« Balancée entre un destin européen et un partenariat russe, la Moldavie a-t-elle de réelles chances de rejoindre l’UE malgré son hétérogénéité ? »
La Moldavie, située à l’Est de l’Europe, est un pays qui cherche son orientation, principalement politique. En effet, ce pays peut être qualifié d’instable. Nous verrons que de par sa diversité culturelle et démographique, la Moldavie est confrontée à des enjeux économiques et commerciaux importants. Au sein du pays même, des conflits territoriaux existent ce qui peut déstabiliser la région à tous points de vue (politique, économique, culturel, démographique…).
La Moldavie: un cas concret de géopolitique
Un pays multiculturel et multi linguiste
La République de Moldavie, ou plus communément appelée Moldavie, est une République parlementaire. Igor Dodon a été élu Président en novembre 2016. Il fait partie du parti communiste et manifeste des idées pro-russes à l’inverse de l’ancien président Nicolae Timofti qui était membre d’un parti indépendant libéral en faveur d’une alliance Moldavie-Europe. Le Président souhaite également renégocier l’accord d’association avec l’Union européenne de juillet 2016. Cependant, son parti est minoritairement représenté au Parlement.
Le pays se situe à l’Est de l’Europe et est bordé par la Roumanie, à l’Est, et par l’Ukraine, à l’Ouest. La Moldavie est donc confrontée à des enjeux politiques, culturels et économiques importants en raison de sa localisation.
La Moldavie s’étend sur 33 846 km2 (un tout petit peu plus grande que la Belgique) et compte un peu plus de 3,5 millions d’habitants (2016) contre plus de 3,6 millions en 2012. Sa capitale est Chisinau et est la ville où se concentre le pouvoir.
La Moldavie est riche culturellement de par les langues parlées. Bien que la langue officielle soit le roumain moldave (parlé dans 75% des cas), une petite partie de la population parle le russe (16%), l’ukrainien (4%), le turc (3%) et le bulgare (1%).
Cette diversité culturelle peut se refléter d’un point de vue religieux. Bien qu’une majorité de la population soit orthodoxe, la Moldavie est un pays laïque où cohabitent des juifs, des musulmans et des orthodoxes.
Nous pouvons noter tout de même la présence de multiples ethnies :
- La population roumanophone qui couvre la majorité du pays,
- Au Sud, on retrouve le peuple turc dans la région de Gagaouazie (héritage de l’ancienne présence ottomane),
- Au Nord-Est, dans la région Transnistrie, où la majorité de la population russophone habite,
- Au Nord-Ouest, on retrouve de faibles minorités comme les gitans moldaves,
- Au Sud-Ouest, les bulgarophones peuplent la région.
Une économie désastreuse ultra-dépendante de l’extérieur
L’économie moldave a souffert ses dernières années. En 2015, la croissance était de -0,4%. Cette faiblesse est due à plusieurs facteurs. Le premier, qui a fragilisé la balance commerciale de la Moldavie, est la fermeture du marché russe aux exportations agricoles du pays en 2014. Le second a fragilisé réellement l’économie nationale : en 2015, trois banques ont fait faillite. Ces évènements ont pénalisé la croissance qui était de 4,8% en 2014 et est passée à -0,4% en 2015. L’inflation tend à diminuer malgré son haut niveau tout de même, et tourne autour de 7% en 2016. La monnaie est le leu moldave (1€ = 22 lei).
Son principal partenaire commercial est la Russie. Elle dépend beaucoup de ce pays notamment au niveau des hydrocarbures.
Les principales forces de la Moldavie sont l’agriculture, l’industrie et les services. Elle accuse un lourd retard au niveau de ses infrastructures ce qui la rend moins attractive mais compte néanmoins la présence du groupe français Lafarge. En effet, l’avantage est que la main d’œuvre est peu couteuse. Mais le problème majeur pour la Moldavie est le fait qu’elle soit enclavée. Elle n’a pas accès à la mer ce qui pourrait faciliter ses échanges commerciaux.
Outre des problèmes économiques et d’infrastructures, la Moldavie est un pays corrompu où la force du gouvernement est faible et où naissent des tensions sociales et politiques. Il s’agit du pays le plus pauvre de l’Europe. En effet, son IDH (Indice de Développement Humain) est de 0,699 (2015) ce qui en fait le plus faible IDH d’Europe.
Le cas du vin moldave
Pour se rendre compte du poids de l’agriculture dans l’économie moldave, nous allons nous intéresser à la production de vin. Ce secteur est un exemple de la dépendance moldave vis-à-vis de l’extérieur. Il est vrai qu’à deux reprises la Russie a lancé un embargo sur le vin en provenance de la Moldavie, pour la « punir » de son orientation pro-européenne, mais en invoquant des raisons de santé (le vin moldave contiendrait trop de pesticides), cela a fait chuter la croissance du pays de 7,5% en 2005 à 3% en 2007.
