1. Introduction
Forme de l’État | Régime présidentiel |
Capitale | Ankara |
Population | 79 814 871 habitants (2016) |
Superficie | 769 630 km2 |
Continent | Europe et Asie |
Langue officielle | Turc |
Langues mineures | Kurde(8 millions), Azéri(500 000), Arabe(720 000) |
PIB | 857,7 milliards $ (2016) |
IDH | 0.761 |
Monnaie | Livre Turque |
Ethnies | Turcs, Kurdes, (Alévis, Arméniens, juifs, grecs) |
« À la confluence de trois mondes, la Turquie est le pivot stratégique de l’Eurasie. Au milieu du chaos oriental, de l’imbroglio balkanique, des soubresauts caucasiens, elle est un îlot de stabilité. Du fait de sa position géographique entre terre et mer, la Turquie essuie le ressac de l’éternelle lutte entre puissances terrestres et océaniques. » [1]
2. Évaluation du risque politique
- Stabilité du gouvernement et des institutions
La stabilité politique turque fût bousculée en 2016, par une tentative de coup d’État dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016. Il se dit qu’elle a été organisée par la confrérie de l’Imam turc Fethullah Gülen, avec l’aide d’une partie des forces armées. Cette tentative a échoué avec un total de 300 morts environ.
À la suite de cette tentative de putsch, les autorités turques ont réalisé une « purge » avec des arrestations au sein de l’armée du pays, de l’enseignement, de la justice, du secteur de la santé, des médias et du secteur privé.
Le bilan de cette « purge » est la fermeture de 16 chaînes de télévision et 24 journalistes arrêtés. L’état d’urgence est décrété pour une durée de 3 mois. Depuis cette tentative, certains médias internationaux et insurgés turcs dénoncent l’utilisation du coup d’état pour augmenter les pouvoirs d’Erdogan et augmenter la répression dans le pays.
C’est dans ce contexte que le gouvernement a soumis un référendum pour le changement de la forme de l’état : un régime présidentiel, adopté le 16 avril 2017, avec 51,4% des voix.
La réforme prévoit la modification de 18 articles pour renforcer les pouvoirs du président, notamment en matière de nomination aux plus hauts postes judiciaires.
Malgré tout, le pouvoir turc est apparu stable dans le contexte des révolutions arabes de 2010 et 2011. Si « la Turquie est une république laïque où 99% de la population est de confession musulmane »[2], le parti islamiste AKP (Justice et Développement) est arrivé au pouvoir le 3 novembre 2002 à la suite d’élections législatives. En 2013, le président de la République est Abdullah Gül (depuis le 28 août 2007), et le premier ministre, qui impulse la politique de l’État turc, Tayyip Erdogan ; ils appartiennent tous deux à AKP dont les membres le considèrent comme un parti « démocrate et musulman ». Les élections législatives du 12 juin 2011 remportées par AKP offrent une solide majorité au Parlement (326 sièges). La Constitution actuelle a été adoptée en 1982 après le coup d’État militaire.
L’armée jouit d’une aura particulière dans la République ainsi qu’auprès de la société turque. Les articles 35 et 85 de la Constitution la rendent garante des idéaux du Kémalisme tels que le principe de laïcité. Fort de cette « magistrature politique »[3], cinq interventions militaires ont rythmé la vie politique turque (1960, 1971, 1980, 1997, 2007) ; bien que des tensions existent entre les élites militaires laïques et le parti AKP islamiste au pouvoir depuis plus d’une décennie, le pouvoir turc est stable.
Néanmoins, en juin 2013, un mouvement de contestation de citoyens s’est produit dans plusieurs grandes villes du pays, mobilisant plusieurs centaines de milliers de personnes selon France Diplomatie[4], en réaction au projet de transformation du parc Gezi en centre commercial à Istanbul. La contestation s’est focalisée autour d’une « demande accrue de respect des libertés individuelles, et d’un rejet de l’autoritarisme et des velléités de renforcement des valeurs religieuses »[5]. La féroce répression policière a dans un premier temps amplifié les manifestations, avant que celle-ci ne retombe après trois semaines de mobilisation.
- Les conditions socio-économiques
Le parti politique de Erdogan, AKP, promettait d’élever le pays dans les 10 plus grandes puissances économiques mondiales et une croissance continue.
