Article de fond sur les tensions communautaires en Belgique

Tensions communautaires en

Belgique : Origines et Facteurs

 

Étant belge de nationalité, j’ai reçu beaucoup de questionnements de la part des Français à propos de la Belgique, alors qu’il s’agit d’un pays limitrophe. Je me suis donc dit qu’un éclairage sur sa géographie et ses régions linguistiques seraient le bienvenu !

Cet article de fond concernant les tensions communautaires portera sur un bref historique, sur les diverses zones géographiques et linguistiques et sur la région de Bruxelles, Capitale de l’Europe.

La capitale, Bruxelles est composée de presque 1 million d’habitants. Les langues officielles sont le néerlandais, le français et l’allemand. Le groupe majoritaire est néerlandais (54,2%) et les groupes minoritaires sont les français (34,1%), les allemands (1%), les luxembourgeois, les italiens, les arabes, les turcs, etc.

La Belgique est une monarchie constitutionnelle fédéralisée en trois communautés et trois régions avec comme Premier ministre Elio Di Rupo et comme Roi Philippe. Il s’agit donc d’un Etat fédéral composé de trois communautés et de trois régions. La structure législative et la structure exécutive est propre à chacune d’entres elles. Il demeure la justice, qui elle, est fédérale.

 

La Belgique est constituée de 10 provinces : Anvers, Brabant flamand, Flandre occidentale, Flandre orientale, Limbourg, Brabant wallon, Hainaut, Liège, Luxembourg et Namur. Bruxelles-Capitale est un territoire “non provincialisé”.

La Belgique est devenue un État fédéral constitué de trois régions économiquement autonomes et de trois communautés linguistiques.

La Communauté Flamande, la Communauté Française et la Communauté Germanophone sont des institutions qui ont dans leurs compétences l’enseignement par exemple.

La Région Flamande, la Région Wallonne, et la Région de Bruxelles-Capitale sont des institutions qui ont dans leurs compétences la gestion de l’eau par exemple.

La nécessité de découper la Belgique en État fédéral trouve son origine dans la divergence entre la conception flamande (néerlandaise) et la conception wallonne (francophone) en matière de fédéralisation. Les Flamands semblaient rechercher surtout l’autonomie culturelle pour tous les néerlandophones, y compris les Flamands bruxellois.

Les francophones, pour leur part, souhaitaient avant tout mener leur propre politique socio-économique en région wallonne; cette intention était prioritaire au lien culturel avec les francophones de Bruxelles. Voilà pourquoi les francophones ont privilégié la notion de région, les Flamands, celle de communauté.

Après de multiples tractations politiques, les deux communautés linguistiques en sont venues à découper la Belgique en trois communautés et en trois régions. Pour parvenir à un compromis, on a ainsi créé deux types d’États fédérés au sein d’un État fédéral: les Communautés et les Régions. Il en résulte sept instances législatives:

– le Parlement fédéral: la Chambre des représentants et le Sénat;

– le Conseil flamand (Vlaamse Raad) réunissant celui de la Communauté et celui de la      55Région flamande, qui ont été fusionnés;

– le Conseil wallon (Région wallonne);

– le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale;

– le Conseil de la Communauté française de Belgique;

– le Conseil de la Communauté germanophone.

On peut dire que la Belgique a adopté un type de fédération très originale par rapport à la plupart des pays. En général, une fédération adopte le principe d’une fédération de régions appelées, selon le cas, «province» (Canada), «État» (États-Unis), «canton» (Suisse), etc. Or, la Belgique s’est doté d’une double structure fédérale avec la notion de communautés. Autrement dit, les États fédérés sont régionaux ou communautaires. On peut donc dire que la Belgique est constituée de six Etats non souverains, bien que cette façon de nommer les Régions et les Communautés ne fasse pas partie du vocabulaire «politiquement correct» des Belges.