Les Moldaves essaient néanmoins de se mettre aux normes européennes pour pouvoir commercer et exporter de plus en plus et se détourner de l’emprise Russe, c’est aussi une raison de moderniser leur industrie de production. De plus, l’industrie vinicole moldave est un emblème national car elle a survécu à la dissolution de l’URSS. Elle représente un fort potentiel touristique et économique pour ce pays qui est le moins visité d’Europe (94 000 touristes en 2015).
Il est important de préciser que 95% de sa production de vin est destinée à l’export, que cette industrie représente un tiers des exportations et qu’elle représente 20% du PIB.
Le vin moldave a un libre accès sur le marché de l’Union Européenne depuis le 1er janvier 2014. Les membres du Parlement Européen ont voté le 10 décembre 2013, la proposition de la Commission Européenne censée éliminer toutes les restrictions aux importations de vin moldave. La Moldavie est inscrite sur la liste mondiale des 10 principaux pays producteurs et exportateurs de vin.
Un pays en conflit politique permanent
En raison de la succession de gouvernements, le pays est déchiré entre l’Europe avec l’Union Européenne et la Russie. Le gouvernement actuel, plutôt pro-russe, souhaite renégocier l’accord d’association avec l’Union Européenne de juillet 2016. Il a également la volonté de signer un traité avec l’Union eurasiatique (Russie, Arménie, Biélorussie, Kazakhstan) où la Moldavie aurait un statut d’observateur. La Moldavie est actuellement dans une période de cohabitation politique. Des élections législatives sont prévues en 2018 et pourraient permettre aux Moldaves de faire entendre leur souhait et confirmer ou non le penchant pour la Russie ou l’Union Européenne. Il est important d’évoquer ce qu’a déclaré Vlad Turceau, politologue : « Il y a dix ans, 70 % de la population se disait pro-européenne contre près de 40 % aujourd’hui. Et parmi la minorité qui veut se rapprocher de Bruxelles, beaucoup quittent le pays. »
De plus, la Moldavie est victime d’une corruption assez forte. C’est pourquoi, on assiste à une émigration massive de la part de jeunes moldaves qui partent à l’étranger dans le but de trouver un avenir meilleur loin de la corruption et des conditions de vie difficiles.
La misère et la pauvreté comme réalité quotidienne
Malgré de nombreuses réformes effectuées pour essayer de restructurer son économie, la Moldavie reste dans les pays les plus pauvres d’Europe. Le niveau de pauvreté oscille autour de 30% pour la population moldave, deux fois plus qu’en France. Le revenu moyen d’un Moldave est d’environ 100-150 euros.
Beaucoup tentent de survivre avec un revenu dérisoire. C’est pourquoi, certains moldaves ont recours à la vente de leurs organes pour gagner un peu plus. Le trafic d’organes est très répandu en Moldavie et un vrai fléau. Nous pouvons évoquer le témoignage d’un homme qui a vendu son rein pour 3 000€ alors que le receveur bénéficiant de son rein a payé 100 000€ l’opération. La Moldavie doit faire face à tout sorte de trafics humains (organes, prostituées) et de drogues.
Un tiers de la population active est partie en Roumanie pour la plupart, et le reste rêve d’aller à l’étranger. 40% des familles moldaves reçoivent des aides venant de l’étranger d’un membre de leur famille mais ces envois tendent à baisser de 30% ce qui impacte le PIB. L’émigration n’est donc plus bénéfique pour le pays ce qui augmente la pauvreté.
Un pays divisé
Drapeaux
Le drapeau national de la Moldavie se compose de trois bandes verticales (bleu, jaune et rouge). Au centre de ce dernier, un emblème est présent. La signification des couleurs est la suivante :
- Le bleu représente la liberté ainsi que le ciel
- Le jaune représente la prospérité mais aussi les champs de blé
- Le rouge représente le sang versé durant la Révolution, l’égalité et la justice
Le drapeau moldave ressemble sensiblement à celui de la Roumanie car suite à l’unification de 1859 entre la Moldavie et la Valachie, ces deux pays formaient la Roumanie. Ainsi, suite à l’indépendance de 1917, la Moldavie conservât ce drapeau en ajoutant l’aigle (le « stema ») pour se différencier.
