Introduction
« Nous proclamons par la présente la création de l’Etat Juif en terre d’Israël (Palestine), qui portera le nom d’Etat d’Israël […] L’Etat d’Israël sera ouvert à l’immigration des Juifs de tous les pays où ils sont dispersés ; il veillera au développement du pays au bénéfice de tous ses habitants ; il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix ainsi que cela avait été conçu par les prophètes d’Israël ; il assurera une complète égalité sociale et politique à tous ses citoyens, sans distinction de religion, de race ou de sexe ; il garantira la liberté de culte, de conscience, d’éducation et de culture ; il assurera la protection des Lieux saints de toutes les religions, et respectera les principes de la Charte des Nations unies. » David Ben Gourion
Cet extrait de la Déclaration d’Indépendance de l’Etat d’Israël, le 14 mai 1948 pose directement le problème du positionnement de la religion en Israël : l’Etat Israelien est-il un système politique où la souveraineté est exercée par le peuple et où le principe de l’égalité des citoyens est respecté, ou alors une forme de gouvernement dans laquelle l’autorité est exercée par un souverain de droit divin. Israël est-elle une Démocratie ou une Théocratie ? Si le caractère « juif » de l’Etat d’Israël ne peut être minimisé, il semble pourtant que l’existence d’un Etat juif et démocratique soit possible. Néanmoins au travers des nombreuses critiques auxquelles Israël doit faire face, on peut se demander si Israël est une démocratie comme les autres.
Il convient de définir les deux termes importants de notre sujet que sont Démocratie et Théocratie et d’éclairer le lecteur sur Israël.
– Le terme « théocratie », composé des mots grecs Theós (Dieu) et krátos (pouvoir), peut être définit comme une forme de gouvernement dans lequel le pouvoir, considéré comme émanant de Dieu, est exercé par ceux qui sont investis de l’autorité religieuse ou par un souverain considéré comme le représentant de Dieu sur la terre ou même comme un dieu incarné.
– Le terme « démocratie », composé des mots grecs dêmos (peuple) et krátos (pouvoir, souveraineté) peut être définit comme un système politique ou forme de gouvernement dans lequel la souveraineté émane du peuple.
Si le caractère juif de l’Etat d’Israël ne peut être omis, il semble pourtant que l’existence d’un Etat juif et démocratique soit possible. Néanmoins au travers des nombreuses critiques auxquelles Israël doit faire face, on peut se demander si Israël est une démocratie comme les autres et même si Israël est un Etat comme les autres. En effet, Israël est un pays au cœur du Moyen-Orient, zone géographique où la majorité des populations sont de confession musulmane quand Israël est composé d’une majorité juive. Israël est peu connu du public outre le fait de l’actualité concernant le conflit Israélo-palestinien.
Quelques chiffres
Israël est un pays d’une superficie de 20 770 km² dont la capitale Jérusalem n’est pas reconnue internationalement, en effet nombre d’ambassades sont situées à Tel-Aviv. Le pays compte 8 120 300 habitants.
I. Israël comme Etat des Juifs ou comme Etat Juif ?
A. Theodor Herzl : L’idée d’un Etat juif qui mènera à un installation massive en Palestine
A la lecture du livre de Theodor Herzl qui est considéré comme le « père du sionisme » on comprend que ses propos ont fortement contribués à définir les choix politiques de l’Etat hébreu.
