyens d’acquisitions). Puis, nous présenterons en quoi cette notion est encore d’actualité dans ce monde multipolaire (persistance des grands, avancée des petits pays proliférants et caractéristiques). Enfin, nous finirons par exposer l’émergence de nouvelles contraintes qui remettent en cause cette stratégie de dissuasion (questions en suspens, nouveaux enjeux du 21ème siècle et présence de produits de substitution).

I / Comprendre la notion de dissuasion nucléaire

A/ Quelle en est l’origine ?

La dissuasion nucléaire est née lors de la Guerre Froide durant laquelle s’opposait le bloc de l’Est (emmené par l’URSS) et le bloc de l’Ouest (emmené par Etats-Unis). La bombe nucléaire, dont l’idée fut initialement conçue en Allemagne, restera un monopole américain de coercition jusqu’en 1949.

En effet, c’est dans le cadre du « Projet Manhattan » entamé en 1938 aux Etats-Unis afin de réaliser un engin explosif que le premier essai nucléaire de l’histoire est réalisé en juillet 1945 dans le désert du Nouveau-Mexique sous le nom de code « Trinity ». Cette expérience est une telle réussite que le Projet Manhattan aboutit au lancement d’une bombe atomique sur Hiroshima le 6 août 1945 et sur Nagasaki 3 jours plus tard. Contribuant à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’arme nucléaire a donc été utilisée comme moyen de coercition en contraignant le Japon à la capitulation le 2 septembre 1945.

C’est dans le cadre de l’établissement de « l’équilibre de la terreur » que l’arme nucléaire passe d’un monopole américain à un oligopole puisque l’URSS fait exploser sa première bombe A au Kazakhstan en août 1949. Une course à l’armement nucléaire et une prolifération verticale (nombres de têtes) s’en suivent avec la constitution du « club nucléaire » composé de pays intéressés par l’avantage dissuasif de l’arme atomique (Russie, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Chine).

Néanmoins, la dissuasion nucléaire montre ses premières limites lors de la crise des missiles de Cuba en 1962. En 1967 apparaît donc la nécessité de contrôler la prolifération de puissances nucléaires. S’engage alors une dé-prolifération verticale entre les Etats-Unis et l’URSS à travers plusieurs traités. Les accords Strategic Arms Limitation Talks (SALT) 1 en 1972 et 2 en 1979 signés par les deux grands fixent aux armes stratégiques offensives des plafonds. Les accords Strategic Arms Reduction Treaty (START) 1 en 1991 et 2 en 1993 imposent quant à eux une réduction des arsenaux de chacun des deux pays. De même, le Traité de Washington du 8 décembre 1987, le Traité de Paris du 19 novembre 1990 et le Traité de Moscou du 31 juillet 1991 entrevoient la réduction mutuelle des armements nucléaires stratégiques.

Cependant, dans un même temps s’engage une prolifération horizontale (nombre de pays développant la bombe). C’est pourquoi les puissances du Conseil de Sécurité de l’ONU établissent en 1968 le Traité de Non-Prolifération Nucléaire (TNP) afin de contrôler les risques associés à cette prolifération. Par ce traité, les 5 puissances nucléaires s’engagent à ni transférer des armes nucléaires, ni à aider des Etats non nucléaires à en fabriquer. Néanmoins, les Etats-signataires ont l’autorisation d’accéder au nucléaire civil s’ils se soumettent aux vérifications de l’AIEA (l’Agence Internationale de l’Energie Atomique) et s’ils s’engagent à ne pas se doter de l’arme nucléaire.

B/ Qu’est-ce que la dissuasion nucléaire ?

« La dissuasion constitue l’assurance d’une nation contre toutes menaces d’origine étatique visant les intérêts vitaux d’un pays grâce à sa possession de l’arme nucléaire »[1].

Dissuader quelqu’un est le détourner de son intention de faire quelque chose. Dans ce contexte, il n’y a donc pas d’emploi de la force. Il s’agit en d’autres termes d’influencer un acteur à ne pas agir. Le nucléaire correspond quant à lui au noyau de l’atome et à toute l’énergie qui s’en dégage. Finalement, si l’on relie ces deux notions, nous pouvons dire que la dissuasion est née de la confrontation d’un moyen (l’arme nucléaire) et d’une idée (la dissuasion). La doctrine de la dissuasion nucléaire s’est développée sur l’hypothèse de la rationalité des opposants.

La notion de dissuasion nucléaire s’appuie sur un caractère terrifiant au vu de la puissance d’une telle arme. Il y a donc un impact psychologique considérable sur les hommes. Le rapport entre la puissance d’une arme nucléaire et celle d’une arme conventionnelle est d’environ «  100 000 pour 1»[2].

Les caractéristiques de la dissuasion nucléaire

Il existe aujourd’hui 2 types de dissuasion : par interdiction ou par représailles. La première consiste à convaincre l’ennemi qu’il n’arrivera pas à ses fins. La deuxième, est de loin le principal mode de dissuasion nucléaire qui consiste à dire que cette dernière est une menace : je menace d’attaquer parce que j’ai en ma possession l’arme nucléaire.

La dissuasion repose sur trois grands principes. Le premier est relatif à la permanence de l’arme, c’est-à-dire que le dispositif est toujours effectif. Le 2ème principe est la crédibilité. L’acteur doit être assez crédible pour que l’agresseur redoute la menace d’engager le feu nucléaire. Enfin, l’arme doit être strictement suffisante c’est-à-dire exclusivement défensive, excluant toutes attaques.

Les armes nucléaires  

Les armes nucléaires sont des armes non conventionnelles de dissuasion, en opposition avec les armes conventionnelles dites classiques (« de guerre ») qui sont donc conformes aux conventions internationales. C’est en raison de ses effets destructeurs que l’arme nucléaire est considérée comme non conventionnelle : effet de souffle de l’explosion qui détruit tout sur son passage, chaleur de l’explosion qui provoque incendies et graves brûlures et effet des radiations (syndrome d’irradiation aigue[3], pollution radioactive, impacts sur l’individu à long terme – à relativiser-).

Cette arme de destruction massive utilise deux types d’énergies : soit l’énergie dégagée par la fission de noyaux atomiques lourds appelés Uranium et Plutonium (ce qui donne la bombe A) soit l’énergie dégagée par la fusion de noyaux atomiques légers, l’hydrogène, qui donne la bombe H. Cette énergie se mesure en kilotonne ou mégatonne.

Les armes nucléaires peuvent être utilisées à des fins tactiques ou stratégiques. Celle utilisée dans le cadre de la stratégie (exemples des bombes de Hiroshima et Nagasaki) consiste à détruire une agglomération ou/et les moyens de représailles. En revanche, une arme tactique permet les tactiques purement militaires qui consistent à attaquer les forces ennemies sur un champ de bataille[4]. D’un point de vue technique, une ogive nucléaire est la partie antérieure d’un projectile qui contient la charge nucléaire. Une ogive est opérationnelle lorsqu’elle est associée à un vecteur nucléaire, chargée de l’amener sur la cible.

Il existe 3 composantes nucléaires : aérienne, maritime et terrestre. La Chine, les Etats-Unis et la Russie possèdent les 3 composantes, alors que la France a resserré son dispositif autour des composantes aériennes et maritimes, et le Royaume Uni autour de la composante maritime seulement. La composante maritime a comme principaux atouts l’invulnérabilité et la discrétion. La composante aéroportée quant à elle, montre la démonstrabilité puisqu’elle est détectable.

La « hiérarchie nucléaire » : les détenteurs de l’arme nucléaire (voir carte ci-dessous)

En bordeaux, on retrouve le « club nucléaire » c’est-à-dire les 5 puissances nucléaires officielles, toutes membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU. Elles sont reconnues comme telles par le Traité de non-prolifération (TNP), puisqu’elles ont procédé à un essai nucléaire avant le 01/01/1967, soit avant que le traité n’aie figé le paysage nucléaire.

En rouge, les états détenteurs mais non signataires du TNP. Israël n’a jamais reconnu avoir développé ses capacités nucléaires. La Corée du nord a effectué 3 tests nucléaires en 2006, 2009 et 2013.

En jaune, ce sont les états « soupçonnés de développer un programme nucléaire ». Ils sont tous signataires du TNP et de ce fait en infraction puisqu’ils veulent l’arme nucléaire. En 2003, l’Iran a signé un accord avec les 5 puissances nucléaires pour limiter ses taux d’uranium. L’Arabie Saoudite aurait également eu un accord avec le Pakistan sur un échange de technologie nucléaire contre du pétrole bon marché.

Enfin, en vert, nous trouvons les états qui ont démantelé pour diverses raisons leurs installations atomiques. L’Algérie l’a par exemple fait lors de son indépendance en 1962. Le programme nucléaire de Taiwan a été démantelé par les Etats-Unis.

La « hiérarchie nucléaire »


ADM2

 C/ Commentl’acquérir ?

L’arme nucléaire est une arme très sophistiquée qui demande une grande technicité et de nombreuses expérimentations. En effet, chaque bombe contient plus de deux milles composants différents. Sa fabrication n’est donc pas à la portée du premier venu.  Ce dispositif demande des investissements lourds tant dans les matières premières que dans la haute technologie. En réalité, les atomes nécessaires à la construction de l’arme sont en faible quantité, et ne se trouvent pas « dans la nature ». Les techniques sont alors très complexes pour les développer. Les ingénieurs, scientifiques et chercheurs procèdent à des séparations isotopiques consistant à augmenter le nombre d’isotopes d’un élément chimique. Aujourd’hui, il n’existe pas de « marché de l’arme nucléaire », c’est-à-dire un marché où l’arme est faite intégralement. Cependant, il existe bel et bien un marché clandestin des matériaux et des fournitures nécessaires à sa fabrication. Pour commencer à contrer ce phénomène,  le TNP actuel oblige les états membres à ne pas révéler les techniques, matières et fournitures nécessaires à sa confection. Cependant, nous assistons depuis plus de 5 ans à un trafic d’uranium et de plutonium (nécessaire pour la création de la bombe A) qui menace indubitablement la sécurité internationale.

II/ La Dissuasion nucléaire : Une notion actuelle dans un monde multipolaire  

Selon certains spécialistes, l’éclatement de l’URSS en 1991 marque la naissance d’une nouvelle ère : celle du « second âge nucléaire » dans lequel les armes nucléaires sont toujours bien présentes. Il s’agit aussi de la multiplication de nouvelles puissances. Cette pluralité des acteurs accroît ainsi le risque d’emploi, fragilise le tabou sur l’usage de l’arme atomique et rend possible le recours du nucléaire dans un conflit régional. Afin de démontrer que la dissuasion nucléaire est toujours d’actualité, il convient de s’intéresser à la fois aux pays qui modernisent sans cesse leur arsenal nucléaire afin d’améliorer leur crédibilité, et à ceux qui travaillent à l’acquérir si ils n’y ont pas déjà renoncé. Nous noterons alors que la question nucléaire est devenue une question asiatique.

N.B : Il est à noter que les doctrines de dissuasion de chaque pays tendent à évoluer d’année en année.

 A/ La persistance de la menace « des grands » : une modernisation de l’arme

1-Une dissuasion russe améliorée face à l’OTAN 

Depuis la chute de l’URSS et en raison de son infériorité sur le plan de l’armement conventionnel face à l’OTAN, la Russie a placé son arsenal nucléaire au centre de sa politique de défense. De telle manière qu’aujourd’hui, la Russie possède le plus grand arsenal nucléaire au monde, malgré le démantèlement de 1000 têtes nucléaires par an suite au traité New START. Depuis 2010, la doctrine militaire russe prévoit le recours à l’arme nucléaire en réponse à une attaque conventionnelle lorsque “l’existence même de l’Etat est menacée”. Aujourd’hui, cette ligne considère l’OTAN comme un “risque” pour la sécurité russe.

Néanmoins, tout en réduisant progressivement son arsenal nucléaire, la Russie n’a cessé de moderniser ses forces et ressources stratégiques nucléaires en réponse à la mise en place éventuelle d’un système de frappe planétaire rapide par les Etats-Unis. On peut citer le tandem de sous-marin/missile Yury Dolgoruky/Bulava, dont le dernier essai fut réalisé avec succès le 23 décembre 2011.

2- Vers un affrontement Chine-Etats-Unis ?

La Chine promeut le désarmement nucléaire total et le non-usage en premier de l’arme nucléaire. Néanmoins, l’Armée Populaire de Libération abaisse le seuil d’emploi de ses armes stratégiques en janvier 2014. Elle pourrait désormais envisager de conduire une frappe nucléaire préventive contre une puissance nucléaire qui aurait détruit par des moyens conventionnels des lieux stratégiques clés sur son territoire. Ainsi, avec l’objectif de dissuader d’autres pays d’utiliser ou de menacer d’utiliser des armes nucléaires contre elle, la Chine se dote actuellement d’une force suffisante pour répondre aux besoins de sa sécurité.

Elle consacre donc des ressources croissantes à moderniser, étoffer et diversifier son arsenal nucléaire, tant qualitativement que quantitativement. Celui-ci offre à la Chine une force de dissuasion stratégique plus crédible face à la menace que représenterait le bouclier antimissile américain – et par extension – de l’OTAN.

Cependant, l’opacité quasi-complète du programme nucléaire militaire chinois inquiète la communauté internationale puisque la Chine estime en 2010 que son propre programme ne pouvait être soumis à aucune restriction ni regards internationaux. En 2013, ce dernier est evalué à 240 têtes nucléaires opérationnelles. En janvier 2014, la Chine teste pour la première fois avec succès un engin hypersonique qui ne peut être intercepté destiné à permettre à l’avenir de frapper rapidement des cibles éloignées.

Parallèlement, la doctrine nucléaire stratégique des Etats-Unis exclut l’utilisation de l’arme atomique contre un pays non doté respectueux du Traité de non-prolifération nucléaire, même en cas d’attaque biologique ou chimique.

Aujourd’hui, les Etats-Unis mettent donc en avant la domination de la puissance de leur arsenal nucléaire. Bien qu’ils poursuivent leur désarmement et l’élimination des armes obsolètes conformément au traité New START, les Etats-Unis avancent notamment sur le projet de missiles intercontinentaux équipés de charges non nucléaires et poursuivent le développement de la défense anti-missile. Au cours des dernières années, 352 milliards de dollars sont consacrés à la modernisation de leur triade nucléaire, la rénovation la plus couteuse de l’histoire.

En 2012, l’Administration Obama met l’accent sur une « stratégie du pivot asiatique », c’est-à-dire un pivotement de la politique étrangère des Etats-Unis vers l’Asie dans un contexte de tensions liées aux problèmes de Taiwan, des îles de la mer de Chine méridionale et des Îles Sankaku en mer de Chine orientale. Dans ses rapports avec les pays émergents, l’Administration Obama compte sur une logique d’inclusion. Néanmoins, cette politique atteint ses limites en 2014 lorsque la main tendue d’Obama est interprétée comme un signe de faiblesse par les autorités chinoises. Elles y voient l’opportunité d’affirmer brutalement leur pouvoir dans le Pacifique occidental. En conséquence, l’« engagement » en Asie-Pacifique face à la Chine devient plus compétitif, voire militaire.

B/ L’avancée de « petits pays » : prolifération et menace sur leur région

1-La Corée du Nord : élément déstabilisateur de l’Asie du Nord-Est ?

« La stratégie du fou » de la Corée du Nord repose sur sa force nucléaire supposée et déclarée, et des capacités balistiques démontrées lors de plusieurs essais. Si elle n’est pas officiellement formulée, la stratégie de dissuasion nord-coréenne s’appuie sur deux piliers : la menace permanente d’une utilisation et une opacité sur les réelles capacités nucléaires dont dispose ce pays. 

La crise des missiles nord-coréens de 2013 témoigne de manière claire de la volonté de la Corée du Nord de développer et d’améliorer sa dissuasion nucléaire quantitativement et qualitativement. En effet, malgré des sanctions diplomatiques et financières de la part de la communauté internationale depuis son retrait du TNP en 2003, Pyongyang ne cesse de procéder à des essais nucléaires et de développer son programme de missiles balistiques. Ces développements sont justifiés dans sa doctrine par la menace que représenteraient les  manœuvres conjointes entre la Corée du Sud et les Etats-Unis pour le pays.

Source de perturbation dans l’échiquier politique de l’Asie orientale, le discours du régime de Pyongyang est n��anmoins pris au sérieux, notamment par la Chine qui a durci sa politique envers son allié historique nord-coréen. En effet, la Corée du Nord possède une panoplie de missiles balistiques pouvant servir de vecteur à l’arme nucléaire pouvant atteindre la Corée du Sud et le Japon — donc les bases américaines situées dans ces deux pays.

La dictature nord-coréenne se lance ainsi dans une diplomatie « au bord du gouffre », transformant la fabrication de missiles balistiques en moyen de pression à l’échelle internationale pour obtenir des garanties et des aides financières. D’où le recours actuel à la dissuasion nucléaire qui a déjà fait ses preuves dans le passé afin de monnayer un calme relatif.

