Source : Bertrams dans De Groene, repris par Courrier International, 2015
Introduction
D’après la Democracy Ranking Association, en 2014, parmi les 193 pays du monde reconnus par l’ONU, il y avait 112 démocraties. La démocratie est couramment définie comme un régime politique dans lequel le peuple exerce sa souveraineté (Larousse, 2015). La Turquie, pays du Proche-Orient situé dans le Sud-Est du continent européen, est officiellement une république depuis 1923, dotée d’un régime parlementaire et pluraliste (Feyzioglu, 1954). Cependant, même si les deux termes sont proches, une république n’est pas nécessairement une démocratie. En effet, le terme république est défini comme une « forme d’organisation politique dans laquelle les détenteurs du pouvoir l’exercent en vertu d’un mandat conféré par le corps social » (Larousse, 2015). D’après Kazancigil, Bilici et Akagül (2013), la Turquie peut aujourd’hui être considérée comme une démocratie puisque la règle fondatrice du régime a été respectée dans la majeure partie des cas depuis l’instauration de la république. De plus, dans sa volonté d’intégrer l’Union européenne, le régime turc a déployé des avancées significatives en faveur de l’établissement et la protection d’un système démocratique. Or, ces efforts sont malheureusement, souvent partiels, et des réformes restent à entreprendre dans de nombreux domaines, tels qu’une séparation plus nette et un rééquilibrage entre les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, la rédaction d’une nouvelle constitution, ou encore le renforcement de l’État de droit, des droits de l’homme et des libertés (Kazancigil, Bilici and Akagül, 2013). Ce dernier domaine couvre tout particulièrement la question des minorités au sein du peuple turc, et notamment les Kurdes, qui forment une frange difficilement acceptée et respectée dans le pays (Arquilliere, Richard et Peignier, 2015). Au regard de la question kurde, quel est l’avenir de la démocratie turque ? En quoi la non-reconnaissance de la minorité kurde empêche-t-elle la Turquie de s’affirmer en tant que pays démocratique moderne ? L’Histoire de la République turque et la volonté de ses leaders de mettre en place une démocratie fonctionnelle démontrent un effort important de la part du gouvernement de transformer la Turquie en un pays entièrement démocratique et économiquement développé. Cependant, l’analyse de la question kurde, tout comme les récents évènements qui ont touché le pays, traduisent un recul et remettent en cause la transition démocratique du pays.
I. Origines de la république et de la démocratie turques
I.1. La République turque
Le 23 octobre 1923, seulement quelques mois après le traité de Lausanne où l’indépendance de la Turquie fut reconnue internationalement, marque un tournant dans l’Histoire de la Turquie avec la proclamation de la République par Mustafa Kemal, élu à la présidence (Kazancigil, Bilici et Akagül, 2013). Le gouvernement de Kemal procède à de nombreuses réformes de modernisation et de laïcisation, notamment avec la séparation des pouvoirs politiques (sultanat) et spirituels (califat). Les confréries religieuses sont également interdites, l’enseignement devient laïc, l’égalité homme femme est reconnue, le Code civil suisse, le Code pénal italien et le Code commercial allemand sont adoptés, et un alphabet phonétique basé sur les caractères latins remplace l’alphabet arabe (Feyzioglu, 1954). L’impact de Kemal en Turquie est tel que l’on parle de « révolution kémaliste » et, en 1934, l’Assemblée lui donne le nom d’Atatürk, qui signifie « père des turcs ». Kemal a permis la mise en place d’un terrain favorable à l’émergence de la démocratie en Turquie. Cependant, toutes ces avancées sociales sont à prendre avec réserve. En effet, dans l’État kémaliste, un seul parti politique était présent en Turquie, autoritaire, il n’a pas réussi à rassembler toutes les minorités qui constituent l’ensemble de la population. Ceci s’est traduit par une complication à la réalisation d’une transition démocratique du pays.