Ainsi, On peut trouver dans la déclaration d’indépendance d’Israël : « En 1897, le premier congrès sioniste, inspiré par la vision de l’Etat juif de Theodor Herzl, a proclamé le droit du peuple juif au renouveau national dans son propre pays. Ce droit a été reconnu par la déclaration Balfour du 2 novembre 1917 et réaffirmé par le mandat de la Société des Nations qui a apporté une reconnaissance internationale formelle au lien historique du peuple juif avec la Palestine et à son droit de rétablir son Foyer national. »
Theodor Herzl aurai eu l’idée d’une unité nationale juive en entendant les cris antisémites au moment de la dégradation du capitaine Dreyfus en janvier 1895. S’il y a une part de vérité dans cette idée, cela est buen trop réducteur de l’ampleur du travail de Herzl. En effet, Herzl réfléchit depuis longtemps à des solutions qui permettraient de résoudre le problème de l’antisémitisme. Notament en 1893, où il songe à une conversion massive de tous les enfants juifs au le catholicisme avec le soutien du Pape. Mais en 1895, il renonce à cette idée et au refus de l’identité juive pour au contraire redonner un contenu positif à sa dimension nationale. De là Herzl écrit le livre qui va décider du destin du peuple juif. Il est publié en février 1896 et s’intitule L’Etat des Juifs: « L’idée que je présente dans cet écrit est très ancienne. C’est celle de la création d’un Etat pour les Juifs. Le monde retentit de clameur contre les Juifs qui viennent ranimer cette idée restée en veilleuse. » Il lance l’idée de la création de deux organisations : la Jewish Company et la Society of Jews. La Jewish Company permet d’organiser le départ des immigrants et leur implantation dans leur nouvelle patrie. La destination n’est alors pas alors fixée définitivement en Palestine, car Herzl n’a pas vraiment d’attache sentimentale ou religieuse à la terre de ses ancêtres. C’est plus tard, sous l’influence de ses futurs compagnons qu’il décidera que le retour ne peut se faire qu’en terre d’Israël. Mais l’idée majeur de Herzl, c’est la Society of Jews, il la définit ainsi : « Les Juifs qui acceptent notre idée d’Etat formeront la Society of Jews. C’est ainsi que celle-ci acquerra, face aux gouvernements, le pouvoir de parler et de négocier au nom des Juifs. Pour utiliser une analogie du droit international, la Society sera reconnue comme un Etat en formation. Ainsi l’Etat serait déjà créé. »
La démarche est vraiment révolutionnaire, car en créant une organisation véritablement politique, Theodor Herzl procure à l’idée nationale juive une modernité qui lui faisait défaut. Afin de répandre ses idées, il fonde l’Organisation sioniste et organise le premier congrès sioniste, à Bâle entre le 29 et le 31 août 1897. Le lendemain, Theodor Herzl écrit dans son journal : « A Bâle, j’ai fondé l’Etat juif. Si je le disais haut et fort aujourd’hui, on me répondrait par un éclat de rire général. Peut-être dans cinq ans, dans cinquante ans en tout cas, chacun le constatera. » Cette phrase prendra tout son sens par la suite, puisqu’on comprendra que Theodor Herzl ne s’était finalement trompé que de neuf mois dans son estimation avec la création de l’Etat d’Israel le 14 mai 1948.
B. La complexe place du Judaisme dans la fondation politique israélienne
La déclaration Balfour du 2 Novembre 1917 apparait comme la première étape de la fondation de l’Etat d’Israël. En février 1947, le gouvernement britannique remet aux Nations unies le mandat qu’il détenait depuis 1920 sur la Palestine
Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies adopte une résolution qui prévoit le partage de la Palestine en un État juif et un État arabe, la résolution 181.
Le lendemain, une guerre civile entre les communautés juive et arabe palestiniennes fait rage. En avril, les forces juives décident de passer à leur tour à l’offensive et gagnent en écrasant au passage la société palestinienne. Le 14 mai 1948, l’indépendance de l’État d’Israël est proclamée, l’État juif dans le pays d’Israël est né.
Le conflit remporté, il est nécessaire de se doter d’institutions. Le premier ministre Ben Gourion souhaite qu’Israël soit une république démocratique et parlementaire, sur un modèle occidental. La déclaration d’indépendance prévoit « une Constitution qui devra être adoptée par une Assemblée constituante d’ici le 1er octobre 1948 », mais les premières divergences entre religieux et laïques empêchent la rédaction d’un texte constitutionnel unique, Deux grandes propositions s’affrontent dès lors :
– une séparation entre la religion et l’État (comme c’est le cas en France), réclamée par les sionistes laïcs qui souhaitent cependant conserver des références au judaïsme, considéré comme héritage culturel et historique.
– la subordination de l’État à la religion prônée par les juifs ultra-orthodoxes dénommés Haredis. La Halakha, la Loi religieuse juive doit gouverner directement, étant la seule Loi légitime.
D. Ben Gourion, qui doit alors composer avec une forte population religieuse, choisit le Statu Quo et la complaisance vis-à-vis des religieux (ultra-orthodoxes). Il demande donc à l’Assemblée de ne pas achever ses travaux constitutionnels avant le retour des Juifs du monde entier dans leur patrie. Malgré ces oppositions Israël reste un état laïc puisqu’il n’y a pas de religion d’état et que la souveraineté appartient au suffrage universel et non à la Torah. Avant même la création de l’Etat d’Israël, les questions au sujet du respect des pratiques religieuses étaient au centre du débat. La loi attribue aux tribunaux rabbiniques la compétence exclusive pour tout ce qui touche aux mariages et divorces. Le sens de cette loi est explicite: il est impossible légalement de contracter en Israël un mariage entre une personne juive et une personne non juive.