2-Les vertus de la dissuasion nucléaire dans le sous-continent indien : Les relations Inde-Pakistan

Au cœur de l’actualité internationale, les tensions existant entre le Pakistan et l’Inde à propos du Cachemire rappellent l’importance de la problématique de la prolifération nucléaire. Aujourd’hui, les relations entre l’Inde et le Pakistan s’inscrivent dans un rapport classique de dissuasion nucléaire. Dans une région où la prolifération nucléaire s’explique par la recherche d’équilibre, la possession de l’arme nucléaire par l’Inde et le Pakistan apparaît comme un élément «stabilisateur».[5]

En 1998, l’Inde théorise sa détention de l’arme nucléaire en affirmant que celle-ci repose « sur le non-usage en premier ». Elle utilise l’arme nucléaire comme moyen de reconnaissance au niveau mondial et comme moyen de dissuasion face au Pakistan et la Chine. Le Pakistan quant à lui, allié des Etats-Unis cependant, s’inscrit dans la logique « du faible au fort » dans la recherche de la stabilité en Asie.

Dans ce contexte, ces deux pays ont conjointement mis en place un groupe d’experts qui œuvre à une certaine « harmonisation » des positions de New Delhi et d’Islamabad, cela a permis d’acquérir une stabilisation stratégique dans le but de légitimer leur détention de l’arme nucléaire, tout en rassurant la communauté internationale. Pourtant, les difficultés sur la scène internationale perdurent : le Traité de non-prolifération ne distingue que cinq États dotés de l’armement nucléaire, dont l’Inde et le Pakistan ne font pas partie. De plus, l’Inde et le Pakistan ne parviennent pas à dissiper l’inquiétude de la communauté internationale quant à un risque de « dérapage »  causé par des tensions sociales et religieuses.

Depuis 2006, les mesures de confiance sur le nucléaire entre ces deux pays se sont renforcées. Néanmoins, il y a aujourd’hui une recrudescence des tensions entre l’Inde et le Pakistan à propos du Cachemire alors que le chef de l’armée pakistanaise promet de répliquer à toute agression contre son pays. Même si les deux pays ont signé l’accord de Simla en 1972 par lequel ils s’engagent à résoudre leurs différends pacifiquement, le risque qu’une guerre nucléaire persiste et risque de mettre à mal la dissuasion nucléaire vue comme un élément stabilisateur.

3- Les relations Iran-Israël : une menace à la sécurité du Moyen Orient ?

Aujourd’hui, l’Iran joue sur les dissonances au sein de la communauté internationale dans la mesure où les autorités nationales alternent entre un discours légitimant un programme nucléaire civil et la mise en avant de capacités dans le domaine nucléaire militaire. En effet, bien que l’article 4 du Traité de non-prolifération ratifié par l’Iran en 1970 lui donne le droit « de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques », un  rapport de l’AIEA de 2012 indique que l’Iran poursuit le développement de ses capacités d’enrichissement de l’uranium. Ainsi, l’Iran pratique désormais une dissuasion nucléaire « ambiguë » au Moyen Orient, particulièrement en direction d’Israël.

Parmi les différentes raisons qui encouragent Téhéran à proliférer, les ambitions régionales jouent un rôle important. En effet, l’Iran ne cache pas son intention de s’imposer comme la grande puissance du Moyen-Orient. Cependant, sa prolifération est surtout encouragée par le fait que, à l’heure actuelle, seul Israël est doté de l’arme nucléaire au Moyen Orient. Ainsi, un Iran détenteur de l’arme nucléaire lui permettrait de dissuader Israël de frappes potentielles contre le pays. Cependant, des risques de confrontation et d’attaque ciblée de Tsahal contre les installations nucléaires iraniennes demeurent.

Enfin, l’élection du président iranien Hassan Rohani a permis le déblocage du dossier du nucléaire. Après 10 ans, l’Iran et les grandes puissances occidentales se sont mis d’accord sur un “plan d’action” qui limite le programme iranien aux activités civiles en échange d’un allègement des sanctions en novembre 2013 dans le cadre des Accords de Genève. Les dirigeants iraniens se détachent peu à peu de leur image de « mad mullahs » puisque aujourd’hui, leurs actions sont dictées par une logique de coût-bénéfice. Les récentes avancées entre le pays et les occidentaux viennent confirmer cette nouvelle posture iranienne. 

C/ Les raisons poussant les pays à proliférer et/ou moderniser[6]

Aujourd’hui, la dissuasion nucléaire est durable, et tient lieu « d’assurance vie » puisqu’elle permet d’éviter la guerre.  Les hommes agissent dans un univers certain. Il serait donc – comme le pense les partisans de l’arme – incohérent et illogique de se priver de cette arme. Cette dernière apparait alors comme une garantie, une protection ou encore une sécurité pour l’humanité.  Peut-on finalement dire : oui c’est une sécurité puisqu’il n’y a pas eu de 3ème guerre mondiale ?

Certains parlent même « d’instruments de paix » qui gère les conflits. La preuve en est lors de la Guerre Froide entre les deux Grands : coexistence pacifique dès leurs possessions de l’arme. Mais également entre l’Inde et le Pakistan, où l’arme a permis et permet encore à éviter une guerre. Les dégâts qu’infligerait cette guerre sont effrayants. Les deux pays préfèrent donc « rester sur leurs positions ».

La possession de l’arme permet aussi au pays détenteur d’être garant de son indépendance. Le pays peut donc affirmer sur la scène internationale qu’il ne dépend d’aucune autre puissance en matière de sécurité. Par exemple, l’arme nucléaire est un véritable critère de puissance pour l’Iran. Ou encore, pour le cas de la France, Jean-Yves Le Drian nous dit que la dissuasion nucléaire « donne à la France un poids politique nécessaire pour parler comme la France doit parler ».

La notion de dissuasion nucléaire, et ses risques sont donc bien d’actualité. Cependant, ses perspectives d’avenir posent de lourdes interrogations. Est-elle finalement peu adaptée au monde géostratégique d’aujourd’hui ? 

III/ De l’émergence de nouvelles contraintes pour le nucléaire à la remise en cause de la stratégie de dissuasion

A/ Les raisons poussant au désarmement

1-La question de la légalité et moralité

Avant, l’arme semblait presque « morale » puisque l’objectif de sa possession pour un pays était d’amplifier son emprise sur un territoire. Aujourd’hui, la menace de la conquête d’un pays n’est plus présente. Alors, comment accepter moralement la présence de cette arme, qui conduit à l’extinction de l’humanité ? Cette question de légitimité est apparue suite aux bombardements de Nagasaki et Hiroshima. Cet acte a terrifié et impacté la psychologie des hommes. L’humanité se rend compte que cette stratégie n’a jamais et ne sera jamais anodine. On parle ici d’immoralité et de menace pour le genre humain de la planète qui est finalement « pris en otage » par cette arme.

2-La légitimité

Le droit international est très vaste sur la notion de dissuasion nucléaire. En 1996, la Cour Internationale de Justice estime que la dissuasion nucléaire est « généralement contraire aux règles du droit international ». Mais à la fin de ce même avis, la Cour précise « qu’elle ne peut pas conclure de façon définitive que la menace ou l’emploi d’armes serait licite ou illicite ».

3-L’efficacité et la crédibilité

La dissuasion nucléaire est finalement vue comme une théorie qui ne pourra jamais être démontrée puisque l’arme ne doit « jamais » être utilisée. Les non partisans de l’arme expliquent la relation de cause à effet, qui n’est selon eux pas démontrée. Les Japonais ont capitulé en 1945 parce qu’ils ont été démunis (Et non pas à cause du caractère dissuasif de la possession de l’arme).

La dissuasion nucléaire a également un caractère instable. En effet, il existera toujours le risque qu’elle échoue. Chaque adversaire a peur de l’autre, peur d’être dépassé par les armes. Et cela conduit à un cercle vicieux, une spirale sans fin de course à l’armement, où les pays sont affectés économiquement parlant (de façon négative) et où l’amas d’armes pousse aux risques de déclenchement accidentel.

4-Le coût[7]

L’achat d’arme et également son renouvellement régulier coûtent chers. A titre d’exemple, si la France abandonnait son arme, cela lui permettrait d’économiser 16 milliards d’euros sur 5 ans. Les militaires mondiaux ont souvent une opinion négative sur le coût apporté aux armes nucléaires. En effet, ce choix pèserait trop sur leurs forces conventionnelles, et notamment les forces terrestres.

La solution serait donc d’abandonner une composante, pour progressivement retirer la dissuasion de leur stratégie.

B/ Les nouveaux enjeux du 21ème siècle

Depuis le 11 septembre 2001, le terrorisme est passé en premier plan des attentions de la sécurité mondiale. Les moyens conventionnels ont pris une place croissante au détriment des armes non conventionnelles. La puissance nucléaire des Etats-Unis n’a d’ailleurs pas empêché ces attentats.

Aujourd’hui, il n’existe plus de luttes de souveraineté ou d’ambitions territoriales. D’autres enjeux apparaissent tels que le trafic de drogue, le blanchiment d’argent sale, les prises d’otages, l’immigration clandestine, les conflits liés aux ressources naturelles, ou encore l’arrivée du cyber terrorisme (attaque contre la désorganisation des systèmes d’informations). Et face à tous ces nouveaux enjeux et menaces, la dissuasion nucléaire n’est plus adaptée et ne  « sert à rien ».

L’arme nucléaire est détenue aujourd’hui par des pays où certains segments sont islamistes radicaux ou proches d’organisations terroristes. Par exemple, le Pakistan, dictature militaire la détient aujourd’hui. On parle alors ici de « bombe sale », une bombe radiologique conventionnelle qui est entourée de matériaux radioactifs répandus lors de l’explosion. Cette nouvelle bombe est tout aussi puissante qu’une bombe conventionnelle en termes d’intensité mais son but principal n’est pas de détruire, mais de faire peur. Ce type de bombe intéresse de nos jours les terroristes, d’autant plus que sa fabrication est beaucoup plus simple qu’un autre type de bombe.

C/ La présence de nouveaux substituts [8]

En tant que substitut à l’aspect dissuasif de l’arme nucléaire, il convient de noter que la menace d’utilisation d’armes « conventionnelles » (chars de bataille, mines terrestres…) n’est pas de nature à faire reculer un agresseur dès lors que les enjeux sont extrêmes ou vitaux, comme cela a été le cas en Irak en 2003, par exemple. De même, l’aspect dissuasif du projet de bouclier anti-missile de l’OTAN ayant pour but de protéger l’Europe de tirs provenant du Moyen-Orient est remis en question, notamment par François Hollande en 2012 : « La défense antimissile ne peut pas être un substitut à la dissuasion, mais un complément. »

Qu’en-est-il alors des deux autres armes non-conventionnelles dites « de destruction massive », dont l’acquisition s’inscrit dans une logique de dissuasion ?

Les armes chimiques (gaz, agent VX), qui utilisent délibérément les propriétés toxiques de substances chimiques pour tuer ou blesser, sont nettement plus faciles à mettre au point, à fabriquer et à entretenir que les armes nucléaires et coûtent donc moins chères. Qualifiées de « bombe atomique du pauvre », les armes chimiques peuvent infliger des pertes importantes malgré leurs effets imprévisibles.

Les armes biologiques quant à elles utilisent délibérément des agents pathogènes pour tuer ou blesser. Elles sont encore plus faciles à fabriquer que les armes chimiques ou nucléaires et sont largement moins coûteuses. Tout pays ou groupe terroriste déterminé à fabriquer un agent biologique peut probablement le faire avec un investissement minimal. Même si elles présentent des avantages, les armes biologiques sont généralement considérées comme peu fiables. De plus, bien qu’une convention internationale interdit leur utilisation depuis 1925, la réduction des stocks n’a progressé que lentement depuis.

Bien que les armes chimiques et biologiques constituent des substituts à l’arme nucléaire pour leurs utilisateurs car elles sont peu coûteuses, dissimulables et dévastatrices, leurs aspects dissuasifs ont montré leurs limites. On peut citer l’attaque à l’arme chimique dans la banlieue de Damas en Syrie le 21 août 2013 qui a causé la mort de 1302 Syriens.

 

Conclusion

Après avoir montré ses vertus lors de la Guerre Froide dans un monde bipolaire, la dissuasion nucléaire tend à montrer ses limites dans le nouveau contexte géostratégique marqué par la multiplicité de ses acteurs. Il convient de noter que celle-ci fonctionne toujours dans plusieurs régions du monde, bien qu’elle soit actuellement mise à mal.

Finalement, un abandon, même provisoire de l’arme ne rendrait-il pas un retour extrêmement difficile par la suite?

Quelles sont alors les perspectives d’avenir de la dissuasion nucléaire face au nouveau contexte géostratégique et de nouveaux substituts?  

 

SITOGRAPHIE

ARTE. Nucléaire militaire : Etat des lieux. http://ddc.arte.tv/nos-cartes/nucleaire-militaire-etat-des-lieux (01/10/2014).

BUREAU DES AFFAIRES DU DESARMEMENT DES NATIONS UNIES. Armes de destruction massive. http://www.un.org/fr/disarmament/wmd/index.shtml (1/10/2014).

CABESTAN, Jean-Pierre. L’arsenal nucléaire chinois et sa capacité de frappe en second. http://www.cesim.fr/observatoire/fr/77/chronique/ (22/10/2014).

CALDINI, Camille. Poutine est-il capable d’employer l’arsenal nucléaire russe? http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/poutine-est-il-capable-d-employer-l-arsenal-nucleaire-russe_685555.html (8/10/2014).

CLES. La prolifération nucléaire aujourd’hui. http://notes-geopolitiques.com/la-proliferation-nucleaire-aujourdhui/ (16/10/2014).

KELLER, Bill. L’ère incertaine du nucléaire pour tous. http://www.courrierinternational.com/article/2004/02/19/l-ere-incertaine-du-nucleaire-pour-tous (5/10/2014).

L’EXPRESS. La crise nucléaire en Corée du Nord (1989-2013). http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/la-crise-nucleaire-en-coree-du-nord-1989-2013_480094.html (4/10/2014).

L’EXPRESS. Chronologie: dix ans de crise nucléaire en Iran. http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/chronologie-dix-ans-de-crise-nucleaire-en-iran_481591.html (4/10/2014).

L’OBS. ETATS-UNIS. Projet de modernisation de l’arsenal nucléaire. http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20120916.OBS2541/etats-unis-projet-de-modernisation-de-l-arsenal-nucleaire.html (11/10/2014).

LA DOCUMENTATION FRANCAISE. Les doctrines nucléaires. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/nucleaire/doctrines.shtml (2/10/2014).

MINISTERE DE LA DEFENSE. La dissuasion nucléaire. http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/la-dissuasion-nucleaire (6/10/2014).

NATIONS UNIES. Les essais nucléaires de 1945 à 2013. http://www.un.org/fr/events/againstnucleartestsday/testing.shtml (4/10/2014).

NEXON, Elisande. Quelles doctrines d’emploi pour les armes chimiques et biologiques ? http://www.cesim.fr/observatoire/fr/85/article/193 (8/10/2014).

PFLIMLIN, Edouard. L’arsenal nucléaire se réduit, mais se modernise de façon inquiétante. http://www.lemonde.fr/international/article/2014/06/16/l-arsenal-nucleaire-se-reduit-mais-se-modernise-de-facon-inquietante_4437704_3210.html (2/10/2014).

WIKIPEDIA, La dissuasion nucléaire, http://fr.wikipedia.org/wiki/Dissuasion_nucl%C3%A9aire (15/10/2014)

REVUE PARLEMENTAIRE, La dissuasion nucléaire toujours nécessaire, http://www.larevueparlementaire.fr/pages/RP-897/RP897-debats-pierre-pascallon.htm (2006)

 

BIBLIOGRAPHIE

DELPECH, Thérèse (2013, septembre). La dissuasion nucléaire au XXIème siècle. Odile Jacob, 304 p.

DROUHAUD, Pascal (2003, mars). Inde-Pakistan : les vertus de la dissuasion nucléaire. Armand Colin, 232 p.

PERON-DOISE, Marianne (2005, janvier). La Corée du Nord en 2005 : décomposition ou ultimes métamorphoses ? Armand Colin, 204 p.

TERTRAIS, Bruno (2011, mai). « Défense et illustration de la dissuasion nucléaire » (dossier). Fondation pour la recherche stratégique.

