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Vibhuti Agarwal a rejoint l’agence d’Asie du Sud du Wall Street Journal en 2007 et s’occupe de traiter tout type de sujet pour le blog. Dans cet article précis, elle aborde l’immunité diplomatique qui est remise en cause dans certains cas en prenant pour illustration un fait d’actualité. La diplomate indienne Devyani Khobragade a été arrêtée le 11 décembre dernier pour contrefaçon de visa afin de faire rentrer sur le territoire américain une ressortissante indienne. Celle-ci était supposée travailler comme domestique, et à un salaire bien en dessous des seuils américains légaux (3,31$ de l’heure au lieu de 9,75$). La controverse autour de cette affaire demeure celle de la façon dont a été arrêtée la diplomate sur le territoire américain. Beaucoup d’articles présentent et confrontent les points de vue des pays impliqués. Celui-ci a la particularité d’expliquer les spécificités en matière de législation diplomatique pour mieux comprendre l’affaire.
– Traduction française à partir de la version originale, en anglais –
De Vibhuti Agarwal, publié le19 décembre 2013
Comment marche l’immunité diplomatique
Les allégations de mauvais traitement et l’arrestation d’une diplomate indienne, accusée de fraude sur visa et de sous-payer sa femme de ménage à New-York, ont plongé sous les projecteurs le système complexe de l’immunité diplomatique.
Devyani Khobragade, agent consulaire de 39 ans, a été menottée devant l’école de sa fille à New York et emprisonnée avant d’être rapidement libérée sous-caution jeudi dernier. Elle a subi une fouille au corps à nu, et a du partager une cellule avec des toxicomanes durant sa brève arrestation.
Le procureur américain l’accuse de violation de visa, et de fausses déclarations à propos de la somme d’argent qu’elle a versée, pour une ressortissante indienne qui travaillait pour elle comme aide domestique, de façon à obtenir un visa pour qu’elle puisse entrer sur le territoire américain. Si elle est condamnée, Khobragade risque une peine maximale de 10 ans pour la fraude, et de 5 ans pour ses fausses déclarations.
Elle va devoir contester l’accusation sur la base de l’immunité diplomatique, a déclaré son avocat Daniel N. Arshack. « Elle est protégée de toute accusation en vertu de son statut diplomatique », a écrit Arshack dans un email.
A contrario, pour les procureurs du Département d’Etat américain, elle ne bénéficie pas de l’immunité totale. Il est dit que, sous la Convention de Vienne des Nations Unies à propos des relations consulaires, en tant qu’agent consulaire et non en tant qu’agent diplomatique, elle est seulement protégée des arrestations pour crimes commis en lien avec son travail.
Selon le règlement du Département d’Etat en matière d’application de la loi et des autorités légales, les agents consulaires, comme D. Khobragade, ne bénéficient pas du même niveau d’immunité que ceux qui travaillent sur des missions diplomatiques.
Les diplomates et les agents consulaires sont protégés par deux traités différents des Nations Unies – la Convention de Vienne sur les Relations Diplomatiques de 1961, et la Convention de Vienne sur les Relations Consulaires de 1963.
Les agents diplomatiques, composés d’ambassadeurs, secrétaires, chefs de bureau et certains membres du personnel de sécurité jouissent « de l’invulnérabilité totale de leur personne », ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas être menottés (sauf circonstances exceptionnelles), arrêtés ou détenus ni même voir leur domicile perquisitionné, selon le règlement du Département d’Etat sur l’application de la loi et les autorités judiciaires. Les membres de la famille composant le foyer de l’agent diplomatique jouissent des ces mêmes privilèges et immunités.
Les agents diplomatiques sont également à l’abri de procès criminels et civils, excepté dans certains cas, et ne peuvent être poursuivis, même en cas d’infraction grave, à moins que l’immunité soit levée par le pays d’origine.
A l’inverse, les agents consulaires – ceux qui produisent les documents de voyages, et gèrent les problèmes des ressortissants de leur pays – sont protégés de cette même façon tant qu’ils vaquent à leurs fonctions officielles. Dans l’affaire Khobragade, « elle tombe sous ce type d’immunité spécifique, et serait susceptible d’être arrêtée provisoirement en attendant le procès, en vertu d’un mandat d’arrêt pour crime », affirme Marie Harf, porte-parole du Département d’Etat.
Afin de la protéger contre des poursuites, l’Inde l’a réaffectée mercredi à la mission permanente des Nations Unies dans le pays pour s’assurer qu’elle bénéficie de l’immunité diplomatique rétroactive, qui lui donnerait de plus grandes garanties légales, incluant l’immunité pour des actes commis avant ou après son assignation, dont elle bénéficie à présent.
« L’immunité criminelle s’oppose à l’exercice de la juridiction des tribunaux sur un individu, que l’incident ait eu lieu avant ou pendant la période durant laquelle existe une telle immunité » affirme le Département d’Etat. Toutefois, celui-ci a l’autorité de refuser le transfert de Khobragade aux Nations Unies. On ignorait encore jeudi s’il elle allait finalement bénéficier de cette immunité ou non.
Source : http://blogs.wsj.com/indiarealtime/2013/12/19/how-diplomatic-immunity-works/
En conclusion :
Cet article met le doigt sur la complexité des relations diplomatiques à l’heure actuelle. Les traités en vigueur, bien qu’universellement reconnus, ne permettent pas de trancher aisément dans des affaires comme celle de Khobragade. Il relance le débat sur l’impunité des diplomates qui peut scandaliser. Bien que le statut diplomatique permette d’être blanchi en cas d’erreurs liées aux fonctions diplomatiques, certains accusés, comme Dominique Strauss-Kahn en 2011, tentent de faire jouer leur statut dans des mœurs d’ordres privés. Ils se sentent « intouchables », et imaginent pouvoir ne pas respecter la loi par des comportements répréhensibles. Ici, Khobragade tente de faire jouer son statut pour s’en sortir indemne alors que, même si les visas rentrent en compte dans son domaine d’intervention, il s’agit ici d’un fait d’ordre privé, et elle ne devrait pas jouir de l’immunité complète en tant qu’agent consulaire.En outre, nous pourrions éventuellement réfléchir au fait que l’ONU, qui œuvre à faire respecter les Droits de l’Homme et l’égalité des peuples, adopte paradoxalement des traités stipulant l’immunité de certaines personnes face à la loi en cas d’infraction.
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