Cependant grâce aux principes élémentaires du droit international privé, les actes réalisés par des officiers publics étrangers sont reconnus, sauf cas particulier. Il existe par exemple des tribunaux islamiques, chrétiens pour les questions de statut personnel. Cette caractéristique tend à nous confirmer le caractère « juif » de l’Etat.
Concernant le Shabbat, une loi fixe les horaires de travail et le repos hebdomadaire. Un Juif ne doit absolument pas travailler le jour du Shabbat. Il ne peut pas choisir une autre journée, sauf en cas de permis spécial pour cette journée. De ce fait à Jérusalem, un laïc ne peut pas utiliser les transports en commun le jour du Shabbat, puisqu’ils ne fonctionnent pas
La législation concernant la Cacherout (ensemble des lois religieuses alimentaires est plus flexible. En effet, il n’y est pas question d’imposer le respect des règles de la Cacherout aux particuliers ni aux restaurants ou hôtels. Les textes sont précis : « Une nourriture cachère sera assurée à tous les soldats juifs de l’armée d’Israël ». Depuis 1962, il est tout de même interdit d’élever du porc dans tout le pays, mais pas de le vendre, ni de le consommer. Tous les établissements sous contrôle gouvernemental (cantines publiques, écoles, etc.) sont strictement cachère et placés sous la surveillance du grand rabbinat.
Pour finir, le problème de l’éducation est réglé là aussi par une loi de 1953. Il existe deux séries d’écoles publiques :
– les écoles publiques laïques et les écoles publiques religieuses. L’article 2 de la loi définit de manière très générale les buts de l’enseignement public (laïc et religieux) en Israël.
C. La loi du retour, singularité de l’Etat Israélien ?
La loi du retour fut adoptée en 1950 et marque l’achèvement du projet sioniste mais c’est aussi le début de la discorde pour Israël. La présentation de la loi par David Ben Gourion, lors de des débats à la Knesset est un évènement marquant et significatif :
Ainsi, Le droit au Retour est définit comme un droit à part entière de tout Juif. Il s’agit d’une possibilité qui lui est offerte, l’Etat d’Israël se trouvant engagé à permettre l’immigration de chaque Juif. La création de cette loi est de un point central qui permet de définir l’identité de l’Etat d’Israël. Cette possibilité, proposée à tout moment à la totalité du peuple Juif mais aussi à chaque Juif de façon individuelle, pose l’Etat d’Israël comme l’Etat des Juifs. Elle était auparavant exclusivement destinée aux couples hétérosexuels, mais la législation israélienne etant en constante évolution, permet maintenant l’inclusion progressive des couples de même sexe. C’est ainsi que, le 12 août 2014, l’évolution de la loi du retour israélienne, qui précise : «Le conjoint du même sexe d’une personne éligible à la loi du retour et qui ne vit pas en Israël pourra aussi devenir israélien», entre en vigueur. Ainsi, le conjoint, même non juif, des homosexuels juifs israéliens peut profiter lui aussi du droit au retour.
II. Israël un Etat démocratique ayant pour but de niveler les contrastes religieux
A. Un système politique démocratique mais ingérable?
C’est une question qui peut se poser quand on fait attention aux problèmes en Israël. Peu présenté par les médias mondiaux, le mode de scrutin provoque des difficultés de gestion. On peut considérer que le système électoral israélien est unique. La recherche de représentation démocratique est telle que le pays est presque ingouvernable.
Le système électoral présente les caractéristiques suivantes :
– scrutin à un tour,
– le pays entier constitue une seule circonscription électorale,
– chaque parti présente une liste de 120 candidats pour les 120 sièges de la Knesset,
– les électeurs votent pour un parti,
– tout parti qui reçoit 1% des voix du nombre total de suffrages exprimés reçoit un siège (en 1992, la barre est passée de 1 à 1,5%),
– les partis se partagent les sièges en fonction du pourcentage de votes reçus,
– si un député disparaît pour une raison quelconque il est remplacé automatiquement par le premier candidat non élu de la liste,
– le leader du parti qui a obtenu le plus grand nombre de voix est appelé par le président à former le gouvernement.
Ainsi, pour avoir un gouvernement majoritaire, il est nécessaire qu’un parti obtienne plus de la moitié des suffrages. Ce n’est encore jamais arrivé. Les partis, petits ou grands sont en fait à peu près sûrs d’être représentés à la Knesset.
Le nombre de suffrages valides exprimés, moins les voix obtenues par les partis qui ne passent pas la barre des 1 ou 1,5% du total, est divisé par 120 pour donner le nombre de voix nécessaire pour obtenir un siège. On peut voir que ce seuil d’accès est très faible.
