Dans la vie courante, le terme de « réseau » peut avoir une multitude de sens différents. On peut parler de réseaux sociaux, de réseaux de logistique, de réseaux informatiques. En géopolitique également, il y a plusieurs types de réseaux qui pourraient faire l’objet d’une étude, comme les réseaux terrestres ou ferroviaires. Dans le cas présent, nous nous limiterons aux réseaux de transport maritimes. Ils correspondent aux voies maritimes principalement empruntées par les bateaux pour le transport (de quelque nature qu’il soit).
Par leur définition, les réseaux maritimes dépassent largement les frontières. En sont exclus les fleuves. On inclut par contre les océans et les mers, même intérieures. La géographie des pays a participé à leur établissement. Le réseau maritime est primordial dans le contexte actuel de mondialisation. C’est le premier moyen de commercer entre les différents pays. Il existe des axes forts et des points stratégiques-clés.
Quelle est l’importance des réseaux maritimes dans le contexte de mondialisation actuel et quel est le rôle des canaux et des détroits ?
Nous ne ferons pas ici une définition du transport maritime. Nous allons décrire les principaux réseaux, avant de comprendre l’importance du contrôle des canaux et des détroits.
I. Les principaux réseaux maritimes
A) Leur prépondérance
Actuellement, les réseaux maritimes servent surtout au transport de marchandises. Le transport de voyageurs s’est maintenant marginalisé, au profit de l’avion. 90% des échanges de marchandises, en volume, se font par voies maritimes. Le transport par bateau est le plus économique des modes de transport. Il possède les plus grandes capacités. Plus de 60000 navires naviguent chaque jour sur les mers du monde. Ces dernières années, il a accru sa prépondérance via le développement de la conteneurisation. Cela s’est fait de pair avec la mondialisation. Les produits que nous achetons sont souvent fabriqués à l’étranger, notamment en Asie. Certains produits partent même d’Europe pour être transformés dans une autre région du monde, avant de revenir sur le Vieux-Continent pour être vendus.
B) Leur répartition géographique
Plusieurs façades maritimes se sont constituées au détriment d’espaces délaissés. Les façades qui dominent sont l’Europe de l’Ouest (qui comprend la Scandinavie), les Etats-Unis, l’Asie de l’Est (ou Extrême-Orient) et le Moyen-Orient.
Ces espaces présentent différents enjeux. L’Europe est un lieu de production et de consommation. Il y a donc beaucoup d’importations et d’exportations. Cette zone est partagée inégalement entre la façade Nord-Ouest (75% des échanges) et méditerranéenne (25% des échanges). Les Etats-Unis importent des biens de consommation et exportent beaucoup de matières premières. Ils possèdent les places financières les plus puissantes de la planète. L’Extrême-Orient est « l’usine du monde ». Une grande majorité des produits industriels en provient. C’est également devenu ces dernières années un lieu de consommation. Il existe également de fortes places financières. Par le Moyen-Orient passent beaucoup de flux énergétiques (gaz, pétrole). Il s’agit aussi de places financières très actives. Comme on peut le voir sur la carte suivante, les principales voies maritimes relient ces espaces dominants entre eux. Elles empruntent à plusieurs reprises des canaux ou des détroits.
II. Le contrôle des canaux et des détroits
A) Les enjeux stratégiques, géopolitiques et économiques
Un canal maritime est une voie d’eau artificielle reliant deux mers (canal de Suez) ou deux océans (canal de Panama). Ils ont été construits pour réduire de façon significative les distances à parcourir des bateaux et leurs temps de trajet. Un détroit est un bras de mer étroit entre deux terres reliant deux étendues maritimes. Il est dit international quand il est utilisé pour la circulation internationale. Un détroit est dit intérieur quand il sert exclusivement à la navigation interne d’un État et qu’il est peu fréquenté.
Le contrôle des détroits internationaux est un enjeu stratégique et géopolitique autant pour les États riverains que pour les grandes puissances. Ils posent la question de la souveraineté nationale. Même si un détroit est inclus dans les eaux territoriales d’un État, il est obligé de respecter certaines conventions. La circulation maritime doit être libre. Il y a une interdiction d’imposer des péages. La sûreté et la sécurité de la navigation sont également à la charge du pays.
