La Bolivie et les ressources naturelles
L’année 2009 a été marquée par une crise économique mondiale sans précédent. La Bolivie, pays le plus pauvre d’Amérique du Sud, s’en est extrêmement bien sorti en maîtrisant son inflation, en étant en excédent budgétaire et en ayant la croissance la plus forte de toute l’Am��rique Latine. En moyenne depuis l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales, la Bolivie enregistre une croissance de +5.2% par an, le taux le plus élevé de ces trente dernières années. Ainsi, si on observe les fondamentaux économiques du pays, nous pouvons dire que l’avenir de la Bolivie s’annonce prometteur. Cependant, en dégageant plus de 80% de ses revenues grâce à l’exportation de ses ressources naturelles, la Bolivie aurait très bien pu s’effondrer. Comme l’histoire du pays l’a démontré, la Bolivie est un pays riche en ressources minières : étain, zinc, cuivre, argent, fer et or. Le pays détient également des hydrocarbures (pétrole, gaz) tous exploités par des entreprises étrangères. Mais encore, la Bolivie profite peu de ses richesses, 74% de ces dernières sont destinées à l’export. Cette politique du « tout export » à engendrer des tensions sociales majeures dans le pays, comme a pu le prouver « la Guerre du gaz ». Or c’est dans c’est dans ce contexte mondial chamboulé qu’Evo Morales a annoncé que la Bolivie posséderait le plus gros gisement de lithium au monde.
Le Lithium, la plus grande richesse de Bolivie ?
Le lithium est un métal alcalin mou, employé entre autre dans la fabrication des batteries d’appareil photos, d’ordinateur portable ou de smartphone. Mais encore, les batteries au lithium sont indispensables à la fabrication des batteries électriques pour les voitures hybrides. La forte intensité énergétique du lithium fait que c’est l’un des métaux le plus recherché dans les technologies de pointes actuellement. Par exemple, il suffirait seulement de 3 kg de lithium pour fabriquer une batterie permettant de faire rouler une voiture pendant 160 km, entre deux charges, et cela pendant 5 ans. Face aux enjeux écologiques, à la diminution des réserves mondiales de pétroles ainsi qu’à l’envolée des prix du baril de pétrole, l’approvisionnement en lithium est donc un enjeu économique stratégique qui ne va cesser de croître dans les années à venir.
C’est sur les hauteurs du plateau du Salar de Uyuni, à plus de 3 650m d’altitude, que se joue peut être l’avenir de la Bolivie. En effet, la compagnie minière bolivienne Comibol a estimé que sous les 12 500km² de superficie de ce désert de sel, se trouverait plus de la moitié des réserves mondiales de lithium, soit entre 100 et 140 millions de tonnes de lithium gisent sur le sol bolivien. Cela représenterait entre 50 à 70% des stocks mondiaux. Cette ressource est évaluée à 515 milliards de dollars, la Bolivie pourrait donc devenir « l’Arabie Saoudite du lithium ». Cette découverte est donc une réelle opportunité et une occasion unique pour le pays le plus pauvre d’Amérique Latine, où un tiers de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Cependant, les boliviens n’ont jamais su tirer profit de leurs ressources naturelles. Par exemples, les mines d’argent ont été pillées par les conquistadors espagnols, le gaz accaparé par les multinationales étrangères. Mais cette fois-ci avec le lithium, Evo Morales semble être déterminé à réécrire l’histoire de la Bolivie, et il a déjà été très clair sur ce point : cette fois-ci, les ressources naturelles du sol bolivien profiteront à son pays et non pas aux pays développés.
Les nouveaux enjeux stratégiques et géopolitiques de « l’or gris »
Si le lithium s’avère être bel et bien l’énergie du futur, cela pourra représenter pour la Bolivie une occasion unique pour le pays d’effectuer son développement industriel, ce qui pourrait l’aider à réaliser son décollage économique et à devenir une réelle économie émergente. Cependant, la Bolivie devra mettre en place une gestion stratégique de ses ressources et devra également se montrer très compétitive face au Chili et à l’Argentine, qui possèdent respectivement les deuxième (29%) et troisième (10%) plus grandes réserves mondiales de lithium. Or comme l’histoire a pu le démontrer, la Bolivie par son enclavement, entretien des relations très fragiles et sensibles avec ces derniers, plus particulièrement avec le Chili.