Le taux de croissance de 7% du début des années 2000 et une reprise après la crise de 2008 : le taux de croissance a été de 9,2 % en 2010 et de 8,8 % en 2011. Cependant, la croissance a commencé à baisser et s’est stabilisée entre 2 et 4 % depuis 2012.
Le capitalisme de connivence d’AKP est basé sur la consommation intérieure et sur le secteur du bâtiment et des grands travaux publics. Ce modèle dépend d’un apport annuel de capital de plusieurs dizaines de milliards souvent financé par de riches homme d’affaire turcs. Ces sommes financent l’AKP mais sont non identifiables.
Le commerce extérieur est déficitaire. En conséquence, le déficit extérieur courant de la Turquie est devenu un problème chronique. Le stock de dette extérieure (dont 40 % est à court terme) a atteint près de 60 % du produit intérieur brut.
La dépendance vis-à-vis des capitaux extérieurs fragilise l’économie turque. Une large part de ces capitaux sont spéculatifs. Dans les derniers mois, la décision de la Réserve fédérale américaine de hausser ses taux d’intérêt, ont amené les investissements de portefeuilles à sortir du pays à un rythme accéléré. Et la chute libre de la livre turque a commencé.
Le chômage est passé au-dessus des 11% en Juin 2017(un record depuis 7 ans et la crise économique), et est souvent aux alentours de 10% depuis 10 ans.
À un moment où le chômage et l’inflation augmentent, les difficultés économiques vont peser sur la capacité de l’AKP à poursuivre son programme d’assistance sociale (dont bénéficient environ 10 millions de personnes) qui est le pilier de sa légitimité.
Tous ces facteurs montrent qu’il existe un réel risque d’une crise économique et sociale en Turquie. Erdogan se défend en prétendant un complot de l’organisation mondiale contre son parti.
Quelques chiffres:
Population urbaine | 74% (2016) |
Chômage | 11,1% (Juin 2017) |
Population active | 37,5% (2016) |
Âge médian | 29,7 (plus jeune en Europe, moyenne européenne : 41) |
Espérance de vie | 78 ans (2016) |
Taux de travail des femmes | 35%(2016) |
Diplômé du premier cycle de l’enseignement secondaire (au minimum) | 56%(2017) |
Accès à internet | 65% (2015) |
Prix litre d’essence | 1,45 $ |
Cours de la livre Turc | 1$=3,96 TRY |
- Les conflits internes
Depuis la tentative de putsch à l’été 2016, la situation déjà instable de la Turquie s’est dégradée, jusqu’à remettre en cause son statut de démocratie. Purge, restriction des libertés de la presse, rapprochement avec la Russie, traitement aléatoire des migrants malgré l’accord passé avec l’Union Européenne et persécution des Kurdes : le pays s’est éloigné des valeurs de l’UE à laquelle il voulait auparavant adhérer.
On recense deux fractures internes principales : la question kurde et l’opposition entre les laïcs et les islamistes.
La question kurde, et tout particulièrement la menace exercée par le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan)[6], groupe de guérilla armé, est un des principaux problèmes que doit traiter Ankara. Bien que « l’autonomie fut promise au peuple kurde par Mustafa Kemal durant la longue lutte pour l’indépendance de la Turquie au début du XXe siècle »[7], celle-ci n’a jamais eu lieu, au nom de l’unité de la République turque nouvellement créée en 1923. La communauté kurde s’élève pourtant à 15 millions d’individus sur le territoire turc et aspire sinon à l’indépendance, du moins à une autonomie certaine. Les Kurdes revendiquent notamment « l’enseignement de leur langue dans les établissements publics, une référence explicite à leur identité dans la Constitution et le renforcement des pouvoirs locaux » [8].
Il existe par ailleurs une tension entre les élites militaires, attachées à la conservation des idéaux hérités du Kémalisme, notamment la laïcité, et le parti islamiste au pouvoir AKP. D’après Chantal Kafyeke « l’armée est perçue comme la gardienne de la laïcité, du sécularise et de la démocratie de l’État » [9]. Les articles 35 et 85 de la Constitution lui imposent le devoir moral d’agir pour protéger la nation turque, elle bénéficie aussi d’un pouvoir de décision sur la sécurité nationale. Cette forte indépendance de l’armée turque et la magistrature politique qui lui incombe entrent en collision avec AKP, le parti islamiste au pouvoir. « Pour la première fois, l’armée doit cohabiter avec un pouvoir dont les références religieuses sont explicites »[10].
