La géopolitique de l’eau en Afrique

Introduction

L’Afrique est un vaste continent dont la superficie représente environ 6% de la surface terrestre totale et un peu plus de 20% de la surface des terres émergées. Sa population s’élève à plus d’un milliard d’individus et représente près de 16% de la population mondiale. Géographiquement, le continent africain est bordé à l’Ouest par l’océan Atlantique, à l’Est par l’océan Indien et au Nord par la mer Rouge, le Canal de Suez et la mer Méditerranée. L’Afrique est donc un continent très étendu qui connait plusieurs climats différents selon les régions, variant ainsi entre des zones arides, désertiques, et des zones humides, chaudes ou tempérées.

L’eau est un élément essentiel à la vie de tout organisme vivant. Elle constitue la ressource la plus abondante de la planète : les mers et océans représentent 70% de la surface terrestre. Néanmoins, seuls 3%  de la totalité d’eau disponible sur Terre est douce. La disponibilité de cette dernière est donc restreinte mais aussi très inégale.

Le développement de l’Afrique repose sur de multiples facteurs dont le principal reste l’accès à l’eau. En effet, ce liquide précieux surnommé « or bleu » est devenu un des enjeux majeurs du continent de par sa rareté. Car l’accès à l’eau douce, mais aussi sa qualité, reste un véritable problème qui, face à la croissance démographique du continent, menace fortement les populations africaines. Si l’eau a un impact direct sur la santé et la sécurité alimentaire des individus, cette ressource joue aussi un rôle prépondérant dans le développement des économies africaines. C’est pourquoi la mise en place de coopérations transfrontalières est nécessaire pour assurer le partage de l’eau entre les pays et réduire le risque de tensions qui pourraient à terme déboucher sur des conflits armés.

Afin de se développer sur le long terme, quels sont les divers défis que doit relever l’Afrique face à la raréfaction de l’eau ?

Voyons d’abord les facteurs qui renforcent le risque de pénurie d’eau, pour ensuite analyser les risques potentiels que peuvent entraîner ces derniers.

1.       Divers facteurs qui renforcent les risques de pénurie d’eau potable

          1.1      Démographie et urbanisation

Le principal défi de l’Afrique en matière de ressources en eau reste l’urbanisation massive de sa population. En effet, le continent connaît une croissance démographique exceptionnelle qui provient essentiellement de l’accroissement des populations dans les villes. Or ce phénomène est directement lié à la question de l’eau car moins de 10% de la population africaine urbaine bénéficie d’un accès privatif à l’eau douce et les ordures ménagères ne sont ramassées que pour 10 à 30% d’entre eux. De ce fait, la majeure partie de la population n’a pas un accès direct à l’eau, ce qui a des effets considérables sur l’environnement. L’utilisation des rivières par les populations pour leurs activités domestiques illustre parfaitement ce problème : les cours d’eau permettent en effet aux individus de pouvoir se laver, de faire leur lessive ou vaisselle, mais aussi d’abreuver le bétail ou encore de laver leur voiture. L’utilisation excessive de l’eau des rivières par la plupart des populations urbaines a de lourdes répercussions sur la qualité de l’eau. Or l’eau insalubre, souvent polluée, est le premier facteur de mortalité des individus car vecteur de maladies.

          1.2      Fragilisation des écosystèmes

Face aux changements climatiques que connaît la planète, l’Afrique reste le continent le plus vulnérable alors même qu’il est celui dégageant le moins de Co2. Or, cette dégradation de la situation environnementale accroît le risque de pénurie d’eau. L’Afrique doit ainsi faire face aux multiples conséquences environnementales dues aux changements climatiques telles que l’assèchement des lacs, la fonte des glaciers ou encore la désertification.

Les conséquences de l’accroissement démographique touchent aussi l’agriculture qui est le secteur consommant le plus d’eau en Afrique. En effet, les activités agricoles s’intensifient fortement pour pouvoir faire face à la hausse de la demande et nécessitent donc de plus forts besoins en eau. Mais cette augmentation des rendements agricoles n’est pas sans conséquence car elle conduit à une surexploitation des sols qui subissent une forte érosion et une importante dégradation de leur fertilité. Ces derniers deviennent alors de plus en plus imperméables rendant l’exploitation des cultures difficiles et sont à l’origine de fortes inondations. De ce fait, la non-pénétration de l’eau dans les sols met fortement à mal la sécurité alimentaire des populations qui sont donc touchées par la malnutrition. Le développement des activités agricoles est alors à la fois un facteur de la dégradation des terres, mais aussi un risque de pénurie d’eau. Cette intensification de l’agriculture renforce notamment le processus de déforestation afin de créer de nouvelles terres exploitables. Or, les arbres sont de puissants régulateurs d’eau, dont le rôle est primordial pour lutter contre le risque de pénurie.