 


[1] Source : Rapports d’informations du Sénat.
[2]Source : Institut des hautes études de défense nationale région lyonnaise –  Citation du Général Alexandre Lalanne Berdouticq qui a fait une conférence à Lyon début 2014 intitulée « La dissuasion nucléaire française est-elle toujours d’actualité ? »
[3] Définition Larousse : Exposition d’un organisme ou d’un matériau à des rayonnements ionisants, quelle qu’en soit la nature
[4]Source : Wikipédia
[5] Source : Cairn.info – Inde/Pakistan, les vertus de la dissuasion nucléaire
[6] Source : L’OBS Pour ou contre l’abandon de la dissuasion nucléaire ?
[7] Source : Le Figaro
[8] Source : CICR – armes chimiques et biologiques
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L’évolution d’Al Qaïda /terrorisme/levolution-dal-qaida-2/ /terrorisme/levolution-dal-qaida-2/#respond Fri, 11 Sep 2015 08:50:48 +0000 /?p=10605 L’évolution d’Al Qaïda

Le mouvement religieux et islamiste communément appelé Al Qaïda (« La base » en Français), mais aussi Qaïda Al-Jihad (« La base du Jihad ») a été fondé en 1987 par Abdullah Yusuf Azzam et Oussama Ben Laden et est toujours actif aujourd’hui. Ce mouvement considéré comme terroriste pas le monde occidental est né lors de la 1re Guerre d’Afghanistan. C’est la continuité du groupe Maktab Al-Khadamät, créé par Abdullah Yusuf Azzam. Le groupe fut financé, mais aussi équipé militairement par les États-Unis du gouvernement Reagan afin qu’il puisse combattre les forces soviétiques envahissant l’Afghanistan. En 1988, les membres dirigeants se sont réunis afin de décider de l’avenir du mouvement une fois l’URSS chassée. Bien que le mouvement fut initialement créé pour s’opposer aux Soviétiques, il fut décidé de continuer le Jihad. Les objectifs d’Al Qaïda se clarifièrent : établir un régime islamiste dans les pays à majorité musulmane, rétablir le Califat et détruire ce toute forme d’influence occidentale sur les terres musulmanes. Les membres de ce groupe souhaitent la nette séparation du monde musulman et du monde occidental, dirigé selon eux par les États-Unis.

On peut dire qu’Al Qaïda a connu deux ères : l’avant et l’après 11 septembre 2001. Le monde occidental, en particulier les États-Unis, a changé radicalement ses rapports avec cette organisation suite à cet attentat sans précédent.

À la mort d’Abdullah Yusuf Azzam en Novembre 1989,  Al Qaïda, encore appelé, Maktab al-Khadamät fut dirigé par des membres du djihad islamique égyptien qui prônent le renversement des dirigeants arabes non islamiques, alors qu’Azzam avait quant à lui pour principal désir de reconquérir les anciennes terres de l’islam. Le MAK éclate donc et c’est en cette même année qu’Oussama Ben Laden prend le contrôle d’Al Qaïda.

Oussama Ben Laden retourne dans son pays d’origine, l’Arabie Saoudite, et forme le comité du Jihad qui rassemble plusieurs groupes militants islamistes des pays suivant : l’Égypte, le Yémen, le Pakistan, le Liban, la Libye, la Jordanie et l’Algérie. C’est le début du développement du mouvement. Il avait aussi pour but en retournant dans son pays de continuer à convaincre le gouvernement saoudien de soutenir financièrement les musulmans djihadistes, mais cela n’a pas fonctionné. À ce moment-là, Al Qaïda se concentrait principalement sur les pays, gouvernements, groupes qui étaient infidèles aux règles de l’islam pur. En 1991, Ben Laden quitte l’Arabie Saoudite après que le pays lui ait refusé la direction de son armée, afin d’empêcher l’Irak de pénétrer sur le sol saoudien, alors qu’il venait d’envahir le Koweït.

La volonté qui anime Oussama Ben Laden d’étendre un combat islamique mondialisé, mené par Al Qaïda, vient suite aux échecs des mouvements islamiques face aux États de leurs propres pays en Égypte en Algérie ou encore en Bosnie. Il y a suite à cela une radicalisation de ces mouvements. Al Qaïda décide ainsi de s’attaquer directement aux États-Unis, car c’est le pays qui, selon le mouvement, dirige et personnifie le mieux  le monde occidental dont les valeurs vont à l’encontre des valeurs de l’Islam. Cela est rendu possible grâce aussi au progrès technique qui va lui offrir des outils de plus en plus perfectionnés.

Le premier attentat revendiqué par Al Qaïda a eu lieu le 29 décembre 1992 au Yémen dans deux hôtels hébergeant des soldats américains. S’en est suivi trois mois plus tard, le 26 février 1993, un attentat à l’explosif au World Trade Center à New York. Jusqu’au 11 septembre 2001, on recensera dix attentats attribués à l’organisation.

Le groupe décide en 1996 de quitter le Soudan, car il ne se sent plus protégé par le pays. Il retournera alors là  ou il a été créé : en Afghanistan. Les caractéristiques géographiques du pays lui permettant d’opérer discrètement,  d’être difficile à repérer et donc à combattre. Il recevra également la bénédiction et la protection du gouvernement taliban. Entre 1996 et 2001, Al Qaida sera l’auteur des attentats de Khobar le 25 juin 1996 en Arabie Saoudite et le 7 aout 1998 des attentats quasi simultanés de Nairobi et de Dar es-Salaam au Kenya et en Tanzanie

Après les attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ainsi que d’autres alliés comme l’Alliance du Nord, le Royaume-Uni, la France ou encore le Canada ont déclaré la guerre à Al Qaïda en Afghanistan. L’invasion du pays, son occupation par les forces de la coalition et la chute du régime des talibans, mènera à la fragilisation de la structure de l’organisation et à la mise en place de plusieurs cellules locales qui agissent en son nom sans avoir de lien historique avec celle-ci. Les attentats ont moins d’envergure, mais se démultiplient tout en gardant la même cible : tout ce qui s’apparente à l’occident dans les pays dans lesquels ils se trouvent.

Des mouvements ont pris le nom d’Al Qaïda en Irak, au Maghreb, en péninsule Arabique, au Pakistan et en Asie du Sud Est (cf annexe). L’organisation est faite sous forme de réseau et est présente sur de nombreux territoires. En revanche les chefs sont décimés et cela empêche à l’organisation d’être solide.

La guerre menée par l’occident contre le terrorisme a permis l’arrestation ou la mort de nombreux leader du groupe, dont Oussama Ben Laden, le 2 mai 2011. Ceci a mené à un fort affaiblissement de ce qui était autrefois une organisation solide.

Aujourd’hui, le groupe existe toujours et est dirigé par l’ancien numéro deux d’Oussama Ben Laden : Ayman al-Zawahri. Cependant il a perdu en importance suite à la mort de leur leader idéologique. En outre, le mouvement a perdu en vigueur et  a créé beaucoup de déçus parmi ses rangs et ses soutiens. Cela explique en partie l’émergence de DAECH, dont les déçus sont venus en enrichir les rangs . Une émergence rapide couplée d’un succès qui vient éclipser les actions d’Al Qaida. En effet, en parvenant à prendre le contrôle de  larges portions de territoires syriens et irakiens, et d’assurer son emprise sur les populations locales,  ce qui n’était initialement qu’une branche d’Al Qaida à réussi à faire ce que les autres organisations se revendiquant du jihadisme n’ont pu. Créer un état islamique “d’avant garde” et rétablir le Califat.

Auteur: Thomas Profit

Édition et mise à jour: Omar Tarabay

Annexes

Définition des termes en arabe:

Djihad : combat, action armée pour étendre l’islam, et éventuellement le défendre

Moudjahidines : personne de haute morale, combattant de la foi qui s’engage dans le Djihad

Sources :

http://www.erta-tcrg.org/cri6224/2004-2006/aq_creation.htm

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/

http://www.lesclesdumoyenorient.com/A-la-recherche-d-un-nouveau.htm

http://www.europe1.fr/international/a-quoi-ressemble-al-qaida-aujourd-hui-1063557

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L’évolution d’Al Qaïda

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L’Iran d’aujourd’hui : puissance et identité /geopolitique/liran-daujourdhui-puissance-et-identite/ /geopolitique/liran-daujourdhui-puissance-et-identite/#respond Fri, 04 Sep 2015 14:18:47 +0000 /?p=7518 Introduction :

L’Iran a connu ces dernières années de nombreux bouleversements modifiant considérablement sa situation aussi bien sur le plan économique, politique que culturel. Ce pays connait un développement important depuis quelques années. En effet, l’Iran est considéré comme étant un pays émergent, c’est à dire qu’il connait une croissance économique rapide, une évolution de son ouverture à l’international et un développement de son marché intérieur.

L’Iran se situe en Asie du Sud-Ouest et a des frontières communes avec de nombreux pays : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan, l’Irak, la Turquie, l’Afghanistan et le Pakistan. Le territoire iranien est donc un point de passage puisqu’il est à l’intersection des mondes arabes, russes et indiens. De plus, l’Iran est bordé par la mer caspienne, le golfe persique et l’océan indien, ce qui en fait un pays géographiquement très intéressant.

Carte du Moyen-Orient

L’Iran a pour capitale Téhéran. Avec plus de 77 millions d’habitants, ce pays a une diversité culturelle très intéressante puisqu’on y retrouve plus de 80 populations différentes : les Perses (61% de la population nationale), les Azéris (16%), les Kurdes (10%) et d’autres minorités telles que les Baloutches, les Turkmènes. L’identité culturelle désigne le sentiment d’appartenance d’une personne ou d’un groupe à une même culture, religion, ethnie… La population iranienne est majoritairement perse et l’identité culturelle perse du pays est très marquée et contraste avec la culture arabe, dominante dans le reste du Moyen Orient.  

 L’Iran est à majorité religieuse chiite (90% de la population) et est un des rares pays qui vient contrebalancer la situation religieuse du Moyen-Orient, qui est lui à majorité sunnite. Les 10% restants sont composés de sunnites et d’autres minorités religieuses mais malgré la présence de ces minorités l’Iran est un des seuls pays où la situation religieuse est plutôt stable et peu de conflits sont à déplorer.

L’Iran est le deuxième producteur de pétrole au monde, ce qui est un avantage déterminant dans son développement. C’est le premier pays du Moyen-Orient à avoir commencé à en exporter et il  dispose également de la deuxième plus grande réserve mondiale en gaz.

Suite aux évènements de ces dernières décennies, notamment la révolution iranienne et la guerre Iran-Irak, le pays a connu un certain nombre de difficultés mais a su se relever et connait aujourd’hui une évolution de sa croissance. Ce pays a su tirer des avantages de ses ressources naturelles. Cependant, étant bordé par de nombreux pays, l’Iran doit faire face à plusieurs menaces. De plus, la situation interne reste encore instable et subsiste encore des séquelles du régime du Shah.

Quel est la place de l’Iran au Moyen-Orient et dans le monde de nos jours ?

On peut définir la puissance d’un pays comme étant « un concept à dimension internationale qui définit l’attractivité d’un pays et sa faculté d’apparaitre aux autres comme un pôle tant au niveau culturel, économique que militaire ». Dans un premier temps, nous nous intéresserons à l’évolution de l’Iran des dernières années au niveau politique et culturel, puis dans une seconde partie, nous développerons les enjeux posés par ce pays aujourd’hui sur la scène internationale.

A.   L’évolution de la situation Iranienne depuis la révolution

1.      L’Iran depuis 1979

La révolution iranienne de 1979 est un évènement bouleversant dans l’histoire de l’Iran. En effet, cette révolution met fin au régime du Shah : Mohammad Reza Pahlavi et remet en cause la situation du pays puisque l’Iran va dès lors devenir une république islamique. Cette révolution a été d’une violence extrême et a considérablement affaibli le pays. A la suite de cette révolution, le futur de l’Iran est encore incertain, et  Khomeini va alors mettre en place un gouvernement provisoire afin de calmer la situation rétablir l’ordre. Mais, l a du mal à se stabiliser puisqu’il est confronté à de nombreux conflits internes avec des contestations qui continuent et des conflits externes notamment avec les Etats-Unis et l’Irak.

Pendant la guerre froide, l’Iran faisait partie du bloc américain, pourtant entre le 4 novembre 1979 et le 20 janvier 1981, des jeunes Iraniens retiennent 52 otages américains à l’ambassade des Etats-Unis de Téhéran. Cet évènement détériore fortement les relations entre les Etats-Unis et l’Iran, et le président américain de l’époque met en place des pressions d’ordre économique et diplomatique telles que l’arrêt des importations de pétrole, l’expulsion d’iraniens du territoire américain, etc. Les Etats-Unis cherchent alors à tout prix à isoler l’Iran.

Au même moment, en 1980, l’Irak profite de la faiblesse Iranienne pour envahir le pays. Les Etats-Unis vont jusqu’à armer l’Irak pour les aider à attaquer l’Iran. Saddam Hussein a peur de la montée en puissance de Khomeini dans le monde musulman et en menant cette guerre il a plusieurs objectifs : affaiblir le régime iranien, déplacer les frontières Iran/Irak afin de s’emparer du pétrole du Khuzestân (région frontalière de l’Irak situé au sud-est de l’Iran) et reprendre trois îles situées dans le détroit d’Ormuz. Cette guerre dure 8 ans et aura des conséquences catastrophiques sur le pays puisqu’on recense des milliers de morts et le pays en sort très affaibli. A la suite de cette guerre, l’Iran et l’Irak tentent de rétablir de bonnes relations mais ils essayent encore de nos jours de trouver un arrangement au niveau des frontières.

            A la fin de cette guerre, les relations entre l’Iran et le reste du monde sont très mauvaises. L’Iran s’est mis un grand nombre de pays à dos mais cherchera par la suite à reconstruire des relations avec l’occident. Par exemple, la situation entre l’Iran et l’Union-Européenne s’améliore puisque l’Iran devient l’un des fournisseurs principaux de pétrole pour certains pays comme l’Italie, l’Allemagne ou bien la France.

D’autres désaccords persistent cependant avec certains pays. Par exemple, les frontières de la mer caspienne ne sont pas encore définies. L’Azerbaïdjan, le Turkménistan et l’Iran sont donc encore en négociation pour définir au mieux ces nouvelles frontières. Les Emirats arabes eux réclament deux petites îles détenues par l’Iran qui se trouvent dans le golfe persique.

Avec la révolution et la guerre contre l’Irak, la situation de l’Iran a été très mouvementée et le pays a mis du temps à se stabiliser et à améliorer ses relations avec le reste du monde. De plus, l’Iran a aussi dût gérer différents conflits politiques internes.

2.      La situation interne iranienne

Depuis la révolution Iranienne et la fin du règne du Shah, des conflits internes ont persisté et viennent à peine de s’apaiser mais pour combien de temps ?

<Ces conflits internes sont principalement dus aux élections dans le pays. En effet, à la fin de la révolution islamique, l’Iran va être déclaré comme une république islamique basée sur le Coran.Attention le terme république ne signifie en rien la notion de république telle que nous la connaissons. Cette république islamique est, en réalité, basée sur la jurisprudence religieuse. On désigne donc l’Iran comme ayant un régime théocratique. Une théocratie est un régime politique où le pouvoir provient de Dieu. Une nouvelle constitution va donc être créée en se basant sur la religion islamique. Ce système est tout à fait atypique puisqu’on y retrouve le chef de l’état considéré comme étant le guide suprême. C’est le premier personnage du régime iranien et il est au pouvoir pour une durée indéterminée. Ali Khamenei occupe donc ce rôle depuis 1989. Il s’occupe de la gestion des grandes orientations du régime, des questions législatives, et des questions judiciaires. On retrouve ensuite le président de la République qui lui estélu au suffrage universel direct, pour une durée de 4 ans. Il s’occupe des questions exécutives. Son pouvoir est assez limité puisque le chef suprême a un droit de regard sur les actions menées par le président et peut à tout moment contrer une décision du président. On retrouve également un conseil des gardiens de la constitution, le conseil de discernement de l’intérêt supérieur du régime, le parlement et l’assemblée des experts.

Ce système politique reste assez instable puisque les élections présidentielles de 2009 ont été très controversées.A la suite de celles-ci, le président Mahmoud Ahmadinejad va être réélu pour une durée de 4 ans. Mais cette réélection va provoquer de nombreuses contestations. En effet, les Iraniens dénoncent des élections truquées avec « une falsification massive » et des « fraudes massives ». De nombreuses manifestations ont lieu pour contester la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. De nombreux morts sont à déplorer lors de ces revendications. Cet évènement fera le tour du monde et marquera fortement les esprits. C’est pourquoi, l’Occident va aller jusqu’à demander à l’Iran d’assurer la validité de ces élections. L’ONU en viendra même à demander l’arrêt des manifestations mais aussi l’arrêt des violences exercées contre les iraniens. Les élections présidentielles de 2009 ont donc bouleversé le pays puisqu’elles ont été largement contestées et qu’il y a eu un retour à la violence. En effet, il n’y avait plus eu de mouvements de contestations d’une telle ampleur depuis la révolution iranienne. Ces élections ont donc montré l’insatisfaction du peuple iranien envers ce régime qu’il juge encore trop autoritaire. Une forte violence persiste dans le pays et les iraniens ont encore une faible liberté d’expression.