Outre le drapeau national, la Moldavie possède d’autres drapeaux. Il s’agit de drapeaux gouvernementaux : le drapeau de la Défense civile, le drapeau des douanes moldaves, le drapeau des gardes-frontières. De plus, en 2010, trois nouveaux drapeaux ont été reconnus dérivant du drapeau de la nation. Il y a eu le drapeau du Président, celui du parlement moldave et celui du Premier ministre. Ces drapeaux sont montrés pour des occasions spécifiques.
On peut également évoquer le drapeau de la région séparatiste de Transnistrie au nord-est de la Moldavie, proche du Dniestr. En effet, cette région voulant être reconnue comme pays possède un drapeau différent du drapeau national moldave. Il est composé de deux bandes rouges sur les côtés et une bande verte au milieu. Il s’agit d’une reprise du drapeau de la république socialiste soviétique moldave avec la faucille et le marteau sur le haut gauche du drapeau.
Séparation du territoire : Moldavie et Transnistrie
Sur le territoire moldave, nous pouvons noter une division. En fait, la région à l’est du pays est une république autonome autoproclamée. Il s’agit de la Transnistrie. Cette zone abrite l’armée russe et fait face à des réseaux de criminalité importants. La Moldavie est quelque peu déstabilisée par cette volonté séparatiste.
La Transnistrie est composée essentiellement de russophones et a développé sa propre monnaie (rouble de Transnistrie). Quant à son gouvernement, il est basé dans sa capital Tiraspol.
L’indépendance a été acquise par la force des armes à l’automne 2012 suite à une guerre de 142 jours opposant l’armée moldave aux différentes forces étant en Transnistrie (armée russe, volontaires de Transnistrie). Elle reste cependant internationalement reconnue comme partie intégrante de la Moldavie ce qui n’empêche pas les dirigeants et son peuple d’espérer à terme intégrer la fédération de Russie, un référendum organisé en 2006 a plébiscité le rattachement à 97%.
Une économie interdépendante
Environ 1/10 de la population de la Transnistrie travaille à l’étranger. Elle envoie de l’argent aux familles car l’économie de la région autonome ne permet pas aux gens de vivre dignement, cependant la situation reste légèrement meilleure que dans le reste de la Moldavie.
Trois quart des exportations de la Transnistrie se font vers l’ouest. Le déficit budgétaire de la Transnistrie (1 milliard de dollars) est comblé par la Russie. Les entreprises de Transnistrie sont enregistrées en Moldavie pour exporter plus facilement vers l’UE, cependant elles ne paient pas de taxes en Moldavie.
Les grands axes de communication, en particulier les voies ferroviaires permettant aux marchandises moldaves de se rendre en Ukraine afin d’avoir accès au port d’Odessa (Mer Noire). Cependant, les axes passent pratiquement tous par la Transnistrie. Cela pose un problème du fait qu’une frontière existe entre la Moldavie et la Transnistrie contrôlée par des douaniers.
Sur le plan énergétique, la Transnistrie est située sur le trajet des gazoducs de Moldovagaz, société détenue à 50 % par Gazprom, à 35 % par le gouvernement moldave et à 13,5 % par le gouvernement de Transnistrie. Le gouvernement moldave soupçonne la Transnistrie de payer son gaz moins cher en retenant une partie des flux, laissant les autorités moldaves payer la note finale.
La Transnistrie est accusée par le Parlement européen d’être une plateforme pour la contrebande et le trafic d’êtres humains. Ce que les autorités locales démentent en affirmant qu’ils ne sont en rien impliqués et que cela est une manipulation afin de monter les Etats européens contre la Transnistrie.
Une influence russe omniprésente en Transnistrie
Environ 200 000 citoyens russes (sur les 500 000 habitants de la région) vivent en Transnistrie, la double nationalité y est autorisée. Les dirigeants locaux ont pour la plupart un passeport russe et non moldave.
Le Président de la Transnistrie affirme que son premier objectif est « l’indépendance et la reconnaissance de la communauté internationale » pour à terme demander une intégration à la Russie.
L’Ukraine accuse par ailleurs la Transnistrie d’envoyer des hommes armés soutenir les séparatistes pro-russes dans l’est du pays.
La Russie n’affirme pas clairement ses positions quant à la Transnistrie puisqu’elle ne reconnaît pas cette région comme « pays », mais elle y a malgré tout ouvert un consulat, symbole de relations diplomatiques.
Au niveau culturel et linguistique, la Transnistrie a adopté l’alphabet cyrillique et l’enseignement y est dispensé en russe. Seules huit écoles sur tout le territoire offrent un enseignement en roumain.
Il y aurait approximativement 500 soldats russes en Transnistrie, ce sont des casques bleus qui sont stationnés sous mandat de l’ONU, cependant leur nombre pourrait passer à 3000 en cas de conflit ouvert avec la Moldavie.
