Introduction
Beaucoup s’accorde à affirmer que le conflit israélo-palestinien constitue le foyer central des instabilités de la région du Proche-Orient, il est indéniable que le regain de tension entre la Chine et Taïwan occupe également une place prépondérante en Extrême Orient, région qui est progressivement devenue « le deuxième marché mondial de l’armement, après le proche Orient, avec un volume d’achat supérieur à 150 milliard de dollars entre 1990 et 2002 ». Ce conflit est ancien et ne cesse d’évoluer. Mais comment évolue-t-il ?
Annexe 1
I- Le conflit Chine-Taïwan : un conflit qui persiste
a) Historique
A partir des XIVème et XVème siècles commence l’installation des populations chinoises, en particulier des commerçants et des pêcheurs, sur l’île de Taïwan. Devenue province chinoise en 1885, Taïwan est cédée au Japon dix ans plus tard suite à la victoire nipponne face à la chine en Corée et devient partie intégrante de l’Empire du milieu pendant 50 ans. L’éclatement de la guerre civile en Chine, qui va durer de 1927 à 1949, opposant les communistes de Mao Zedong et les nationalistes de Chiang Kai Shek, va considérablement modifier la situation de Taïwan, puisque le rattachement de cette dernière à la Chine devient une revendication des deux parties. La défaite des puissances de l’axe, et donc du japon, implique la restitution officielle de l’île à la Chine, en octobre 1945. Si cette nouvelle est, dans un premier temps, positivement perçue par la population taïwanaise, celle-ci va néanmoins rapidement déchanter suite à la victoire de Mao, la république populaire de Chine est proclamée en 1949, et le repli sur l’île des nationalistes du Kuomintang. Désireux d’effacer toutes les marques de l’occupation japonaise, ces derniers se lancent dans une « chinisation » de la population dans le cadre d’une véritable dictature dont l’objectif central est la reconquête de la Chine continentale. S’engage alors la lutte entre les « deux Chines » qui prend place dans la logique globale de la guerre froide. En 1971, les nations-unies votent la résolution 2758 par laquelle elles reconnaissent la République Populaire de Chine comme unique représentante de la Chine à L’ONU. En ce qui concerne Taïwan, après la mort de Chiang Kai Shek en 1975, l’émergence simultanée d’une certaine ouverture démocratique et d’une réelle identité taïwanaise au sein des autorités gouvernementales est observable. C’est dans cette logique que se déroule finalement, en 1996, les premières élections présidentielles au suffrage universel direct. De manière générale, si les relations entre les deux protagonistes, de 1945 à la chute du Mur de Berlin, prennent l’aspect d’une sorte de sous-guerre froide, la fin de l’ère bipolaire entraîne un développement croissant des contacts, avec notamment un accroissement notable des échanges commerciaux, mais également des tensions entre les « deux chines », les deux territoires ne parvenant pas à régler leur différend. Dans l’optique de voir émerger une nouvelle approche diplomatique plus constructive et réciproque, Taïwan, qui accélère son processus de démocratisation dès la fin des années 80, renonce officiellement, le 1er Mai 1991, à reconquérir la Chine continentale. Cependant, l’effet n’est pas celui escompté puisque Pékin refuse de reconnaitre le gouvernement taïwanais et continue de percevoir l’île comme une province chinoise. Les différents projets chinois de réunification en sont les preuves parfaites. Plus récemment encore, alors que la campagne électorale sur l’île est en partie axée sur la proposition d’un candidat d’adopter une nouvelle constitution pour Taïwan, le gouvernement chinois n’hésite pas à prendre une mesure assez radicale : il vote en 2005 la loi anti-sécession dont un article autorise Pékin à faire usage de moyens non pacifiques à l’encontre de Taïwan en cas de déclaration d’indépendance. Cela peut bien sur avoir de sérieux impact : cela pourrait faire éclater une guerre.
b) Une stratégie de réunification ?
