Flore KEMPERS – Master 1 Contrôle de Gestion et Audit Organisationnel
Géopolitique : Fiche pays de la Guinée Equatoriale
Le drapeau de la Guinée Equatoriale a marqué son indépendance du 12 octobre 1968 mais fut adopté officiellement 11 ans plus tard (en 1979)[1]. Au centre de ce dernier, il est possible de distinguer l’armoirie du pays, un kapokier ou fromager (arbre typique du pays) au-dessus duquel sont placées six étoiles jaunes représentant le territoire continental et ses cinq îles principales. Sous cet arbre, il est possible de lire la devise du pays en espagnol : « Unidad, Paz, Justicia » signifiant paix, unité et justice. Les couleurs du drapeau ont également une symbolique puisque le vert représente les forêts tropicales du pays (qui équivalent à 80% de son territoire) ; le bleu, l’Océan Atlantique ; le blanc, la paix et le rouge, le sang versé pour rechercher sa liberté.
Introduction
La Guinée Equatoriale est un pays d’Afrique centrale qu’il est possible de diviser en deux types de territoires. En effet, le pays a, d’un côté un territoire continental, appelé Rio Muni, ayant une frontière avec le Cameroun (au nord) et le Gabon (sud et est), et d’un autre côté, des territoires insulaires, comme l’île de Bioko, Corisco, Elobey et Annobon (qui est d’ailleurs à 600km au sud du continent). Son territoire (hors zone économique exclusive) fait de la Guinée Equatoriale, l’un des plus petits pays d’Afrique avec seulement 28 000km2.
Le pays, comme beaucoup de ses voisins, a connu la colonisation par des européens, avant d’acquérir son indépendance le 12 octobre 1968, jour qui est d’ailleurs aujourd’hui la fête nationale du pays. Sa capitale économique est Bata et celle politique est, pour le moment, Malabo, sur l’île de Bioko. La BBC Afrique[2] a, en effet, annoncé en février 2017, que le président de la Guinée Equatoriale, Teodoro Obiang Nguema, avait choisi Djibloho comme nouvelle capitale administrative, sachant que cette ville encore est en construction dans la forêt tropicale. Précisons également que la Guinée Equatoriale a une population croissante depuis les années 80 pour atteindre 1,2 millions d’habitants en 2016 (d’après le World Bank Group[3]). Sa population reste très rurale et abrite trois ethnies principales : les Fangs (80%), les Bubis et les Bengas. Indiquons également que le pays est en grande majorité catholique (90%) mais qu’il abrite également des protestants et des musulmans.
Il est important de noter que seulement deux présidents se sont succédés au pouvoir de la République de la Guinée Equatoriale. En effet, pendant 11 ans, le dictateur Franscisco Macias Nguema a pris le pouvoir, causant d’ailleurs la mort de 50 000 personnes, avant d’avoir pour successeur, le président Teodoro Obiang Nguema. Ce dernier est ainsi au pouvoir depuis 1979 et a été réélu avec 93,7% des voix le 24 avril 2016. Son fils, Teodorin Obiang, est actuellement impliqué dans un procès en France, de biens mal acquis. Il est ainsi poursuivi pour détournement de fonds publics et corruption[4].
La Guinée Equatoriale est, par ailleurs, un pays riche de ressources. Dans les années 90, elle a, en effet, a découvert sur son territoire, des ressources de pétrole et a alors choisi de se concentrer sur cette activité. Ceci lui a ainsi permis d’avoir de très bons résultats économiques, devenant même le quatrième pays exportateur de pétrole d’Afrique Subsaharienne en 2015. En outre, la Guinée Equatoriale a l’un des PIB par habitant, parmi les plus élevés de cette zone. Fort de cette richesse pétrolière, le pays s’est spécialisé dans ce secteur et pâtit aujourd’hui de la baisse des cours qui se produit depuis 2014. Son PIB était de 10,2 milliards de dollars en 2016 et continuera probablement de diminuer dans les années à venir (il était de 22,4 milliards en 2014). Notons d’ailleurs que le pays présente un fort écart entre son PIB par habitant et son indice de développement humain (IDH), ceci témoignant ainsi d’une mauvaise répartition des richesses au sein du pays.
