Introduction
L’Iran ou plus précisément la République islamique d’Iran est comme son nom l’indique une république théocratique à travers laquelle la législation est en grande partie dictée par le droit musulman ou au moins en conformité avec celui-ci. L’État iranien est localisé géographiquement au Moyen-Orient (ou en Asie de l’Ouest selon le point de vue) et s’étend sur une superficie de 1 648 195 km². Il possède des frontières terrestres avec l’Irak, la Turquie, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, le Turkménistan, l’Afghanistan et le Pakistan. Il partage également des frontières maritimes avec le Koweït, l’Arabie saoudite, Bahreïn, le Qatar, Les Émirats Arabes Unis et Oman. La langue officielle de l’Iran est le persan (ou farsi) mais tous les iraniens ne parlent pas persan en famille. Dans cet espace multiethnique, on retrouve environ 18% de la population qui parle une langue turque ou encore 10% de la population qui s’exprime aussi en kurde. En Juillet 2013, on estimait à 79 853 900 le nombre d’iraniens avec environ 61% de perses, 16% d’azéris, 10% de kurdes, 7% de gilakis et mazandérans, 2% d’arabes et 4% d’autres appartenances ethniques. 98% de la population est de confession musulmane et 89% de la population est musulmane chiite ce qui en fait la grande spécificité de l’Iran. La monnaie officielle de l’Iran est le rial ; 1 euro équivaut à 33.000 IR (novembre 2013). L’Iran a un Indice de Développement Humain (IDH)* en nette progression depuis les années 80 (0.443 en 1980 et 0.742 en 2012) mais qui tend à stagner depuis le milieu des années 2000. Son IDH en 2012 était 0.742 ce qui place la République au dessus de la moyenne mondiale (0.694) et en dessous de l’IDH français (0.893) et équivaut à peu près à l’indice de la France en 1985. En étant iranien en 2013 on peut espérer vivre jusqu’à 73 ans. 85% de la population est alphabétisée. L’Iran a une culture nationale très ancienne et très riche contrairement aux autres états relativement jeunes de la région.
Ce qui fut autrefois la Perse est aujourd’hui au centre de l’actualité internationale de par le développement controversé de son programme nucléaire. La mauvaise volonté de l’Iran en matière de transparence vis-à-vis des aspects potentiellement militaires de son programme nucléaire, a contraint la communauté internationale à établir des sanctions économiques à son encontre, sanctions prévues par le Traité de Non Prolifération nucléaire que l’Iran a signé. Cette situation critique serait actuellement en phase de détente suite aux accords de Genève du 23 Novembre 2013 qui prévoient un allègement des sanctions contre plus de coopération iranienne sur le dossier nucléaire. Cette conjoncture nouvelle marque certainement le début d’une ère d’intégration de l’Iran sur la scène internationale et a de quoi redonner un nouveau souffle à une économie iranienne asphyxiée par les sanctions. Face aux espoirs du présent, l’évaluation des risques à l’investissement en Iran prend tout son intérêt.
*calculé selon la méthode du Programme des Nations Unies pour le Développement (voir sources)
Évaluation du risque politique
Quelques précisions sur la politique iranienne :
La République iranienne est basée sur la loi islamique et sur le principe du Velayat-e faqih. Le Velayat-e faqih signifie la « tutelle des théologiens » et confère au religieux la plus grande partie du pouvoir politique. Le chef d’état du régime iranien est ainsi un Ayatollah (plus haut titre dans la hiérarchie du clergé chiite) élu en tant que Guide Suprême de la Révolution Islamique. Le Guide Suprême est élu à vie par l’Assemblée des Experts (membres du clergé choisis par la population) qui a en théorie la possibilité de le démettre de ses fonctions mais qui dans la pratique n’a jamais utilisé ce pouvoir. C’est Ali Khamenei qui occupe la fonction de Guide Suprême depuis 1989. Il est le chef des armées, il oriente les politiques générales du pays et supervise leur exécution et il fait également office d’arbitre entre les différentes branches du pouvoir. Le président de la République quant à lui a un rôle plus proche de celui de premier ministre que nous connaissons. C’est le chef du gouvernement et le Guide Suprême lui délègue le commandement des armées sous réserve de conserver tout de même le mot final tout comme pour la politique étrangère. Le président a une marge de manœuvre réelle mais si sa politique est en désaccord avec celle du Guide Suprême, ce dernier a le mot final. Il est élu au suffrage universel tous les quatre ans mais sa présentation aux élections n’est pas libre et doit être validée par le Conseil des Gardiens qui fait un tri drastique entre tous les candidats. La politique iranienne est réservée aux islamistes qui s’affrontent en deux camps : les conservateurs et les réformateurs. Le parlement iranien est élu par les citoyens iraniens âgés de plus de 18 ans, il vote les lois mais doit composer avec le conseil des gardiens qui approuve ou s’oppose aux projets parlementaires. Les membres du conseil des gardiens sont tous nommés par le Guide Suprême. Ce système fait de l’Iran un régime très verrouillé.