Afin d’améliorer l’image de l’Iran à travers le monde, des efforts sont faits pour les élections législatives de 2012. Grâce à ces efforts, l’Iran a su prouver, au monde entier, qu’il pouvait avoir un système politique mature, une certaine stabilité politique et qu’il était capable de surmonter d’importants conflits internes. Une certaine sérénité regagne le pays et les élections se passent sans souci majeur.

On assiste ensuite en 2013 aux élections présidentielles qui mènent à l’élection d’Hassen Rohani. Tout comme les élections de 2012, celles-ci se passent sans gros problèmes et à la suite de ces deux élections, l’Iran retrouve une certaine stabilité au sein du pays même si la légitimité des élections reste largement contestée par certains pays tels que les Etats-Unis ou la France.

L’élection de Rohani, moins conservateur que son prédécesseur, est porteuse de nombreux espoirs quant à l’évolution de l’Iran. Pourtant, la question des droits de l’homme et de la liberté d’expression reste un vrai problème. En effet, Amnesty international retient l’Iran comme étant le pays où il y a le plus d’exécutions sommaires. Ces dernières semaines, une centaine de journalistes iraniens ont adressé une lettre au président Rohani pour demander la libération des journalistes emprisonnés en Iran, dont le nombre ne cesse d’augmenter depuis son arrivé au pouvoir, bien qu’il ait promis un environnement moins hostile pour ces derniers. Le président avait aussi promis plus de liberté et un assouplissement de la police des mœurs, pourtant le parlement travaille actuellement sur une loi visant à encourager les individus cherchant à « organiser le bien » et « interdire le mal ». Ainsi les femmes mal voilées devraient suivre des cours de bonnes mœurs et seraient passibles d’amendes voire de peines de prison… La question reste de savoir si le président ne tient pas ses promesses ou s’il s’agit des décisions du guide suprême dont le pouvoir est supérieur à celui du président…

A travers cette première partie, nous avons pu comprendre les évolutions de l’Iran ces dernières années et nous allons à présent nous demander quelle est la position actuelle de l’Iran sur la scène internationale.

B.   L’Iran sur la scène internationale

1.      Un point stratégique du transport pétrolier : Le détroit d’Ormuz

L’Iran est un acteur clé au Moyen Orient, et son principal avantage stratégique est la domination du détroit d’Ormuz. Il existe un certain nombre de détroits stratégiques pour l’acheminement du pétrole, notamment le canal de Suez, le détroit de Malacca, et le plus important : le détroit d’Ormuz.

Le détroit d’Ormuz

Entouré par l’Iran, et le sultanat d’Oman, le détroit d’Ormuz offre un passage du Golf Persique à la mer d’Arabie. Ses eaux sont peu profondes et de nombreuses îles rendent la navigation assez compliquée, et en son point le plus étroit il n’est large que de 54 km. Pourtant il est le point de passage du pétrole le plus important au monde puisque chaque jour 20 millions de barils de pétrole y circulent.

Le détroit d’Ormuz en quelques chiffres :

  • 20 million de barils /jour (la France consomme moins de 2 million barils/ jour)
  • 1/4 du pétrole mondial
  • 1/8 pétrole brut  à destination des USA
  • 1/4 pétrole brut à destination de l’Europe
  • 1/3 pétrole brut à destination du Japon
  • Il est bordé d’un grand nombre de gisements pétroliers dont le plus grand au monde Ghawar (Arabie saoudite, 5 millions barils/jour, 280km*30km, 6% prod mondial).

Le contrôle de ce détroit représente un pouvoir considérable sur le marché mondial du pétrole, et l’Iran cherche à consolider cet avantage. En effet, l’Iran a construit un très grand port militaire, le port de Bandar Abbas afin de contrôler cette zone. De plus il a également installé des bases militaires pour protéger les iles d’Abu Musa et Tomb, qui forment un couloir que les pétroliers sont obligés d’emprunter. Il possède aussi une importante puissance militaire sous-marine.

Le transit du pétrole mondial : zoom sur le détroit d’Ormuz

Les enjeux posés par le détroit d’Ormuz sont d’autant plus importants qu’il n’y a actuellement pas d’alternative aussi efficace pour assurer le transport du pétrole. Les pétrolines terrestres ne peuvent sortir que 5 millions de barils par jour (soit 1/4 de la capacité du détroit) et bien que la création de nouveaux pipelines puisse être envisagée, cela serait toujours moins important que le transport maritime, d’autant que la situation actuelle au Moyen Orient rend ce type de grand projet plutôt difficile à mettre en place.

L’Iran dispose donc d’un fort pouvoir de pression sur le monde entier via la maitrise de ce détroit. Le prix du pétrole réagissant au coût marginal, le moindre dérèglement à Ormuz pourrait entrainer une explosion des prix, un choc pétrolier, une crise économique… L’Iran a donc bien assuré ses positions et est prêt à profiter de son pouvoir. En effet, le guide suprême Khamenei a déclaré : « Tous les pays doivent le savoir si les intérêts de l’Iran sont menacés, nous ne permettrons pas aux autres d’utiliser le détroit d’Ormuz. »

Le détroit d’Ormuz à déjà était le théâtre de plusieurs accrochages, par exemple en 2008 trois navires de guerre américains ont été menacés par des bateaux détenus par les gardiens de la révolution. Le gouvernement américain a considéré qu’il s’agissait de provocation de la part du gouvernement iranien.

2.      La position de l’Iran dans le conflit Syrien

Si l’Iran se positionne aujourd’hui comme un acteur incontournable au Moyen Orient et sur la scène internationale c’est en grande partie grâce à sa prise de position très ferme sur la question de la guerre en Syrie. En effet,  Téhéran s’engage des le début du conflit à soutenir le gouvernement de Bachar el Assad par tous les moyens possibles et considère que les troubles en Syrie sont le résultat d’un complot occidental (ainsi que de la Turquie et des monarchies du Golf). La position de l’Iran est claire : il faut rétablir la paix et apaiser les tensions en Syrie mais il est hors de question de destituer Bachar el Assad.

L’Iran va donc appuyer le régime el Assad de différentes façons :

Soutien moral :

  • – Conseils sur la sécurité publique tout en encourageant les parties à négocier.

Soutien Politique :

  • – L’Iran s’oppose à toutes les ingérences étrangères en Syrie (à part la sienne) et soutient systématiquement la Syrie devant l’ONU
  • – Lorsque l’ONU vote le texte condamnant le recours à la violence massive en Syrie, seuls quatre pays ne signent pas : la Syrie, l’Iran, la Chine et  la Russie
  • – En Juillet 2012, l’Iran organise sa propre conférence de paix entre la Syrie et l’opposition (cependant, l’occident, le Qatar, l’Arabie saoudite et l’opposition syrienne n’y sont pas représentés).

Soutien militaire :

  • – Envoi d’armes en Syrie,
  • – Action sur le terrain notamment via la milice libanaise du Hezbollah, grand allié de l’Iran

Soutien économique et financier :

  • – L’Iran aide Damas à écouler son pétrole à destination de la Chine via l’Irak
  • – Accord de libre-échange Syrie-Iran
  • – L’Iran aurait déjà prêté 10 milliards de dollars à la Syrie en octobre 2012,
  • – Ouverture d’une ligne de crédit pour la Syrie de 1.3 milliard de dollars en 2013 puis de 4 milliards supplémentaires pour contrer l’embargo international sur la Syrie

L’Iran a donc fait preuve d’une grande constance diplomatique depuis le début de la crise Syrienne soutenant systématiquement son allié. Une exception ; en mai 2013, l’Iran condamne l’utilisation d’armes chimiques en Syrie (l’Iran ayant lui-même été victime de ses armes pendant la guerre avec l’Irak).

Ce soutien constant à d’ailleurs porté ces fruits, le General marines James Attis déclare en Avril 2013 : « absent Iran s help, I don’t believe that Assad would have been in power the last 6 months ».

Avec ce soutien sans faille, on en vient donc à se demander pourquoi l’Iran tient tant à soutenir la Syrie et plus particulièrement le gouvernement de Bachar El Assad ?
L’Iran est très fortement opposé aux occidentaux (en particulier aux Etats Unis) et à Israël. Pour renforcer ses positions face à l’occident, on assiste à la mise en place de ce que le gouvernement Iranien appelle « l’axe de la résistance » (ou de façon plus réductrice « arc chiite ») et qui comprend donc Gaza, le Liban (notamment le sud avec la présence du Hezbollah), l’Irak (depuis la chute de Saddam Hussein en 2003), la Syrie, l’Iran et l’ouest de l’Afghanistan (depuis la chute des talibans en 2001).  L’Iran a donc apporté tous son soutien à la Syrie pour éviter de voir cet « axe de la résistance » brisé et donc de perdre sa position au Moyen-Orient. De plus, ce conflit a ravivé les tensions entre sunnites et chiites dans la région et l’Iran se doit donc d’empêcher une victoire des sunnites.

Carte du Moyen–Orient représentant « l’axe de la résistance »

Ce conflit représente également une opposition indirecte entre Téhéran et l’occident, Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar, et finalement, soutenir l’opposition Syrienne signifie également s’opposer à Téhéran et chercher à affaiblir l’arc chiite. La crise syrienne aura bien permis à l’Iran d’affirmer qui sont ses alliées, notamment la Russie et la Chine car ils prennent les mêmes positions à l’ONU et Téhéran soutient la Russie pour mettre fin à l’utilisation d’armes chimiques en Syrie.

Cependant il est important de noter que l’arrivée au pouvoir du président Rohani en juin 2013, à redéfini la stratégie diplomatique de l’Iran. En effet, même si la position de l’Iran face à la Syrie n’a pas changé, le nouveau président tente d’améliorer ses relations avec « ses ennemis »:

  • -Rencontre avec le président Hollande,
  • -Entretien téléphonique avec Obama (ce qui constitue les premières relations US-Iran depuis 1979),
  • -Se rapproche du Qatar en déclarant que «ce pays peut jouer un rôle vital dans le règlement de la question syrienne » et que « ces deux pays (Iran et Qatar) sont en mesure d’établir la paix régionale ».
  • -A également fait un pas vers la Turquie dans un souci d’apaisement des tensions (il s’agit également de diviser les soutiens à l’opposition Syrienne).

Mais ce qui confère à l’Iran un pouvoir de négociation important, face aux occidentaux dans le règlement de la crise Syrienne est également sa position sur le plan du nucléaire, grande source de tensions depuis quelques années…

3.      Les relations Occident/Iran : le cas de la crise nucléaire

Le programme nucléaire iranien a été lancé dans les années 50 et l’Iran a ratifié le traité de non-prolifération (TNP) en 1970. Depuis 2002, les tensions autour de la question du nucléaire en Iran sont importantes car les Etats-Unis et l’Europe pensent que ce programme a été corrompu à des « fins militaires » après la découverte d’une installation d’enrichissement de l’uranium à Natanz (dont une partie est souterraine) et une installation à l’eau lourde à Arak (enrichir l’uranium n’est pas interdit par le TNP). Le gouvernement iranien lui, maintient qu’il ne s’agit que de recherche visant un but énergétique et accepte d’arrêter momentanément ses recherches en gage « de bonne foi ». Mais l’enrichissement reprend dès l’élection du président Ahmadinejad et la question du nucléaire iranien est portée devant le conseil de sécurité de l’ONU.

Iran_nuclear_program_map-fr.svg

Les principaux sites nucléaires iraniens

Au Moyen-Orient, 4 pays possèdent l’arme atomique : la Russie (accord TNP), l’Israël, l’Inde et le Pakistan (n’ont jamais signé le TNP).

L’Iran continue d’affirmer qu’il ne s’agit pas de recherche militaire mais en 2009, Ali Khamenei déclare : « en se renforçant sur le plan scientifique, économique et technologique, l’Iran surmontera tous les complots de l’étranger et dans un avenir proche, atteindra un point tel qu’aucun ennemi n’osera plus même penser à une offensive militaire, politique ou économique… »

Même si l’arrivée au pouvoir de Rohani détend un peu l’atmosphère, les inquiétudes grandissent  autour de ce problème du nucléaire. Israël, grand ennemi de l’Iran, se dit très inquiet de la possibilité que l’arme atomique tombe aux mains de ce pays « instable ». Cependant les frappes aériennes sont impossibles car la plupart de ces sites sont enterrés et l’explosion d’un site nucléaire aurait des retombés catastrophiques sur le pays et ses voisins. Les seules alternatives sont donc les sanctions imposées à l’Iran par l’ONU afin de parvenir à un accord (notamment la réduction du nombre de centrifugeuses).

En janvier 2012 un embargo partiel se met donc en place sur l’Iran notamment un embargo pétrolier (on passe de 2.6 millions de barils exportés par jour à 800 000) et des sanctions sur la banque centrale iranienne afin d’assécher les moyens de financement du programme nucléaire. L’Iran accepte donc de geler une partie de ses recherches contre la suspension partielle de ses sanctions dont le poids économique est difficile à gérer. De plus les sanctions ont également eu un poids écologique assez important. En effet, l’Iran, ayant très peu de raffineries, est dépendant des importations d’essence (pour 1/3 de sa consommation) et a dû pendant l’embargo « improviser » des raffineries produisant de l’essence de mauvaise qualité ; ceci a entrainé des pics de pollution importants. En 2012, 4 460 personnes seraient mortes à cause de la pollution de l’air.

Plus récemment en juillet 2015, les négociations menées à Vienne entre l’Iran et les P5+1 (soit les cinq pays membres permanents du Conseil de Sécurité et l’Allemagne) accouchent finalement d’un accord. C’est un accord fait suite à l’Accord préliminaire de Genève signé le 24 novembre 2013, qui prévoyait alors de parvenir à une solution globale mutuellement acceptable à long terme qui permette d’assurer que le programme nucléaire iranien reste exclusivement à usage civil et pacifique.

Malgré les difficultés et la longueur des négociations, le Plan d’Action conjoint sera signé le 14 juillet 2015  à Vienne par les P5+1, l’Iran ainsi que l’Union européenne. L’accord prévoit la levée des sanctions imposées au pays aussi bien par les États Unis que l’Union européenne et l’ONU. Cet accord fut salué par la population iranienne, qui reste la première victime des sanctions internationales. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon espère que cet accord permettra une meilleure coopération internationale sur les problèmes de sécurité au Moyen-Orient, un sentiment partagé par beaucoup de chancelleries occidentales. Cependant, Israël, ayant été menacé de destruction par l’ancien président iranien, c’est prononcé en défaveur de la levée des sanctions, exige plus de garanties que le programme iranien reste pacifique.

Conclusion :

            L’Iran demeure incontestablement une puissance de premier plan au Moyen-Orient de par son pouvoir de pression via la maitrise du détroit d’Ormuz, ses importantes réserves de pétrole et sa volonté de créer un arc chiite fort pour contrebalancer la majorité sunnite au Moyen-Orient. Cependant l’Iran doit faire face à de nombreuses menaces et doit faire face aux conséquences des sanctions imposées par l’Occident. Le soutien financier apporté au gouvernement d’Assad ainsi qu’au Hezbollah combattant à ses côtés et la baisse importante du prix du pétrole pèsent lourdement sur l’économie nationale du pays. L’Iran risque de se retrouver à court de temps et de ressources si des signes de redémarrage économique ne se font pas rapidement. De plus, l’accord sur le  nucléaire n’a été si bien accueilli que de par les promesses de recouvrement économiques qu’il portait. S’agissant d’un domaine de fierté et d’indépendance nationale, les élites dirigeantes  auraient eu du mal  à faire accepter ce qui pourrait passer pour diktat occidental, sans promesse d’amélioration concrète de la vie quotidienne des Iraniens. Il est donc essentiel pour le gouvernement que l’économie de l’Iran renoue avec la croissance et surtout avec les créations d’emplois, afin d’assurer la stabilité interne du pays. 

De plus, bien que l’Iran ait su se rendre indispensable à la résolution de la crise syrienne, l’inexorable progression de Daesh, un mouvement au demeurant anti-chiite, et la proclamation de l’État islamique sur les territoires de Syrie et l’Irak, a bouleversé et complexifié un peu plus la situation au Moyen-Orient et les intérêts de l’Iran en Syrie s’en trouvent d’autant plus menacés. 

On peut donc se demander comment la situation actuelle au Moyen-Orient va influencer la politique de l’Iran et plus particulièrement ses relations avec l’occident avec qui il partage désormais un ennemi commun, Daesh. Cette opportunité de se rapprocher de l’occident marquera-t-elle le retour de l’Iran sur la scène internationale ? On peut également observer la problématique sous un angle différent, à savoir de se demander en quoi l’apparition de la menace de Daesh aurait-elle pu influencer les négociations et permettre l’obtention d’un accord sur le nucléaire entre l’Iran et les grandes puissances. 