Avec plus de 50% des réserves mondiales de lithium, le potentiel de la Bolivie est considérable. Mais la Bolivie a su tirer des leçons de son passé et aujourd’hui, le gouvernement bolivien a donné la priorité à ce nouvel « or gris ». Evo Morales a même déclaré le lithium comme étant une « une grande cause nationale ». En effet, depuis ces dernières années, le cours de lithium a explosé et a été multiplié par dix, passant de 350$ à 3 000$. La course au lithium est donc bel et bien lancée, il reste donc à savoir qui pourra l’exploiter. Le Président Evo Morales a donc voulu éveiller l’intérêt des investisseurs étrangers. Ainsi, le gouvernement bolivien a reçu plusieurs offres de grandes multinationales comme le groupe français Bolloré, ou encore des offres de multinationales japonaises telles que Mitsubishi et Sumitomo pour l’exploitation du désert de sel bolivien. Toutes cherchent à sécuriser leurs approvisionnements en lithium afin de pouvoir développer leurs technologies de pointe. Sauf que cette fois-ci Evo Morales souhaite dicter les règles du marché. Le gouvernement bolivien a investi près de 6 millions d’euros pour construire une usine pilote de l’extraction du lithium, directement reliée au Salar de Uyuni. L’objectif de l’usine est de créer 40 tonnes de carbonate de lithium par mois. De plus, en faisant adopter la nouvelle constitution du pays en Janvier 2010, Evo Morales annonce les nouvelles règles du jeu en ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles et plus particulièrement du lithium : la Bolivie garderait le contrôle du développement d’une filière industrielle et laisserait aux entreprises étrangères le rôle d’investisseurs. Cela est en accord avec la nouvelle constitution qui prône :
– La souveraineté de l’Etat sur ses ressources. Comme l’a énoncé le Président E. Morales « La Bolivie cherche des partenaires, non des patrons ».
– La participation majoritaire de la Bolivie sur entrepreneuriat
– L’industrialisation des produits dérivés du carbonate de lithium sur le sol bolivien
- Le transfert de technologie
Avec de telles exigences, les risques sont multiples. En effet, si la Bolivie se montre inflexible par rapport à ces exigences et hésite à s’engager avec un investisseur étranger, il faut que la Bolivie ait les moyens et soit apte à fournir par elle-même une production industrielle rentable. Mais encore les boliviens tardent à faire démarrer le marché international. Ainsi, le reste du monde a le temps de trouver une solution alternative et l’intérêt pour le lithium s’évaporerait. D’ailleurs face à ces exigences trop importantes, le groupe français Bolloré s’est retiré des négociations. Il faut donc que la Bolivie soit vigilante. En effet, depuis que le projet a commencé, aucun partenariat avec un investisseur étranger n’a été signé. A force de vouloir garder le contrôle sur ses ressources, la Bolivie risque de passer à côté de son décollage économique. Or les réserves de lithium sont tellement grandes, qu’il sera impossible pour une seule entité d’en avoir le monopole. La difficulté sera donc pour la Bolivie de savoir garder à la fois le contrôle sur ses ressources naturelles, tout en en s’ouvrant à des investisseurs étrangers, qui sont indispensables pour le bon développement du pays. En effet, la Bolivie n’a aucune expérience dans ce domaine. Elle a donc besoin d’importer de la technologie étrangère, technologie indispensable pour réaliser une bonne gestion du lithium. Si le pays n’arrive pas à trouver un accord, tout le projet pourrait s’avérer être un véritable désastre. En revanche, si le pays arrive à élaborer une gestion stratégique de ses ressources de lithium, cela serait une opportunité unique pour la Bolivie de devenir une grande puissance mondiale, si la tendance pour le lithium se confirme.
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