Ainsi, le système électoral israélien, et donc la vie politique, sont constamment morcelés. Dans les années 1980, les politiciens et les spécialistes de tous bords constatent que le système politique israélien est bloqué. Ils souhaitent le moderniser, le rendre plus souple, sans pour autant susciter d’opposition. Les deux grands partis, le Parti travailliste et le Likoud, souhaitent à l’époque que l’on monte la barre pour qu’un député soit élu, ce qui diminuerait le nombre de députés des petits partis et augmenterait celui des grands. Bien évidemment, les petits partis qu’ils soient de droite, de gauche, arabes, religieux ou autres ne veulent pas d’une modification qui se ferait à leur détriment. Or le soutien de ces petits partis est indispensable pour la constitution d’une coalition gouvernementale, peu importe qu’elle soit travailliste ou Likoud.
Devant ce blocage, des députés des deux grands partis et un certain nombre d’experts ont avancé l’idée de maintenir le système électoral mais d’y ajouter l’élection du Premier ministre au suffrage universel. L’élection directe du Premier ministre avait un double objectif : renforcer le pouvoir du Premier ministre et celui des deux grands partis. Mais le résultat a été cataclysmique pour eux: le nouveau système a en effet contribué à l’effritement des deux grands partis. Un exemple: lors des élections de mai 1999, Parti travailliste et Likoud, ensemble, ont obtenu le plus bas score de l’histoire de la Knesset, avec un total conjoint de 45 élus, soit moins de 40% des 120 députés.
Le mode d’élection au suffrage universel a donc été abandonné pour laisser place au système d’avant 1996.
B. Le système judiciaire et les droits israéliens symbole et outils d’une démocratie pour combattre le risque théocratique
Le système judiciaire israélien s’inspire largement des systèmes ottoman et britannique. Mais la grande spécificité d’Israël est le rôle de sa cour suprème, de plus en plus central. Israël n’ayant pas de Constitution écrite formellement, les lois fondamentales sont les textes qui encadrent la vie politique du pays et qui jouent le rôle d’une quasi-constitution. Ces lois qui ont une portée très importante, toutes les autres devant s’y conformer, touchent à des domaines très différents (ex. : loi fondamentale sur le gouvernement, loi fondamentale sur l’économie de l’Etat, loi fondamentale sur la justice, etc.). Ces lois fondamentales au nombre de onze sont votées à la Knesset.
1958 : La Knesset
1960 : Les terres d’Israël
1964 : Le président de l’État
1968 : Le Gouvernement
1975 : L’économie nationale
1976 : Les Forces de défense d’Israël
1980 : Jérusalem, capitale d’Israël
1984 : Le pouvoir judiciaire
1988 : Le contrôleur de l’État
1992 : Dignité humaine et liberté
1992 : Le Gouvernement
1992 : Liberté professionnelle
1994 : Liberté professionnelle
2001 : Le Gouvernement
(Le nom des textes en vigueur actuellement est indiqué en gras)
De plus, le droit israélien dans ses inspirations n’est pas un droit religieux. En effet, les références au droit religieux doivent, afin d’être applicables en droit positif, être adoptées par le législateur laïque, c’est-à-dire la Knesset. La notion de « souveraineté populaire » exercée par la Knesset est fondamentale dans les institutions constitutionnelles israéliennes. La Knesset est le seul de tous les organes de l’Etat à n’être soumis à aucun contrôle. Selon ce fait, Israël n’est donc pas un Etat théocratique, car ce n’est pas la religion mais la loi qui régit la vie des citoyens et que c’est les clergés des différentes religions, que ce soit juives, musulmanes ou autres, qui édictent toute législation portant sur des questions d’ordre religieux. La validité plus scpécifiquement des apports de la Halakha en Israël provient donc de la volonté de la Knesset Laïque et non d’un caractère divin. Enfin, en ce qui concerne les autorités administratives, elles ne peuvent en principe jamais prendre des décisions pour des motifs religieux, sauf expressément autorisées par la loi.
C. Israël comme système multiconfessionnel égalitaire ?
La théocratie est définie ainsi : « Mode de gouvernement dans lequel l’autorité, qui est censée émaner directement de la Divinité, est exercée par une caste sacerdotale ou par un souverain considéré comme le représentant de Dieu sur la terre, parfois même comme un Dieu incarné »
Au vu de cette définition, Il est donc bien évident qu’Israël n’est pas une théocratie. Comme nous l’avons vu précédemment, le pouvoir politique est exercé par la Knesset, pouvoir résolumment laïque. L’élément religieux n’intervient ni dans le mode de désignation, ni dans le mode d’exercice de ce pouvoir. S’il est vrai qu’en Israël la religion juive jouit d’un statut particulier, elle n’a néanmoins pas un statut officiel et exclusif.
