LE CONFUCIANISME
« Les valeurs confucéennes ont profondément influencé la littérature, les arts, l’éthique, la philosophie, les religions, les sciences, les technologies, la médecine, la politique, l’économie et le droit. » (F. Blanchon et R.R Park-Barjot, 2007).
Le confucianisme a connu depuis sa naissance de grandes périodes d’influence significative ainsi que des périodes d’effacement relatif partout en Asie, et tout particulièrement en Chine, son pays natal. Au fondement des pratiques socio-culturelles et des croyances politiques, le confucianisme peut être perçu comme l’« ouvrage canonique de la civilisation chinoise ».
Qu’est-ce que le confucianisme et quelle est son influence au sein de la vie publique et de la vie politique chinoise?
I. Définition du confucianisme et des valeurs confucéennes
Le confucianisme peut être défini à la fois comme un fait religieux – pour son nombre d’adeptes (6 millions dans le monde) et de pratiques rituelles associées à tout son un corpus de textes- et également comme une doctrine et une idéologie qui ont façonné la culture et l’organisation de la société chinoise tout en légitimant le pouvoir politique du pays.
Pour comprendre l’origine du confucianisme, il semble pertinent d’évoquer le contexte dans lequel a vécu son père fondateur, Confucius (551 av J-C – 479 av J-C). La Chine connait à cette période une succession de guerres, sous un gouvernement morcelé et affaibli, et avec un peuple vivant dans de terribles conditions, soumis à de frivoles aristocrates et à de lourds impôts. Confucius décide alors de dessiner « une nouvelle voie » pour son pays en proposant des solutions pour organiser la vie sociale et politique qu’il rédige en doctrine et enseigne à ses disciples.
Pour Confucius, l’homme doit tendre vers l’harmonie, la sagesse, et la bonté, et doit suivre les deux valeurs essentielles que sont éducation et rectitude morale. Il accorde de l’importance à l’exemple et à l’imitation des personnes justes, à la vertu et insiste sur la valeur du maître. La vertu implique piété filiale, respect pour l’autorité et modération. L’idéal de vie proposée est simple et frugale, dédiée à la culture musicale, aux rites, au culte des ancêtres et aux relations personnelles. La stabilité sociale est alors fondée sur l’importance de la famille (application rigoureuse du culte des ancêtres) et le respect de la hiérarchie. En effet, il établit un ordre social très hiérarchisé ; chacun doit respecter celui situé au-dessus de lui dans la hiérarchie : le fils doit le respect à son père qui lui-même doit le respect de son maître. Au sommet de cette hiérarchie pyramidale, un homme ayant l’autorité quasi absolue -l’Empereur- qui a la charge d’assurer l’harmonie, le bien-être et le bonheur de son peuple. Le confucianisme privilégie ainsi l’intérêt de la collectivité sur l‘intérêt personnel, légitimant dès lors le pouvoir politique qui est censé représenté l’intérêt du peuple. L’ordre social confucéen est au service du système impérial et justifie la domination de l’empereur et de son administration, contribuant ainsi à la construction d’un système politique autoritaire et d’une bureaucratie d’Etat. Cette bureaucratie est constituée d’une élite choisie de manière méritocratique en fonction des talents et des capacités des gouvernants qui doivent œuvrer pour l’intérêt commun.
Les valeurs du confucianisme peuvent-être synthétisées par le tableau suivant (L. Hou, 2013) :
Pouvoir politique |
Ordre social |
– Primauté de la collectivité sur l’individu- Autoritarisme politique- Puissance importante du dirigeant
– Importance de la bureaucratie – Elitisme
|
– Bien se comporter suppose « bien penser »- Importance de l’exemple- Rôle crucial de la vertu
– Mépris du profit et éloge de la vie simple et du puritanisme – Accent sur la hiérarchie et la stabilité – Accent sur la famille – Pacifisme – Eloge de l’éducation |
II. L’influence plurimillénaire du confucianisme
Le confucianisme prospère depuis deux mille ans en Chine et dans d’autres pays asiatiques. Il fait partie, avec le taoïsme et le bouddhisme, des courants majeurs de ces pays. Les enseignements du maître Confucius ont traversé les siècles, passant de mains en mains et connaissant de véritables transformations dans ses préceptes. Plusieurs courants, interprétations philosophiques, et ajustements politiques ont vu le jour, permettant à la doctrine de se perpétuer dans la vie sociale et politique chinoise, malgré des périodes de plus ou moins grande influence.
Le confucianisme a connu sa grande phase d’expansion entre le IIIème et Ier siècle avant JC, sous la dynastie des Han. Il devient doctrine d’Etat et le restera même jusqu’à la chute de l’empire en 1911. Il sert dès lors de fondement pour l’éducation et la formation des élites du pays. Après une baisse d’influence face au taoïsme et au bouddhisme, une nouvelle dynastie, celle des Song (960-1279), permet à la doctrine de resurgir. Des lettrés décident de remettre la tradition confucéenne à l’ordre du jour tout en la modifiant quelque peu. Aidée par l’apparition de l’imprimerie et soutenue par la dynastie Song qui promeut le développement culturel, cette nouvelle percée est telle qu’on parle de néoconfucianisme. La multiplication des écoles publiques et des concours de recrutement des fonctionnaires, et la création d’une académie impériale, permettent de transmettre en profondeur les valeurs confucéennes à la société.