Selon Kazancigil, Bilici et Akagül (2013), la transition démocratique turque a débuté en 1946 avec les premières élections législatives pluralistes de la République, et surtout avec la première alternance au pouvoir lors des élections de 1950 gagnées par le Parti démocrate contre le parti républicain du peuple de Kemal, qui dirigeait le pays depuis 1923. Depuis, la transition démocratique turque a vu son parcours semé d’embûches avec notamment quatre coups d’État militaires et de nombreuses intrusions de l’armée dans la politique. Après le passage au multipartisme, des alternances au pouvoir ont eu lieu à travers des élections libres. Sur 17 élections entre 1946 et 2011, seules 5 ont été contestées ou manipulées (Kazancigil, Bilici et Akagül 2013). Ainsi, si la Turquie peut donc être considérée comme une république, de nombreuses avancées sont aujourd’hui nécessaires pour permettre à la Turquie de renforcer sa démocratie.
I.2. La démocratie turque
La démocratie est en réalité bien plus complexe que la définition qui lui est couramment donnée. En effet, elle doit aussi accorder la liberté d’expression, d’association, de mouvement, de pensée, de croyance et de pratiques religieuses, mais encore de rassemblement, de protestation, de presse, ainsi que le droit à l’expression linguistique, culturelle et identitaire. L’État ne doit pas procéder à la torture et n’exerce pas de violences envers son peuple (Élections en Europe, 2015).
En 2014, the Economist Intelligence Unit a publié la septième édition de son Index of Democracy, qui évalue le degré de démocratie pour 165 pays du monde, soit la majeure partie de la population mondiale (The Economist Intelligence Unit, 2014). Le Democracy Index est basé sur cinq catégories : le processus électoral et le pluralisme, les libertés civiles, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique et la culture politique. Chaque pays se voit attribuer une note dans chacune de ces catégories, et est ensuite, en fonction de sa note finale globale, classé selon l’un de ces types de régimes : démocratie, démocratie imparfaite, régime hybride et régime autoritaire. En 2014, la Turquie, classée 98e sur 167, et, avec un score global de 5,12 sur 10, est considérée comme un régime hybride.
Voici les scores sur 10 obtenus par la Turquie pour les différents critères :
Tableau 1: Notes obtenues par la Turquie au Democracy Index
Critère | Score |
Processus électoral et pluralisme | 6,67 |
Libertés civiles | 3,63 |
Fonctionnement du gouvernement | 5,36 |
Participation politique | 4,44 |
Culture politique | 5,63 |
Source: basé sur le rapport de The Economist Intelligence Unit, 2014
La carte ci-dessous présente le degré de démocratie selon cet indice, les pays en vert foncé étant les plus démocratiques et les pays en rouge foncé les plus autoritaires:
Document 2 : résultats du Democracy Index
Source : Extrait de Elections en Europe, 2015
La Turquie est considérée comme pays à régime hybride, car elle ne remplit pas tous les critères de la démocratie, notamment du fait de ses institutions instables, du non-respect de tous les droits de l’homme et du non-respect des minorités. Ces trois points représentent également l’un des critères de Copenhague, que tout pays candidat à l’Union européenne doit respecter, et sont de ce fait les raisons principales pour lesquelles la Turquie n’a pas encore été acceptée au sein de l’union (Bruxelles 2, 2011)
D’après les résultats, le critère démocratique le moins respecté par le gouvernement turc est les libertés civiles. Ce faible résultat est plus concrètement compréhensible lorsque l’on analyse la situation des Kurdes en Turquie.
II. Le peuple kurde
II.1. Les Kurdes
Les Kurdes sont un peuple d’origine iranienne descendant des Mèdes. Leur population est estimée à 30 millions de personnes, répartie principalement entre quatre Etats : la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie (voir carte ci-dessous). Les Kurdes parlent plusieurs dialectes se ressemblant les uns des autres, issus de l’iranien. La majorité des Kurdes est sunnite (80%), mais il existe d’autres communautés, alévie, yézidie, juive, chiite et chrétienne. Ils ont leur propre culture, celle d’un peuple de montagne. Certains Kurdes luttent depuis un siècle pour leur autodétermination et pour la reconnaissance d’un Kurdistan indépendant. Or, ne souhaitant pas perdre une partie de leur territoire, tous les pays abritant des Kurdes s’opposent à la création d’un État kurde (Chitour, 2013).