Ainsi, il n’est tout d’abord pas obligatoire, même si une exception ne soit jamais arrivée, que le Président de l’Etat soit Juif, tout citoyen israélien qui réside en Israël est éligible.
L’élection du président :
– Un vote à la majorité absolue (61 voix) de la Knesset désigne directement le nouveau président.
– Si aucun candidat ne sort après les trois premiers tours de vote, une majorité simple suffit.
– Le président est élu pour une durée de sept ans et ne peut pas être réélu (avant une récente réforme, le mandat présidentiel était de 5 ans et pouvait être renouvelé une fois).
– La Knesset peut destituer le président sur décision des ¾ de l’assemblée
De plus comme vu précedemment, les règles religieuses qui ont été introduites en Israël, l’ont été uniquement par la Knesset, législateur laïc. Celui-ci peut d’ailleurs à tout moment les modifier ou les supprimer. Si les autorités religieuses jouissent d’un statut officiel, ces autorités, d’une part, sont nommées suivant une procédure qui est fixée par l’Etat, et surtout il a été jugé que ces autorités restaient toujours soumises au contrôle des organes de l’Etat, et même la Cour Suprême.
Il y a un certain mélange entre la religion et l’Etat, mais on est encore loin du système de la religion d’Etat : Tout d’abord la loi reconnaît les autres religions et notamment la religion musulmane, puis les autorités de l’Etat sont entièrement laïques.On débouche donc sur un multiconfessionalisme important.
Le régime multiconfessionnel est un système dans lequel plusieurs confessions sont reconnues et jouissent de droits identiques. L’Etat ne s’identifie à aucune confession, mais il en reconnaît certaines et accorde un statut particulier aux ministres du culte de ces confessions. C’est exactement le cas d’Israël. Il va de soi que toutes les communautés reconnues sont assistées financièrement et administrativement.Ainsi un département spécial du ministère des Affaires religieuses est chargé de cette tâche. Au niveau strictement juridique, il n’y a aucune inégalité entre les confessions non juives et la religion juive. Il n’y a aucun traitement préférentiel du judaïsme comme religion.
III. Israël démocratie critiquée ou soutenue selon plusieurs échelles
A. Les critiques en interne : entre caractère discriminatoire de la loi du retour, égalités des ethnies et rejet de l’Etat israélien
L’Etat d’Israël se caractérise par une conception ethnique et religieuse de sa citoyenneté découlant du mélange important et des tensions. Concernant l’ethnie, on peut ainsi être qualifié de Juif, d’Arabe ou autre. À cette conception ethnique s’ajoute la dimension religieuse qui distingue la religion musulmane, la religion chrétienne et la religion druze. Ainsi, un Israélien peut être d’ethnie Juive et de religion juive, dans ce cas l’ethnie et la religion se confondent. Mais il peut être d’ethnie arabe et de religion chrétienne. La rubrique « ethnie » figure d’ailleurs sur la carte d’identité des citoyens israéliens. La mention religieuse est utilisée lors du recensement de la population.
Dans les très nombreuses controverses qui existent autour d’Israël et dans le cadre général du conflit israélo-palestinien, il est souvent dit que l’Etat d’Israël est un Etat basé sur une conception religieuse ou ethnique, voire raciale, ce qui comme terme a une portée forte. C’est la loi du Retour qui est généralement critiquée.
L’rgumentaire basique est le suivant : l’Etat d’Israël est un Etat mono ethnique où l’ethnie de base se définit par un critère qui s’apparente fort à un critère de « pureté raciale » puisqu’il y essentiellement question d’un lien de descendance. C’est le point principal de la loi du retour et de l’idéologie sioniste, mais c’est aussi le principal reproche fait à cette loi. On peut en effet considérer, dans un premier temps, le caractère discriminatoire de cette loi entre Juifs et non-Juifs, particulièrement en ce qui concerne les règles relatives à l’immigration et à l’acquisition de la nationalité israélienne. La question se pose alors de savoir si une telle mesure peut être réellement considérée comme discriminatoire.