Il sera donc pertinent de connaitre les facteurs ayant permis sa croissance fulgurante au cours de ces dernières années et de voir les défis devant être relevés par le pays du fait du changement du marché.
Quels facteurs ont permis la fulgurante ascension économique de la Guinée Equatoriale ? L’économie du pays peut-elle se diversifier ? Comment la Guinée Equatoriale pourrait-elle améliorer son climat des affaires et s’assurer une meilleure intégration régionale ?
PLAN
I- Un pays en ascension économique grâce à des ressources propres 3
a) Une économie basée sur les hydrocarbures 3
b) La diversification des sources de croissance 4
c) Des aspects culturels et scientifiques favorables à l’économie 5
II- Ses relations extérieures 6
b) Influence des pays frontaliers 6
III- Répercutions de l’ascension économique éclaire 8
a) Une croissance sans développement 8
b) Une croissance défavorable aux pauvres 9
c) Des points positifs pour le futur développement 9
Un pays en ascension économique grâce à des ressources propres
Une économie basée sur les hydrocarbures
D’importants gisements au large de l’île de Bioko ont été découvert en 1991[5] et en 1992, le pays exportera sa première production pétrolière. Pendant des années, le pétrole a constitué le plus fort revenu du pays. En 2015, le pays produisait, par exemple, 250 000 barils de pétrole brut par jour, faisant de lui, le 6ème pays producteur africain et le 34ème mondial d’après l’Agence américaine d’information sur l’énergie. C’est d’ailleurs grâce à cette ressource que le PIB par habitant était si élevé (30 408 USD en 2012 et 17 287 en 2015[6]). Il est tout de même essentiel de noter que malgré cette richesse, plus de 60% des équatoguinéens vivent encore sous le seuil de pauvreté.
Précisions, en outre, que la Guinée Equatoriale, même si les proportions ne sont pas aussi importantes que le pétrole, produit également du méthanol et du gaz naturel liquéfié[7]. La production de gaz a d’ailleurs énormément progressé ces dernières années[8].
Ce pays d’Afrique est ainsi l’un de ceux avec la plus forte et rapide croissance économique, ayant donc attiré des investisseurs étrangers. Le pétrole permet ainsi à la Guinée Equatoriale d’avoir une audience internationale. Ce dernier commerce ainsi, par exemple, avec les Etats-Unis, la Chine et l’Espagne et est devenue, en 2017, le sixième pays africain membre de l’Opep[9]. Les Etats-Unis sont les premiers partenaires économiques de la Guinée Equatoriale du fait de leur place prépondérante dans l’extraction pétrolière. De grandes sociétés américaines comme Exxon Mobil, Marathon Oil et Amerada Hess commercent ainsi avec la Guinée Equatoriale.
Le pays doit aujourd’hui faire face à une situation compliquée pour ce qui est du pétrole puisque les cours de celui-ci ont chuté depuis 2014 et que ses principaux champs pétrolifères sont arrivés à maturation. La production a, par exemple, diminué de 20% entre 2005 et 2015[10]. Le PIB de la Guinée Equatoriale est ainsi en diminution (8,2% en 2016 et 5,9% prévus en 2017)[11], puisque les hydrocarbures représentaient encore, en 2015, 85% de son PIB selon le FMI. Les exportations du pays ont également considérablement diminué, étant donné le fait que plus de 94% des exportations de la Guinée Equatoriale en 2015, était de la production d’hydrocarbures. La balance des paiements de la Guinée Equatoriale est ainsi fortement mise à mal, alors que la Guinée Equatoriale avait réussi à réduire son déficit budgétaire les années précédentes. En outre, les investissements directs étrangers en Guinée Equatoriale suivent la même voie puisqu’ils ont baissé en 2013, 2014 et 2015[12].
L’économie équatoguinéene est très dépendante du pétrole du fait de sa spécialisation dans le secteur, mais elle possède tout de même d’autres potentiels revenus, attendant seulement d’être développés.
