PAIX PERPÉTUELLE – KANT
Emmanuel Kant est un philosophe allemand du 18ème siècle, il étudie dans un premier temps la théologie puis la philosophie et les mathématiques, il devient maître de conférence de philosophie en 1755. Il devient célèbre grâce à la “critique de la raison pure publié en 1781”. Son « projet de paix perpétuelle (1785) » est considéré comme l’un des plus grands ouvrages de philosophie politique. Lors de sa publication, son œuvre est vite diffusée sur le plan européen notamment auprès des lecteurs français qui étaient considérés comme des lecteurs révolutionnaires à cette époque. Kant dénonçait le despotisme et appelait à la paix universelle dans un monde où les monarchies luttaient contre la domination française.
Dans un premier temps son œuvre connaît un franc succès, puis est passée sous silence et enfin connaît un regain de popularité au 20ème siècle après la première guerre mondiale, qualifiée d’horrible boucherie. Cela amène les milieux politiques et intellectuels à trouver les moyens de rendre la guerre illégale ou impossible et donc de tout faire pour que de pareille atrocité ne se reproduise pas dans un monde moderne.
Son projet de paix perpétuelle fait ressortir un mouvement pacifique qui pousse à construire les prémices du droit international. Ce sont les premiers fondements philosophiques vers le droit international.
À travers son texte, Kant cherche à établir une théorie pour que les Etats sortent de la guerre et des conflits qui sont pour lui une sorte d’état naturel, c’est-à-dire que la guerre est ancrée dans la nature de l’Homme, qui est un guerrier. L’homme ne peut s’émanciper de sa propre nature.
Kant à travers son oeuvre va émettre les moyens juridiques qui ne sont pas naturels mais qui vont permettre d’installer la paix. Le projet est divisé en une première section qui contient les articles préliminaires d’une paix perpétuelle et une deuxième section qui contient les articles définitifs de la paix perpétuelle.
Nous verrons comment Kant répond à la question d’une paix impossible.
I) Les articles préliminaires d’une paix perpétuelle
« Nul traité de paix ne peut être considéré comme tel, si l’on s’y réserve secrètement quelque sujet de recommencer la guerre » . Un simple traité ou un accord avec d’autres Etats peut être une raison pour récupérer des ressources ou même se préparer pour une nouvelle guerre donc cela n’est que temporaire et passager. Le traité doit « anéantir tous les sujets de recommencer la guerre. »
Pour Kant, la paix perpétuelle ne peut être mise en place que si les Etats instituent un état de droit où les libertés de l’homme sont respectées.
« Tout État, qu’il soit grand ou petit, ne pourra jamais passer au pouvoir d’un autre État, ni par échange, ni à titre d’achat ou de donation » À travers cet article, l’auteur montre qu’un État n’est pas un bien ou un patrimoine, c’est une société d’hommes. Une annexion ou l’incorporer à un autre Etat serait réduire l’Homme non pas à une personne morale mais à une simple chose.
« Les troupes permanentes doivent être abolies avec le temps » Le fait d’avoir une force armée dans un autre pays représente un coût et surtout une menace pour les États concernés. Cette présence n’est pas compatible avec la paix perpétuelle mais surtout avec l’élaboration du droit international. Le contraire, c’est-à-dire ne plus avoir de forces armées dans son propre pays n’est pas envisageable car l’Homme doit pouvoir se défendre.
« On ne doit point contracter de dettes nationales, pour soutenir les intérêts de l’État au dehors » La dette d’un pays représente une puissance pécuniaire dangereuse mais aussi un prétexte pour entrer en guerre contre un autre paix, ces crédits sont un grand obstacle à la paix perpétuelle.
« Aucun Etat ne doit s’ingérer de force dans la constitution, ni dans le gouvernement d’un autre État. » L’auteur est contre le droit d’ingérence car un état anarchique serait bénéfique et servirait de leçon à celui-ci.
« Nul Etat ne doit se permettre, des hostilités de nature à rendre impossible la confiance réciproque lors de la paix future » Dans cette partie, Kant dénonce les stratagèmes honteux comme l’emploi d’assassin, la violation d’une capitulation … Ces stratagèmes rendent la paix impossible et surtout ils rendraient la guerre bien plus meurtrière alors que celle-ci n’est qu’un moyen de savoir lequel de ces deux parties est le plus fort.
Kant à travers ses articles préliminaires ne fait qu’un simple constat et une critique de la guerre sous ces différentes formes, on peut aussi retrouver les conditions préalables à une paix durable.
Si dans cette première partie Kant dénonce certains agissements des Etats qui luttent entre eux, il est conscient que seules des recommandations morales ne sauraient suffire, c’est pourquoi il propose des changements concrets, nécessaires et contraignants pour une paix à long terme.
II) Les articles définitifs de la paix perpétuelle
« L’état de paix n’est pas un état de nature, lequel est au contraire de guerre, c’est pourquoi il faut que l’état de paix soit institué »
Pour Kant, l’Homme donc les Etats sont naturellement amenés à se battre. Ces guerres peuvent être évitées en instaurant un état de législation c’est-à-dire une constitution où chaque Etat respecte des lois et sortent de leur état de nature où seule la loi du plus fort primait.
De ce fait l’auteur donne les trois principaux articles pour la construction de la paix perpétuelle.
1) La constitution civile de chaque Etat doit être républicaine.