- Les pressions ethniques
La population turque se répartit comme suit :
- 79% de Turcs.
- 20% de Kurdes.
- Moins de 1% d’arméniens, de juifs et de grecs.
La population kurde du pays aspire à une forte autonomie, mais elle subit la loi martiale depuis 1987 et une forte répression s’opère dans le Kurdistan turc.
Pour ce qui a trait à la religion en Turquie, 99% de la population est musulmane. Ceci étant, différentes branches de l’islam sont réunies sur le sol turc. On recense : 60% de sunnites, 20% d’alevins, 20% de chiites et moins de 1% de chrétiens
- Les conflits externes et pays voisins entrainant un risque potentiel
Concernant les relations entre la Turquie et l’Union Européenne se sont compliquées depuis quelques années. Jusqu’au début 2016, la Turquie voulait toujours adhérer à l’UE.
La Turquie est candidate à cette entrée depuis 1963, elle fait partie de l’union douanière avec l’UE depuis 1996. Les négociations commencent en 2005 et elles sont rapidement ralentis par le fait que 19 des 35 chapitres des accords de négociation ne sont pas bon pour l’UE. De plus, le président de la commission européenne Juncker a annoncé en 2015 qu’il n’y aurait pas de nouvelle adhésion avant 2019.
La Turquie est un pays clé dans la gestion de la crise des migrants. L’accord du 18 mars 2016 passé entre l’UE et la Turquie implique que toutes les personnes arrivées illégalement en Grèce par la Turquie y seront renvoyées.
Pour ses relations internationales, la Turquie a fait des choix risqués en 2016 en se rapprochant de la Russie au détriment des Etats-Unis, notamment par un accord de coopération de la presse et des informations mais également militaire.
Les Russes ont levé leurs sanctions sur l’économie turque et ont signé un contrat en vue de la construction d’un gazoduc, permettant de redynamiser l’économie turque. Idéologiquement, les deux pays se rejoignent sur le fait que la population kurde doit être maîtrisée. La Turquie, l’Iran et la Russie se sont alliés pour éliminer les Etats-Unis de la scène internationale dans le conflit syrien.
La Turquie refuse encore de reconnaître le génocide arménien et cela pose un problème dans les relations de diplomatie internationales.
Historiquement, la Syrie et la Turquie étaient alliées, Depuis 2011 et les printemps arabes, les relations entre Bachar Al-Assad et Erdogan se sont détériorées. Voulant éliminer le régime de son adversaire, Erdogan décide de financer des groupes djihadistes.
Malheureusement, il en perd très vite le contrôle, ce qui mène à l’essor de l’Etat Islamique en Turquie.
De plus, elle utilise régulièrement ce combat comme un prétexte pour viser la communauté kurde et le PKK. Ainsi, son opération Bouclier de l’Euphrate, menée au nord de la Syrie depuis août 2016 vise aussi bien l’Etat Islamique que les Forces démocratiques syriennes, majoritairement kurdes alors qu’elles lutent elles aussi contre l’EI.
Malgré une amélioration sensible des relations turco-grecques depuis 2009 (arrivée de Georges Papandréou), quelques points d’achoppement persistent notamment sur la délimitation des espaces maritimes de la mer Égée.
La question de l’île de Chypre est également problématique. Après des différends avec le régime des colonels d’Athènes et l’absence de solutions par des négociations, les forces turques ont envahi le nord de l’ile de Chypre, en 1974, divisant le pays par « une ligne verte » en deux territoires : au nord, « la République turque de Chypre du Nord », non reconnue par l’ONU ; au sud, La République de Chypre, reconnue par les institutions internationales et qui a rejoint l’UE en 2004. Cette question chypriote impacte notamment le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE.
Les relations avec l’Arménie sont tendues à propos des évènements de 1915. Si la Turquie a reconnu, par étapes, l’ampleur des massacres, « elle refuse encore d’admettre la planification des actions militaires »[11].
Autrefois au beau fixe, les relations avec Israël se sont tendues. Bien que prônant la politique du zéro problème avec ses voisins[12], Ahmet Davutoglu, ministre des Affaires Etrangères, et le régime turc ne s’interdisent plus de critiquer ouvertement Jérusalem, tout particulièrement depuis l’épisode de la « flottille de Gaza » (2011) et la mort de neuf Turcs par Tsahal.