Le Récent accord-cadre de coopération économique (Economic Cooperation Framework Agreement ou ECFA) signé en juin 2010 est le précurseur d’un grand changement dans les relations entre les deux pays depuis 30 ans. L’opposition pro indépendante voit en cet accord un début de stratégie de réunification de la chine avec Taiwan. En effet Taïwan semble être très intéressant pour la chine : Taïwan constitue un pôle d’attraction non-négligeable, il s’agit d’un véritable nœud géographique entre l’Asie du Sud-Est et l’Asie du Nord-est, l’île apparaît comme un carrefour par lequel passent toutes les voies commerciales vers la Chine du Nord, le Japon et la Corée du Sud. Ainsi, le Parti démocrate d’opposition systématique a appelé 100 000 personnes à défiler pour exprimer leur mécontentement le 26 juin. Les Taïwanais, lors de leurs nombreuses manifestations, mettaient en avant le fait que le nouvel accord, récemment signé, créerait du chômage sur l’île car les entreprises locales ne pourraient résister à la compétitivité face aux produits venant du contient.
Derrière la « générosité » de Pékin, la Chine n’est pas sans stratégie. Elle veut préserver l’économie de Taïwan, donc favoriser le rapprochement, notamment politique, pour rendre l’économie taïwanaise plus dépendante de celle du continent.
De plus, la Chine n’aurait pas pu trouver meilleur moyen pour stopper le DPP. Celui-ci craint l’unification du marché chinois et taïwanais. Il appelle de ses vœux un référendum populaire pour entériner l’accord.
La société de Taïwan est une société pluraliste et ouverte sur l’extérieure. Ainsi on peut comprendre qu’elle s’oppose en grande partie à ce rattachement avec la Chine. En effet les deux sociétés sont très différentes. La Chine est un pays beaucoup moins démocratique et avancé que Taïwan. Le niveau d’éducation, de qualité de vie et le mode de vie sont très différents et plus élevé en Chine qu’à Taïwan.
C) le peuple taïwanais divisé
Le peuple taïwanais est divisé en deux. D’un côté il a 24% de la population qui est pour la réunification (couleur politique bleue) et 52% qui souhaitent l’indépendance (couleur politique verte).
Le peuple taïwanais se compose de 98% de personnes qui ont des origines chinoises et donc seulement 2% d’aborigènes. Les aborigènes à cause de leur sous-nombre, n’ont pas de poids politique. La majorité du peuple taïwanais se définit souvent comme métisse, avec des origines sœurs de la Chine, mais tout de même différentes.
On observe ensuite une division en trois sur le plan des opinions politique. Tout d’abord 18% de la population a une opinion « chinoise » donc est pour la réunification pacifique (les bleus), puis 22% est neutre ce qui signifie la préservation du statuquo et enfin 45% veut proclamer l’indépendance (verts).
Le poids de la menace militaire que met la Chine sur Taïwan, tend à faire accepter la réunification des taïwanais plutôt que de risquer d’avoir une guerre qui pourrait être désastreuse du point de vue économique.
Annexe 2
Il y a une autre forme de résistance. Les Taïwanais ont peur de se réunifier à cause du régime communiste, qui fait autant peur au niveau de la menace économique qu’au niveau de leur style de vie…
Une autre peur s’est installée, celle de disparaître dans l’immensité du territoire chinois, la peur d’être gouverner par Pékin et de ne plus avoir de pouvoir.
II- Un conflit à l’échelle internationale
a) La place des autres pays dans les relations sino-taiwanaises
La position chinoise est extrêmement simple et ferme : une seule Chine, Taïwan étant considérée comme une province membre permanent du Conseil de Sécurité, la Chine s’est toujours opposée fermement à accepter que la question d’admission de Taïwan comme pays membre de l’ONU soit mise à l’ordre du jour de l’Assemblée générale. Elle n’est toutefois pas la seule : de nombreux Etats ne sont pas particulièrement favorables à cette idée. Cependant Taïwan est le 5ème pays importateur de produits agricoles au Monde ce problème concerne donc toutes les grandes puissances. De plus Taïwan est aussi l’un des pays du monde où la qualité et le niveau de vie sont les plus élevés.