Si l’activité agricole nécessite beaucoup de ressources en eau, il en va de même pour l’activité industrielle qui connait un fort développement. Or, cette dernière est souvent source de pollution massive qui ne fait pas l’objet de traitement, comme c’est le cas notamment des rejets agro-industriels dans les rivières.

Tous ces phénomènes sont dévastateurs car l’Afrique, de par sa pauvreté et sa corruption, n’est que faiblement capable de s’adapter ou de faire face aux catastrophes. La préservation de l’environnement est donc bien liée à la gestion de l’eau.

          1.3       Inégale répartition de l’eau

L’inégale répartition de l’eau en Afrique est tout d’abord représentée par des disparités territoriales. En effet, l’Afrique est un vaste continent qui est caractérisé par différentes zones climatiques dont les plus touchées par le risque de pénurie d’eau sont les zones semi-arides et arides, c’est le cas notamment de l’Afrique saharienne, australe et septentrionale. De plus, le continent connaît un accroissement des zones endoréiques, c’est-à-dire des régions dont les eaux fluviales ne gagnent pas la mer.

Les changements climatiques viennent par ailleurs renforcer ces disparités territoriales en eau de par leurs effets dévastateurs sur l’écosystème. Ils ont par exemple des conséquences dramatiques sur les précipitations qui sont de plus en plus irrégulières et inégales : les zones d’aridité alternent entre sécheresse et inondation en raison de l’érosion des sols alors que les régions équatoriales bénéficient de plus grandes ressources en eau douce. Néanmoins, bien que ces dernières soient favorisées, cela ne signifie pas que leurs disponibilités en eau sont suffisantes car les multiples facteurs vus précédemment viennent mettre à mal ces ressources. En effet, la croissance démographique et les activités agricoles, industrielles et touristiques nécessitent toujours plus de besoins en eau. En d’autres termes, la demande en eau douce dépasse toujours les ressources disponibles.

La question de l’eau en Afrique est donc sociale et environnementale, mais nous allons voir quelle est aussi source de tensions politiques de par son impact économique pour chacun des pays du continent.

2.      L’eau : une potentielle source de tensions qu’il convient de maîtriser

          2.1      Contrôle de l’accès à l’eau inégal selon les zones

Face à une disponibilité de l’eau toujours plus faible, chaque pays africain essaye d’optimiser et de contrôler l’accès à cette ressource à travers divers moyens. La principale source d’approvisionnement pour les populations, qu’elles soient rurales ou urbaines, se fait grâce aux puits et aux containers de récolte de pluie. Mais certains projets de par leurs envergures nécessitent de véritables investissements, c’est le cas notamment pour la construction de barrages. Ces derniers permettent d’irriguer l’eau vers les villes de la région, mais aussi de la retenir et donc de gérer sa disponibilité. Ils jouent donc un rôle primordial pour la région qu’ils approvisionnent en eau, mais le coût que représente leur construction reste très onéreux : tous les pays d’Afrique n’ont pas forcément les moyens d’investir dans de telles infrastructures. Il en va de même pour l’exploitation des nappes phréatiques dont le coût d’extraction est considérable.

Par ailleurs, une grande partie des eaux disponibles en Afrique sont transfrontalières. Or, la survie des régions reposant notamment sur l’accès à l’eau, une question primordiale se pose alors : à qui appartient l’eau ? Le Nil par exemple est un fleuve couvrant la subsistance de dix pays mais dont les principaux bénéficiaires restent le Soudan et l’Égypte, les autres pays de la région étant privés en grande partie des ressources du fleuve. On va donc expliquer pourquoi le partage des eaux transfrontalières entre les États peut être source de tensions.

          2.2      Relation entre l’eau et la sécurité internationale

Les ressources en eaux douces peuvent faire l’objet de pressions transfrontalières qui accroissent le risque de conflits ouverts, car l’eau est un véritable instrument de pouvoir pour les pays situés en amont. En effet, ces derniers peuvent maîtriser le débit de l’eau comme ils le souhaitent et ainsi rendre vulnérable les pays en aval. De ce fait, l’eau est une arme économique pour les pays en amont puisqu’ils ont un moyen de pression considérable sur les pays en aval. Par ailleurs, le changement climatique que connait la planète, et donc l’Afrique, mais aussi les divers autres facteurs qui renforcent le risque de pénurie d’eau, ne font qu’accentuer ces pressions transfrontalières.