Document 1 : répartition du peuple kurde
Source : extrait de Arte, 2015
II.2. Les Kurdes de Turquie
Le gouvernement kémaliste souhaitait avant tout créer une Turquie homogène ethniquement et religieusement, afin d’unir le pays et de voir naître une véritable « nation turque » (Kazancigil, Bilici et Akagül, 2013). Ainsi, à l’arrivée de Kemal au pouvoir, le peuple kurde, qui jusqu’alors n’était pas considéré comme une minorité, est appelé « le peuple turc des montagnes » et voit sa langue interdite par la Constitution. De plus, les noms de famille kurdes et le mot « kurde » lui-même sont interdits (Kutschera, 2015). Cette réforme n’a pas eu l’effet attendu par le gouvernement, c’est-à-dire l’unification puis la dissolution de la communauté kurde au sein de la nation (Kazancigil, Bilici et Akagül 2013). En effet, les Kurdes n’acceptent pas d’obéir au gouvernement kémaliste, qui met fin à leur mode de vie patriarcal, féodal et religieux (Bordenet, 2014). De plus, ils sont toujours en attente de la création d’un État du Kurdistan, qui réunirait les Kurdes de Turquie, d’Iran, d’Irak et de Syrie en un seul État souverain, comme indiqué lors du traité de Sèvres en 1920. Cependant, ce traité n’a pas été accepté par Kemal, et le traité de Lausanne de 1923 revient sur cette autonomie. Une grande révolte kurde a alors lieu dès 1924, après les nouvelles réformes du gouvernement, à laquelle Kemal va répondre en envoyant l’armée sur les terres kurdes afin de réprimer les insurgés. Face au déni de leur existence et de leur identité par le gouvernement, les Kurdes ont régulièrement protesté depuis 1923 (Bordenet, 2014).
Le dernier affrontement entre les Kurdes et l’armée turque est celui du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui en 1984, fait plusieurs dizaines de morts par semaine. Au total, cette guerre a fait plus de 37 000 morts dans la région. Les conflits se sont atténués en 1999, lorsque le chef du PKK, Abdullah Öcalan a été condamné à la prison à perpétuité. Aujourd’hui, le PKK est considéré comme une organisation terroriste par la Turquie et l’Union européenne (Bordenet, 2014). Les Kurdes restent tout de même actifs politiquement. Plusieurs partis prokurdes ont vu le jour ces dernières années, et le parti le plus populaire aujourd’hui est le parti démocratique des peuples (HDP).
En 2015, soit plus de 80 ans après l’arrivée de Kemal au pouvoir et son désir de créer une nation turque, les Kurdes représentent toujours une minorité réprimée par le gouvernement.
III. L’avenir de la démocratie turque
III.1. Le problème des libertés
Les libertés, telles qu’inscrites dans la Constitution, d’expression, de la presse, d’association et de rassemblement politique, ne sont pas appliquées à l’ensemble de la population (Sénat, 2004).
Le rapport annuel de l’association de défense des droits de l’Homme recense, pour 2011, 12 600 arrestations et 3 252 cas de tortures et de mauvais traitements. Parmi ces arrestations, une centaine de journalistes ont été emprisonnés pour s’être exprimés librement contre le gouvernement. La question de la liberté de la presse reste préoccupante en Turquie. Dans ce secteur, comme dans de nombreux autres, les réformes ne sont pas appliquées de manière uniforme. Certains journaux considèrent parfois subir un harcèlement judiciaire, par ailleurs aléatoire selon le lieu ou le moment. Un journal prokurde a ainsi vu 64 de ses éditions saisies le jour de leur parution sur 164 éditions publiées entre septembre 2002 et février 2003. Le rédacteur en chef du journal et son propriétaire faisaient l’objet de 82 procédures pénales au total (Élections en Europe, 2015).
La liberté d’association en Turquie peut également être remise en cause. En effet, tout type d’association n’est pas encore autorisé, en particulier celles créées sur la base de l’appartenance à une race, une ethnie, une religion, une secte, une région ou portant atteinte à la structure unitaire de l’Etat (Sénat, 2004).
Ensuite, la Turquie est le pays d’Europe où il y a le plus de dissolutions de partis politiques. Hormis les partis considérés comme islamistes, les partis prokurdes et d’extrême gauche sont régulièrement dissous (Sénat, 2004).
Tout comme la France, la République de Turquie est fondée sur l’unité de la République et ne reconnaît donc pas officiellement les minorités, hormis les minorités religieuses reconnues dans le traité de Lausanne (Juifs, Arméniens et Grecs). Or, selon les estimations, les Kurdes de Turquie regrouperaient entre 10 et 12 millions de personnes et sont donc de loin la plus forte minorité en Turquie.
