Selon le Dictionnaire Culturel en Langue Française, la banlieue a eu plusieurs définitions à travers l’histoire, une première datant du XIIème siècle et qui nous indique que la banlieue est un « territoire d’environ une lieue autour d’une ville sur lequel s’étendait le ban, la juridiction de celle ci ». Le deuxième sens du mot va apparaître entre le XVIIème et le XVIIIème siècle, la banlieue signifie alors « campagne qui forme les alentours d’une ville ». Aujourd’hui nous définissons la banlieue en tant qu’ « ensemble des agglomérations qui entoure une grande ville et qui dépend d’elle pour une ou plusieurs de ses fonctions ». Nous distinguons alors la banlieue immédiate d’une ville (la périphérie) et la grande banlieue (les environs). On constate cependant que depuis les années 1960, la banlieue se transforme en cité, c’est à dire « une commune suburbaine récente, posant souvent des problèmes sociaux ».
La polysémie du terme banlieue conduit ainsi à des amalgames. De nos jours, lorsque l’on aborde le sujet, c’est souvent la dernière définition qui va primer sur les autres. Ceci a conduit à assimiler une connotation négative au terme tout en oubliant son sens premier.
Comment ont évolué les banlieues au cours des siècles et quelles sont leurs caractéristiques ?
Nous étudierons dans un premier temps l’historique et les définitions du terme banlieue puis nous verrons comment illustrer ces propos à l’aide de trois exemples. Enfin, nous nous intéresserons aux limites des banlieues.
I) Histoire et définitions des banlieues
Selon Les Lieux des banlieues de Hervé Maréchal et Jean-Marc Stébé (Editions Le Cavalier Bleu, 2012), l’histoire du mot banlieue peut se décomposer de la manière suivante :
Au Moyen-Age, on observe la migration d’individus hors des villes. Ce sont pour la plupart des bourgeois possédant des terrains et des jardins hors des villes. Au XVIIIème siècle, se sont les individus les plus aisés voulant fuir les grandes épidémies qui se déplaceront hors des centres villes. Puis, à partir de la seconde moitié du XVIIème siècle et tout au long du XIXème, les campagnes qui entourent les villes vont être assimilées à des territoires de refuge où il fait bon vivre (Rousseau).
Le mouvement des populations hors des centres villes s’accentue encore une fois à partir de 1850. C’est le début de l’ère industrielle et de la modernisation urbaine. Le fait de pouvoir migrer hors des centres villes reste cependant le privilège des classes aisées (ce sont avant tout les individus qui possèdent un moyen de transport qui peuvent migrer dans les campagnes).
C’est avec l’apparition des chemins de fer que les classes moyennes pourront enfin se déplacer vers les zones périurbaines.
Hervé Maréchal et Jean Marc Stébé affirment que cette migration des classes moyennes (« synonyme d’étalement social ») s’est confirmée en ayant comme modèle de référence la banlieue pavillonnaire Etats-Unienne.
Au contraire, en France, le mouvement de ces classes moyennes va entrainer des constructions de grands ensembles HLM (habitation à loyer modéré) après la seconde guerre mondiale. On va donc assister à l’apparition d’une confusion entre banlieue et zone urbaine sensible.
Les cas des banlieues françaises et Etats-Uniennes ne peuvent cependant pas illustrer le concept de banlieue à eux seuls. Notons que les bidonvilles représentent la forme urbaine des banlieues la plus importante dans le monde. En effet, plus d’un milliard d’individus vivent dans ces bidonvilles souvent caractéristiques des pays du Sud.
En parallèle de l’évolution historique des banlieues nous pouvons distinguer plusieurs types de banlieues :
– Les banlieues industrielles qui abritent des installations et des activités liées à l’industrie,
– les banlieues mixtes qui regroupes des zones industrielles, des zones d’habitations des structures commerciales et hôtelières ainsi que des grands équipements (universités et centres hospitaliers par exemple)
– les banlieues résidentielles caractérisées par des constructions majoritaires et des classes sociales dominantes, ainsi que par leur type d’environnement et leur degré d‘autonomie par rapport à la ville à laquelle elles appartiennent.
De manière plus générale, on peut donc assimiler trois sens au mot banlieue. Un sens historique ou juridique qui fait référence aux migrations ayant eu lieu au Moyen-Age, un sens géographique qui définit la banlieue en tant que territoire urbanisé attenant à une ville, et un sens sociologique qui est apparu dans la seconde moitié du XXème siècle et qui implique un déversement des populations et des activités qui ne peuvent pas s’installer dans les centres villes.
Nous pouvons ajouter à cela la définition de l’Insee. Pour l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, la banlieue est le résultat de la soustraction suivante : « l’agglomération moins la ville-centre ». Chaque année lors du recensement de ces banlieues, il faut ajouter les nouvelles communes qui apparaissent avec l’étalement des constructions et des activités (c’est ainsi que la banlieue de Paris a vu augmenter le nombre de ses communes de 279 à 410 de 1968 à 2009).