La diversification des sources de croissance
Les problèmes de production du pétrole ont ainsi forcé le pays à envisager d’autres sources de revenus. Ce dernier possède, encore aujourd’hui, de nombreuses ressources encore sous-exploitées. Depuis 2008, l’Etat a même lancé une « stratégie » de diversification dans son Plan national de développement économique et social[13] (PNDES). Ce plan vise ainsi à relever le défi d’être à la hauteur de ses capacités à l’horizon 2020. Le gouvernement veut développer cinq secteurs : la pêche, l’agriculture, les services financiers, le tourisme et la pétrochimie et les extractions minières.
A l’heure actuelle, c’est le secteur de la construction qui est le plus important (hors hydrocarbures bien évidemment). Il représente ainsi 7% du PIB en 2015. Des sociétés françaises, comme Sogea-Satom, du groupe Vinci, Razel, Bouygues GE et sa filiale DTP terrassement, sont actives dans ce domaine[14], pour construire des infrastructures de transport, d’équipements collectifs et de logements. Ce secteur est largement soutenu par d’importants investissements publics dans le cadre du PNDES, mais, avec la baisse des recettes budgétaires (du fait de la chute des cours du pétrole), l’Etat diminue les commandes publiques, mettant à mal ce secteur[15].
L’agriculture équatoguinéenne, dans le temps de la présence espagnole, était relativement prospère. En effet, dans le pays, il était cultivé du café, du cacao et du bois. L’île de Bioko possède, par exemple, des sols volcaniques qui sont donc riches en minéraux et permettent la culture du cacao. Néanmoins, sous la domination dictatoriale de Franscisco Macias Ngema, la production agricole du pays va s’effondrer. Pour exemple, il est possible de citer le nombre de plantations de cacao qui étaient de 38 000 tonnes au moment de l’indépendance et qui, à la fin de ce régime, en 1979, tombe à 5000 tonnes[16]. Notons ainsi que l’agriculture vivrière nourrit aujourd’hui moins de 30% de la population intérieure, et sachant que celle-ci est croissante, ceci nécessite donc de nombreuses importations[17]. Pourtant, la Guinée Equatoriale possède plusieurs atouts pour développer son agriculture : des terres fertiles inexploitées, de l’abondance en eau (précipitations favorables) et une demande croissante dans le pays et ses alentours[18]. La Guinée Equatoriale pourrait par exemple développer la culture du cacao biologique, un marché qui semble actuellement porteur. L’agriculture est donc un secteur clé dans la diversification économique.
Comme nous avons pu le voir précédemment, le bois constitue également un potentiel axe de diversification. En effet, la production de bois s’est accrue dans les années 90, elle a même quadruplé entre 1991 et 1996[19]. Du fait de la forêt tropicale, qui rappelons le, couvre 80% du territoire, la région continentale peut tout à fait développer cette activité.
La Guinée Equatoriale possède également de nombreuses ressources halieutiques. En effet, elle bénéficie d’une importante zone économique exclusive, du fait de ses territoires insulaires, de 310 000 km2, soit dix fois supérieurs à la superficie de son territoire continental. De plus, selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), le pays dispose d’un potentiel annuel de pêche de 75 000 tonnes de poisson alors qu’actuellement, seulement 4 000 tonnes sont pêchées[20]. Néanmoins, la Guinée Equatoriale, si elle développe son secteur de la pêche, devra assurer la sécurité maritime dans le Golfe de Guinée.
Comme autre ressource naturelle, la Guinée Equatoriale possède des ressources minières telles que le fer, le titane, l’uranium et les diamants. Le pays développe, par exemple, la ville de Mbini où il y a de nombreux investissements dans les ressources minières.
Enfin, le pays bénéficie d’une biodiversité spécifique susceptible d’attirer le tourisme. Il a, par exemple, des réserves naturelles et possède des espèces présentent uniquement dans cette région[21]. Ceci pourrait ainsi permettre de développer de l’écotourisme (plages tropicales, randonnée pédestre, canyoning, pêche sportive). La Guinée Equatoriale a ainsi développé des infrastructures hôtelières, avec notamment un hôtel 5 étoiles à Sipopo. Notons que le tourisme reste encore faible dans le pays du fait de la complexité d’obtention de visas, de l’insécurité ou encore de la corruption.