La réponse à cette question est donnée par la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (adoptée le 21 décembre 1965 par l’Assemblée générale des Nations Unies). L’alinéa 3 de cette Convention concerne tout particulièrement la loi du Retour, il y est ainsi écrit : « Aucune disposition de la présente Convention ne peut être interprétée comme affectant de quelque manière que ce soit les dispositions législatives des Etats parties à la Convention concernant la nationalité, la citoyenneté ou la naturalisation à condition que ces dispositions ne soient pas discriminatoires à l’égard d’une nationalité particulière ».
On ne peut contester que la loi du retour établisse une préférence à l’égard des juifs, mais elle ne consiste en aucune manière une discrimination à l’égard de quelque religion ou nationalité que ce soit. La loi du Retour n’est donc pas discriminatoire.
Les Arabes israéliens sont certes minoritaires mais représentent tout de même 20% de la population du pays et participent au tiraillement religieux en Israël. S’ils sontcitoyens israéliens à part entière, les Arabes vivants en Israël sont encore plus des Arabes à part entière. Ainsi ils sont très attachés à leur culture, au reste de leur ethnie dans les pays voisins, et bien sûr dans la bande de Gaza. De plus, s’ils sont loyaux envers l’Etat, ils ne se sentent jamais attaché selon le sens sentimental à Israël. Le statut légal de cette population ne devait néanmoins pas faire problème. Les promesses aux habitants non juifs de Palestine la plénitude des droits civiques, sociaux, religieux et culturels ont été faites devant des organes internationaux par les fondateurs sionistes. Inscrite dans la résolution de partage de la Palestine votée par l’ONU le 29 novembre 1947, puis dans la Déclaration d’Indépendance, l’égalité des droits et des devoirs découlait naturellement des principes fondamentaux du mouvement sioniste et de l’Etat d’Israël.
Ces promesses furent tenues, au moins au sens strict, même s’il n’y a pas eu d’effort pour faire plus. Ainsi :
– Les habitants non juifs de l’Etat reçoivent à partir de 1952 (date de l’adoption de la loi de la Nationalité), par résidence, la citoyenneté israélienne.
– Les Arabes votent à la Knesset et y envoient leurs députés, s’organisent politiquement, publient leurs journaux et critiquent le gouvernement, ont accès aux services publics et aux tribunaux et jouissent d’une autonomie judiciaire aussi large que possible en matière de statut personnel.
– Les cadis (juges musulmans qui exercent des fonctions civiles et religieuses), comme les juges religieux juifs, sont fonctionnaires d’Etat.
– L’arabe est l’une des deux langues officielles de l’Etat, la seule avec l’hébreu à pouvoir être utilisée à la Knesset, dans les tribunaux et dans les documents officiels.
Ces droits et libertés formels sont mine de rien loin d’être négligeables.
Le climat perpétuel de guerre et de tensions entre juifs et musulmans, entre Israël et ses voisins, n’a pas facilité l’intégration des musulmans dans ce nouveau pays. Par exemple, quand les citoyens arabes de l’Etat d’Israël sont exemptés de service militaire comme les ultra-hortodoxes, c’est un « droit » afin de ménager leur susceptibilité, de ne pas les soumettre à des problèmes de conscience et de ne pas les forcer à afronter des « frères musulmans ». Mais, ce n’est qu’un camouflage pour le vrai poblème que représente le manque de confiance de l’Etat envers une certaine catorie de citoyens. La cohabitation entre les deux communautés n’est pas évidente et pose de nombreux problèmes. Dans ce sens la démocratie israélienne peut être critiquée, même s’il s’agit aussi pour les autorités d’une question de sécurité et de résolution de la question religieuse qui tourmente le pays.
Le point le plus paradoxal est peut être que ce sont les institutions religieuses juives qui adressent les critiques les plus virulentes à l’égard de l’Etat hébreu. Le sionsisme a longtemps été le point unificateur de l’Etat d’Israel et de la religion juive. Or la crise que traverse le pays se traduit précisément par une profonde remise en cause des éléments constituant cette identité. Plusieurs écoles de pensée viennent contester de manière très directe les fondements classiques de l’identité israélienne. Ainsi, alors qu’il est taxé d’Etat Théocratique, ce sont les milieux religieux qui le critique le plus.
