Nous sommes le 6 novembre 2013 et le ministre des affaires étrangères iranien, Javad Zarif, vient de rencontrer la responsable de la diplomatie européenne Catherine Ashton afin d’évoquer pour la seconde fois le programme nucléaire iranien. Cette rencontre précède une phase de négociation avec les 5 membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne) plus l’Allemagne.
Quelques semaines plus tôt la presse internationale s’est fait l’écho d’une poignée de main qualifiée d’historique entre Barak Obama et le nouvel homme fort de l’Iran Hassan Rohani.
Il n’en fallait pas plus pour que les commentateurs du monde entier spéculent autour de ces évènements et commencent à évoquer un réchauffement des relations entre Iran et Occident.
Commençons tout d’abord par nous remémorer les faits, en effet Iran et Occident n’ont pas toujours été des ennemies, loin s’en faut, puisque sous le règne de Mohammad Reza Pahlavi, Shah d’Iran, le pays s’apparentait plus comme un allié de poids des occidentaux au Moyen-Orient.
Le tournant de ces relations surviendra au moment de la révolution islamique de 1979 qui renversera le Shah et qui va installer au pouvoir l’ayatollah Khomeyni avec le titre de « Guide Suprème » ainsi en créant la République Islamique d’Iran toute la vie du pays sera organisée autour de la religion.
Mais ce qui va véritablement cristalliser les relations entre l’Iran et l’Occident sera la décision des Etats-Unis de Jimmy Carter d’accueillir sur leur territoire le Shah, et la prise d’otage qui en suivra de ressortissants américain sur le sol iranien. Enfin en 1995 Bill Clinton imposera un embargo commercial et financier à l’Iran, accusée de soutenir le terrorisme et de vouloir se procurer l’arme nucléaire. Dès lors de nombreuses sanctions seront imposées par l’ONU ou Washington à Téhéran qui nuiront fortement à l’économie du pays. Les tensions entre Iran et les Etats-Unis atteindront leur paroxysme quand seront simultanément au pouvoir les présidents Georges W. Bush et Mahmoud Ahmadinejad.
Malgré l’élection de M. Obama en 2008 les relations entre les deux pays ne vont pas véritablement s’améliorer, au contraire de nouvelles sanctions seront prises en 2010 (la 4ème fois depuis 2006), bien que certains espoirs apparaissaient au moment de l’élection du 44ème présidents des Etats-Unis.
Alors que la communauté internationale s’inquiétait de ne voir aucun véritable espoir d’apaisement ; les élections présidentielles iraniennes du 14 juin vont tout remettre en questions.
Ce jour là Hassan Rhoani, le seul candidat modéré à se présenter sera élu dès le premier tour avec 50,7% des suffrages amenant avec lui une « atmosphère beaucoup plus légère » d’après Agnès Rotivel spécialiste du Proche-Orient pour le journal La Croix.
Le président investi le 4 aout n’a eu de cesse de montrer, depuis son arrivée au pouvoir, des signes d’apaisement en direction des occidentaux. Mais faut-il croire en la volonté d’Hassan Rhoani de véritablement négocier avec l’occident ?
Dès son élection M. Rohani à écarté des arcanes du pouvoir les partisans de la ligne dure, il a nommé à des postes clés et à la diplomatie des personnes favorables à un réchauffement des relations, et notamment M. Zarif au ministère des affaires étrangères.
Dès lors interrogeons nous sur la sincérité de ces signes de réchauffement. Les sanctions adoptées par la communauté internationale contre Téhéran ont fait baisser de 60% les revenus pétroliers du pays, et étouffent son économie. Ainsi une amélioration des relations permettrait à l’Iran une levée partielle de certaines des sanctions économiques dont elle fait l’objet, ou tout du moins un relatif allégement de ces sanctions. C’est donc pourquoi certains pays et certains analystes ne sont que très réservés face à l’attitude des perses et doutent de la sincérité du pays quant à son désire de rapprochement.