Depuis quelques années, la Chine s’affirme comme une grande puissance mondiale aussi bien au niveau politique qu’économique et que militaire. Cette situation engendre des craintes non seulement de la part de Taïwan, mais préoccupe aussi d’autres acteurs. En effet, tant Washington que Tokyo observent l’ascension chinoise avec inquiétude, ils craignent une remise en cause de leur domination dans le pacifique. C’est pourquoi en 2005 ses deux Etats ont renforcé leur alliance politique et militaire.
Les États Unis ont un rôle important dans ce conflit.
En 1979 le Congrès américain approuve le Taïwan Relations Act, par lequel il s’engage à épauler la défense de Taïwan. Ils soutiennent donc incontestablement Taïwan. Les États-Unis ont toujours été contre la colonisation et on peut considérer l’envie de la Chine de récupérer Taïwan comme une envie colonisatrice. Mais cependant, dans la conjoncture actuelle, les États-Unis peuvent sembler davantage « contre la Chine » que « pour Taïwan ». La nuance semble faible mais elle est en réalité importante, il s’agit de savoir si les États-Unis défendent Taïwan, où défendent uniquement leurs propres intérêts. Il faut tout de même savoir que Taïwan est le 8ème partenaire économique des États-Unis.
Pas plus tard que fin janvier 2010, les américains irritaient une nouvelle fois les chinois en vendant 6,4 milliards d’armes à Taïwan.
Annexe 3
L’Europe a tendance à ne considérer qu’une seule Chine. Il n’est donc pas question d’œuvrer pour une reconnaissance officielle de Taïwan. Toutefois l’Europe entretien des relations avec Taïwan, ce qui rend la position de l’Union Européenne ambigüe.
b) Les risques des tensions ?
Il y a encore peu de temps on aurait pu craindre une guerre entre la Chine et Taïwan. Cependant depuis quelque temps on peut remarquer une amélioration des relations entre ces deux pays. On peut voir ce changement comme une nouvelle stratégie de la Chine dont on connait l’envie de récupérer Taïwan. Ainsi il serait envisageable de voir Taïwan devenir chinois d’ici quelques dizaines d’années. Ce possible ralliement serait en effet pacifique et se ferait en douceur comme le ralliement qu’il y a eut avec Hong Kong.
III- Des efforts de rapprochement
a) Economie et commerce
La signature, mardi 29 juin 2010, d’un accord-cadre de coopération économique (Economic Cooperation Framework Agreement ou ECFA) entre Pékin et Taipei marque une nouvelle étape dans la libéralisation des échanges économiques mais aussi du rapprochement politique entre les deux rives du détroit de Formose. Sur le plan commercial cet accord s’avère être bénéfique pour Taïwan en effet, la plupart des secteurs économiques de l’île vont profiter des suppressions de droits de douanes (pétrochimie, informatique …). De plus les banques et les compagnies d’assurance taïwanaises vont pouvoir accéder plus facilement au marché chinois. On estime que cet accord apportera d’ici 2020 6 % de croissance supplémentaire.
Cet accord place Taïwan en capacité conditionnelle par Pékin de pouvoir signer des accords de libre échange avec d’autres pays. Pour se faire, Taipei aura besoin, au coup par coup, de l’aval de Pékin.