Ainsi, les principaux moteurs de l’économie équatoguinéene avant la découverte du pétrole, pourraient bien permettre aujourd’hui un renouveau dans l’économie du pays. Il existe, de plus, d’autres aspects qui permettraient d’aider l’économie équatoguinéene.
Des aspects culturels et scientifiques favorables à l’économie
Des aspects culturels et scientifiques pourraient en effet être bénéfiques à l’économie équatoguinéene.
D’un point de vue linguistique tout d’abord, le pays a la chance de posséder plusieurs langues officielles. En effet, le pays a été sous influence portugaise de la fin du XVème siècle jusqu’au XVIIIème siècle et le traité de Paris de 1900 attribua définitivement le territoire continental de la Guinée Equatoriale, à l’Espagne. Ainsi, ce pays africain va bénéficier à la fois de l’influence portugaise et de celle espagnole. C’est donc logique qu’aujourd’hui, l’espagnol soit accepté comme étant la langue officielle du pays, parlée par une grande partie de sa population. Le fait de parler espagnol permet, par exemple, aux équatoguinéens de réaliser du commerce plus facilement avec l’Espagne ou encore l’Amérique Latine.
A la fin du XXème siècle, le français a également été reconnu comme langue officielle. En effet, du fait d’avoir des pays frontaliers parlant le français (le Cameroun et le Gabon), la Guinée Equatoriale a développé la pratique de la langue française de manière à commercer plus facilement avec ses voisins et éviter l’isolement linguistique qu’elle aurait pu subir.
Enfin, depuis 2011, le pays reconnait également le portugais comme langue officielle. Du fait du passé avec le Portugal et des fortes opportunités commerciales offertes par la pratique de cette langue (parlées au Portugal et en Amérique du Sud), les équatoguinéens ont également développé la pratique de cette langue.
Le sport est également un axe de développement de l’économie équatoguinéene. Il est par exemple important de noter qu’en 2014, la Confédération Africaine de Football (CAF) a choisi la Guinée Equatoriale comme organisateur de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2015, sachant qu’elle avait déjà co-accueilli celle-ci avec le Gabon en 2012[22]. Cet évènement participe d’ailleurs à développer le tourisme dans le pays et le gouvernement construit pour chaque évènement, des villas de luxe et un ensemble sportif.
La science peut également être un secteur de futur développement économique pour le pays, sachant qu’elle a, par exemple, accueilli en 2015, la Conférence internationale sur la lutte de l’Afrique contre le virus Ebola. L’organisation d’évènements sportifs et scientifiques permet ainsi à la Guinée Equatoriale d’accroitre sa notoriété mondiale et d’augmenter sa reconnaissance planétaire.
Ses relations extérieures
Historique
L’histoire de la Guinée Equatoriale est déjà le reflet de relations avec l’extérieur du pays. En effet, en 1472, les premiers navigateurs portugais arrivent dans le pays et c’est seulement en 1778, avec le traité d’El Pardo[23], que les espagnols commencent à récupérer des îles et la côte. Le pays sera alors appelé Guinée Espagnole. La Guinée deviendra « équatoriale » lors de son indépendance en 1968, suite aux pressions des mouvements nationalistes.
Des traces laissées par la colonisation demeurent encore aujourd’hui, au niveau de la langue par exemple (comme cela a été évoqué dans la partie précédente) et également sur le drapeau du pays. Celui-ci, qui est le symbole de la nation équatoguinéene, met en avant l’héritage de cette période avec la devise en espagnol, mais également rappelle les combats qui ont été nécessaires pour l’obtention de leur indépendance avec la bande rouge du drapeau[24].