Le Kurdistan irakien situé près de la frontière sud-est de la Turquie est également source de risques potentiels. La situation, déjà difficile avec la minorité kurde du pays, est renforcée par la forte autonomie des Kurdes irakiens suite à l’intervention américaine en Irak (2003). [13] Ankara ne cesse de craindre une extension des revendications à la population kurde de son territoire.
Enfin, la guerre civile syrienne a nettement dégradé les relations entre la Turquie et la Syrie qui n’avaient cessé de s’améliorer dans les années 2000. La présence de troupes syriennes à proximité de la frontière turque, la hausse des incidents armés dans cette zone, et la venue de plus de 500 000 réfugiés syriens sur le sol turc expliquent un durcissement de la position du gouvernement turc à l’égard de Damas.
- Le niveau de corruption
La Turquie est connue pour son haut niveau de corruption dans ses organisations étatiques.
Un exemple de cette corruption est en 2013, avec un trafic d’or entre et chef du gouvernement et l’Iran. En 2013, beaucoup d’arrestations ont lieu dans une lutte anti-corruption, une véritable poudre aux yeux pour la population a quelque mois des élections pour que Erdogan soit réélu. 10 ministres et une centaine de journalistes sont arrêtés.
Selon Transparency International, La Turquie, avec un indicateur de corruption de 41(-10 en 2 ans, depuis le putsch) (sur 100), se place au 75èmee rang mondial sur 177 pays observés.[14] Les militaires jouissent d’une grande indépendance dans le pays depuis la naissance de la République turque (1923) et nombre de leurs actes sont suspectés d’illégalité[15]. D’autre part, l’économie souterraine est évaluée à 40% du PIB et pose problème par son importance.[16]
- Les conditions de sécurité dans le pays lié à la criminalité et au terrorisme
La Turquie est un pays connu pour son fort risque d’attentats. Il faut savoir que plus de 400 personnes sont mortes dans des attentats en Turquie (fin 2015 + 2016 + 1er janvier 2017)
En 2016, c’est plus de 360 personnes tués dans 22 attentats différents.
La Turquie est désormais l’une des nations les plus meurtries par le terrorisme.
Carte au 1er janvier 2017 des attentats en Turquie depuis Juillet 2015.
Les attentats sont organisés par Etat islamique ou des Faucons de la liberté (TAK), un groupuscule kurde proche du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui existe depuis 1978 et lutte pour l’autonomie du Kurdistan
L’état islamique a attaqué les populations Kurdes, Turcs ainsi que les touristes.
Le PKK, classé comme organisation terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l’Union européenne effectue lui aussi des attentats en Turquie. C’est une menace interne.
Il vise Les militaires ou policiers Turcs. Ils revendiquent un territoire pour leur population. Depuis les attaques de l’EI sur les Kurdes, le PKK a augmenté ses offensives car il a rompu en juillet 2015 le cessez le feu instauré 2 ans auparavant.
Si la Turquie est victime d’autant d’attentats, c’est parce sa frontière avec la Syrie est d’environ 800 km et la Turquie est le pays de transit des djihadistes vers l’Europe.
Cette augmentation d’attentats survient également après le changement de stratégie de la Turquie vis-à-vis de l’EI, Ankara rétablie un contrôle aux frontières avec la Syrie, et devient membre de la coalition et donc supporte les bombardements sur la Syrie.
Cependant, l’EI est déjà bien implanté en Turquie et les autorités turques peinent à lutter.
Depuis septembre 2013, le site du Ministère des Affaires Etrangères alerte ses ressortissants sur la nécessité d’éviter les zones turques frontalières de la Syrie (Guerre civile), se munir de prudence dans les déplacements, et d’éviter les attroupements.
3. Évaluation des risques économiques et financiers
- Le PIB par habitant en 2016 est de 6635,2
- Le taux de croissance du PIB en 2016 est de 2,9%
- Le taux d’inflation annuel en 2016 est de 8,4%
- Le solde budgétaire (en % du PIB) en 2016 est de -1,6%
- Le solde courant (en % du PIB) en 2016 est de 4%
- La dette externe (en % du PIB) en 2016 est de 29,3%
- Le solde commercial en 2016 est de -190 milliard $
- La stabilité du taux de change en 2016 est de 13%
- Principaux clients (2016, en pourcentage des exportations turques) : Allemagne (9%), Royaume-Uni (7,3%), Irak (5,9%)
- Principaux fournisseurs (2016, en pourcentage des importations turques) : Chine (12%), Allemagne (10,3%), Russie (9,8%)
- Part des principaux secteurs d’activités dans le PIB :
Agriculture : 8,3%
Industrie : 26,5%
Services : 65% - Exportations de la France vers le pays : 7 Md€ (2016)
- Importations de la France vers le pays : 7 Md€ (2016)
4. Évaluation des risques géographiques et environnementaux
- Les risques sismiques et géologiques
Tout le monde se souvient du séisme de 1999 à Istanbul faisant près de 18 000 morts et 100 000 habitations détruites. Depuis la gestion des catastrophes naturelles sont devenu un enjeu de sécurité pour le gouvernement Turc.