Cependant l’ECFA est aussi perçu comme un accord politique qui, à défaut de la négociation d’un traité de paix ou de mécanismes de construction de la confiance, symbolise un rapprochement entre Pékin et Taipei. Vécu comme une grande victoire, il accélère une intégration économique entre les deux rives du détroit mais ceci n’est pas sans risque pour Taïwan. En effet, certaines industries en déclin vont souffrir et probablement voir leur disparition s’accélérer. De plus, la dépendance de Taïwan déjà forte (41% de ses exportations) à l’égard du marché chinois va s’accroitre (62% d’ici 2020).
De toutes les conséquences de l’amélioration des relations entre les deux rives, c’est peux être l’accord-cadre de coopération économique qui aura les effets les plus larges et les plus profonds sur l’économie taïwanaise. De plus cela a développé le tourisme entre les deux pays.
b) Tourisme
Depuis l’élection du président Ma Ying-Jeou et le retour du Kuomintang au pouvoir en 2008, la mise en place des liaisons aériennes directes, la multiplication des accords entre Pékin et Taipei et l’arrivée en masse de touristes chinois à Taiwan ont apporté un supplément d’activité qui a été bien accueilli par la société insulaire. En effet depuis 2008 les restrictions sur les arrivées de touristes chinois ont été allégées. Selon l’office national du tourisme, environ 600 000 touristes chinois ont visité Taïwan en 2009, contre seulement 55 000 en 2008. A Taïwan, les arrivées touristiques ont progressé de 14 %, grâce aux visiteurs chinois. L’office national du tourisme estime que ceci a injecté au total 32,6 milliards de dollars taïwanais dans l’économie en 2009.
c) Diplomatie
Sur la scène internationale, Taïwan a marqué des points et augmenté sa marge de manœuvre, une évolution rendue possible par le réchauffement des relations entre les deux rives. La politique de diplomatie « flexible » prônée par Ma Ying-Jeou a fait le pari de la trêve diplomatique et de la bonne volonté avec la Chine, une stratégie qui semble efficace. Depuis l’arrivée de MA Ying-Jeou au pouvoir non seulement le nombre d’alliés taïwanais est resté inchangé, mais les relations avec le reste du monde se sont améliorées. De plus les obstacles qui se dressaient en travers de la route des taïwanais voyageant à l’étranger ont été supprimés. En effet, en mars 2009 le Royaume Uni a autorisé les taïwanais à séjourner sans visa pendant 6 mois, il en est de même pour l’Irlande et la Nouvelle-Zélande.
Taïwan étoffe ses liens avec la Chine continentale et le monde, tout en développant ses secteurs clés, comme celui des énergies vertes. Il y a donc toutes les raisons d’espérer un avenir meilleur.
Malgré ces efforts de rapprochement et une meilleure entente entre la Chine et Taïwan le passé étant encore trop douloureux pour certains, il faudra sans doute attendre quelques décennies avant qu’une solution définitive et officielle ne soit trouvée.
Conclusion
Dans l’avenir deux scénarios semblent plausibles, soit la Chine arrive à récupérer Taïwan grâce à son actuelle stratégie pacifique qui vise d’abord à un rapprochement. Ce processus devrait prendre un peu plus d’une dizaine d’années. Et Taïwan aurait certainement un statut un peu spécial comme celui qu’a actuellement Hong Kong, ils négocieraient probablement pour garder certaines de leurs libertés.
Soit Taïwan réussit à résister à la pression chinoise, et à cette stratégie de réunification. Cette hypothèse semble moins plausible et la position de Taïwan pourrait devenir délicate. Mais cependant cela reste une possibilité envisageable étant donné le temps que les deux pays mettent à se rapprocher et les réticences actuelles de Taïwan.
Sources :
Reflet de chine, une autre vision Mars 2009
Libération 28/06/10
Le monde diplomatique Avril 2006
Géopolitique trimestriel novembre 2010
Hérodote (revue de géographie et de géopolitique) 2ème trimestre 2007 n°125 Chine nouveaux enjeux Géopolitiques
Le courrier International Avril 2009
Analyse 2010 de Pax Christi
ANNEXES
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
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