La Guinée Equatoriale et l’Espagne tendent, malgré ce complexe passé, de conserver de bonnes relations et notamment de renforcer leurs liens économiques et commerciaux[25]. En 2011, par exemple, une rencontre avait été organisée entre le ministère de l’Economie, du Commerce et de la Promotion des entreprises de Guinée Equatoriale et le ministère de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce d’Espagne. Leur but était alors d’affirmer la présence des entreprises avec une volonté d’augmenter le développement d’autres. L’Espagne avait alors rappelé l’importance de la Guinée Equatoriale dans son économie (fournisseur d’énergie) et la Guinée Equatoriale avait fait de même en indiquant que, pour l’Espagne, la Guinée Equatoriale était le quatrième marché d’exportations en Afrique Sub-Saharienne en 2010 (alimentaire, biens d’équipements, produits semi-finis, secteur automobile).
Ainsi, le passé du pays permet à la Guinée Equatoriale, de développer le commerce d’aujourd’hui et de demain. Il est, de plus, intéressant de noter que les pays frontaliers ont également une influence sur l’économie du pays.
Influence des pays frontaliers
Dans la partie précédente, il a été possible de voir que l’adoption du français comme langue officielle pour le pays, est un symbole de la volonté de s’ouvrir à ses voisins : le Gabon et le Cameroun. Il est important de préciser que d’autres démarches ont été mises en place pour faciliter l’intégration régionale de la Guinée Equatoriale.
Ainsi, le pays a choisi de rejoindre plusieurs alliances régionales comme la Communauté économique et monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) qui lui permet d’avoir une monnaie commune (le franc CFA d’Afrique centrale) avec le Gabon, le Cameroun, la République Centrafrique, le Congo et le Tchad ; ou encore la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) qui a pour objectif premier de renforcer l’intégration économique de ses membres. La Guinée Equatoriale est également à l’initiative de la coopération entre des pays dans la zone du Golfe de Guinée. En effet, les territoires maritimes sont essentiels pour un pays comme la Guinée Equatoriale et l’insécurité dans ce Golfe est présente. Le président équatoguinéen veut ainsi organiser des patrouilles de contrôle entre le Cameroun, le Gabon, Sao Tomé-et-Principe et la Guinée Equatoriale pour lutter contre la piraterie[26].
Pour ce qui est des relations avec ses pays voisins, notons que la frontière avec la Gabon a souvent été disputée, notamment pour les îles. Mbanié, Conga et Cocotiers ont, en effet, toutes trois, été très disputées car la zone économique exclusive autour de celles-ci contiennent des ressources pétrolières importantes[27]. Notons tout de même que, du fait des différentes unions régionales signées par les deux pays, la tension entre ceux-ci semble avoir diminuée.
Les relations entre la Guinée Equatoriale et le Cameroun semblent elles aussi apaisées, le Cameroun étant également dans ces alliances régionales. Néanmoins, dans un article du 22 novembre 2017, publié dans un magazine camerounais[28], il est expliqué que seulement un mois après avoir ouvert sa frontière avec le Cameroun, la Guinée Equatoriale a choisi de fermer celle à Kyé-Ossi. La Guinée Equatoriale avait pourtant décidé d’appliquer le principe de libre circulation des biens et des personnes dans l’espace, ce dernier étant dans les textes de la CEMAC.
Il semblerait ainsi que la Guinée Equatoriale ait une volonté de collaborer avec ses pays frontaliers, notamment pour le commerce, tout en conservant des relations pas toujours cordiales avec ceux-ci.
Partenariats extérieurs
Il a été possible de voir que la Guinée Equatoriale cherche à s’intégrer dans son environnement régional en adhérant à plusieurs programmes (CEMAC, CEEAC). Le pays, pour affirmer sa puissance, cherche également à obtenir une reconnaissance internationale.
Vis-à-vis du continent africain, la Guinée Equatoriale a, par exemple, organisé le sommet de l’Union africaine en 2011 et 2014, dans le contexte difficile des printemps arabes. La Guinée Equatoriale a également accueilli le quatrième sommet Afrique-monde arabe en novembre 2016.