Mathilde Calvet & Margot Caracciolo

Edition et mise à jour: Omar Tarabay

Bibliographie : 

  • – Le détroit d’Ormuz, le verrou géopolitique de toutes les peurs, par Alain Nonjon, le 2 mars 2011 : http://www.diploweb.com/Le-detroit-d-Ormuz-le-verrou.html
  • – L’Iran face à la crise syrienne,par Mohammad Reza Djalili et Thierry Kellner, le 7 septembre 2014 : http://www.diploweb.com/L-Iran-face-a-la-crise-syrienne.html
  • – Nucléaire, pourquoi il fallait prolonger les négociations avec l’Iran, par the Washington Post, le 21 juillet 2014 : http://www.courrierinternational.com/article/2014/07/21/pourquoi-il-fallait-prolonger-les-negociations-avec-l-iran
  • – Iran, pourquoi le nucléaire rend l’air irrespirable, par Courrier international, le 17 juillet 2014 : http://www.courrierinternational.com/article/2014/07/17/pourquoi-le-nucleaire-rend-l-air-irrespirable.
  • – L’Iran : http://fr.wikipedia.org/wiki/Iran
  • – Iran, mais si Monsieur Rohani il y a bien des journalistes en prison, Rooz Online, le 9 octobre 2014 : http://www.courrierinternational.com/article/2014/10/09/mais-si-monsieur-rohani-il-y-a-bien-des-journalistes-en-prison.
  • – Histoire de l’Iran : http://www.linternaute.com/histoire/histoire-de-l-iran/iran.shtml
  • – Iran : chronologie historique : par Olivier Pironnet en juin 2007 : http://www.monde-diplomatique.fr/mav/93/PIRONET/15168
  • – Politique en Iran : http://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_en_Iran
  • – Un dossier sur Hassan Rohani, le nouveau président du régime iranien est-il une force de changement, le 4 juillet 2013 : http://www.ncr-iran.org/fr/actualites/iran-resistance/12215-un-dossier-sur-hassan-rohani-le-nouveau-president-du-regime-iranien-est-il-une-force-de-changement-.
  • – Puissance :http://www.portail-ie.fr/lexiques/read/41.
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Monaco et la Russie : coopération ou alignement ? /actualite/monaco-et-la-russie-cooperation-ou-alignement/ /actualite/monaco-et-la-russie-cooperation-ou-alignement/#respond Wed, 21 Jan 2015 12:15:28 +0000 /?p=11051 Depuis le début de « l’affaire criméenne », le Président russe Vladimir Poutine compte ses amis en Occident. En effet, la Russie est de plus en plus isolée suite à sa sortie du G20 et au blocus qu’elle subit, tout cela dans un contexte général de russophobie. Alors que les puissances occidentales œuvrent à réduire le glacis russe en Europe de l’est, Poutine peut néanmoins compter sur un partenaire aussi inattendu que petit, à savoir la Principauté de Monaco. Ainsi, malgré le statut de « pestiféré » de la Russie, les relations ne cessent de se développer, au point que l’année 2015 soit celle de la Russie en Principauté.

 

  • La relation russo-monégasque

 

La majorité des études contemporaines menées sur la Principauté détaille les liens avec les voisins que sont la France et l’Italie. Georges Grinda mentionne à cet égard la conclusion en 1982 d’une Convention de sécurité sociale concernant les travailleurs italiens à Monaco[1].Toutefois, très peu d’études ont été consacrées aux relations russo-monégasques qui connaissent une croissance significative depuis quelques années.

Les relations avec la Russie remontent à la moitié du XIXème siècle, date à laquelle l’aristocratie russe commence à s’intéresser à la Côte d’Azur. Cet intérêt s’explique d’une part de l’intérêt touristique de la zone, mais aussi du fait de l’attitude complaisante du Duc de Savoie envers l’Empire russe (ce dernier leur fournit un port de ravitaillement en Méditerranée). Une « petite Russie » se développe entre Nice et Menton, surtout avec la cession du Comté de Nice à la France car cette dernière jouit d’une bonne réputation en Russie. Les révolutions russes et la création de l’URSS viendront étoffer ces communautés russes du littoral méditerranéen. La Principauté va être également concernée par cette influence russe sur la région comme le montrent les célèbres ballets russes de Monte-Carlo fondés par Serge de Diaghilev[2]. Malgré cette petite diaspora, les relations avec la Russie vont devenir négligeables pendant la Guerre froide du fait des différences profondes   opposant la Principauté à la République socialiste fédérative soviétique de Russie. Les deux Etats étaient profondément antinomiques puisque, d’un côté Monaco appartenait à l’Ouest capitaliste et restait une monarchie ; et de l’autre côté la Russie était socialiste, soviétique, et la puissance dominante à l’Est. Cependant, la participation de Monaco à la Conférence d’Helsinki en 1973 montre que l’URSS avait reconnu la Principauté. Les deux Etats vont à partir de cette date, avoir une préoccupation commune, à savoir les droits de l’Homme (en réalité cette question de droits de l’Homme ne deviendra un réel objectif qu’avec Gorbatchev). La relation actuelle entre les deux Etats n’est cependant pas basée sur les droits de l’Homme mais plutôt sur des liens inter sociétaux, développant à terme des liens politiques.

 

  •  Les échanges entre Monaco et la Russie

 

La coopération politique avec la Russie ne saurait être dissociée de l’augmentation d’échanges économiques et culturels. François Fillon dans un entretien donné au périodique L’Express exposait en quoi une collaboration avec la Russie était souhaitable pour la France, à condition de savoir composer avec la personnalité de Vladimir Poutine[3]. Le Prince Albert II a visiblement mis en application ces recommandations, notamment dans le domaine économique. Les échanges commerciaux et financiers entre les deux Etats sont devenus aujourd’hui suffisamment significatifs, au point de mobiliser la Chambre de Développement Economique monégasque. A l’occasion de son déplacement à Moscou en octobre 2013, le Prince a ainsi veillé à la conclusion d’accords « fructueux »[4] puisque la délégation monégasque comprenait quatre-vingt acteurs économiques représentant l’intégralité du panorama économique de la Principauté. Le Président russe a justifié le choix d’une telle coopération par le fait que : « Monaco n’est pas un grand pays, mais c’est un important centre commercial et financier »[5] et que son économie générait « un chiffre d’affaires de 60 milliards de dollars »[6].

La bonne santé de l’économie monégasque s’est traduite dans un premier temps par des investissements et un tourisme, puis une immigration temporaire en provenance de l’oligarchie russe. Par la suite, cette forme d’immigration est devenue plus importante et permanente : le nombre de Russes en Principauté a été multiplié par six grâce à des formalités d’immigration simplifiées[7]. Ce processus traduit la volonté de Monaco d’accueillir les capitaux russes, capitaux indispensables en temps de crise et dans le contexte actuel de transparence des finances imposé par l’Europe. Pour le moment, ces investissements sont profitables au commerce de luxe et au secteur de l’immobilier mais il est probable que cette situation finisse par être génératrice de tensions (le marché monégasque est faussé par l’arrivée de ces nombreux milliardaires). En outre, la facilité d’entrer sur le territoire monégasque faite aux Russes favorise le tourisme de luxe en provenance de cet Etat.

Face à cette affluence de ressortissants russes, la Principauté et la Russie ont d’un commun accord œuvré pour la mise en place d’échanges culturels. L’année 2015 sera ainsi l’année de la Russie en Principauté (l’évènement est avant tout culturel mais reflète l’influence croissante de la Russie sur Monaco). De plus, le Consulat Honoraire de la Fédération de Russie en Principauté de Monaco a fondé en 2009 le Centre culturel russe. Ce dernier est chargé de favoriser l’intégration des résidents russes et de diffuser la culture russe via sa bibliothèque, son Club et son Ecole pour « consolider […] la grande présence actuelle des Russes en Principauté »[8]. Enfin, la présence culturelle russe est affirmée par l’émergence de médias en langue russe à Monaco et sur toute la Riviera en général. Si les échanges culturels semblent avoir un caractère unilatéral (Russie vers Monaco), la coopération se fait tout de même dans les deux sens, notamment en matière scientifique, par exemple dans le cadre des accords relatifs à la CIESM. La Russie exerce donc une influence certaine en Principauté, influence qui devrait continuer de gagner en importance au vu des investissements russes.

 

  • De la coopération politique

L’établissement de relations diplomatiques a eu d’abord pour motivation l’intérêt des oligarques russes pour Monaco, intérêt aussi bien fiscal que touristique. La Russie a toutefois rapidement mesuré l’intérêt d’une collaboration avec la Principauté car cette dernière constitue un point d’entrée dans l’Union Européenne et reste plus « complaisante » que l’Allemagne par exemple (premier partenaire européen pour la Russie). La relation diplomatique entre les deux Etats a vu les Consulats respectifs être élevés au rang d’Ambassades. De plus, les deux chefs d’Etat se sont rencontrés à plusieurs reprises à Moscou et Vladimir Poutine a prévu un voyage officiel en Principauté (chose rare, en général ce type de traitement est réservé au Président de la République française). Par ailleurs, le Prince Albert II s’est également rendu à Sotchi dans le cadre de ses responsabilités de membre du Comité International Olympique, puis en qualité de chef d’Etat. Un tel soutien affiché à ces Jeux Olympiques controversés pourrait s’expliquer par la volonté du Prince d’établir une relation forte avec la Russie. Si cette possibilité n’est pas à écarter, S.A.S. le Prince Albert II est revenu de ces voyages en Russie avec l’adhésion russe à la CIESM (dont il est Président). Il s’agit là d’une victoire diplomatique de la Principauté puisque le Prince a obtenu un engagement environnemental de la part d’une grande puissance, mais également, une reconnaissance de la politique étrangère monégasque dans ce domaine de l’environnement. Cela dit, ce succès diplomatique reste relatif au vu de l’importance de la CIESM au sein du système international. De plus, les rapports avec la Russie sont relativement opaques comme le montre l’étonnant silence des autorités monégasques suite au déploiement de forces russes en Ukraine à l’occasion de la crise de Crimée. Le risque d’un alignement reste pour l’heure impensable au vu des liens franco-monégasques. De plus, la Principauté reste intégrée au « groupe occidental » comme le montre sa participation à la prise de sanctions contre la Russie au sein du Conseil de l’Europe (Monaco n’a pas participé au vote mais sa posture officielle était la recherche du dialogue et du compromis). Ce constat est également valable au sein de l’O.N.U. puisque Monaco a voté en faveur d’une résolution réitérant les principes d’intégrité territoriale de tout Etat et de dialogue politique[9].

La Principauté joue donc un jeu de l’entre deux, à savoir ne pas froisser la France et ses alliés en se rapprochant trop de la Russie. Toutefois, l’approfondissement de l’amitié russo-monégasque demeure une priorité –si embarrassante soit-elle- au vu des opportunités liées à cet acteur mondial majeur. C’est pourquoi l’administration monégasque se cantonne actuellement à un discours officiel de rapprochement culturel en évitant d’aborder les sujets épineux. Du côté du Kremlin, cultiver cette relation privilégiée avec un Etat d’Europe occidentale demeure important à l’heure où l’embargo pousse Vladimir Poutine à compter ses amis.

 

[1]GRINDA Georges, La Principauté de Monaco, A. Pédone, Paris, 2005, p. 25.

[2]RADOMAN Milena, « Bienvenue à Monakov », Monaco Hebdo, article du 2 septembre 2013.

[3]SPORTOUCH Benjamin, « François Fillon et son ami Poutine », L’Express, 29 janvier 2014, consulté le 9 mai 2014.

[4]RADOMAN Milena, « Albert II rencontre Poutine”, Monaco Hebdo, 13 octobre 2013, consulté le 7 mai 2014.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

[7]RADOMAN Milena, « Bienvenue à Monakov », Monaco Hebdo, article du 2 septembre 2013.

[8] Présentation du Centre culturel russe par le Professeur Claude PALLANCA, Consul Général Honoraire e Russie à Monaco et Président dudit Centre, http://www.centre-culturel-russe-monaco.com/, consulté le 9 mai 2014.

[9]Résolution adoptée à l’Assemblée Générale des Nations Unies le 27 mars 2014 relative à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N13/455/18/PDF/N1345518.pdf?OpenElement, consulté le 9 mai 2014.

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Erevan – Moscou : une alliance par défaut /geopolitique/russie-caucase/erevan-moscou-une-alliance-par-defaut/ /geopolitique/russie-caucase/erevan-moscou-une-alliance-par-defaut/#respond Wed, 24 Dec 2014 09:41:29 +0000 /?p=10672 L’année 2015 marquera le centenaire du génocide arménien, perpétré par le gouvernement Jeune-turc de l’Empire Ottoman dès 1915.  Plus d’un million et demi d’arméniens périront suite aux massacres et déportations prévus par le Triumvirat, composé de Talaat Pacha, ministre de l’intérieur, Djemal Pacha, ministre de la marine et Enver Pacha, ministre de la guerre. Cette tragédie, le premier génocide du XXème siècle, est la principale source d’absence de relations diplomatiques entre la Turquie et l’Arménie, cette dernière exigeant non seulement la reconnaissance mais également la réparation du génocide, comprenant la restitution territoriale telle que prévue par le Traité de Sèvres du 10 aout 1920. C’est au mois de Novembre de la même année que l’Arménie, amputée d’une grande partie de son territoire, intègrera l’Union Soviétique pour devenir la République Socialiste Soviétique d’Arménie.

Cette situation, désastreuse pour l’intégrité territoriale de l’Arménie, ne fut qu’en partie la conséquence du génocide car les tractations menées par les chancelleries Occidentales et Bolchéviques ne sont pas étrangères aux pertes territoriales arméniennes. Il convient de rappeler quelques étapes pour apprécier la situation. Le traité de Sèvres, rejeté par Mustapha Kemal Atatürk et n’ayant été ratifié que par la Grèce, n’a jamais été appliqué. A contrario, les pays occidentaux signataires n’ayant pas ratifié l’accord, n’ont pu presser la Turquie de le faire. L’absence de traité délimitant les frontières a donc permis à la Turquie de recouvrer, par la force, sa souveraineté en Anatolie, là où les deux tiers des arméniens ont péri suite au génocide. Cette reconquête turque fut appuyée par la vente d’armes russes bolchéviques. Realpolitik oblige l’Arménie, passera sous le joug de Moscou, principal fournisseur d’armes à la Turquie. Le traité de Kars, du 12 octobre 1921 conclu entre Constantinople et Moscou marque la cession de la province arménienne de Kars à la Turquie, dernière perte territoriale arménienne en date. Le traité de Lausanne, traité de paix de la première mondiale, remplacera celui de Sèvres. L’Arménie, désormais bolchévique, n’y sera ni signataire, ni partie.

L’Arménie occidentale, sous contrôle turc depuis 1921, reste revendiquée par la République d’Arménie. Le traité de Sèvres constitue la seule base juridique sur laquelle l’Arménie s’appuie, n’étant pas partie au traité de Lausanne.

La question des réparations et des restitutions territoriales à l’Arménie est frappé par le vide juridique. Signataire du traité de Sèvres de 1920 en tant qu’Arménie indépendante, puis signataire du traité de Kars au nom des Républiques soviétiques de Transcaucasie (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, sous la domination de Moscou) et enfin non partie-prenante au traité de Lausanne, aucun traité ne propose de solution au problème territorial.

Non consultée sur son sort, l’Arménie a mis en suspens ses velléités territoriales anatoliennes, tournant son regard vers Moscou.

Le XXème siècle sera marqué par une époque soviétique et stalinienne faite de purges, de tentatives d’élimination de traits de la société tel que le nationalisme ou la religion. Plusieurs exemples peuvent être cités. Sur le plan linguistique, l’URSS a imposé des réformes. L’alphabet arménien, la grammaire et le vocabulaire ont fait l’objet de modifications, donnant une connotation slave à la langue arménienne. D’autres exemples viennent corroborer le propos. En 1936, des déportations d’arméniens sont prévues pour réduire la population à 700 000. L’année 1944 marque la déportation de plus de 200 000 arméniens de Géorgie vers le Kazakhstan et l’Ouzbékistan en vue de casser le nationalisme. L’année 1948 fera l’état de nouvelles déportations vers l’Asie centrale pour motifs politiques et religieux. Sur le plan territorial, le rattachement du Haut-Karabagh à la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan le 4 juillet 1921 permet la déstabilisation de la région. Dès le commencement de la politique de Perestroïka cette province, peuplée majoritairement d’arméniens et délibérément rattachée à l’Azerbaïdjan fit l’objet de tensions ethniques, notamment de pogroms à l’encontre des populations arméniennes d’Azerbaïdjan. La guerre entre 1991 et 1994, découla sur un cessez-le-feu et un rattachement de facto du Haut-Karabagh à l’Arménie victorieuse.