Stabilité du gouvernement et des institutions :
La République Islamique d’Iran a été proclamée le 1er avril 1979 à la suite d’une révolution. La constitution iranienne actuelle date de décembre 1979 et a été révisée seulement une fois, le 28 Juillet 1989 à la mort de l’Ayatollah Khomeini. Le chef de l’État actuel, le Guide Suprême Ali Khamenei, est en place depuis plus de 20 ans et possède des pouvoirs d’arbitre qui permettent d’éviter une paralysie du système politique qui déboucherait évidemment sur une crise. Ce régime autoritaire est pensé pour être stable. Cependant la République a sérieusement tremblé en juin 2009 à la suite de la réélection du président Ahmadinejad, un conservateur endurci et fidèle au Guide Suprême. Des centaines de milliers d’iraniens sont descendus dans la rue pour protester contre des élections jugées largement frauduleuses et ont ainsi participé à la plus grande contestation que le régime ait connue. Les pasdarans (les gardiens de la Révolution islamique, branche armée entièrement contrôlée par le Guide Suprême) ont réprimé violemment les manifestations et sont à l’origine d’au moins 150 morts. En plus d’une efficacité à réprimer les manifestants, le régime a fait preuve d’une grande capacité à restreindre la liberté de la presse et de l’internet pendant les évènements de Juin 2009. Ahmadinejad a pu finir son mandat. Cet épisode de la vie politique iranienne montre que même en période de grave crise, le régime et le gouvernement savent se montrer relativement solides. Sauf retournement de situation, le nouveau gouvernement plus modéré de Rohani élu en juin 2013 laisse présager un environnement plus stable (au moins en matière de politique interne) pour les années 2013-2017.
Conditions socio-économiques, revendications ethniques et corruption :
Le grand problème actuel de l’Iran réside dans les sanctions internationales (elles sont en train d’être renégociées favorablement) qui le touchent à cause de la portée militaire éventuelle de son programme nucléaire. Ces sanctions, surtout américaines, visent principalement le secteur énergétique iranien qui est la principale source de revenus du pays. Cela se traduit dans l’économie persane par une montée catastrophique de l’inflation (taux d’inflation qui frôle les 40%) et corollairement par une baisse significative du pouvoir d’achat. Les sanctions ne sont pas les seules fautives, on accuse volontiers la mauvaise gestion en matière d’import/export des précédents gouvernements d’Ahmadinejad. L’emploi est aussi un autre problème qui vient noircir le tableau. À 15,5% en 2012, le chômage pourrait bien toucher 20% de la population active fin 2013. Le pays n’est pas égal en matière de développement économique et des régions sont en retard par rapport au reste du pays. À cela s’ajoute un taux de chômage plus élevé dans ces mêmes zones peuplées de minorités ethniques et religieuses comme les kurdes de la province d’Ilam. Bien qu’à terme cette situation puisse déboucher sur des revendications ethniques il semblerait toutefois que le sentiment national en Iran soit très fort et que l’iranité apparaisse plus forte que la religion ou le sentiment ethnique. D’autre part, notons l’existence de tensions contre les nombreux immigrés afghans qui fuient la guerre et qui posent des problèmes croissants. En parallèle, la corruption est un autre élément qui fait partie des grands fléaux problématiques de l’Iran. Le rapport de Transparency International du 3 décembre 2013 place le pays à la 144ème place sur 177 dans le palmarès des pays les moins corrompus ce qui le fait reculer de 11 places par rapport à 2012. Cette évaluation de la corruption se fait selon plusieurs critères : la pratique de pots-de-vin dans les services publics, les possibilités d’obtenir des postes gouvernementaux par le biais de la corruption ou encore le niveau de corruption de l’appareil judiciaire.