En 2017, Plusieurs séismes ont été recensés vers le sud du pays et vers la mer Egée. Avec des tremblements de terres atteignant 7 sur l’échelle de Richter et faisant 80 blessés en juillet 2017 à Bodrum par exemple.
En 2017, la Turquie est davantage prête que lors du séisme de 1999. Le pays est divisé en une trentaine de zones de surveillance et d’intervention prêts à réagir à la « seconde zéro » avec des réserves d’eau potable et de nourriture sèche sont réparties dans des bâtiments antisismiques à travers la ville et un réseau de communication parallèle par satellite est prêt à être déployé si le réseau téléphonique était coupé. Il existe également un système de coupure quasi-instantané des réseaux de gaz et dans chaque micro-quartier.
Le pays sensibilise régulièrement sa population sur les risques et les gestes à effecteur pour survivre après un séisme.
Ainsi, la majeure partie du pays se trouve sur une zone de forte activité sismique, rendant les tremblements de terre fréquents[17].
- Les risques sanitaires et épidémiques
Les plus gros risques sanitaires sont les suivants : Les leishmanioses (une maladie cutanée mortelle (si pas traitée) transmise par les moustique) et le paludisme.
Le Ministère des Affaires Etrangères indique que des cas sporadiques de paludisme sont signalés dans le sud-est de la Turquie. La fièvre de Crimée-Congo (maladie virale transmise par une tique) affecte particulièrement l’Anatolie centrale et les côtes de la Mer Noire. Une vaccination est recommandée contre les hépatites A et B. Un très faible risque de grippe aviaire persiste. Les préventions universelles contre le VIH sont recommandées.
Il est déconseillé de boire l’eau du robinet en Turquie, il faut éviter l’ingestion d’aliments « insuffisamment cuits »[18] et se laver régulièrement les mains.
5. Évaluation du Hard power
- Pouvoir militaire réel
L’armée turque (Türk Silahlı Kuvvetleri ou TSK) est formée de l’armée de terre, de la force aérienne, de la marine nationale, de la gendarmerie et des garde-côtes. Elle est la huitième armée du monde en effectifs. Son rôle dans la vie politique, bien qu’encore important, a été réduit par les réformes adoptées par la Grande Assemblée nationale de Turquie depuis juillet 2003 et depuis la tentative de coup d’État de 2016 en Turquie.
Elle est l’une des plus puissantes armées du Moyen-Orient. Son rôle se concentre désormais dans le domaine purement militaire. Aguerrie avec ses accrochages incessants avec les combattants du PKK, disposant d’un encadrement de haut niveau, acteur économique de premier plan, elle exerce son influence à bien des niveaux dans le pays. Elle s’est aussi distinguée par plusieurs coups d’État.
L’armée turque s’appuie sur 510 000 hommes et un système de conscription. Il faut ajouter à ce chiffre plus de 100 000 forces paramilitaires et les réserves qui dénombrent pas moins de 378 700 hommes et 50 000 paramilitaires. L’armée jouit d’une aura particulière en Turquie : « Disposant d’une indépendance hors normes. Toutes les décisions, de l’achat du matériel aux critères de sélection des cadres, sont prises sans en référer aux autorités civiles. Elle s’arroge 10% du budget et 4 à 5% du PNB »[19]. Ses principales missions sont axées sur « la défense des frontières et les menaces intérieures »[20], comme avec la question du PKK, même si la livraison prochaine d’avions de transport A-400M permettra à celle-ci d’augmenter sa capacité à se projeter sur des théâtres extérieurs.