III.2.Erdogan, de faux espoirs pour la démocratie
Après avoir été Premier ministre de 2003 à 2014, Recep Rayyip Erdogan, également chef de l’AKP, le parti de la justice et du développement, a été élu président de la République turque le 28 août 2014. Bien qu’il ait laissé entrevoir une lueur d’espoir pour la question kurde au début de ses activités politiques, il peut aujourd’hui être considéré comme une menace envers les institutions démocratiques du pays (The Economist Intelligence Unit, 2014).
En 2003, après son élection, le gouvernement de l’AKP a mis fin à l’état d’urgence au Kurdistan, a autorisé des partis politiques kurdes à faire campagne en langue kurde, a créé une chaîne de télévision publique en langue kurde (Gouëset, 2013). En revanche, ces efforts n’ont pas perduré et la déclaration de M. Erdogan, « Une nation unique, une patrie unique, une langue unique et un drapeau unique » va à l’encontre de la volonté des Kurdes de vivre en harmonie avec les Turcs tout en gardant leur propre identité. En effet, Erdogan exprime explicitement son refus d’accorder aux Kurdes la reconnaissance officielle de leur langue maternelle et de leurs coutumes. Aujourd’hui, la popularité du président est fortement remise en cause. De nombreux Turcs l’accusent en effet de masquer les inégalités, les conflits civils et l’islamisation du pays (Bensoussan, 2015).
Le 7 juin 2015, des élections législatives ont eu lieu en Turquie. Le peuple s’est grandement mobilisé pour ce scrutin avec un taux de participation record de 86,63%. Ces élections ont été un véritable revers pour le chef de l’Etat puisque, au pouvoir depuis 2002, l’AKP n’a pas obtenu la majorité gouvernementale avec 40,86% des votes, l’obligeant à rechercher une alliance pour former un nouveau gouvernement. Derrière à l’AKP, suivent le CHP, social-démocrate avec 25% des voix, le MHP nationaliste avec 16,5% des voix, ainsi que le parti kurde HDP (12,6% des voix). Il s’agit donc d’une avancée majeure pour la communauté kurde (France TV, 2015). Cependant, au mois d’août, M. Erdogan, accusé de vouloir gouverner seul a convoqué de nouvelles élections législatives. Le communiqué officiel du gouvernement annonce : « Sur un constat d’échec, en dépit de tous les contacts réalisés depuis le 9 juillet, un conseil des ministres n’a pu être formé (…). De ce fait, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, M. le président a décidé d’un renouvellement des élections parlementaires » (AFP, 2015). Les élections ont eu lieu le 1er novembre 2015, et l’AKP a regagné la majorité gouvernementale avec 43% des votes (AFP, 2015). Ces nouvelles élections ont été extrêmement controversées, et n’ont fait qu’intensifier les tensions entre le gouvernement et les rebelles kurdes.
En effet, la situation kurde est toujours déplorable. Leyla Birlik, l’une des responsables du parti kurde HDP dans la région de Sirnac, s’exprime pour Euronews (2015) : « Notre succès à vraiment posé problème à l’AKP qui a augmenté le niveau de violence depuis le 7 juin, et cela, sous toutes ses formes : arrestations, gardes à vue, bombardements des montagnes du Kurdistan. Ils se sont attaqués aussi aux militants du HDP, et à tous courants politiques kurdes qui se battent pour la liberté. » De plus, les forces de sécurité de l’État enregistrent elles-mêmes les horreurs qu’elles font subir aux Kurdes. Une fonctionnaire turque travaillant à Sirnac explique : « On ne peut plus sortir dans la rue à partir de 17h. Des véhicules blindés passent avec des policiers armés, qui pourraient vous abattre par accident. Ils donnent l’impression qu’ils peuvent tout faire et que vous ne pouvez pas réagir » (Euronews, 2015).