Au lendemain des négociations de Genève, on peut comprendre cette position, en particulier défendue par la France lors des négociations. Laurent Fabius et la diplomatie française, sont accusés d’avoir adopté une ligne trop dure contre l’Iran et donc d’avoir torpillé un accord qui aurait été qualifié d’historique. Il semblerait cependant que le quai d’Orsay ait adopté une ligne relativement juste sur les questions du nucléaire iranien. En effet certains points posent problèmes et inquiètent nombres de pays de la région, ainsi la France a demandé un arrêt complet de la construction du site d’Arkane qui permettrait à terme une fabrication d’arme nucléaire dans un délai relativement court (1an selon les renseignements américains) et des garanties supplémentaires sur le programme d’enrichissement d’uranium, bien qu’il faille prendre ses informations avec un certains recul tant on sait que les travaux menés jusqu’à maintenant par l’Iran sont loin d’aboutir à l’enrichissement nécessaire à la constitution d’une arme nucléaire.
Malgré tout les négociations vont se poursuivre, et celles-ci aboutiront à l’accord du 24 novembre. Celui-ci constitue une grande avancé vers le rapprochement des deux parties, même s’il ne s’agit pas encore d’un accord définitif mais il a pour objectif de rétablir pas à pas la confiance entre Iran et Occident après des années de tensions.
A partir de là quels va être la suite des évènements, peut-on croire à une situation normalisée dans un avenir proche ? Nous avons eu la chance d’échanger avec Anoosha Habibi, une jeune journaliste et sociologue iranienne qui nous a confié son point de vue sur le pays et sur les attentes d’une génération pour son pays.
La jeune femme nous rappelle avant tout que si les occidentaux ont vu l’élection de M. Rohani avec beaucoup d’enthousiasme et d’espoir la majorité des iraniens sont plus réservés. En effet, au lendemain de la révolution de 1979 nombres d’habitants du pays étaient confiants et persuadés du bien fait de cette révolution, seulement ils ont vite été désabusés, et vivent toujours avec une certaine crainte de la classe dirigeante islamique.
Ceci étant dit Anoosha est relativement confiante et nous confie que malgré tout les iraniens placent beaucoup d’espoir en leur nouveau président après avoir beaucoup souffert sous M. Ahmadinejad aussi bien en terme d’idéologie qu’économiquement. Elle nous rapportait notamment l’insoutenable inflation qu’a subi le pays « tous les matins en vous réveillant vous voyez le prix du pain augmenter ». Dès lors l’arrivé au pouvoir d’un modéré redonne de l’espoir aux iraniens qui pour la grande majorité souhaite un retour à la confiance entre Iran et Occident. Mais ce retour à la normalisation ne sera pas chose aisée, le principal point de désaccord étant la question du nucléaire, nous l’avons vu lors des phases de négociation à Genève, mais contrairement à ce que l’on pourrait penser la question divise aussi à l’intérieur du pays. Si certains des habitants estiment que le nucléaire n’est pas nécessaire au pays, en ce qui concerne une utilisation militaire, une majorité des iraniens souhaite cette arme. Ce souhait vient surtout d’un désir de stabilité pour le pays, après des années de conflit avec l’Irak ou la pression exercée par les pays arabes sur les perses. Le nucléaire serait donc avant tout une arme de dissuasion plutôt qu’un outil servant à une offensive.
Tout l’enjeu des prochains mois sera donc que les deux parties comprennent les craintes de chacun et qu’ils les acceptent. Ceci sera certainement long et compliqué mais je pense qu’après des années d’oppression et de difficultés économiques le pays à besoin de s’ouvrir à l’occident. M. Rohani proche du bazar, le milieu des affaires iranien, semble être plus à l’écoute de son peuple et souhaite véritablement une normalisation des relations.
Soyez le premier à commenter