La description des relations entre Moscou et Erevan depuis 1920 relève plus de la soumission que de la collaboration. Pour autant, ce rapport de force en défaveur de la nation arménienne n’a pas instauré de climat de méfiance vis-à-vis de la nouvelle fédération de Russie. Au contraire, l’Arménie constitue le principal allié politique de la Russie dans le Caucase. La grande majorité des échanges entre l’Arménie et l’étranger se font avec la Russie. L’Arménie a d’ailleurs signé le traité d’Union Economique Eurasiatique le 9 octobre 2014 et entrera en vigueur le 1er janvier 2015. Cette situation pose une problématique essentielle pour l’Arménie. Cet Etat jouit-il d’une indépendance réelle et effective ? Prenant en compte son enclavement géographique, sa frontière turque fermée à l’ouest, un cessez-le-feu régulièrement violé à l’Est, une Géorgie en constante instabilité au Nord, un Iran affaibli par plusieurs années d’embargo international au sud, la survie de l’Etat , n’est assurée que par la Russie.

Sur le plan économique, la Russie est le principal investisseur en Arménie. Les indices de soutenabilité de dettes de l’Arménie étant moyens, le pays attire peu d’investisseurs étrangers. Le quasi-monopole de la Russie lui confère le contrôle de pans entiers de l’économie arménienne, ce qui réduit la marge de manœuvre du gouvernement.

Sur le plan militaire, la Russie contrôle la frontière arméno-azerbaïdjanaise, en conflit permanent. Les intentions militaires de l’Azerbaïdjan vis-à-vis du Haut-Karabagh et de l’Arménie s’intensifient. Le contrôle de la région par la Russie est gage de sécurité, tenant compte du fait que le budget militaire de l’Azerbaïdjan, en croissance grâce à l’exportation de gaz de la Mer Caspienne, est proche du budget global de l’Arménie.

Les fonctions régaliennes de l’Arménie ne peuvent être assurées seules par l’Arménie et ses forces armées.  Les menaces de guerres de l’Azerbaïdjan et l’enclavement du pays rendent l’Arménie totalement dépendante de la Russie.

L’histoire a donc montr�� que la méfiance était de rigueur. Ayant subi un génocide, ne pouvant subvenir seule à ses besoins et à son intégrité, l’Arménie a été intégrée malgré elle aux républiques soviétiques. A défaut de bonne solution, l’alliance avec Moscou constitue la moins pire des solutions.

 

Bibliographie :

  • Taner Akçam, Un acte honteux. Le génocide arménien et la question de la responsabilité turque, Paris, Denoël, 2008, 491 p.
  • Sur les ventes d’armes russes aux turcs : Il s’agit de 60 canons Krupp, Modèle:Unité30000, 700 000 grenades, 10 000 mines, 60 000 fusils confiés par la Roumanie aux Russes, 1,5 millions de fusils ottomans prise de guerre, 1 million de fusils russes, 1 million de fusils austro-hongrois Männlicher prise de guerre et 25 000 fusils Martini-Henry à baïonnette selon H. Kapur, Soviet Russia and Asia, 1917–1927.
  • Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Toulouse, Éd. Privat,‎ 2007, 991 p.
  • Traité de Lausanne, http://basedoc.diplomatie.gouv.fr/exl-php/util/documents/accede_document.php.

 

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La Crimée /geopolitique/russie-caucase/la-crimee/ /geopolitique/russie-caucase/la-crimee/#respond Tue, 23 Dec 2014 09:25:57 +0000 /?p=9693 La Crimée est un territoire très prisé de par son emplacement, et ce depuis toujours. Nombreux sont les peuples qui se sont battus pour obtenir ces terres convoitées, toujours au cœur de l’actualité. Alors que depuis la fin de l’URSS la Crimée appartenait à l’Ukraine, les conflits se sont accentués suite à son annexion par les russes : le territoire est déchiré entre les pro-russes et pro-ukrainiens.

La question que nous nous poserons donc est : dans quelle mesure le territoire de Crimée est-il une terre de conflits ?

Pour traiter de ce sujet, nous expliquerons d’abord les caractéristiques de la Crimée, puis nous analyserons les conflits que la Crimée a connu depuis la chute de l’URSS, et enfin nous verrons en quoi la Crimée est actuellement au cœur des actualités géopolitiques mondiales.

I] Qu’est ce que la Crimée ?

La Crimée, dont le nom signifierait frontière, est une péninsule de 27 000 km2, entre la Russie et l’Ukraine, dont elle est reliée par l’isthme de Perekop. Elle se situe à l’ouest de la Russie et à l’Est de l’Ukraine, et possède un accès direct à la mer Noire et à la mer d’Azov, ce qui fait de la Crimée une zone stratégique et convoitée.

L’emplacement de la Crimée a toujours été considéré comme stratégique pour le commerce internationale, puisqu’elle donne accès à l’Asie via la mer d’Azov et à l’Europe via la mer Noire. La Crimée a par conséquent été envahie de très nombreuses fois, par les Goths, par les Huns, par les Khazars, par les mongols, et les russes.

Outre cet emplacement stratégique, la Crimée est réputée pour ses vignobles, ses sites archéologiques et touristiques, et surtout pour sa station balnéaire de Yalta (connue pour être la ville où le sort de l’Europe a été décidé lors de la conférence de Yalta, avec Staline Roosevelt et Churchill)

Ce territoire est même maintenant fortement convoité par ses deux pays voisins, et est donc au cœur d’un conflit entre la Russie et l’Ukraine, où les tensions sont fortes et où rejaillissent les conflits du passé.

La Crimée

 

II] Le conflit en Crimée

 

Suite à la chute de l’URSS en 1991, c’est Boris Eltsine qui décide de reconnaître l’indépendance de l’Ukraine et de la Crimée, et le pays connaît alors d’importants mouvements sécessionnistes, mais pas de guerre, de peur que la Crimée se retrouve en guerre comme l’était la Yougoslavie à l’époque. La Crimée se proclame alors « République autonome de Crimée » et proclame réellement son indépendance le 5 mai 1992, même si elle est tout de même rattachée à l’Ukraine et que, bien que le pays soit relativement autonome, la ville de Sebastopol jouit d’un régime spécial. En 1995, de nouveaux conflits resurgissent, car le parlement de Crimée vote des lois constitutionnelles qui réaffirment à nouveau l’indépendance du pays : la situation est tendue et conflictuelle car les autorités ukrainiennes n’approuvent pas, bien que encore une fois, aucune guerre n’éclate.

La situation s’apaise un peu, jusqu’à la défaite électorale des partis ukrainiens au début des années 2000, qui est alors une aubaine pour la Russie qui en profite pour étendre son influence sur la Crimée.

Les relations Ukraine-Russie n’étant déjà pas pacifique, elles ne se sont pas améliorées suite à ce qu’on a appelé la Révolution orange en 2004. En effet, alors que l’Ukraine est indépendante de la Russie depuis 1991, et alors que le candidat Ukrainien pro-Européen est en tête dans les sondages pour l’élection présidentielle c’est le candidat soutenu par Vladimir Poutine, Viktor Ianoukovitch qui est proclamé vainqueur suite à une fraude généralisée orchestrée par la Russie. Cela n’arrange donc pas la relation Ukraine-Crimée-Russie, qui est de plus en plus compliquée.

En 2006, les tensions s’amplifient quand le président ukrainien décide de faire débarquer du matériel militaire américain dans le territoire de Crimée, chose qu’il n’est pas autorisé à faire puisque cela dépend des prérogatives du parlement de Crimée : la Crim��e ressent de plus en plus qu’elle n’est pas aussi indépendante que l’Ukraine veut le faire croire.

III] Qu’en est-il aujourd’hui ?

Alors que les relations entre l’Ukraine et la Crimée, de plus en plus tentée par ses désirs séparatistes, ne sont pas au beau fixe, en 2013 et 2014 cela ne fait que s’amplifier. En effet, l’Ukraine étant en conflit avec la Russie, de nombreuses manifestations contre le pouvoir Russe ont lieu en Ukraine, et celles-ci aboutissent à la destitution du président pro-russe Ianoukovitch. Suite à cela, la langue russe n’est plus considérer comme langue nationale protégée en Ukraine, ce qui engendre de grandes manifestations en Crimée qui est une région majoritairement russophone. La Crimée ne se sent donc pas considérée et représentée par l’Ukraine. Suite à ces affrontements, dans la nuit du 26 février 2014 , un commando russe s’empare alors du parlement et du gouvernement, et hisse des drapeaux russes à la place des drapeaux ukrainiens sur les batiments. Le lendemain, le service de presse du parlement propose alors un référendum pour décider de la souveraineté ou non de la Crimée vis à vis de l’Ukraine, suite à un vote effectué par le gouvernement de la Crimée, en huit clos, afin de prévoir une meilleure autonomie de la Crimée par rapport à l’Ukraine. Alors que le vote était prévu pou le 25 mai, la date est avancée au 16 mars. Mais le 11 mars, le parlement de Crimée, qui est considéré comme illégal par les autorités ukrainiennes, adopte une « déclaration d’indépendance de la République autonomie de Crimée et de la ville de Sébastopol ». Quand le gouvernement ukrainien apprend cela, les conflits s’amplifient, et si la Crimée refuse d’annuler le référendum du 16 mars, le gouvernement ukrainien déclare qu’il est prêt à dissoudre l’assemblée de la République autonome de Crimée. C’est du pain béni pour les russes, qui se félicitent de la situation et affirment que la Crimée se détache de plus en plus de l’Ukraine, pour se rapprocher de la Russie.

Le résultat du référendum le 16 mars est de 96,6% favorable au rattachement à la Russie, le 17 mars le parlement de Crimée proclame alors son rattachement à la Russie, malgré des accusations de tricheries grandissantes et un très faible taux de participation au référendum.

Suite à cela, le nouveau gouvernement pro-russe a pris place, et n’a pas tardé à remplacer la monnaie ukrainienne par le rouble, à officialiser la langue russe comme langue du pays, en effet tout ce qui rappelle son ancienne appartenance à l’Ukraine a été anéanti par la Russie. Cependant, on constate maintenant une montée en puissance des conflits entre la Russie et les minorités ukrainiennes et Tatares sur le territoire de la Crimée, ceux-ci se sentant lésés et contestant la légitimité de l’annexion par les russes. Les autorités de l’Union Européenne et des Etats-Unis mettent donc en place des sanctions à l’encontre de la Russie suite à cette annexion.

La Crimée est donc toujours au cœur des actualités, et ce depuis toujours, car c’est une terre qui a connu de nombreux conflits de par sa situation géographique : il s’agit notamment d’une terre fortement propice aux conflits entre russes et ukrainiens, bien que cela influe aussi sur les relations du pays avec les Etats Unis et l’Union Européenne. Il s’agit donc d’un conflit grandissant.

Sonia Ourezifi

M1 Ressources Humaines et Organisation

Bibliographie :

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20141126.OBS6179/la-russie-deploie-des-missiles-en-crimee-l-otan-tres-inquiete.html

http://www.franceinter.fr/emission-interception-lordre-russe-regne-sur-la-crimee

http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=HER_129_0069

http://www.courrierinternational.com/article/2013/12/05/ukraine-de-la-revolution-orange-a-l-eurorevolution

http://www.worldzine.fr/2014/09/12/resume-et-mise-en-perspective-du-conflit-russo-ukrainien-a-lheure-du-cessez-le-feu/

http://www.franceculture.fr/oeuvre-la-crimee-entre-russie-et-ukraine-un-conflit-qui-n-a-pas-eu-lieu-de-emmanuelle-armandon

http://www.atlantico.fr/decryptage/tout-qu-faut-savoir-pour-vraiment-comprendre-conflit-ukrainien-quentin-michaud-989930.html

http://www.lepoint.fr/monde/la-crimee-en-dix-moments-cles-06-03-2014-1798398_24.php

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Quel avenir pour la Russie? Vers un nouvel ordre mondial Eurasiatique? /geopolitique/russie-caucase/russie/quel-avenir-pour-la-russie-vers-un-nouvel-ordre-mondial-eurasiatique/ /geopolitique/russie-caucase/russie/quel-avenir-pour-la-russie-vers-un-nouvel-ordre-mondial-eurasiatique/#respond Sat, 06 Dec 2014 18:09:36 +0000 /?p=7413 Beaucoup se sont déjà posé la question et encore beaucoup se la poseront, car la Russie représente un pays qui fait figure de proéminence dans le monde de la géopolitique actuelle.
En effet, la Russie est un pays immense qui s’étend sur deux continents et avoisine 16 nations (frontières maritimes inclues). Lors de la dissolution de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques en 1991, la Fédération de la Russie est devenue l’héritière de la plus grande république jamais constituée. En tant que grande puissance sur l’échelle de la géopolitique internationale, la Russie s’est impliquée dans diverses démarches au cours des vingts dernières années qui impacteront son futur de manière importante.
Cependant, c’est un pays très enclavé et ayant beaucoup de problèmes sociaux notamment une démographie déclinante du fait d’un taux de natalité inférieur au taux de mortalité, et d’une espérance de vie en dessous de 70 ans, ce qui est, pour un pays développé, très bas. Par ailleurs, la Russie rassemble un grand nombre d’ethnies différentes qui suivent des religions différentes avec presque 80% de croyants pour l’église orthodoxe, et environ 7% de musulmans.
Vladimir Poutine est l’acteur majeur de la Russie actuelle. Il a été président du gouvernement russe de 1999 à 2000 et de 2008 à 2012 ; et président de la Fédération de Russie de 2000 à 2008 et depuis 2012. C’est sur la vision de cet homme que repose toute la politique de la Russie de nos jours. En effet, il a mis en avant une politique de l’étranger proche qui consiste à réaffirmer la puissance de la Russie sur les pays avoisinant et par ce billet nous verrons qu’il veut aussi rétablir la puissance militaire russe. Il a aussi développé la volonté d’indépendance de la Russie. Aussi nous nous sommes demandé si l’avenir de Moscou n’allait pas conduire à un nouvel ordre mondial eurasiatique.
Dans cette optique, nous avons observé la mise en place de la politique de l’étranger proche à travers les différents conflits dans lesquels elle est impliquée. Puis nous nous sommes intéressés à sa volonté de diversifier les débouchées russes pour faciliter l’indépendance du pays.

I. La Russie et les conflits

 La Syrie : un conflit diplomatique

La Russie entretient une relation ponctuée avec la Syrie depuis 1956. Au fils du temps, les relations entre les deux pays se sont intensifiées. En effet, une alliance s’est formée sur les similitudes de perspectives que chaque pays détenait à propos des visions anti-occidentales, anti-israéliennes, et anti-conservatrices. Néanmoins, cette alliance harmonieuse s’est montrée éphémère car la Russie, n’étant pas aussi anti-israélienne que la Syrie, développait des relations avec Israël en parallèle. De nos jours, les relations entre l’Israël et la Russie continuent de s’améliorer, en dépit des relations avec la Syrie.
Depuis août 2013, la Russie s’est impliquée dans la guerre civile en Syrie lors de l’utilisation des armes chimiques par le gouvernement de Bachar el-Assad contre l’opposition. Cependant, ces armes, fournies par la Russie, ont attiré l’attention du président des États-Unis qui a alors menacé la Syrie de répercussions. La Russie, en persuadant le régime de Bachar el-Assad de renoncer à ces armes chimiques, a permis à la guerre civile de continuer sans intervention extérieure, en utilisant des armes conventionnelles. Cette action de la Russie est en fait une décision stratégique à l’égard de la soutenance du régime el-Assad. En effet, si le régime de Bachar el-Assad est renversé par l’opposition, les djihadistes sunnites prendront le contrôle du pays. Ceux-ci sont anti-russes et donc susceptibles d’aider les opposants musulmans présents en Russie. Pour la Russie, il vaut alors mieux conserver les dirigeants autoritaires des gouvernements d’Asie-centrale, fidèles à Moscou en raison de liens économiques. Si ces gouvernements constatent une incapacité de la part de la Russie à veiller sur leurs intérêts, ils se tourneront certainement vers la Chine.
La participation russe dans une alliance avec la Syrie, et son soutien au régime el-Assad, porte trois façades. Tout d’abord, c’est un lien économique et militaire avec la Syrie. En effet, la Russie dispose d’une base militaire à Tartous (Annexe1) qui est sa seule installation navale en dehors de l’ex-URSS et est donc un atout stratégique car elle détient ainsi un port sur la Méditerranée. La seconde façade consiste à améliorer l’image de la Russie comme grande puissance capable de défendre ses alliés contre les régimes anti-occidentaux et djihadistes, autant que projeter une image de leader capable de défendre le pays contre les influences occidentales, et veiller aux intérêts du pays. Enfin, la chute du régime el-Assad priverait la Russie de son dernier allié Arabe dans la région ce qui causerait des dommages à l’image de Moscou.
A l’échelle internationale, la régime el-Assad est dénoncé par plusieurs pays musulmans, dont la Turquie. Celle-ci est en faveur d’une gouvernance de composition Sunnite, soit la majorité de la population Syrienne, et pas d’une minorité Alaouite, tel le présent gouvernement de el-Assad. Néanmoins, le commerce entre la Turquie et la Russie est en plein essor, et la participation en Syrie ne semble pas faire pas de tort aux relations commerciales.
En conclusion, la Russie va devoir continuer à améliorer ses relations avec la Syrie dans l’avenir. La déstabilisation voire la chute du régime el-Assad provoquerait de graves conséquences pour Moscou, et ouvrirait la porte aux éclatements de l’opposition musulmane orientés contre la Russie, notamment dans la région du Caucase.

