La Russie et l’Ukraine se rapprochent d’une ‘Guerre du Gaz’

Source : http://www.theguardian.com Photograph: Sergey Dolzhenko/EPA

 

Shaun Walker – The Guardian – 29/10/2013

Présentation du journal :

The Guardian, fondé en 1821, est un quotidien d’information britannique, faisant partie de la presse dite de « qualité » et dont la ligne éditoriale est de centre gauche. En effet, il fut pendant longtemps présenté comme le journal de référence de l’intelligentsia, des enseignants et des syndicalistes, surtout dans Londres, au point que lorsque les conservateurs veulent qualifier quelqu’un d’« intellectuel de gauche », ils disent que c’est un « lecteur du Guardian ».

 

Depuis sa création, les différents propriétaires qui se sont succédés à la tête du Guardian ont tous voulu respecter les principes dictés par John Edward Taylor, le fondateur, et pouvant être résumé par la phrase suivante : « Comment is free, but facts are sacred … The voice of opponents no less than that of friends has a right to be heard ». Ce qui signifie, les commentaires sont libres, mais les faits sont sacrés … La voix des opposants, non moins que celle des amis, a le droit d’être entendue.

 

Encore aujourd’hui, le Guardian se caractérise principalement par une volonté de liberté et d’indépendance, au risque de heurter son lectorat. Le tirage du quotidien britannique se monte à 400 000 exemplaires.

 

De plus, la version hebdomadaire du Guardian diffuse une version anglophone du mensuel français Le Monde diplomatique, et ce depuis 1999.

Présentation de l’article original : contexte et auteur

 

L’article intitulé « Russia and Ukraine edge closer to ‘gas war’ » renvoie aux conflits qui portent sur le prix et la distribution du gaz naturel en provenance de la Russie. En effet, historiquement, des conflits importants sont déjà survenus entre l’Ukraine et la Russie, le dernier remontant à 2008, et plus particulièrement entre deux sociétés spécialisées dans l’énergie : Gazprom, contrôlé par le gouvernement russe, et Naftogaz, contrôlée par le gouvernement ukrainien.

 

En raison de l’incidence élevée que ces conflits ont sur les populations de différents pays appartenant à l’Union européenne, ils se révèlent avoir une portée géopolitique considérable. En effet, depuis 2009, des centaines d’usines sont à l’arrêt et des millions de personnes sont privées de chauffage.

 

C’est dans un nouveau contexte de tensions entre l’Ukraine et la Russie que Shaun Walker, correspondant à Moscou pour le journal britannique The Guardian, a rédigé cet article publié le 29/10/2013.

Bien qu’ayant vécu en Russie pendant plusieurs années, Shaun Walker n’affiche pas de véritable parti-pris et décrit la situation entre l’Ukraine et la Russie de façon objective.

Traduction : La Russie et l’Ukraine se rapprochent d’une ‘Guerre du Gaz’

La possibilité d’une nouvelle ‘guerre du gaz’ entre la Russie et l’Ukraine grandit un peu plus ce mardi, dans la mesure où le géant russe de l’énergie, Gazprom, s’est plaint et a demandé le paiement immédiat de la dette colossale d’un demi-milliard de livres sterling que lui doit toujours l’Ukraine.

 

Cette inquiétude de Gazprom surgit un mois avant la signature d’un rapprochement, qui exaspère le Kremlin, entre l’Ukraine et l’UE.

 

Cette plainte ravive des souvenirs des crises de 2006 et 2009 pendant lesquelles la Russie a coupé les robinets de gaz pour l’Ukraine, laissant ainsi dans l’embarras et sans énergie en plein hiver, de nombreuses nations européennes qui s’appuyaient sur ces gazoducs.

 

La Russie, qui souhaite attirer l’Ukraine dans sa propre organisation composée d’anciens pays soviétiques, l’a déjà mise en garde des pertes colossales et de la myriade de problèmes qu’occasionnerait la signature d’un accord avec l’UE. Le conseiller économique du Kremlin a même prédit que la signature de cet accord aurait des conséquences politiques et sociales dans la mesure où la Russie pourrait cesser de reconnaître le statut d’état souverain de l’Ukraine.

 

“Nous sommes directement concernés par l’accumulation de secteurs par l’Ukraine pour la  distribution du gaz naturel russe” a commenté Mardi Alexeï Miller, chef de l’exécutif de Gazprom. Il a également ajouté que les Russes avaient fait d’énormes concessions au profit de l’Ukraine, notamment le paiement en avance du transit du gaz sur son sol et une série de remises.