Toutefois, la puissante armée turque reste neutralisée devant les monts Quandil, une zone très montagneuse entre le Kurdistan iranien et la Turquie, qui sert de refuge à la guérilla kurde et aux mains du PKK. Verez et Ünsaldi le remarque[21], les difficultés d’intervention sont de deux ordres : un ordre opérationnel (zone très montagneuse rendant impossible le déploiement de l’armement lourd turc, notamment des blindés) et un ordre politique (gouvernement régional du Kurdistan, administration américaine renforcée depuis l’intervention en Irak de 2003 et gouvernement central irakien).
- Poids du pays dans les institutions internationales
En 2016, la Turquie s’allie avec la Russie (et l’Iran) sur le dossier Syrien d’un point de vue purement économique comme expliqué précédemment. Pour autant elle reste un acteur occidental proche des États-Unis sur les relations internationales.
En effet, la Turquie a rejoint l’OTAN en 1952. L’armée turque est le deuxième effectif de l’OTAN (647 583 membres, dont 347 généraux et amiraux et 39 451 officiers) [22] derrière les États-Unis, et son PIB consacré aux dépenses militaires est supérieur à 4 points, soit trois fois plus important que celui de la moyenne des pays européens (1,5%). Ankara est « le seul État du Moyen-Orient à faire partie de l’Alliance Atlantique »[23] et est également membre du G20 depuis 1999.
La Sublime Porte est également associée à l’Europe communautaire depuis 1963 et la signature d’un accord d’association avec la Communauté Economique Européenne (CEE). Depuis 1969, Ankara est membre de l’OCI (Organisation de la Conférence Islamique), et depuis 1992 la Turquie est également membre de la CEMN (Coopération Economique de la Mer Noire). La Sublime Porte participe également à l’Union pour la Méditerranée avec le 6e poste de Secrétaire général adjoint, elle est membre fondateur de l’OCDE en 1960, membre de l’OMC depuis 1995.
- Technologies et innovations
La Turquie est avancée dans les technologies durables. Elle développe ses énergies renouvelables depuis les années 2010 (vent et géothermie). Elle exporte déjà ses technologies vertes en Asie.
La Turquie est la population la plus jeune d’Europe. La place de ses étudiants est donc importante. Elle porte un intérêt important dans le développement de ses universités et de programme d’excellence en Anglais. Elle attire de plus en plus d’étrangers dans ses universités propices aux entreprises de haute technologie comme par exemple pour l’avionique.
De plus le pays maintient une croissance positive depuis 2003. Elle consacre près de 1%(10 milliards) de son PIB à la recherche et aux développements. (À titre d’exemple la France en consacre 2%).
6. Évaluation du Soft power
- Reconnaissance médiatique et culturelle
En Turquie, les nouvelles technologies d’information sont devenues des instruments de mise en œuvre d’une sociabilité complexe, reposant sur plusieurs ethnies qui se diffère selon le niveau d’enseignement, de revenu, de religion, de lieu d’habitation (urbain/rural) ou le type de profession etc…
Dans le processus de démocratisation du pays, la place du citoyen turc est en train de se redéfinir. Les conflits identitaires sous l’impact des TIC et des réseaux sociaux prennent part à la société. Cependant, ce nouveau terrain de partage et de cohabitation est fortement perturbé par la censure du pouvoir politique qui empêche la « liberté d’expression citoyenne et médiatique ». Une vraie balance instable se met en place en Turquie, entre répression et liberté informationnelles liés à l’avancée technologique du 21ème Siècle.
Le soulèvement de certains pays arabes (2011-2012) a vu le modèle de la « démocratie musulmane conservatrice » de la République de Turquie invoquée par les anciens opposants aux dictatures, tant islamistes que laïcs. La Turquie est perçue comme la réussite du compromis entre islam et capitalisme et bénéficie d’une aura importante au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. De même, le refroidissement des relations Ankara-Israël et la montée des critiques envers Jérusalem ont été favorablement accueillis par la majorité des pays arabes hostiles à Israël. Toutefois, pour nombre de partis islamistes radicaux, l’invocation de la réussite akpiste a pu constituer un alibi afin de rassurer les électeurs dans la conquête du pouvoir ; c’est sans doute le cas d’Ennahda en Tunisie. Enfin, comme le remarque certains auteurs, « les antagonismes séculaires entre Turcs et Arabes, ainsi que le souvenir de la longue domination ottomane sur les rives de la Méditerranée, laissent penser que l’influence turque, pour réelle qu’elle soit, ne sera pas facilement convertible en gain stratégique pour Ankara » [24].
