Après 37 ans de règne le plus vieux dirigeant du monde tire sa révérence sous la pression de la rue et de la communauté internationale. En s’enfermant dans son rôle de révolutionnaire du peuple zimbabwéen – qu’il n’a pas servi- il a perdu la confiance de ce dernier. Il a gardé ses sujets de prédilections, ces sujets d’un autre temps, ceux de la lutte contre l’impérialisme blanc, ceux qui l’ont fait rentrer en décalage avec l’Afrique de demain. Pourtant Robert Gabriel Mugabe a marqué l’histoire de son pays.
Mugabe a été un héros pour son peuple, le «père de l’indépendance» et le symbole d’une renaissance africaine tant attendue. Il a fait partie de la lutte contre l’apartheid. Mais à partir des années 2000 il se sert de la désignation de l’ennemi blanc comme d’un argument pour stopper toute remise en cause son pouvoir autoritaire. Celui qu’on appelle le « caïman » a vu au fil des années son pouvoir s’éroder dans ce pays d’Afrique Australe qui possède un fort taux de pauvreté. Ses premières réformes, notamment sur la santé et l’éducation, avaient pourtant bénéficié aux enfants de l’indépendance. Mais la tour d’ivoire qu’il s’était construite et la corruption endémique n’ont pas permis à son pays de sortir des crises économiques. L’inflation dépassait les 1 000 % en 2006, et les 100 000 % en 2007.
Les problèmes économiques et de développement ne sont pas les seules raisons du départ du dictateur. Pendant de nombreuses années Mugabe a été accusé de truquer les élections et d’éliminer des opposants, y compris de son propre camp. Alors, quand la question de sa succession est arrivée sur la place publique, un certain espoir est né. Pourtant, une fois de plus, Mugabe n’a pas écouté la voix du peuple et de la communauté internationale qui réclamaient des élections libres. Sa deuxième femme Grace Mugabe l’a poussé à la nommer vice-présidente et à l’annoncer comme son successeur. Ce fut sa dernière erreur. Grace Mugabe, connue pour ses goûts de luxe et sa brutalité, est impopulaire. Le renvoi de son vice-président, Emmerson Mnangagwa, a été la goutte qui a fait déborder le vase. Après plusieurs semaines de crise politique l’Union nationale africaine du Zimbabwe – front patriotique (Zanu-PF), parti du président, lâche progressivement son « caïman ». Ce mardi 21 novembre, à 98 ans, Mugabe a dû se résigner à quitter le pouvoir. Une procédure de destitution avait déjà débuté à son encontre.
Cela faisait déjà une bonne dizaine d’années que le pouvoir du dictateur s’affaiblissait. Pour certains observateurs, s’il n’a pas chuté avant c’est en partie grâce à son plus fidèle allié international : la Chine. Dès les années 60, le Parti communiste chinois a soutenu le mouvement d’indépendance, et en avril 1980, la Chine a été le premier pays à reconnaître la victoire de la Zanu-PF. Ces deux pays entretiennent des liens forts. Pour la Chine il est question de garder un pied de plus dans sa nouvelle chasse gardé qu’est l’Afrique. Pour le Zimbabwe et son régime fermé, il était surtout question d’armes et d’argent. Mugabe a, par exemple, accepté en 2015 que le yuan devienne une monnaie légale au Zimbabwe, en échange de l’annulation d’une dette de 40 millions de dollars. Or ces derniers temps Mugabe devenait encombrant pour la deuxième puissance du monde qui a une image internationale à assurer. Mais au vue des investissements chinois, il est évident que le nouveau dirigeant ne pourra faire autrement que de s’aligner sur la politique de « la chinafrique ».
Mais qui sera son successeur ?
Selon le groupe audiovisuel public ZBC ce sera le vice-président Emmerson Mnangagwa qui va être investit président vendredi. Pour rappel c’est par le limogeage de ce dernier par Mugabe que la crise politique était née. Celui qu’on nomme « le crocodile » a rencontré l’ex-dictateur en prison lors de la lutte pour l’indépendance. Il sera l’un de ses hommes de confiance pendant tout son règne. Passionné par le renseignement, il mènera un certain nombre de guerre comme en République Démocratique du Congo en 1998. Il a donc la réputation d’être un homme de fer, n’ayant aucun problème avec la violence. Toute la question est donc : que va-t-il faire de ce pays ? Une chose est sûre quant à lui, il ne survivra pas 37 ans au pouvoir…
Auteur : Alexandre LAPARRA
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