Le bourbier Nord-Caucasien : la Tchétchénie (Annexe 2)

La Russie fait actuellement face à des problèmes graves dans la région du Caucase du Nord qui causent des risques de sécurité non seulement parmi les villes de la région, mais aussi dans le territoire russe. L’instabilité sociale, les attentats, la corruption et le népotisme sont prédominant alors qu’un changement de perspective et de priorités de la part de la Russie allégerait de beaucoup les problèmes de cette région, et faciliterait un mouvement “vers un nouvel ordre mondial”.
Il faut en premier lieu comprendre l’histoire d’une région volatile et marquée par les guerres, l’instabilité sociale, et le manque d’identité par rapport à la Russie. La Russie conquiert la Tchétchénie au milieu du XIX siècle sous la direction de Nicolas I, pour faire prévaloir une continuité avec les régions entre la mer Noire et la mer Caspienne déjà conquises telles que l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie. À cause d’un côté des intérêts forestiers et pétroliers et de l’autre côté une volonté d’indépendance, deux guerres entre la Russie et les forces insurrectionnelles de la Tchétchénie se sont réalisées au cours de l’histoire avec plus de 100 000 victimes. Pendant les quinzaines d’années de guerre, la violence s’est étendue aux républiques avoisinantes telles comme le Daguestan et l’Ingouchie. Des otages furent pris et des attentats de bombes furent lancés à plusieurs occasions, les exemples du théâtre de Doubrovka et de l’école primaire de Beslan sont les plus connus.
A l’heure actuelle, à cause des très grandes pertes civiles lors des deux guerres Tchétchènes, les insurgés se sont tournés vers une stratégie de guérilla basée sur le terrorisme local voire régional. Afin de diminuer la puissance Russe dans les régions affectées par les instabilités, ils essaient de créer un état pan-caucasien semblable aux groupes radicaux, qui préconiserait l’adhérence à la charia et au suivi des idéaux anti-occidentaux. Ce “pan-caucasienisme” a pour but de forcer les russes à disperser leurs efforts et ressources militaires, pour réduire la pression sur le chef-lieu du mouvement guérilla, notamment la Tchétchénie.
Malgré le rôle joué par la religion, c’est plutôt au niveau des problèmes socio-économiques que se regroupe le sentiment rebelle chez les jeunes faisant parti des insurgés. En effet, la région connaît actuellement de grands déséquilibres au niveau du développement social de la population. Il existe notamment des abus et de la corruption parmi les élites régionaux et les dirigeants. La Russie a par ailleurs mis en place des mesures anti-terrorismes, dont les cibles sont souvent beaucoup plus élargies et n’atteignent donc pas les véritables malfaiteurs.
Cependant, il est à noter que les jeunes, souvent sans emploi du fait d’un chômage important (40%), et vivant dans des situations déplorables, se consacrent à la religion comme une solution aux problèmes de corruption et de népotisme. Elle est donc vue comme un mouvement réactionnaire qui incite les jeunes à vouloir créer des bases plus égalitaires et tolérantes. Les élites par contre voient ce mouvement comme une menace à leur pouvoir et mettent en place une répression de l’Islam au nom de l’opération anti-terrorisme, qu’il soit radical ou non. Cela provoque les insurgés à se fournir des armes pour combattre le gouvernement et se venger des atrocités commises contre eux.
En dépit de grands projets dans la région comme les jeux d’hiver de Sotchi, et les nombreuses stations touristiques dans les montagnes, les inégalités se renforcent. Auparavant, cette région était indispensable pour sa richesse en hydrocarbure et pour le fait d’être le site d’un important oléoduc qui transportait du pétrole de la mer Caspienne vers l’ouest. Alors que l’oléoduc n’est plus indispensable pour la Russie, la raison pour laquelle Moscou veut toujours garder le Caucase du Nord correspond à un profond sentiment d’impérialisme et d’ego par rapport aux grands dirigeants du pays. L’indépendance de la Tchétchénie servirait par ailleurs comme motif pour les républiques avoisinantes de se séparer, ce que la Russie veut en toute vraisemblance éviter.
En somme, une approche différente est nécessaire pour améliorer les conditions de vie dans la région, et bâtir de bonnes relations entre la Russie et le Caucase . Un modèle de gouvernance plus local, et des programmes sociaux permettraient de réduire les problèmes de corruption voire de pauvreté, voire de participation dans des démarches djihadistes. Si la Russie continue de garder sa politique laissez-faire, il n’est pas alarmiste de penser que la situation pourrait provoquer un conflit sur un échelle beaucoup plus élargie. Il faut juste faire exemple de l’attentat de Volgograd de cette année, et celui de Boston en 2013 pour percevoir que les problèmes débordent déjà des frontières du Caucase et présentent des importantes considérations dans l’avenir de la Russie.

L’Ukraine

Les actions entreprises par la Russie suite au déclenchement des troubles civils à Kiev de cette année furent vraiment sans-précèdent dans l’histoire de la Russie post-soviétique. Il est constatable que le coup-d’état en Crimée représente une forme de revanchisme détenue par Moscou et que celle-ci semble être utilisée comme motif vers un “union eurasiatique”.
Au cours des vingts dernières années, suite à la guerre froide, la Russie s’est pliée aux règles du jeu international que les pays occidentaux ont voulu faire prévaloir dans le monde. La Russie s’est pensée mise à l’écart par les règles qui étaient rédigées en sa défaveur. Ainsi, les manifestations ukrainiennes de nature pro-occidentales (révolution Orange, Euro-Maïdan) ont provoqué de fortes réponses de la part de la Russie, notamment son implication en Crimée et en Ukraine orientale.
En effet, en 2004, avec l’élection présidentielle ukrainienne tenue pour frauduleuse de Viktor Ianouvitch, des manifestations furent organisées par son rival russophobe et pro-occidental, Viktor Ioutchenko. Ces événements, appelés la révolution Orange d’après la couleur du parti politique, furent amorcés en novembre de l’année dernière. Des négociations difficiles impliquant l’Union Européenne furent conclues deux mois après, avec la proclamation officielle de la présidence de Viktor Ioutchenko. Seules la Russie et la Biélorussie étaient opposées au troisième tour d’élection qui a amené Ioutchenko à la présidence. La Russie a alors lancé des représailles instantanées, notamment la cessation de vente de gaz russe à l’Ukraine à des prix préférentiels. Ceci conduisit les dirigeants ukrainiens à demander l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, le plus tôt possible. Des sondages effectués montraient néanmoins que la plupart des ukrainiens était contre une telle adhésion, pour éviter de gâter les relations avec la Russie. C’est sur cette base que Ioutchenko refusait de tenir un référendum sur la question, et c’est aussi une des principales raisons qui a causé sa défaite contre Viktor Ianoukovitch lors de l’élection de 2010.
À la fin de l’année 2013, Ianoukovitch préparait un accord d’association avec l’Union Européenne, malgré les menaces de représailles russes. À la dernière minute, Ianoukovitch reporta la conclusion de ces accords, et en même temps accepta une proposition russe d’aide financière et de réduction du prix de gaz. Cette déception a entraîné des milliers de gens à manifester lors de la révolution de l’Euro-Maïdan qui a permis la destitution de Ianoukovitch.
En février de 2014, la Russie a envoyé des troupes pour prendre contrôle de la Crimée. Le lendemain de la prise, un référendum fut organisé pour le 25 mai, puis avancé au 16 mars. Suite aux résultats qui montraient que la majorité des criméens voulaient appartenir à la Russie, des villes ukrainiennes de l’est commencèrent à se faire prendre par les militaires russes.
Il est impossible de préciser un motif exact pour l’intervention de la Russie. Selon toute vraisemblance, il s’agit d’une stratégie réactive qui n’était ni projetée ni mandatée préalablement. Vladimir Poutine semble justifier ses actions sous prétexte de mettre fin à un “début de guerre civile” et de protéger le peuple russe de Crimée. En réalité, Moscou exerce son désir profondément ancré de créer un nouvel ordre eurasiatique. Poutine a fait preuve de cette envie lors d’un discours en février 2000 où il a déclaré : “Ceux qui ne regrettent pas la disparition de l’URSS n’ont pas de cœur. Ceux qui voudraient la refaire de la même manière n’ont pas de tête”.
Les enjeux pour la Russie reposent donc sur deux volets. Le premier c’est d’avoir pleinement l’accès et le contrôle de ses bases maritimes posées sur la péninsule criméenne. Ceci permettrait à la Russie de contrôler la mer d’Azov (Annexe 3), ce qui est un atout stratégique. Deuxièmement, la crise a permis une mise à l’épreuve de grande échelle des forces militaires Russes dites “rebaptisées”. En effet, en 2008, la Russie s’est attaquée à un grand projet de réforme militaire, dans le but de réapprovisionner et rééduquer les forces, et d’augmenter le nombre de militants dans celles-ci. Cependant, la grande limite de cette nouvelle politique prise par la Russie correspond aux sanctions économiques imposées par les gouvernements occidentaux. Celles-ci pourraient devenir très dommageables pour la Russie si elles continuent d’être de plus en plus sévères.

II. Vers une ouverture des frontières ?

La force de la Russie : la manne énergétique

La Russie est le 3ème producteur mondial de pétrole et le 2ème pour le gaz. Elle détiendrait aussi environ 10% des réserves d’uranium et c’en est l’un des principaux producteurs. C’est donc un gigantesque réservoir de matières premières extrêmement variées. Cependant jusqu’à présent on parlait de la malédiction de l’abondance car l’URSS avait tout miser sur l’exploitation de ces ressources afin de compenser les faiblesses intrinsèques de l’industrie soviétique. Plus tard, elles les a utilisé comme une force et s’est affirmée comme une grande puissance de l’énergie, orientée vers l’approvisionnement d’une région particulière : l’Europe. En effet, la Russie exporte 85% de son pétrole vers l’Europe et c’est aussi son premier client en gaz et en uranium. La proximité géographique du pays ainsi que la possibilité de construire facilement des infrastructures terrestres d’approvisionnement (oléoducs, gazoducs : Annexe 4) rendent les hydrocarbures russes particulièrement avantageux. L’Europe semble donc condamné à subir l’influence géo-économique de la Russie en matière énergétique. Ainsi, on peut considérer que la Russie a pu réémerger après les années 90 grâce à sa manne énergétique. Celle-ci est au cœur de la stratégie géopolitique russe, ce qui conduit à un déchirement européen entre deux puissances : russe et américaine. Il est important de noter que la vente de gaz contribue certes grandement au budget russe (26 milliards de dollars en 2013) mais beaucoup moins que le pétrole (196 milliards). En raison des prix bas pratiqués actuellement, le gaz est moins stratégique pour celui qui le vend que pour celui qui l’achète. C’est son abondance qui tire les prix vers le bas et donne un effet trompeur sur son importance stratégique.
Forte de son leadership énergétique, la Russie l’a par ailleurs utilisé comme levier d’influence dans les relations avec ses voisins et les autres puissances. Elle ne l’a mis en avant que récemment avec l’Ukraine comme enjeu principal. Cependant, le fait que l’Ukraine soit un couloir d’approvisionnement de gaz vers l’Europe, certains pays comme la Slovaquie étaient fortement pénalisés par ce conflit. C’est pourquoi, la Russie proposera par la suite la construction d’un nouveau réseau de gazoducs avec une branche nord sous la mer Baltique et une branche sud sous la mer Noire (Annexe 4) ce qui arrimera un peu plus le vieux continent à la Russie. En 2010, l’élection d’un président pro-russe, Viktor Ianoucovitch va rétablir les relations russo-ukrainienne, du moins jusqu’au conflit avec la Crimée où on peut d’ailleurs remarqué que Poutine n’a pas fait pression par l’arme énergétique. Ce levier reste néanmoins à sa disposition. La dépendance énergétique de l’Europe est donc exacerbée par le fait que Vladimir Poutine ai déjà eu recours à l’arme énergétique. En effet, la crise ukrainienne a mis en lumière la volonté de Moscou de faire valoir ses vues sur l’est de l’Europe, aux marges de l’union européenne. Les Etats-Unis ont pris quelques sanctions économiques, mais elles se sont rapidement révélées insignifiantes pour l’économie russe, et contre-productive pour l’industrie américaine. En effet, pour le Kremlin, le résultat obtenu justifie amplement les difficultés économiques potentiellement engendrées par de telles sanctions.
En revanche, contrairement à l’idée commune, la crise ukrainienne n’a que très peu influencé le cours du rouble, celui-ci a été victime comme les autres monnaies de pays émergents, du retrait des liquidités américaines des marchés internationaux qui a commencé en août 2013. En outre la banque centrale Russe a décider à la fin de l’année dernière de laisser filer sa monnaie pour renforcer la compétitivité de son industrie, améliorer sa balance commerciale en roubles et éviter de gaspiller ses réserves en change en maintenant un cours artificiel. En ce qui concerne la bourse de Moscou, sa baisse ou sa hausse a un impact très limité sur l’économie du pays dans la mesure où ses capitalisations principales sont des sociétés de matière première, souvent publiques. Les trois quart des échanges sont faits par des non-résidents. Enfin, la fuite des capitaux a également peu à voir avec la crise ukrainienne puisqu’elle a commencé avant le coup d’Etat du 21 février 2014. Elle est liée essentiellement à la baisse du rouble et à la conversion en euros ou en dollars considérée comme une fuite.

L’Asie une solution face aux sanctions ou une volonté d’expansion ?