- Vecteurs d’influences
Plusieurs facteurs peuvent jouer un rôle attracteur en faveur de la Turquie. Sa réussite économique tout d’abord, avec une croissance proche de celle de la Chine pour les années 2010 et 2011 (respectivement 9,2% et 8,8%) pour un pays dépourvu de richesses pétrolières. Sa politique extérieure également, la doctrine du « zéro problème avec ses voisins » théorisée par le ministre des Affaires Etrangères Ahmet Davutoglu devant conduire à une « profondeur stratégique » profitable sur un plan politique, économique et militaire. La Turquie joue également un rôle de médiateur dans la région. Avec le Brésil, elle a refusé de voter des sanctions contre l’Iran au Conseil de Sécurité de l’ONU. Ankara accueille pareillement des sommets trilatéraux annuels (depuis 2007) entre le Pakistan et l’Afghanistan afin de faciliter le dialogue entre les deux États. Le facteur humain peut aussi jouer un rôle de soft Power : la diaspora turque est importante, notamment en UE où le nombre de ressortissants turcs s’élève à 4 millions d’individus, et en Allemagne avec 1,6 million de personnes. Enfin, l’amélioration de la question chypriote et arménienne, pour les relations extérieures ; de la question des minorités kurdes pour l’intérieur peut contribuer à renforcer l’image d’Ankara sur la scène politique internationale.
- ONG
Les ONG en Turquie n’ont pas une très grande influence. Néanmoins, depuis 2016 et la tentative de coup d’état, Erdogan interdit certaines ONG internationales dans son pays comme Mercy Corps (venant en aide aux victimes syrienne) afin de contrôler sa population. Cela fait partie de la purge organisée l’état d’urgence. Le 11 novembre 2016, 400 ONG sont interdites et clôturés en Turquie en prétendant le maintien de la sécurité et de l’ordre public.
7. Conclusion
Partagée entre l’Orient et l’Occident, la Turquie n’en demeure pas moins la 17e puissance économique mondiale. Son armée est puissante et les militaires jouent un rôle important dans la République, tout en jouissant d’une forte indépendance et d’un pouvoir quant aux questions de sécurité nationale. Bien que faiblement instruite, sa population est nombreuse et jeune avec plus de 74 millions d’individus et une moyenne d’âge de 28,5 ans. Les PME constituent 65% de l’activité économique et sont localisées sur les côtes de la Mer Egée de la Méditerranée. Les IDE (Investissement direct à l’étranger) sont en hausse continue depuis 2000, ils s’élèvent à 21 957 millions de dollars en 2008 et témoigne de l’intérêt croissant d’Ankara pour les flux de capitaux étrangers. L’UE reste le principal partenaire économique de la Turquie avec 46% des exportations et 39% des importations, la Turquie y étant le premier producteur de téléviseurs et d’engrais chimiques. Le pays du Bosphore demeure le premier producteur mondial de noisettes, l’industrie est économiquement importante dans son PIB avec des géants tels qu’Ülker dans l’agroalimentaire, ou Sabanci et Koç qui s’essaient aussi dans la grande distribution. La Turquie est également le château d’eau du Moyen-Orient, les monts Taurus sont la source du Tigre et de l’Euphrate qui irriguent la Syrie et l’Irak. Collecteur énergétique, la région de « l’Anatolie est le terminal de dispersion du gaz et du pétrole en provenance de la Caspienne et d’Asie centrale ».[25]
Néanmoins, l’ampleur de la corruption et de l’économie souterraine reste problématique. Le taux de travail des femmes est faible (35%), l’essence à cause de la fiscalité est parmi les plus chères du monde. Le PIB par habitant (6635 $) atteint la moitié de la moyenne de celui des pays européens, la productivité d’un travailleur turc reste éloignée de celle d’un Suisse ou d’un français qui restent les références mondiales. Si la croissance économique de la Turquie est toujours positive à hauteur de 2,9% en 2016.
La dépendance vis-à-vis des capitaux extérieurs et le taux de chômage élevé montre la limite Turque à cette croissance. De plus, la Turquie est ébranlée depuis 3 ans par les attentats. C’est pourquoi le pays reste encore instable entre un développement économique proche de l’Europe et une menace terroriste proche des pays du Moyen-Orient(et Afrique).