La critique vient tout d’abord des ultra-orthodoxes (les haredi). En effet, le judaïsme haredi refuse de s’associer à certains symboles de l’Etat. Par exemple, le drapeau de l’Etat n’est jamais hissé sur les bâtiments publics dans les milieux haredi. Plus curieux encore, on peut remarquer le non-respect par les haredim de symboles comme les journées de Souvenir et le jour de l’Indépendance puisqu’ils rejettent l’existence de l’état. Il faut souligner que la radicalisation ne touche qu’une fraction relativement faible de la population israélienne et qu’elle constitue une minorité dans la population religieuse. Il existe une autre critique de la part des milieux religieux. Pour les haredim l’accent ne doit pas être mis sur la Terre d’Israël, mais sur la Thora. Or pour l’école sioniste religieuse, le retour à Sion, c’est-à-dire à Jérusalem est à considérer comme la première étape de la délivrance messianique. Les Juifs ultra-orthodoxes ou Haredim respectent à la lettre la Torah et ont développé une position qui oppose les plus stricts d’entre eux au reste des Israéliens aussi bien sur leur façon de vivre que sur le plan politique. Les Haredim sont pour une stricte séparation des hommes et des femmes dans la vie publique et pour un respect absolu du chabbat. De plus, souvent, ils consacrent leur vie à l’étude de la Torah, laissant à leurs épouses le soin de subvenir aux besoins de la famille.
Sur le plan politique, certains n’acceptent pas l’État d’Israël, qui ne pourrait être recréé que par l’arrivée du Messie, d’autres vont même jusqu’à vouloir l’annulation de l’etat d’israel. Cependant, ils bénéficient, depuis les premières années de l’existence de l’État, d’exemptions de service militaire et de subventions aux écoles talmudiques, par décision de David Ben-Gourion qui pensaient que les Harédim disparaîtraient petit à petit. Leur influence dans la vie politique est significative car leurs partis politiques, comme le Shass ou l’ancien Parti national religieux, obtiennent des députés souvent indispensables aux majorités gouvernementales Après que la Cour suprême d’Israël a jugé inconstitutionnelle, en février 2012, la loi permettant aux Juifs religieux d’éviter le service militaire, le gouvernement et l’opinion se déchirent quant au contenu de la nouvelle loi qui devrait être votée avant le 1er août 2012. Beaucoup de ces ultra-orthodoxes, anti-sionistes, ne reconnaissent pas l’Etat d’Israël et refusent de travailler pour ne se consacrer qu’à l’étude religieuse. A ce titre, pourtant, ils touchent un petit salaire versé par l’Etat. Dans le quartier de Méa Shéarim, bastion des juifs les plus radicaux, les femmes qui laissent apparaître leur peau, mais aussi les touristes ne sont pas les bienvenus. Ici, le portable est toléré s’il est casher. Dans les librairies, pas de roman, un genre trop licencieux. Dans les boulangeries, les femmes doivent faire la queue à part. Cette discrimination menace désormais toute la ville. L’actualité nous rappelle la menace des ultras-orthodoxes.
B. Diaspora comme point de départ d’une problématique mondiale ?
Pour bien comprendre le problème actuel de l’état d’Israël, ainsi que la relation très particulière qu’ont les Juifs pour la Terre de Judée, il est essentiel de mesurer les causes, l’étendues et les répercussions qu’a eu un phénomène emblématique de la religion juive : la diaspora
Le terme diaspora est un mot de grec ancien qui désigne la dispersion d’une communauté ethnique ou d’un peuple à travers le monde. La diaspora juive ((he) Tefutzah, « dispersé » ou Galout, « exil ») désigne la dispersion du peuple juif à travers le monde. On peut considérer qu’il y a eu deux épisodes de Diaspora dans le peuple Juif : la pré-romaine puis la post romain
La Diaspora Pré-Romaine
La diaspora pré-romaine est intervenue après l’invasion du Royaume de Juda par un roi Babylonien, Nabuchodonosor, vers -588 avant JC. Nabuchodonosor détruisit le temple de Salomon, brula Jerusalem et emmena en Esclavage une grande partie du peuple Hébreu à Babylone, dans les vallées de l’Euphrate, l’emplacement de l’actuel Irak. Cette partie de l’histoire juive est encore très présente dans l’esprit des juifs, et elle est notamment racontée dans la Torah ou même dans l’ancien Testament des chrétiens. Suite à cette déportation, une diaspora s’est créé entre la population juive restée dans le royaume de Juda, l’Israël d’aujourd’hui, et celle qui a été emmené en tant qu’esclave à Babylone. Voilà la naissance de deux foyers juifs distincts : Babylone d’un coté et le Royaume de Juda de l’autre. Les juifs décident de reconstruire le temple de Salomon et c’est un fait assez important pour être souligné, parce que c’est lors de cette reconstruction va naitre l’idée d’identité juive. Durant le IIe siècle av. l’ère chrétienne, des témoins divers comme Strabon, Philon d’Alexandrie, Sénèque et Yosef Ben Matthias témoignent du fait que les juifs étaient déjà Disséminés dans le monde connu. Le roi Hérode Agrippa Ier, dans une lettre à Caligula, énumère parmi les provinces de la diaspora juive presque tous les pays grecs et non grecs de l’Orient ; et cette énumération est loin d’être complète car l’Italie et Cyrène n’y sont ainsi pas comprise. En -63, le consul romain Pompée envahit Jérusalem et les Romains assujettissent les juifs à l’impôt. C’est le début de la domination romaine qui va durer jusqu’à une révolte en 66 après JC qui va marquer le début de la seconde diaspora.