A travers cet article Kant montre que seule la constitution républicaine est efficace. Elle permet d’établir une société où chaque homme est libre de décider si son pays doit entrer en guerre. Les citoyens jugeront donc des conséquences de la guerre et chaque Homme sera responsable et non le chef de l’Etat. La constitution républicaine est ici définie avec trois principes : liberté, égalité et indépendance. La liberté c’est le fait d’obéir aux lois que les citoyens ont eux-mêmes approuvés.
L’égalité consiste à mettre chaque citoyen aux mêmes niveaux vis-à-vis des lois et du droit.
L’indépendance c’est une soumission des lois égale pour tous les citoyens.
Kant ici ne prend pas partie que pour la démocratie. Trois formes de souveraineté sont possibles, l’autocratie, l’aristocratie et la démocratie.
Pour Kant la forme du gouvernement doit être représentative et claire car elle seule permet d’établir une république et donc amener à la paix perpétuelle.
2) Le droit international doit être fondé sur une fédération d’Etats libres.
Les Etats voisins ou frontaliers doivent posséder une même forme de gouvernement avec des lois écrites afin d’être égaux les uns par rapport aux autres. Pour cela ils doivent établir une constitution qui garantit les droits de tous, ce sont les prémices de la création d’une fédération. Le traité de paix ne fait pas sortir de l’état de guerre, chaque Etat doit régler ses conflits avec le droit et non avec la force. Cette adhésion entre Etats, forme une alliance qui garantit la paix et donc une collaboration s’installe et les peuples peuvent coexister au sein d’une même fédération. Au fil du temps cette fédération s’étendra à tous les états et ainsi amènera à la paix perpétuelle.
3) Le droit cosmopolitique doit se borner aux conditions d’une hospitalité universelle.
L’hospitalité pour Kant signifie le droit que chaque étranger ne soit pas considéré comme un ennemi dans le pays où il souhaite se rendre. Les hommes doivent pouvoir voyager sans être inquiété et Kant condamne la piraterie, l’esclavagisme ou même le colonialisme. La surface de la terre appartient à tous les Hommes donc ils sont dans l’obligation de coexister ensemble. Cette coexistence peut aussi être bénéfique, pour Kant, les régions éloignées les unes des autres peuvent posséder des relations amicales et ensuite établir des lois ou des règles écrites afin de se rapprocher d’une constitution cosmopolitique.
Le fait de s’orienter vers « le droit public des hommes en général » et de « sans cesse se rapprocher » amène inévitablement à la paix perpétuelle.
De même il est important de noter qu’il y a trois niveaux pour aller vers la paix perpétuelle. Dans un premier temps au sein de chaque Etat avec une constitution et un régime républicain, ensuite avec une fédération progressive de ces états et enfin avec le droit cosmopolitique qui dépasse les frontières.
CONCLUSION
En 1919 après la première guerre mondiale, le président Américain Woodrow Wilson, l’un des principaux créateurs de la société des nations s’inspira de nombreuses idées de ce projet et de ses 14 points qui le rendit célèbre. Cette organisation reprend le principe de fédération et d’alliance internationales afin d’assurer une paix définitive et porteuse d’espoir.
On pourra aussi retrouver le droit cosmopolitique où chaque homme est libre de circuler dans les différents pays de la fédération.
Cependant cette organisation avait certaines limites. Dans le premier article définitif de Kant, il émet l’idée que chaque Etat doit être une république. La SDN ne prends pas en compte ce principe donc certains gouvernements sont instables et fragiles ce qui amène à certains échecs. On peut donc se poser la question de savoir si cette organisation a le moyen de contraindre un pays à adopter une constitution républicaine sachant qu’il s’oppose au principe de souveraineté défendu par le droit international.
Les idées de Kant sont reprises dans la plupart des organisations internationales de notre époque. L’ONU successeur de la SDN reprend certains de ces principes afin de créer une paix au niveau international. Il y a aussi la création de l’Union européenne qui découle de la communauté économique européenne où les échanges commerciaux sont privilégiés afin de créer des situations de (dépendance) entre les pays.
Le projet de Kant même s’il a de belle visées humanistes n’a pas été réalisé entièrement. Certes il a contribué à faire naître le courant des relations internationales, les idéalistes comme Wilson, mais celui-ci s’oppose “aux réalistes” qui pensent pouvoir apporter plus de stabilité aux systèmes internationaux mais par des contraintes économiques, ou avec l’existence de puissances hégémoniques comme l’ont été les États-unis ou l’URSS par exemple.
On se pose donc la question de savoir pourquoi l’ONU compte-t-il que 5 membres permanents alors que ce système date de 1945 et que la place des pays permanents a changé ? De plus le droit de veto n’est-il pas un paralysant de toute action de l’ONU ? En somme, L’ONU basée sur ces principes Kantiens est-elle capable d’en tenir les promesses ?
SITOGRAPHIE
-http://philitt.fr/2012/11/03/kant-projet-de-paix-perpetuelle/
-http://archiviomarini.sp.unipi.it/208/1/N0075749_PDF_1_-1DM.pdf : Oeuvre de Kant sur la paix perpétuelle
–http://www.dailymotion.com/video/x1zcps0_kant-le-projet-de-paix-perpetuelle-philippe-touchet_school
– http://www.horizons-et-debats.ch/index.php?id=3462
Excellent article. J’ai appris beaucoup de choses, merci.