Sur le plan interne, la question kurde et sa communauté de près de 15 millions de personnes sont source de tensions. Elle a pour conséquence directe la menace terroriste qu’exerce le PKK sur le territoire turc. Réfugiée dans les zones très montagneuses à la frontière de l’Irak et de la Turquie, l’armée turque, bien que puissante, reste neutralisée. Les tensions sont nourries également entre les élites militaires, garante des flèches du kémalisme, et le parti au pouvoir se revendiquant de l’islam.
La Turquie reste loin de l’Union Européenne d’un point de vue politique. La répression Turque et la « purge » menée par Erdogan depuis la tentative de coup d’état, laisse dubitative l’ordre international qui prétend une violation des droits internationales avec une censure proche d’une dictature.
LA GRANDE PURGE, EN QUELQUES CHIFFRES:
- 121 journalistes emprisonnés
- 167 médias fermés
- 2 500 journalistes au chômage
- 7 000 juges démis de leurs fonctions
- 49 000 enseignants suspendus de leurs fonctions
- 24 maires kurdes
- Des dizaines de milliers de personnes arrêtées arbitrairement
Les motivations invoquées sont systématiquement les mêmes : l’appartenance ou les liens présumés avec des organisations qualifiées de terroristes par les autorités turques : la mouvance güleniste, accusée d’être derrière la tentative de coup d’Etat, ou le groupe armé kurde PKK. En réalité, toutes les voix d’opposition sont touchées, créant un climat de peur généralisée.
Analyse SWOT
Références
https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/turquie-pres-de-400-ong-fermees-par-decret
http://www.revolutionpermanente.fr/Turquie-Vers-la-crise-economique-et-sociale
http://www.rfi.fr/emission/20170305-turquie-menace-seisme-majeur-istanbul-failles-corruption
[1] JOSSERAN Tancrède, LOUIS Florian, PICHON Frédéric, Géopolitique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Du Maroc à l’Iran, PUF, 2012.
[2] VICTOR Jean-Christophe, Le dessous des cartes. Itinéraires géopolitiques, Talandier, Arte éditions, 2011
[3] JOSSERAN Tancrède, LOUIS Florian, PICHON Frédéric, op. cit. p. 1
[4] Site du Ministère des Affaires Etrangères, France Diplomatie.
[5] Id.
[6] Le PKK (Partiya Karkerên Kurdistan) a été fondé en 1978 par Abdullah Öcalan, lui-même arrêté par les services secrets turcs au Kenya en 1999.
[7] KAFYEKE Chantal, « L’adhésion de la Turquie à l’Union européenne : enjeux et état du débat », Courrier Hebdomadaire du CRISP, 2006/28-29 n°1933-1934, pp. 5-72.
[8] In Le Monde, 30 septembre 2013, AFP.
[9] KAFYEKE Chantal, id.
[10] VEREZ Jean-Claude ; ÜNSALDI Levent, “Questions d’actualité”, Revue Tiers Monde, 2008/2 n°194, pp. 245-259.
[11] KAFYEKE Chantal, op. cit. p. 3
[12] JOSSERAN Tancrède, LOUIS Florian, PICHON Frédéric, op. cit. p. 1
[13] CONSTANTINI François, Les Relations Internationales en fiches, chapitre 75, « Question Kurde », Ellipses, 2009.
[14] Site internet Transparency International, 0 étant le degré maximal de corruption et 100 le niveau minimal de corruption.
[15] Déclaration du représentant de la Commission Européenne en Turquie, Hansjoerg Kretschmer, septembre 2006.
[16] JOSSERAN Tancrède, LOUIS Florian, PICHON Frédéric, op. cit. p. 1
[17] Site du Ministère des Affaires Etrangères, France Diplomatie.
[18] Ministère des Affaires Etrangères, fiche pays « Turquie », “Santé”.
[19] KAFYEKE Chantal, op. cit. p. 3.
[20] MONGRENIER Jean-Sylvestre, « L’Etat Turc, son armée et l’OTAN : ami, allié, non aligné ? », Hérodote, 2013/1 n°148, p. 47-67.
[21] VEREZ Jean-Claude ; ÜNSALDI Levent, op. cit. p. 4.
[22] JOSSERAN Tancrède, LOUIS Florian, PICHON Frédéric, op.cit. p. 1.
[23] VICTOR Jean-Christophe, op. cit. p. 2.
[24] JOSSERAN Tancrède, LOUIS Florian, PICHON Frédéric, op.cit. p. 1.
[25] JOSSERAN Tancrède, LOUIS Florian, PICHON Frédéric, op.cit. p. 1.
Soyez le premier à commenter