La Russie consciente de sa dépendance à l’Europe tente depuis quelques années de diversifier les débouchées en misant notamment sur la hausse des demandes asiatiques : la chine mais aussi la Corée du sud et surtout le japon. Ceci se ressent notamment à travers le développement de nouveau projet tels que le terminal GNL à Vladivostok ou comme Sakhaline II codéveloppé par Gazprom, Shell et les entreprises japonaises Mitsubishi et Mitsui. Même si cette diversification s’opère, elle ne sera effective que d’ici quelques années ne serait-ce que le temps de construire les infrastructures du transport de masse. Dans ce cadre, les Etats-Unis cherchent à se positionner comme une solution concurrente d’approvisionnement en gaz pour l’Europe surtout dans la perspective d’un accord de libre-échange transatlantique. C’est pourquoi il y a eu l’ouverture d’un centre d’excellence pour la sécurité énergétique de l’OTAN (ENSEC-COE) en 2012 en Lituanie. En effet, la manne énergétique engendrée par la révolution du gaz de schiste particulièrement préjudiciable pour la Russie, pourrait devenir un nouveau levier géo-économique pour Washington. Si les Etats-Unis réussissent à faire accepter ce projet par l’Europe, ils pourraient devenir les grands vainqueurs du conflit russo-ukrainien. Cependant, les américains sont presque parvenu à leur pic de production et les coûts engendrés pour l’Europe seraient très conséquents que ce soit pour la construction des infrastructures ou pour le prix du pétrole et du gaz, sans parler des contraintes juridiques. La Russie l’a bien compris et regarde avec scepticisme l’agitation cyclique à ce sujet.
Par ailleurs, les relations économiques entre les Etats-Unis et la Russie sont à un niveau si faible que des menaces d’embargo généralisé de part et d’autre n’ont aucun sens. Dans l’aérospatial, les sanctions se révèlent bien plus pénalisantes pour Boeing et Lockheed Martin que pour le motoriste russe NPO Energomach. De plus, les Etats-Unis sont dépendants des Russes pour l’acheminement des astronautes dans la station spatiale internationale. Dans l’aéronautique, un embargo serait catastrophique pour Boeing qui importe l’essentiel de ses pièces en titane de Russie. Boeing, comme Airbus, doit par ailleurs honorer des commandes passées par la Russie pour des milliards de dollars. De même avec les secteur des hydrocarbures où ExxonMobil est partie prenante avec Rosneft dans le développement du gaz naturel liquide (GNL) et des gisements de l’Arctique. Ainsi, les échanges entre la Russie et les Etats-Unis sont peu nombreux mais stratégiques pour Washington. En sens inverse, la Russie pourrait liquider ses bons du Trésor américain soit 2,6% de la dette acquise par des étrangers. La gravité des conséquences dépendrait de la réaction des autres détenteurs de dette. Dans le pire des cas, cela pourrait entraîner une explosion de plafond de la dette américaine mais l’écroulement du dollars ne serait pas favorable à la Russie d’où la faible probabilité de ce scénario. Ainsi, le plus probable est la « dé-dollarisation » de l’économie russe ce qui a déjà commencé. Visa et Mastercard sont d’ailleurs les premières victimes des sanctions du fait du développement d’une alternative russe. Par conséquent, les Etat-Unis tentent de pousser l’Europe à entreprendre des sanctions importantes face à la Russie ce qui reviendrait pour Washington à affaiblir deux économies concurrentes. Cependant, la Russie n’a jamais menacé aucun pays européen de cesser ses livraisons pour des raisons politiques, au contraire c’est un fournisseur fiable et attentif. De plus, ces dernières années la consommation de gaz en Europe a augmenté , la dépendance au gaz russe va donc s’accroître avec certitude. On peut d’ailleurs remarquer que la part du gaz russe en volume dans l’économie française est très importante. Il faut noter néanmoins que pour les économies européennes, Moscou est un fournisseur mais aussi un client. Même si Moscou ne prenait pas de sanctions en retour, l’appauvrissement de son économie serait une mauvaise chose pour l’Europe et particulièrement pour l’Allemagne, l’Italie et la France. C’est pour cette raison que les sanctions appliquées jusque là sont sans conséquences sérieuses même si à ce jour l’Europe tente de limiter le financement russe, notamment le financement de trois compagnies pétrolières (Annexe 5).
Par conséquents, les menaces occidentales n’ont fait que renforcer le basculement de la Russie vers l’Asie. Avec la Chine, les échanges atteignent 88,8 milliards de dollars en 2013 et de nombreux contrats énergétiques doivent être signés dans un futur proche. La Russie envisage de livrer 38 milliards de mètre-cubes de gaz à la Chine d’ici 2018 puis 60 milliards via une ramification orientale du gazoduc Lakoutie-Khabarovsk-Vladivostok. C’est le projet « power of Siberia ». Par ailleurs, la coopération Moscou-Pékin se traduit aussi par la fondation de l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS) en 2001 présentée comme un élément fort du monde multipolaire. En réalité, l’OCS peine à dépasser le stade de forum de coopération, chacun poursuivant ses objectifs propres. Pour réaffirmer rôle et présence en Asie centrale, Moscou privilégie donc les structures destinées à palier les insuffisance de la Communauté des Etats Indépendants (CEI). Au delà, l’union eurasienne est censée accomplir le projet russe d’une sphère d’influence en Asie centrale tout comme dans l’est européen et le sud-Caucasien. Cette organisation provient d’accords signés entre Eltsine et la Chine en 1996 qui permettaient d’accroître le pouvoir de négociation de la Russie vis-à-vis de l’Occident et de rehausser sa place. Ainsi la coopération Moscou-Pékin peut être portée sur un plan régional avec la signature à Shanghaï d’un traité de sécurité liant le Khazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan. Les négociations portent sur des accords frontaliers ainsi que sur la lutte commune contre « l’extrémisme, le terrorisme et le séparatisme ». Cette première coopération régionale ouvrira par la suite à l’OCS qui s’est élargie depuis à l’Ouzbékistan. Plusieurs Etats vont s’y rattacher en tant qu’Etat observateur (Mongolie, Iran,…) ou en tant que partenaire de dialogue (Biélorussie, Turquie…) (Annexe 6). La Russie et la Chine utilise aussi cette organisation pour promouvoir un discours anti-hégémonie contre les Etats-Unis et l’OTAN. Schématiquement, le Russie cherche à utiliser l’OCS pour contrôler la poussée énergétique et commerciale de la Chine en Asie-centrale, pour conserver la haute main sur les enjeux de la sécurité et légitimer sa présence régionale, en tant que puissance eurasiatique. En parallèle, les dirigeants ont répondu aux défis de l’après-guerre froide en promouvant à l’intérieur de l’espace de la CEI des formats plus restreints comme la Communauté économique eurasiatique, l’Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan ou encore l’Organisation du traité de sécurité collective avec en perspective une Union eurasienne organisée autour de Moscou. Si des manœuvres militaires communes sont organisées dans le cadre de l’OCS, celle-ci n’est en rien une OTAN eurasiatique. Les Etats membres ne sont pas liés ensemble par une clause de défense mutuelle, et les rivalités internes sont multiples. Afin de renforcer leur position au sein de l’OCS, les russes promulguent la candidature de l’Inde qui contre-balancerait le poids de la Chine mais ils s’opposent à la négociation d’une zone de libre-échange qui pourrait concurrencer l’Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan que Moscou veut élargir. Les dirigeants chinois veulent faire entrer le Pakistan et subordonnent l’élargissement à des conditions strictes dont l’appartenance géographique à l’Asie ce qui exclut la Biélorussie.
Au niveau de la Corée du Sud, Séoul va devenir l’un des principaux pourvoyeurs de hautes technologies en échange de la sécurité énergétique et l’accès aux technologies spatiales. En effet, le sommet du 13 novembre 2013 dans la capitale sud-coréenne a été le signal d’une coopération accrue. Depuis 2012 les investissement coréens en Russie sont de plus en plus importants. La Corée est partie prenante dans le développement des ressources gazières extrême-orientales russes par le biais de l’entreprise coréenne publique KOGAS. Si les échanges entre la Russie et la Corée du sud paraissent encore relativement faibles, ils ont un potentiel considérable. Enfin, le troisième partenaire de la Russie est le Japon qui est le seul pays à ne pas avoir signé la paix avec la Russie en raison du différend territorial sur les Kouriles. Si politiquement le Japon s’aligne avec les Etats-Unis, il fera passer ses intérêts économiques devant les intérêts stratégiques des Etats-Unis. Ainsi, Rosneft et la compagnie pétrolière japonaise Inpex mènent ensemble un projet d’exploitation en mer d’Okhotsk. En octobre 2013, Vladimir Poutine s’est rendu au Japon pour convenir avec Shinzo Abe de la mise en place d’une plate forme commune d’investissement pour le développement de l’Extrême-Orient russe.

L’impossibilité de l’entente avec l’OTAN et les Etats-Unis

Obama, en arrivant au pouvoir, a une volonté de rétablir de bonnes relations avec la Russie. En 2010, le président américain et son homologue russe Dmitri Medvedev signent le traité New Start de réduction des arsenaux stratégiques nucléaires. Ils coopèrent dans la mise sur pied de sanctions contre l’Iran et les Etats-Unis appuient l’adhésion de la Russie à l’OMC. Cependant, les fondations apparaissent comme fragiles car elles reposent sur une relation cordiale entre les deux présidents. Ils doivent tout deux composés avec des opposants puissant qui voient cette relation comme un capitulation voire une trahison des intérêts nationaux. Le retour de Poutine au Kremlin va se traduire par une dégradation de ces relations. En effet, Obama se méfie de l’ancien agent du KGB. Au delà d’une relation peu cordiale, la question des libertés politiques et la perception par Washington d’une dérive autoritaire du régime de Poutine vont accroître les tensions. Alors que les contentieux s’accumulent, la crise en Ukraine propulse les tensions à un niveau inédit depuis 2008.
En effet, même si elle ne représente aucun enjeu pour les Etats-Unis à proprement parler, pour la Russie, elle représente un Etat tampon face à la puissance occidentale.
L’approche « triomphaliste » structure encore aujourd’hui la politique américaine vis-à-vis de la Russie autour de 2 axes. Tout d’abord, les Etats-Unis n’ont de cesse d’exiger des réformes économiques de la part de Moscou et de dénoncer toute atteinte à la démocratie et aux droits à la personne. Ensuite, alors que Bush avait assuré à Gorbatchev que l’OTAN ne menacerait pas les intérêts stratégiques de la Russie, Washington a fait fi des préoccupations et des sensibilités sécuritaires de Moscou en procédant à des élargissements successifs de l’alliance atlantique jusqu’aux frontières de la Russie. Pendant les années 90, la Russie était trop faible pour contester ces deux axes mais la donne à changer dans les années 2000. En effet, les Etats-Unis obnubilés par la guerre contre le terrorisme et enlisés en Afghanistan et en Irak, ne se sont pas intéressés aux relations avec la Russie ; et le pouvoir a su tirer profit de la hausse des cours du pétrole. De plus, la Russie demeure un acteur majeur sur la scène internationale. Elle dispose du seul arsenal nucléaire capable d’infliger des destructions massives aux Etats-Unis. L’influence diplomatique, le droit de véto au conseil de sécurité et le poids militaire permettent donc à Moscou de peser dans les affaires internationales et d’interférer voire de contrer les intérêts américains.
Par ailleurs, L’OTAN a annoncé le premier avril la suspension de toute coopération civile et militaire avec la Russie, à la suite de l’annexion illégale et illégitime de la Crimée. La crise ukrainienne révèle ainsi la fragilité d’une coopération bancale, entravée par l’incompatibilité de visions stratégiques diamétralement opposées, et déséquilibré par le poids de multiples interdépendances. Malgré la tentative d’inclure la Russie sur un pied d’égalité, la coopération reste selon Moscou une déclaration de « bonnes intentions », limitée à des programmes secondaires. La signature d’un acte fondateur crée en 1997 le conseil conjoint permanent qui deviendra le conseil OTAN-Russie (COR). En 1999, Moscou suspend cependant se participation pendant plusieurs mois afin de s’opposer à la campagne de bombardement aérien du Kosovo. Le partenariat se limite depuis à des échanges d’informations et des exercices communs. En 2001, il y a des avancées significatives avec la lutte contre le terrorisme avec en 2002 l’initiative sur l’espace aérien en coopération. De plus, l’OTAN et la Russie collaborent depuis 2008 pour la lutte contre la piraterie en mer dans la corne de l’Afrique et le Golfe d’Aden. Ils travaillent également ensemble en Afghanistan. Les sujets ensablés minent cependant les avancées, notamment sur la question de défense antiaérienne et antimissile.
Il est à noter que depuis la révolution islamique de 1978-79, les périodes de tensions entre Moscou et Washington vont généralement de pair avec un rapprochement entre Moscou et Téhéran. Le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad plus de 3 ans après le déclenchement de la crise est en soi un succès diplomatique pour Moscou et Téhéran , et la médiation Russe de l’été 2013 a permis d’éviter une nouvelle intervention militaire unilatérale occidentale au Moyen-Orient. Cependant, la prise de position russe pourrait conduire la Russie à perdre du crédit auprès des opinions publiques arabes. Pour autant, la stratégie occidentale est restée limitée à une dimension rhétorique en décalage avec les réalités du terrain syrien. Ainsi, le manque de crédibilité occidental a minimisé les conséquences négatives sur la diplomatie réaliste de Téhérant et de Moscou. Les pourparlers « pétrole contre marchandises » entamés en janvier 2014, permettraient à la Russie de renforcer sa position de puissance commerciale de substitution par rapport aux coopérations économiques potentielles irano-américaines et irano-européennes. Cet accord serait donc un atout géostratégique majeur pour Moscou vu l’accroissement des tensions avec l’Occident, cependant il n’est pas dans l’intérêt iranien de l’accepter car la vente de pétrole à un des principaux producteurs engendre une décote du prix de vente. Ainsi, des obstacles à la mise en place d’une véritable stratégie demeurent.

Conclusion :

Depuis maintenant un an, Poutine semble accumuler les succès sur la scène internationale en infligeant des camouflets à la puissance américaine (l’accueil de Snowden), en imposant la Russie comme un acteur incontournable dans des dossiers majeurs (Syrie, Iran) ou en projetant une image de réussite et de prestige (JO de Sotchi). Comme il le voulait, il est arrivé à réaffirmer l’influence de Moscou sur son « étranger proche » (Géorgie 2008, Ukraine 2014) même s’il reste des zones à conquérir (Nord-Caucasien). Cependant ces victoires ne permettent pas de diversifier une économie trop dépendante des ressources naturelles, ni de résoudre les problèmes graves de démographie. De plus, les européens pourraient chercher à s’émanciper de leur dépendance à un partenaire turbulent. Enfin, même si Obama a manqué de tact dans sa réaction initiale à la crise en Ukraine, il semble définir les paramètres d’une approche plus structurée, il chercherait à mettre sur pied une version modernisée de l’endiguement afin d’isoler la Russie mais de ne pas rompre complètement avec. En effet, à l’OTAN comme ailleurs, l’idée n’est pas d’isoler Moscou car membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Russie entretient des liens privilégiés avec des Etats comme la Syrie ou l’Iran, de ce fait elle est un partenaire crucial dans les négociations pour la résolution de certaines crises régionales et internationales. Elle reste également un acteur économique majeur dont dépendent de nombreux Etats membres de l’Alliance. Les sanctions semblent du point de vu des Etats-Unis un bon levier pour parvenir à leurs fins si l’Europe les impose mais cette possibilité reste limitée vu les liens économiques de celle-ci.
Il n’en demeure pas moins que la doctrine de l’étranger proche, l’idéologie eurasiatique et la volonté de poser la Russie comme une tierce puissance ont conduit Poutine à accélérer la formation d’une Union eurasienne dont participeraient les différents états membres de l’OCS à l’exclusion de la Chine. Cette Union est pensée comme une structure de puissance, politiquement intégrée qui permettrait au Kremlin de prendre en main le sort de l’Asie centrale. Cette intégration au continent asiatique est déjà en cours de réalisation et même si elle n’en est qu’aux prémices, elle présente un potentiel conséquent qui pourrait à terme défier plus que les Etats-Unis mais l’OTAN tout entier.
Enfin, il faut remarquer qu’avec le réchauffement climatique, la fonte de la banquise ouvre de nouvelles perspectives économiques. Alors que le territoire arctique de la russie représente 80% du gaz et 60% du pétrole du pays, la souveraineté de la Russie dans cette région constitue un enjeu stratégique majeur. En effet, la Russie espère certainement y trouver de nouvelles ressources mais surtout elle compte valoriser le potentiel commercial de la route du Nord, entre les détroits de Kara et de Béring. Ce dernier permettrait de diversifier les routes d’exportation. Le 20 décembre 2001, la Russie a ainsi déposé un dossier de revendication de plateau continental étendu auprès de la commission des limites du plateau continental. Cependant faute d’éléments géo-morphologiques concluants la demande a été rejetée le 14 juin 2002. On peut donc se demander si la Russie voit là une solution pour se diversifier de manière indépendante que ce soit vis-à-vis de l’Europe ou de l’Asie dans un futur plus lointain ?

Boutonnet Laura, Carmona-Murphy Kevin

 

Annexes

Annexe 1 :

Annexe 2 :

Annexe 3 :

Annexe 4 :

Annexe 5 :

vidéo sur les sanctions européennes:

http://www.france24.com/fr/20140912-UE-nouvelles-sanctions-contre-russie-economie-petrole-ukraine-union-europenne-france/

Annexe 6:

Bibliographie

Diplomatie GD, Affaires stratégiques et relations internationales, juin-juillet 2014

Géopolitique de la Russie, une nouvelle puissance en eurasie, Pascal Marchand, 2014

http://www.courrierinternational.com/article/2012/02/07/quelques-raisons-qui-expliquent-la-position-de-moscou-vis-a-vis-de-damas

http://www.leparisien.fr/international/syrie-les-violences-font-200-morts-apres-l-attentat-qui-a-frappe-le-regime-19-07-2012-2095267.php

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http://geopolitique2010.over-blog.com/article-tchetchenie-et-russie-histoire-d-une-tragedie-58989425.html

graphique Syrie :

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graphique Nord-Caucasien
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graphique Ukraine
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graphique gazoducs :
http://www.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fcourrierint.com%2Fimg%2Farticle%2F949RussieGazprom.jpg&imgrefurl=http%3A%2F%2Fwww.courrierinternational.com%2Frevue-de-presse%2F2009%2F01%2F19%2Fle-nouveau-grand-jeu&h=409&w=470&tbnid=S8LoN_87QT0c8M%3A&zoom=1&docid=4RKJsh2tK6dfqM&ei=-iZGVOGvKdPVaoe4gtgC&tbm=isch&biw=1137&bih=527&iact=rc&uact=3&dur=6&page=1&start=0&ndsp=15&ved=0CCgQrQMwAg

graphique OTAN et OCS :
http://www.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fjournal-audible.org%2Fwp-content%2Fuploads%2F2012%2F11%2Fotan-monde-geopolitique-club-shanghai.jpg&imgrefurl=http%3A%2F%2Fjournal-audible.org%2Fotan-et-hollande-on-avait-sans-doute-mal-compris%2F&h=1241&w=1754&tbnid=jhy2nJi9oTsABM%3A&zoom=1&docid=qmIKcjD8NnynkM&ei=qRxGVJTiF9TharingsgP&tbm=isch&iact=rc&uact=3&dur=1317&page=1&start=0&ndsp=10&ved=0CCIQrQMwAA

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