De plus, au niveau international, le pays reçoit l’aide du Fonds monétaire international (FMI) qui a conclu en 2016, qu’il était nécessaire que la Guinée Equatoriale soit plus diversifiée et qu’elle améliore son climat des affaires. Un accord a d’ailleurs été trouvé entre tous les Etats membres du CEMAC dans le but de conclure, après des négociations bilatérales, à un programme d’assistance économique de la part du FMI[29]. La Banque mondiale aide également la Guinée Equatoriale, ce qui montre que le pays est actif dans les organisations financières mondiales.
Pour ce qui est de la politique extérieure, la Guinée Equatoriale entretient essentiellement des relations avec : la Chine, le Brésil et la Corée du Nord. Elle est également membre de la Communauté des Etats de langue portugaise (CPLP), qu’elle a rejoint en 2014.
La Chine occupe une place de plus en plus importante dans la vie équatoguinéene. En effet, elle a, par exemple, aidé dans la construction d’infrastructures pour la Coupe d’Afrique des Nations. D’importants projets chinois ont ainsi été construits, dont des logements par exemple. Le président de la Guinée Equatoriale s’est ainsi rendu en Chine en 2015, où il y a rencontré son homologue chinois.
Le Brésil est l’un des nouveaux partenaires du pays avec lequel la Guinée Equatoriale échange de plus en plus, essentiellement dans l’agriculture, l’enseignement et les médias. Les échanges commerciaux étaient de 3 millions de dollars en 2003 contre 300 millions en 2009.
La Corée du Nord a, quant à elle, de vieilles relations avec la Guinée Equatoriale puisqu’en 1971, un accord de coopération militaire avait déjà été signé. Kim Yong-Nam s’est d’ailleurs rendu en Guinée Equatoriale en mai 2016, quelque temps après l’investiture du président équatoguinéen.
La Guinée Equatoriale cherche ainsi à dynamiser ses relations avec le monde à la fois d’un point de vue régional, mais également mondial. Elle doit ainsi réussir à assurer une croissance économique tout en développant le niveau de vie de sa population.
Répercutions de l’ascension économique éclaire
Une croissance sans développement
Il a été précisé précédemment qu’il existait un très fort écart entre le classement mondial du PIB par habitant équatoguinéen et celui de son IDH. Ceci traduit donc un fort développement économique qui n’est pas suivi par celui humain. Il est, par exemple, possible de noter qu’en 2015, l’espérance de vie d’un équatoguinéen est de 57,5 ans. Ce chiffre parait ainsi relativement faible par rapport à la richesse que contient le pays. Il est tout de même pertinent de préciser que le pays connait une croissance de cette espérance depuis les années 60, où, à cette époque, elle était seulement de 36,7 ans (d’après le World Bank Group)[30].
L’amélioration des conditions de vie de la population équatoguinéene est lente et le pays ne compte, par exemple, aucun transport en commun malgré les routes qui se développent. De plus, les compagnies aériennes nationales sont encore interdites d’exploitation générale sur le territoire de l’Union Européenne[31]. Il existe, en outre, encore des forts risques de piraterie maritime qui découragent l’activité de pêche. Enfin, des trafics avec les zones frontalières, notamment le Cameroun, sont encore aujourd’hui bien présents.
Le développement du pays semble également freiné par la politique en place dans le pays. En effet, la Guinée Equatoriale est une république dans laquelle il y a des élections, mais il semblerait que celles-ci ne se déroulent pas dans la légalité équatoguinéene. Une loi, adoptée par référendum en 2011, stipule, par exemple, que le nombre de mandats présidentiel doit être limité à deux, sachant que le président actuel en est à plus de cinq[32]. Il se produit également des arrestations d’opposants à l’approche de scrutins, une réduction de la liberté d’expression et de réunion (deux opposants politiques ayant été arrêtés alors qu’ils distribuaient des tracts pour annoncer la réunion de leur parti d’opposition)[33] et un recours excessif à la force par les forces de police (notamment en avril dernier à l’encontre de membres de Citoyens pour l’innovation qui organisaient un rassemblement pacifique). Ainsi, le principal mouvement d’opposition (la Convergence pour la démocratie sociale) a, par exemple, boycotté les dernières élections pour dénoncer le « multipartisme de façade »[34]. Il semblerait d’ailleurs qu’il y ait également de nombreuses fraudes électorales, faussant donc le réel résultat des votes.