Le 12 octobre 2015, deux puissantes explosions ont frappé la manifestation de partis, syndicats et ONG proches de la cause kurde qui dénonçaient la reprise des affrontements entre les forces de sécurité et la rébellion kurde. Cet attentat a fait 97 morts et 507 blessés. A la suite de ces évènements, plus de 10.000 manifestants se sont rassemblés pour exprimer leur colère contre M. Erdogan et son gouvernement, accusés de ne pas avoir assuré la sécurité du rassemblement. L’opposition prokurde quant à elle accuse directement M. Erdogan d’être responsable de l’attentat d’Ankara.
III.3.Isolement de la Turquie
La Turquie a demandé son adhésion à l’Union européenne en 1987. Cette candidature a, depuis lors, été sans cesse controversée. En effet, les instabilités économiques du pays et ses manquements démocratiques tels que soulignés précédemment empêchent la Turquie de remplir les critères d’admissibilité à l’Union. De plus, les évènements récents et l’autoritarisme accru du pouvoir de M. Erdogan entachent encore plus l’image de la Turquie en Europe, n’agissant pas en faveur dans ce processus d’intégration.
Sous la gouvernance de l’AKP, la Turquie s’est peu à peu isolée de la scène internationale. Tout d’abord, malgré son appartenance à l’OTAN, la Turquie ne fait rien pour faciliter la lutte contre Daesh, pas même de permettre aux avions de la coalition internationale menée par les États-Unis contre les djihadistes en Irak et en Syrie, d’atterrir sur son sol (Bensoussan, 2015). Ensuite, en janvier dernier, le gouvernement turc a refusé de venir en aide aux Kurdes qui tentaient de défendre Kobané, ville située à la frontière entre la Syrie et la Turquie. Le gouvernement d’Ankara a de ce fait détruit la fragile confiance des Kurdes en leur État. Lors de la victoire des Kurdes contre Daesh à Kobané, face aux mouvements de joie de la population, M. Erdogan redoute de voir se créer en Syrie une zone kurde autonome, qui pourrait engendrer de grands mouvements protestataires de la part des Kurdes de Turquie (Candar, 2015).
La crise des migrants représente ainsi une opportunité pour le gouvernement turc de briser cet isolement. En effet, en utilisant les migrants comme monnaie d’échange et jouant sur les peurs des Européens de se faire dépasser par le nombre, comme monnaie d’échange, M. Erdogan a pu négocier avec l’Union européenne certaines concessions. En obtenant par exemple la suppression des visas pour les ressortissants turcs, ou encore le silence de l’Union sur la question kurde. En échange, M. Erdogan promet un plus grand contrôle des flux migratoires transitant en Turquie et en direction de l’Europe (contrôle soutenu financièrement par l’Union).
Conclusion
La Turquie fait face à de grandes inégalités de développement en termes économique, social, culturel et d’organisation de sa société. Entre un Ouest turc riche et un Est kurde pauvre, aux divisions ethniques s’accumulent inégalités économiques, de développement et d’application des principes démocratiques. On constate en effet de nombreux manquements aux droits de l’Homme, manquement subit majoritaire par la population kurde du pays. Bien que ces violations des libertés fondamentales soient persistantes, il semble qu’elles soient maintenant d’une ampleur plus limitée. Néanmoins, la question de la minorité kurde est devenue un problème majeur en Turquie, entraînant un conflit civil qui ferme beaucoup de portes au pays en pleine expansion économique et remet en question son entrée dans l’Union européenne.
Les autorités turques, extrêmement critiquées par le peuple, considèrent que l’ensemble de la population bénéficie des mêmes droits et qu’il n’y a pas de raison d’attribuer des droits spécifiques à certains groupes, tout particulièrement aux Kurdes. Or, il est nécessaire de rechercher une solution pour que le peuple kurde se sente intégré comme minorité en Turquie. Par exemple, l’utilisation de leur langue devrait être permise, ce que la plupart des leaders kurdes paraissent prêts à accepter. En effet, les Kurdes ont aujourd’hui deux fois plus d’enfants que les Turcs, ce qui signifie que d’ici une vingtaine d’années, la moitié des hommes en âge de faire leur service militaire aura pour langue maternelle le kurde (Candar, 2015). Le gouvernement actuel semble vouloir progresser sur ce terrain, mais, en raison des violences encore récentes et des incertitudes liées aux actions de Daesh et aux Kurdes des pays voisins, le mouvement de libéralisation pour l’octroi de droits culturels aux minorités se fait très lentement.
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Audrey MIEGE et Malorie PEYRUCHAUD
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