Ainsi, la définition de la banlieue selon l’Insee est la suivante : « Si une commune représente plus de 50 % de la population de l’agglomération multi communale, elle est seule ville-centre. Sinon, toutes les communes qui ont une population supérieure à 50 % de celle de la commune la plus peuplée, ainsi que cette dernière, sont villes-centres. Les communes urbaines qui ne sont pas villes-centres constituent la banlieue de l’agglomération multi communale. »
II) Des banlieues différentes : trois exemples
On peut illustrer les banlieues actuelles par plusieurs exemples :
La banlieue parisienne :
La banlieue parisienne est dans l’imaginaire collectif un territoire caractérisé par de fortes inégalités socio-économiques. Les exemples de Colombe, Nanterre ou Aubervilliers (Banlieues des Hauts de Seine), illustrent cette image négative en apparaissant notamment dans le classement des zones urbaines sensibles de France. Ces trois banlieues françaises sont souvent assimilées au chômage, aux logements sociaux insalubres, à la violence et engendrent très souvent une économie parallèle ainsi que des trafics illégaux. Cette image est surtout véhiculée par les médias et les politiques qui évoquent souvent les banlieues des grandes villes françaises comme des endroits dangereux.
De la banlieue pavillonnaire aux ghettos aux Etats-Unis :
Aux Etats Unis, on remarque d’une part l’importance des banlieues pavillonnaires (suburbs) occupées par une grande parties des familles américaines issues de la classe moyenne et d’autre part des banlieues ghettos qui sont des « lieux où une communauté vit en marge du reste de la population », parmi celles-ci ont peut citer le quartier de Harlem à New-York dans les années1980. Ce schéma de l’urbanisation tend cependant à se modifier depuis quelques années : on observe un retour vers les villes et une transformation des ghettos en zones plus dynamiques et attrayantes.
Le Dharavi à Mumbai :
En Inde, en périphérie de Mumbai, se trouve le Dharavi, un des plus grands bidonvilles du monde. On assiste ici à une toute autre forme d’urbanisation caractérisée par une forte concentration de population et par une pauvreté et une insalubrité extrême. On constate également le développement d’une multitude d’activités artisanales.
III) Les limites des banlieues
Aujourd’hui, les banlieues ont tendance à évoluer et de nouvelles problématiques apparaissent. Cependant, les banlieues restent synonymes d’exclusion sociale et souffrent pour la plupart d’une image péjorative. Certains spécialistes s’accordent même à évoquer le terme « enclavement » pour caractériser les banlieues. Ils insistent sur le fait que les banlieues représentent un territoire à part, caractérisé par des modes de vie et des cultures différentes. On peut alors se demander si cet « enclavement » n’est pas la raison de l’exclusion et du rejet des populations qui vivent dans les zones périurbaines.
De plus, la place des banlieues représente un enjeu politique majeur dans certains pays comme la France ou les Etats-Unis. En France par exemple, afin de dynamiser les cités dites dortoirs, l’état propose aux entreprises de s’installer dans les quartiers sensibles de certaines banlieues (exemple de Sarcelles en région parisienne), elles bénéficient ainsi d’exonérations fiscales et de cotisations sociales. Les banlieues deviennent alors ce qu’on va appeler des zones franches urbaines.
Il faut aussi prendre en compte les limites géographiques es banlieues : où s’arrêtent-elles ? Jusqu’où l’étalement des zones périurbaines peut-il aller ?
Ce sont toutes ces questions qui nous amènent à penser que l’évolution des banlieues n’est pas terminée et que de nouvelles formes de zones périurbaines apparaitront certainement au cours des prochaines années.
Annexe 1 : texte de Jean-Claude Ruano-Barbolan au sujet de l’évolution des banlieues
« Le mouvement qui a fait de l’espace des banlieues, la « nouvelle frontière » du développement, le lieu des contradictions sociales et économiques, depuis les années 1960, s’est transformé. Un puissant imaginaire urbanistique et politique autant que social a donné naissance aux grands ensembles, aux grandes zones pavillonnaires, aux grands hypermarchés. La transformation industrielle des principaux pays de l’OCDE est radicale depuis 30 ans, quoique fort différenciée. Enfin le rapport à la ville porté par les sociologues, les urbanistes et les écologistes a transformé nos attentes et perceptions. Les banlieues sont aujourd’hui multiples : elles sont la ville en mutation et devenir. »
Jean-Claude Ruano-Barbolan, professeur associé au CNAM
Annexe 2 : illustrations
Paris et sa banlieue :
Organisation et architecture typiques des banlieues résidentielles au Etats-Unis :
Le bidonville du Dharavi à Mumbai :
Annexe 3 : graphique illustrant la suburbanisation depuis 1975 en France
Ce graphique montre que ce sont les banlieues qui ont vécues la plus grande évolution démographique depuis 1975 en France.
Sources :
Webographie :
http://www.hypergeo.eu/spip.php?article472
http://oekoumene.fr/blog/2011/03/31/la-banlieue-francaise/
Définition de la banlieue selon l’Insee :
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/ville-centre-et-banlieue.htm
Classement des ZUS de France :
http://sig.ville.gouv.fr/atlas/ZUS/
Définition du ghetto :
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ghetto/36870
images :
http://labellefrance.webklik.nl/page/pr-sentation-de-paris#__frame__
http://www.oceanattitude.org/index.php?post/2009/02/24/Ainsi-vont-les-bidonvilles
http://bts-sta.fr/category/la-ville-en-mutation/
Bibliographie :
REY A., (2005), Dictionnaire Culturel en Langue Française, Le Robert
MARECHAL H. et STEBE J-M., (2012), Les Lieux des banlieues, Le Cavalier Bleu, Paris
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