Le problème politique demeure également dans le fait qu’aucune autre figure que le président actuel ne semble pouvoir incarner la fonction. La jeunesse équatoguinéene se sent ainsi désemparée car elle souhaiterait changer de gouverneur, mais aucun candidat ne pourrait être à sa hauteur[35]. Les candidats de l’opposition se rallient, en plus, fréquemment à ce président en acceptant des postes au sein du cabinet ministériel. C’est d’ailleurs pour cette raison que le fils du président, Teodorin, semble être le seul à pouvoir remplacer son père. Ceci illustre ainsi le manque d’ouverture de la classe politique du pays. Le fils du président occupe une place politique dans le pays depuis 20 ans et fut nommé, en mai 2012, le deuxième vice-président, chargé de la défense et de la sécurité. Ses problèmes judicaires en France ne semblent d’ailleurs pas l’empêcher de pouvoir accéder au pouvoir. Notons également que seul le fils du président possède les chaînes de télévision du pays et que la liberté de la presse est donc limitée.
Les richesses du pays ne sont donc pas distribuées auprès de toute la population et semblent être captées par des étrangers et une petite minorité d’équatoguinéens, notamment les dirigeants du pays. La croissance dont a bénéficié le pays n’a donc pas été favorable aux pauvres.
Une croissance défavorable aux pauvres
La croissance dont a bénéficié le pays n’a pas vraiment profité aux pauvres de celui-ci car la population, bien que vivant dans le pays qui, selon le FMI, a le PIB par habitant le plus élevé du continent, vit au trois quart sous le seuil de pauvreté[36].
La croissance est d’ailleurs d’autant plus défavorable aux pauvres dans le pays, que ce dernier est encore fortement corrompu. Un juge d’instruction a, par exemple, réclamé un pot-de-vin à des opposants politiques enfermés en 2016, d’après Amnesty International[37]. En 2001, le gouvernement avait même dû démissionner du fait des affaires de corruption dont il était accusé.
La France soupçonne également le fils du président de collecter de l’argent de manière frauduleuse, l’accusant ainsi de « blanchiment » et de détournement de fonds publics dans le cadre de l’affaire des « biens mal acquis ». Le 3 novembre 2016, la justice suisse se joint à la France et annonce avoir procédé à la saisie de 11 voitures de luxe qui appartiendraient à Teodorin, le fils du président[38]. Ce dernier sera d’ailleurs reconnu coupable dans cette affaire de « biens mal acquis » et condamné par contumace à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende avec sursis.
Le problème de captation des richesses est également ressenti dans le système économique du pays. En effet, ce sont essentiellement des grandes entreprises qui exploitent les matières premières de la Guinée Equatoriale et ces dernières sont bien souvent étrangères. Les petites entreprises locales sont ainsi désavantagées sur le marché. Des réformes ont ainsi été lancées ces dernières années par le gouvernement pour changer la situation, mais elles prennent du temps à se mettre en place[39].
Il existe tout de même des points positifs qui rendent optimiste sur le développement futur du pays.
Des points positifs pour le futur développement
Le pays, bien qu’ayant un lent développement, conserve des qualités importantes pour faciliter son développement, en plus de ses ressources naturelles.
En effet, il est important d’indiquer que même si une grande quantité de personne vit encore sous le seuil national de pauvreté, cette part a diminué depuis 2006 du fait du dynamisme économique et de la création d’emplois dans le secteur du bâtiment et des services[40]. Des efforts sont ainsi réalisés par les pouvoirs publics pour améliorer l’accès de la population aux infrastructures sociales de base, essentiellement en utilisant les recettes pétrolières. Il y a, par exemple, des avancées en matière l’alphabétisation puisqu’en 2011, les jeunes de 15 à 24 ans sont ceux qui sont les plus alphabétisés d’Afrique centrale (taux de 96,8%)[41].