Wallons et francophones bruxellois :

Soulignons aussi qu’il existe deux catégories de francophones: d’une part, les Wallons de Wallonie parlant dans leur quasi-totalité le français (parfois le wallon), d’autre part, les Bruxellois parlant le français. Si tous les néerlandophones de Bruxelles sont des Flamands, les francophones de Bruxelles ne sont pas nécessairement des Wallons; ils peuvent être originaires de France ou d’autres pays d’immigration.

La grande majorité des Bruxellois sont toutefois des habitants de l’agglomération bruxelloise depuis de nombreuses générations.

Je ne m’aventurerai pas dans la politique et les partis qui la compose dans cet article de fond.

Toutefois, le tableau ne serait pas complet si l’on ne faisait pas mention de la question linguistique. En effet, la Belgique est dotée également de quatre régions linguistiques.

1)      la région linguistique néerlandaise

2)      la région linguistique française

3)      la région linguistique allemande

4)      la région linguistique bilingue

L’actuel régime linguistique de l’unilinguisme territorial (sauf pour Bruxelles) résulte d’un long compromis entre les deux principales communautés, les néerlandophones et les francophones. Cet accord a été sanctionné par la Constitution belge, laquelle peut être considérée comme un véritable «pacte» fondant la coexistence difficile des néerlandophones et des francophones.

Le système a ses effets pervers, notamment dans les transports en commun. Par exemple, les contrôleurs dans les trains ne peuvent communiquer que dans la langue de la région linguistique qu’ils traversent. Si un train traverse toute la Belgique, le contrôleur parlera français en Wallonie (p. ex., Liège), les deux langues à Bruxelles et uniquement le néerlandais en Flandre (p. ex., Brugge). Pour les touristes, il reste l’anglais qui n’est pas une langue reconnue en Belgique, mais qui est parfois choisi par les uns et les autres quand il faut parler ensemble. Dans les autocars, on changera l’affiche de destination (Liège / Luik, Louvain / Leuven), selon que le véhicule se trouve en Wallonie ou en Flandre.

Conclusion :

À l’exception de la grande région bruxelloise où la séparation territoriale des langues n’a pu être réalisée, la Belgique semble avoir trouvé une solution relativement satisfaisante pour gérer les conflits de préséance linguistique. Ce pays illustre bien aussi le pouvoir qu’exerce souvent une majorité sur l’ensemble d’un territoire. Majoritaires au niveau national mais minoritaires à Bruxelles, les Flamands ont réussi à s’imposer dans la capitale où ils sont surreprésentés (c’est l’un des «compromis acceptés par les francophones»); mais, au sein du gouvernement fédéral, les Flamands ont accepté la parité (c’est l’un des «compromis flamands»).

Malgré les imperfections du modèle belge, notamment dans les communes à facilité où les sources de conflit demeurent omniprésents, l’établissement des trois communautés et des trois régions constitue un modèle du genre. Les institutions instaurées par les réformes constitutionnelles successives accordent une réelle autonomie de décision, dont bénéficient les groupes linguistiques de ce pays. Il s’agit de communautés linguistiques souveraines dont on trouve peu d’exemples dans le monde. Les gouvernements communautaires demeurent seuls compétents dans les matières linguistiques et culturelles, l’État central ayant renoncé à exercer toute intervention que ce soit dans ces matières, compte tenu que les lois linguistiques fédérales sont «coulées dans le béton».

Néanmoins, les compromis belges n’ont pas réussi à garantir la stabilité à l’État fédéral, car les deux grandes communautés n’ont réussi qu’à «dépecer» leur État à leurs profits. Le fédéralisme belge est devenu un fédéralisme de confrontation, non un fédéralisme de collaboration. Aujourd’hui, le modèle belge n’inspire plus personne. Il symbolise l’intolérance même où la langue de la moitié du pays est interdite dans l’autre moitié. Les solutions, on le sait, ne sont pas faciles, mais peut-être après tout que le vieux diction belge n’a pas perdu sa vertu: «En Belgique, la situation est désespérée, mais pas grave.»

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