Quoi qu’il en soit, dit-il, l’Ukraine n’a toujours pas payé sa dette de livraison de gaz d’un montant de £550m, exigible au plus tard le 1er octobre. Miller conclut que la situation actuelle reflète un conflit d’affaire d’État qui doit être traité et résolu au plus vite.

 

Le prix du gaz  est un sujet polémique en Ukraine, le premier ministre, Mykola Azarov, a récemment annoncé que le pays avait, surpayé pendant 3 ans, à hauteur de $20bn, le gaz russe.

L’ancienne premier ministre Yulia Tymoshenko a été condamnée en 2011 à 7 ans de prison pour des faits d’abus de pouvoir liés à la conclusion, en 2009, d’un accord sur le gaz avec la Russie. Le gouvernement actuel a expliqué que cet accord avait eu pour conséquence de laisser l’Ukraine dans une impasse, l’obligeant ainsi à payer un prix injustement élevé pour le gaz.

 

Vladimir Zharikhin, directeur délégué d’un lobby pro-Kremlin sur les relations entre les anciens pays soviétiques, a nié que l’annonce de Gazprom était en fait une manœuvre politique ayant pour but de déstabiliser et de mettre la pression sur l’Ukraine avant la signature de l’accord avec l’UE, il insiste également sur le fait que ce pays avait manipulé le problème, endossant ainsi le rôle de la victime aux yeux de l’Europe.

 

« Ils payaient avant sans aucun problème, pourquoi se sont-ils soudainement arrêtés ? Ils cherchent l’apitoiement de l’UE et la reconnaissance de la Russie comme le méchant et influent voisin qui martyrise l’Ukraine », explique-t-il. L’Ukraine doit signer ce traité controversé avec l’UE lors du sommet dans la capitale lituanienne, Vilnius, le 29 novembre. Cette signature est conditionnée à la libération, par le président ukrainien Victor Ianoukovytch, de Tymoshenko.

 

Elle est actuellement retenue, sous garde policière, dans un hôpital de l’est de l’Ukraine. Son procès a été très largement dénoncé comme une manipulation politique. Une délégation de politiciens européens était d’ailleurs attendue mardi à Kiev afin de négocier une dernière fois la libération de Tymoshenko. Ianoukovytch est pour le moment réticent à l’idée de gracier sa grande rivale, mais peut cependant l’autoriser à quitter l’Ukraine pour recevoir un traitement médical en Allemagne.

 

La Russie a continuellement averti l’Ukraine des conséquences fâcheuses et douloureuses de son alignement sur l’UE. Mais en dépit de cette position stricte de Moscou, il semble que le Kremlin se résigne à voir l’Ukraine glisser de son orbite de contrôle. Le but est désormais de démontrer à Kiev pourquoi cette décision serait une terrible erreur.

 

«  Il n’est pas tout à fait exact de dire que nous rêvons d’attirer l’Ukraine dans notre Custom Unions, notamment à cause du comportement de l’exécutif ukrainien. »  a expliqué Zharikhin. Il a d’ailleurs insisté sur le fait que cet accord avec l’UE ferait bien plus de mal à l’Ukraine qu’à la Russie ; « ils ne sont pas des partenaires fiables ».

 

 

Commentaire :

 

Ainsi, fin 2013, alors que la tendance était au rapprochement entre l’UE et l’Ukraine, la Russie continue de faire pression sur Kiev, en restreignant certains produits, ou bien encore en revoyant les prix du gaz.

En effet, Moscou craint que cette union se fasse à son désintérêt, alors que Vladimir Poutine ambitionne en même temps un rapprochement avec les pays anciennement soviétiques.

 

En novembre 2013, l’Ukraine a décidé finalement, en raison des pressions russes, de refuser l’accord avec l’Union européenne et de relancer le dialogue avec Moscou. Ce revirement de position de la part du gouvernement ukrainien a entraîné d’importantes manifestations pro-européennes à Kiev, rassemblant 100 000 personnes, avec comme mot d’ordre : la démission du président Viktor Ianoukovytch. Affaire à suivre …

 

Maxime Achard

Article original :

http://www.theguardian.com/world/2013/oct/29/russia-ukraine-gazprom-gas-war

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