Ainsi, le pays a la chance de bénéficier d’une diaspora désireuse d’investir dans le pays et d’une importante diversité culturelle, les jeunes parlent notamment plusieurs langues. Ces deux points peuvent donc permettre de développer l’entreprenariat dans le pays.
De plus, les infrastructures construites par le gouvernement sont considérées comme étant de « classe mondiale, tant au niveau routier, portuaire que sur le plan de l’énergie »[42], ce qui aide à l’innovation et l’entreprenariat. Le président ne veut pas seulement le pouvoir pour la gloire puisqu’il cherche à s’ériger comme étant l’homme qui a rebâti le pays[43], à la fois en reprenant le pouvoir à son oncle, le dictateur Franscisco Macias Nguema, et en transformant le pays que ce dernier avait détruit, le sortant ainsi de son isolement.
Enfin, le fait que la Guinée Equatoriale organise des programmes de développement à moyen et long terme (PNDES et conférences) montre la volonté du gouvernement, de diversifier les sources de croissance du pays et ainsi le souhait de réduire leur dépendance aux revenus des hydrocarbures[44].
Bien que la Guinée Equatoriale ait encore d’importants enjeux à relever (notamment la sortie du pétrole et la redistribution des revenus), le pays présente donc des signes encourageants pour son développement futur.
Conclusion
Après avoir connu une dictature la privant de ses richesses, la Guinée Equatoriale a ainsi eu un fort développement économique depuis les années 90 grâce, essentiellement, à la découverte du pétrole dans ses territoires. Ceci a permis à l’Etat d’investir pour la construction d’infrastructures, mais a également conduit à délaisser des secteurs autrefois prospères comme l’agriculture ou le bois par exemple.
Le pays compte, à l’heure d’aujourd’hui, deux importants enjeux :
- Un économique, avec la nécessité :
- de trouver d’autres ressources que les hydrocarbures et que l’aide financière internationale qui était importante dans les années 80 ;
- de développer de nombreux partenariats avec des pays émergents comme la Chine et le Brésil par exemple ;
- d’augmenter son intégration régionale en améliorant son climat des affaires ;
- de procéder à une réduction administrative en diminuant les formalités de création d’entreprise (actuellement il faut 18 procédures et 135 jours pour fonder son entreprise)
- et enfin, d’accroitre la qualité de la main d’œuvre locale.
- Un social, avec :
- l’important problème d’insécurité dans le pays et le Golfe de Guinée à régler ;
- le besoin pour les dirigeants politiques de répondre aux aspirations de la jeunesse équatoguinéene ;
- et enfin, l’annonce du président qui déclarait que ce mandat serait son dernier, posant alors la question du futur politique du pays, sans ce légendaire président.
Aujourd’hui, face aux multiples enjeux économiques et sociaux, le pays doit absolument se diversifier en développant d’autres secteurs. Il semble être capable de pouvoir le faire, étant donné les richesses dont il regorge. Des programmes du gouvernement ont ainsi été créés mais leur mise en place reste lente du fait de la nécessité d’importants moyens humains et financiers. La Guinée Equatoriale possède, de plus, des atouts propices à l’entrepreneuriat et l’industrialisation et a donc, un gros potentiel économique et social.
Bibliographie
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- Service de la Documentation RFI, « Guinée Equatoriale – Pays », op. cit. ↑
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- Service de la Documentation RFI, « Guinée Equatoriale – Pays », op. cit. ↑
- Dominique Puthod, « Perspectives économiques en Afrique: Guinée équatoriale », op. cit. ↑
- Nations Unies – Commission économique pour l’Afrique, Profil de pays 2016: Guinée Equatoriale, op. cit. ↑
- Id. ↑
- Dominique Puthod, « Perspectives économiques en Afrique: Guinée équatoriale », op. cit. ↑
- Jeune Afrique, « Dossier », op. cit. ↑
- Nations Unies – Commission économique pour l’Afrique, Profil de pays 2016: Guinée Equatoriale, op. cit. ↑
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