Il y a également des enjeux économiques, car ils sont traversés par de nombreux flux. Ils sont indispensables au commerce mondial. À titre d’exemple, 14 000 navires passent aujourd’hui par le canal de Panama. Des travaux d’élargissement pour augmenter la capacité ont été entrepris en 2007 et s’achèveront en 2017. Ils canalisent toujours des flux croissants de marchandises et participent à l’établissement de grands ports. Une éventuelle fermeture serait une vraie menace économique. Les canaux sont une source de rentrée d’argent pour les États. Les bateaux qui les empruntent doivent s’acquitter d’une taxe. On estime à environ 1,5 milliards de dollars le chiffre d’affaires annuel du canal de Panama.
B) La situation aujourd’hui
Actuellement, il existe deux grands canaux : Panama et Suez. Le premier permet de relier l’Océan Atlantique à l’Océan Pacifique. Le deuxième tient une place centrale. Il relie l’Europe, l’Asie, l’Afrique et l’Amérique. Un autre canal est en cours d’étude. Il se situerait au Nicaragua. Il permettrait de réduire encore un peu plus la distance entre les réseaux maritimes décrits dans la première partie. Un détroit risque de se libérer dans les prochaines années à cause du réchauffement climatique. Il s’agit du passage par l’Arctique. Pour l’instant, il s’agit d’une zone intérieure, mais il pourrait devenir un détroit international. Actuellement, pour passer par là, un brise-glace est nécessaire et seuls les Russes en disposent. S’il venait à devenir navigable par n’importe quel bateau, la géopolitique du monde s’en retrouverait complètement changée. Le canal de Panama perdrait toute sa viabilité économique.
Par exemple, à titre de comparaison, pour aller de Yokohama à Hambourg, les plus grands ports respectifs du Japon et de l’Allemagne, un bateau parcourt 27 200 km en passant par le Cap Horn. En empruntant le canal de Panama, le bateau ne parcourt plus 17 310 km. Et enfin, en passant par le passage du Nord-Ouest, autrement dit l’Arctique, le bateau n’a plus besoin que de 14 970 km. Pour aller de New York à Yokohama, un bateau parcourt via le canal de Panama 18 560 km, alors que par le passage du Nord-Ouest, la distance ne fait plus que 15 220 km.
C) Les zones de conflits
Pour tous les enjeux que ces détroits et canaux regroupent, ils sont souvent sources de conflits entre différents États. On peut remarquer au moins deux zones conflictuelles. La première se situe en Amérique centrale. Alors que le Panama a entrepris de lourds investissements pour agrandir son canal, le Nicaragua envisage de construire son propre canal. Pour rappel, ce pays est situé au nord du Panama, donc plus proche des réseaux maritimes. Le nouveau canal serait aussi plus large et plus profond.
La deuxième zone de conflit se situe en Arctique. En plus de vouloir contrôler cet éventuel futur détroit où un grand nombre de bateaux pourrait passer, les États veulent aussi mettre la main sur les ressources énergétiques qui s’y trouvent. En 2007, la Russie avait planté un drapeau au fond de l’Arctique pour revendiquer sa souveraineté. Quatre pays sont concernés par cette région : la Russie, les Etats-Unis, le Danemark (par le Groenland) et le Canada.
Annexes :
Mots-clés :
Réseaux maritimes – Détroits – Canaux maritimes – Enjeux – Distance
Citation :
Le navigateur anglais Sir Walter Raleigh avait dit : « Qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse du monde ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ». Cette citation date déjà d’il y a plusieurs siècles. Elle était déjà vraie à l’époque et elle l’est encore plus maintenant.
Sources :
Réseaux et frontières. Géopolitique. Sylvy Jaglin et Benjamin Steck. http://www.cairn.info/revue-flux-2008-1-page-4.htm
Détroit. Hyperge. Nathalie Fau.
http://www.hypergeo.eu/spip.php?article541
Étude sur les transports maritimes. Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement. 2011.
http://unctad.org/fr/docs/rmt2011_fr.pdf
Les réseaux maritimes de l’économie mondiale. Les brèves marines. 24 mai 2012.
https://web.ac-reims.fr/editice/images/stories/…/breves_marines.pdf
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