Un virage européen vers l’incertitude
A marche forcée vers l’Union Européenne
L’attrait pour l’UE parmi les citoyens est essentiellement économique, en effet chaque année, 5 000 Moldaves reçoivent la nationalité du pays voisin, la Roumanie. Depuis la loi de la citoyenneté roumaine (1991), les Moldaves peuvent obtenir relativement facilement la nationalité roumaine. Il leur suffit d’établir un certificat attestant que le lieu de naissance faisait bien parti du territoire de la Roumanie jusqu’en août 1940, date à laquelle les Russes ont colonisé la terre entre le Dniestr et le Prout. Cela leur permet d’aller travailler via les accords européens en Europe occidentale et de gagner considérablement mieux leur vie qu’en Moldavie.
Certains rêvent d’un rattachement de la Moldavie à la Roumanie, ces partisans de la « Bessarabie en Roumanie » existent mais ils sont peu nombreux. La plupart des moldaves roumanophones se sentent profondément moldaves et non roumains.
De plus, la Roumanie n’aurait pas grand-chose à gagner d’une intégration de la Moldavie dans son territoire étant donné la situation économique de son voisin. La frontière sur la rivière Prout est soumise à un contrôle assidu des douaniers roumains, qui doivent faire face tous les jours à une immigration clandestine ainsi qu’à de la contrebande de cigarettes.
D’autres sont plus réticents. En effet, depuis l’élection d’Igor Dodon, pro-russe, ce rapprochement avec l’Union Européenne est contesté. En effet, ce dernier a demandé la renégociation de l’accord d’association avec l’UE de juillet 2016. Le gouvernement moldave actuel souhaite multiplier les échanges avec la Russie. Cette volonté s’exprimer principalement par la participation du pays à l’Union économique eurasiatique (2015) composée de la Russie, l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan et le Kirghizistan. Cette Union a pour but de créer une zone de libre-échange entre les états-membres et les états observateurs pour faciliter l’intégration économique.
Quelles conséquences pour la Moldavie et la région?
A voir les mouvements récents des troupes russes ainsi que d’agitateurs pro-russes en Transnistrie, on peut penser que la Russie ne restera pas les bras croisés dans cette affaire et que la Moldavie devra choisir entre l’UE ou la sauvegarde de la Transnistrie comme région autonome de son territoire.
L’avenir des minorités russophones en Moldavie et roumanophones en Transnistrie est lié à la direction que prendra la Moldavie. En effet, les différentes identités se sont renforcées depuis la chute du régime soviétique, ces deux régions se cristallisent sur leurs différentes cultures (langue, alphabet, histoire), des mouvements de populations ou dans le pire des cas une possible guerre civile ne sont pas à exclure.
Economiquement, de nombreux moldaves travaillent en Russie, des sanctions quant au changement des quotas de travailleurs moldaves en Russie peuvent être à craindre, ce qui pénaliserait énormément l’économie du pays dépendant pour une bonne partie des revenus envoyés depuis l’étranger.
Un conflit d’ordre majeur est à craindre dans le sens où une Moldavie proche de l’UE en affrontement avec des troupes russes situées en Transnistrie induirait directement une implication directe ou indirecte de belligérants dans la région : OTAN, conseillers militaires, volontaires, milices…
Conclusion
La Moldavie est un pays qui a dû mal à créer sa propre identité entre les alternances de gouvernements et donc d’idéologie, une population qui migre… Aujourd’hui, le pays doit faire face à son destin et prendre une décision qui pourrait modifier le fonctionnement de la région de l’Europe de l’Est. Doit-il suivre la Russie ou continuer dans les traités signés avec l’Union Européenne ? La région de la Transnistrie doit devenir une zone stable pour apporter de la sérénité à cette région du monde.
Les prochaines élections législatives de 2018 permettront-elles de marquer le début d’un nouveau chemin définitif à la Moldavie pour être plus sereine et affronter les enjeux économiques, démographiques, politiques et sociétaux présents dans le pays ?
Sources
http://www.coface.com/fr/Etudes-economiques-et-risque-pays/Moldavie
https://fr.actualitix.com/pays/mda/moldavie-population-sous-le-seuil-de-pauvrete.php
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/moldavie/presentation-de-la-moldavie/
http://www.tourmag.com/La-Moldavie-terre-inconnue-a-l-Est_a88390.html
https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/Pays/moldavie/2
https://www.populationdata.net/pays/moldavie/
https://www.youtube.com/watch?v=ZQYFVoUK2es
http://www.strasbourg-europe.eu/moldavie,18163,fr.html
https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Moldavie-terre-vide-2017-06-08-1200853341
http://www.moldavie.fr/La-Moldavie-et-la-Transnistrie-Geopolitique-du-voisinage.html
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