Face à des réserves en eau douce qui s’amoindrissent, les États africains développent des projets pour pouvoir gérer au mieux leurs ressources. Mais la gestion de l’eau d’un pays peut se faire au détriment d’un autre car ces projets sont souvent conçus au niveau national alors même qu’ils ont un impact direct sur les pays en aval. C’est le cas par exemple de la construction de barrages qui a de multiples répercussions, que cela soit sur le débit du cours d’eau, sur les écosystèmes (la faune et la flore) ou sur la qualité même de l’eau. Ainsi, les irrigations, les aménagements ou encore la pollution réalisés en amont ont de sévères répercussions en aval.

Bien qu’à ce jour, l’eau n’ait pas encore été à l’origine de conflits armés, c’est-à-dire considéré comme ayant un objectif militaire, il convient de veiller avec précaution aux différentes tensions régionales que l’eau peut provoquer car le partage des ressources liées à l’eau est délicat. C’est pourquoi un dialogue transfrontalier doit impérativement être mis en place.

          2.3       Développement d’une gestion partagée

Dans le but de préserver au mieux les ressources en eaux transfrontalières, les pays doivent s’engager ensemble dans une coopération régionale afin de définir une vision commune qui permettrait ainsi de développer une logique d’entrainement vertueux. De ce fait, un dialogue interétatique est nécessaire : les États en aval doivent rechercher une solution coopérative avec ceux situés en amont du cours d’eau.

Mais l’élaboration et la construction de coopérations ne sont pas évidentes car les États doivent s’entendre sur tous les aspects de la mise en place d’un tel partenariat : leur divergence d’intérêts conduit souvent à de fortes négociations pouvant s’étaler sur une longue période avant de conclure un accord bilatéral. Une fois la coopération établie, les États se devront de l’appliquer dans le respect des mesures prises pour lesquelles ils se sont engagés. Grâce à ce dialogue transfrontalier, les pays d’une région s’accordent ensemble sur la bonne gestion d’un cours d’eau et peuvent ainsi tous bénéficier des ressources de ce dernier.

L’objectif d’une coopération est de savoir concilier le développement des activités économiques avec la préservation de l’environnement. La gestion des déchets et rejets industriels est donc prise en compte afin d’améliorer la qualité de l’eau et ainsi l’accès à l’eau potable.

Conclusion 

En Afrique, l’exploitation et la gestion de l’eau sont devenues des enjeux stratégiques qui doivent à la fois répondre à des questions sociales, économiques, environnementales et politiques. En effet, l’accroissement démographique et le renforcement des activités industrielles et agricoles renforcent le risque de pénurie d’eau en fragilisant les écosystèmes, et empêchent le continent de pouvoir mettre en place un développement durable. Sur la simple question de l’eau, les pays d’Afrique doivent donc faire face à de multiples facteurs qui peuvent aussi avoir de lourdes répercussions politiques, susceptibles d’être à l’origine de conflits armés. C’est pourquoi la mise en place d’une gestion partagée des eaux transfrontalières est primordiale pour assurer la sécurité, qu’elle soit politique ou sanitaire, entre les États. Une coopération régionale permet ainsi de prendre en compte les intérêts de chacun à travers une égalité d’accès aux ressources en eau.

Le rôle de l’eau est donc multiple en Afrique car il a un impact sur la santé, la sécurité alimentaire, le développement économique, mais est aussi lié aux coopérations transfrontalières et aux changements climatiques. Mais l’Afrique a encore beaucoup à faire car si l’eau a des enjeux économiques et politiques, elle reste encore largement inaccessible pour une grande partie de la population alors même qu’elle est une ressource vitale pour l’individu. Selon l’ONU, « l’eau n’est pas seulement une marchandise, c’est, ou ce devrait être, un droit humain fondamental », ce qui est encore bien loin d’être le cas en Afrique.

Fiona Minchella

Bibliographie

1 Commentaire

  1. Bonjour, j’ai pu apprécier votre analyse sur les questions liées à l’eau. Notamment en Afrique subsaharienne. La conscience collective ne conçoit pas forcément qu’il est impératif, même pour des états réputés pour la quantité d’eau sur son territoire, d’élaborer un ensemble de mesures politiques pour une gestion efficiente de l’eau. On constate bien, que même dans ces pays, le problème de l’accès à l’eau reste posé, mais cette fois sous la forme du stress hydrique.

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