A partir de la fin du XIXème siècle et tout au long du XXème siècle, le confucianisme est profondément remis en cause. La comparaison de la Chine avec les puissances occidentales ébranle les différents courants chinois, et le confucianisme est perçu comme un frein pour la modernisation et le développement du pays. Le mouvement intellectuel du 4 mai 1919 souhaite rompre avec les valeurs confucéennes jugées trop traditionnelles. Arrivé au pouvoir en 1949, Mao Zedong impose le maoïsme, et sa nouvelle doctrine officielle entend bien détruire le confucianisme. Pourtant, le parti communiste chinois prime la collectivité sur l’individu ainsi que l’organisation hiérarchique pyramidale; deux valeurs confucéennes dont l’empereur Mao va se servir pour obtenir facilement le soutien du peuple chinois imprégné depuis des siècles des valeurs du maitre. Non reconnu comme religion officielle, le confucianisme part s’expatrier et se diffuser dans les pays asiatiques voisins. Ce dernier va même permettre l’essor économique du Japon et des « 4 Dragons ».
III. Le confucianisme dans la vie sociale et politique de la Chine contemporaine
Depuis les années 1980 à nos jours, on assiste à une renaissance du confucianisme dans son pays natal. L’ouverture de la Chine et les nombreuses critiques faites au maoïsme par la nouvelle élite gouvernante permettent aux principes confucéens de refaire surface : certains parlent de « néo-néoconfucianisme ». La Chine, puissance mondiale, souhaite réaffirmer son identité culturelle sur la scène mondiale et légitimer son pouvoir.
En effet, « on admet que la tradition ne constitue pas toujours une entrave au développement et que la modernisation « à la chinoise » est obligée de tenir compte de l’héritage culturel de la nation » (E. Lasserre, 2006). Certains principes du maitre pourraient répondre aux enjeux du XIXème siècle : l’éducation, la méritocratie, la vertu, peuvent contribuer à la compétitivité de l’économie et au bien-être de la société chinoise. Le nouveau pouvoir politique utilise même les concepts du confucianisme pour élaborer les objectifs de ses plans quinquennaux, souhaitant « la construction d’une société harmonieuse » (Président Hu Jiantao, 2003). Les principes confucéens concernant la hiérarchisation, l’obéissance, la stabilité et la collectivité sont, en outre, en adéquation avec les principes communistes.
Par ailleurs, pour la première fois dans la Chine communiste, l’anniversaire de la naissance de Confucius devient jour de fête, et une statue du maitre est érigée sur la place symbolique Tian’anmen. La figure de Confucius incarne les traditions et les valeurs chinoises, et apporte des repères à la société touchée par les problèmes sociaux contemporains (éclatement de la famille traditionnelle, corruption, consumérisme, etc.). La promotion de cet héritage culturel chinois favorise également rayonnement culturel du pays – via notamment la création et la prolifération d’instituts Confucius à travers le monde (voir annexe ci-dessous). Le confucianisme deviendrait ainsi l’outil stratégique du soft power et du développement socio-économique de la Chine.
En définitive, le confucianisme va au de-là de la simple « religion », philosophie ou doctrine. Il a un rôle primordial dans la construction de la sphère socio-culturelle et politique chinoise. Son influence certaine a été vue sous un plus ou moins bon œil par les différents pouvoirs et intellectuels successifs, mais les nombreuses réinterprétations et adaptations ont permis aux valeurs et principes confucéens de perdurer voire même d’être au cœur des enjeux contemporains de la Chine. « L’essentiel de la doctrine confucianiste représente une sagesse ancienne qui a résisté à l’épreuve du temps et continuera d’être précieuse » (S. HU, 2007). Connaîtra-t-on alors un « néo-néo-néoconfucianisme » dans le futur ?!…
Clémentine CANO
Annexe
Bibliographie
BLANCHON F. et PARK-BARJOT R.P, Le Nouvel âge de Confucius, Modern Confucianism in China and South Korea, Press Paris Sorbonne, 2007
BOULESTEIX A., La Chine pour les Nuls, Edition FIRST, 2010
HOU L., Maoïsme et confucianisme en Chine contemporaine : une introduction, China Institute, 2013
HU S., Confucianism and contemporary Chinese politics, Politics & Policy, 2007, dans PUIG E., L’influence contemporaine du confucianisme dans la politique chinoise, Asia Centre, 2012
LASSERRE E., L’éveil du Dragon: Les Défis du Développement de la Chine Au XXie Siècle, PUQ, 2006
PUIG E., L’influence contemporaine du confucianisme dans la politique chinoise, Asia Centre, 2012
WANG C., Confucius et le confucianisme pour tous, Le plein des sens, 2004
Webographie
http://fr.wikipedia.org/wiki/Confucianisme
Soyez le premier à commenter