La Diaspora PostRomaine
A partir de 66 après JC, une révolte éclate en Judée, et durera jusqu’en 70. La répression sera brutale et sanglante, les romains bruleront même le temple, une deuxième fois après Nabuchodonosor, mais qui était devenu le symbole de l’identité juive en Judée. Après cela, Rome sépare la Judée du reste de l’empire. La destruction complète de Jérusalem, et la colonisation de la part de nombreuses provinces grecques et romaines en Judée empêchent la reconstruction de la nation juive. Ce qui explique que les juifs n’ont dès lors plus de raison se s’accrocher à ce sol. Jérusalem devient sous le nom d’Ælia Capitolina, une colonie romaine entièrement païenne à laquelle les juifs n’ont plus accès, sous peine de mort.
La dispersion des Juifs
La destruction de la Judée entraîne la dispersion du peuple juif à travers le monde. Certains juifs contourneront la méditerranée par le Sud et remonteront en Europe par l’Espagne, ils sont dorénavant appelés les juifs séfarades. Ceux qui sont passés par le Nord et sont rentrés en Europe par la Turquie sont appelés les Ashkénazes.
L’autorité religieuse passe des prêtres aux rabbins. Certains juifs sont vendus comme esclaves et déportés, d’autres rejoignent les diasporas existantes. D’autres enfin tente d’inventer un nouveau rituel de vie en remplacement de l’ordre du Temple, leur réflexion donnera naissance au Talmud. D’abord bien acceptés au sein de l’empire romain, l’essor du christianisme entraine bientôt de nouvelles restrictions. Cette diaspora continuera pendant plus de 18 siècles jusqu’à l’apparition de l’idéologie du Sionisme, promulguée par Theodor Herzl au début du 20ème siècle. La durée de cette diaspora est due au fait que les persécutions contre les juifs ont été courantes à travers les siècles, ce qui les a très souvent poussés à l’exil.
Conclusion
La démocratie et la société israélienne semble donc perpétuellement à la recherche d’une union. La démocratie d’Israël se cherche encore une identité, car elle se construit en même temps qu’elle essaie de réaliser une intégration sociale de communautés religieuses divergentes. Une nouvelle forme de démocratie tente de se mettre en place à travers la prise de conscience des divers groupes qui forment cette société. Israël est bien une démocratie dans les textes. Mais en pratique de nombreux éléments à différente échelle donnent une impression autre. Outre les relations compliquées avec ses voisins plus ou moins proches à majorité musulmanes, Israel est montré du doigt à l’échelle internationale par de nombreux pays qui soit ne reconnaissent pas l’existence de l’Etat, soit critiquent ses choix politiques, militaire. Il est important de dissocier l’analyse d’Israel comme Etat de celle de Jérusalem, l’actualité faisant souvent références aux conflits présent dans la ville sainte, mais rarement de la situation dans les autres villes.
La question de l’importance de la diaspora prend ici tout son sens, la vision que le Monde a d’Israel est souvent influencée par la vision que ces mêmes pays ont de la diaspora juive. Dès lors il nous semble intéressant d’étudier la place de la diaspora dans la situation politique, religieuse et géopolitique d’Israel.
Pierre Place
Luc Prévost
Bibliographie
– Gershon WEILER, La tentation théocratique, Israël, la Loi et le politique, Calmann-Lévy, 1991
– Ilan GREILSAMMER (dir.), Repenser Israël, Morale et politique dans l’État juif, Éditions Autrement, 1993
– Claude KLEIN, La Démocratie d’Israël, Seuil, 1997
– L’Histoire, Israël, de Moïse aux accords d’Oslo, Éditions du Seuil, mai 1998
– Alain DIECKHOFF, L’invention d’une Nation, Israël et la modernité politique, Gallimard, 1993
– Jean-Yves CAMUS, Annie-Paule DERCZANSKY, Le Monde juif, Éditions de Milan, 2001
– Olivier DUHAMEL, Les démocraties, Chapitre sur Israël, Éditions du Seuil, 1998
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