Conflits internes :
Les principales revendications populaires proviennent de la situation économique entrainée en grande partie par les sanctions internationales. Lors des récentes élections le redressement de l’économie nationale et le réchauffement des relations avec l’Occident étaient au centre des préoccupations de la population. En dehors de ça, la population relativement jeune de l’Iran aspire à plus de démocratie et à plus de liberté. Par exemple le strict code vestimentaire imposé aux femmes (existence d’une police chargée de surveiller le port du voile) fait partie des sujets sensibles pour les iraniennes qui sont tout de même très bien intégrées dans la société (il y a plus d’étudiantes que d’étudiants). Sous le précédent président la situation était très tendue et malgré des organes de répression efficaces (voir les évènements de juin 2009) la situation était potentiellement explosive. Mais l’élection récente d’Hassan Rohani change complètement la donne. Rohani est un conservateur très modéré, partisan du réchauffement des relations internationales et de l’assouplissement interne du caractère autoritaire du régime exacerbé sous Ahmadinejad. Il est soutenu largement par la population (élu dès le premier tour à plus de 50% des voix), le parlement pourtant conservateur a salué son succès pour l’obtention d’un accord avec les occidentaux sur l’allégement des sanctions et enfin le Guide Suprême en personne, d’habitude réfractaire à toute modération, lui a apporté récemment son soutien. Un avenir paisible semble donc se dessiner sous la présidence de Rohani. Toutefois le soleil promis pourrait laisser place à l’orage si l’Iran trompe la communauté internationale sur son programme nucléaire, si les sanctions économiques ne sont pas suffisamment allégées et mettent en échec les bonnes perspectives économiques prédites par la présidence Rohani ou encore si un scandale quelconque (corruption ou autre) éclate au sommet du régime.
Conflits externes et pays voisins entrainant un risque potentiel :
La République Islamique d’Iran a une grande façade maritime qui débouche sur le Golfe persique (ou Golfe arabique selon le point de vue), autrement dit la région la plus riche en pétrole du monde. De ce fait l’Iran est assis sur une poudrière géopolitique. À cet égard on se souviendra de la guerre Iran-Irak (1980-1988) qui était bel et bien une guerre d’attrition à travers laquelle Saddam Hussein voulait s’accaparer une région hautement pétrolière sous contrôle iranien. Autrefois adversaire principal de l’Iran, l’Irak est aujourd’hui neutralisée et ce depuis la deuxième guerre du Golfe. Mais la chute du régime de Saddam Hussein a créé un face à face direct entre l’Iran et ce qui est aujourd’hui son ennemi juré : l’Arabie Saoudite. La concurrence est telle entre les deux pays qu’on parle même de « Guerre froide du Moyen-Orient » pour définir leurs relations. En plus d’être des concurrents acharn��s sur le plan économico-pétrolier, ces deux grands régionaux s’opposent sur la religion (chiisme pour l’Iran, sunnisme voire wahhabisme pour l’Arabie saoudite), sur la scène internationale (positions en contradiction avec l’ordre mondial occidental pour l’Iran, positions en adéquation avec cet ordre pour l’Arabie saoudite) ainsi que sur le Golfe persique. Sur le plan géopolitique le contrôle iranien du détroit d’Ormuz irrite au plus haut point les saoudiens et a plusieurs fois failli être un casus belli. L’Arabie saoudite a trouvé le moyen de contourner le passage obligé d’Ormuz en construisant des pipelines qui traversent tout le pays ce qui rend la situation moins dangereuse. Outre cet ennemi tenace on peut citer Israël comme adversaire notable de l’Iran. Après que Mahmoud Ahmadinejad ait affiché sa volonté de détruire l’État hébreu durant son mandat, c’est à présent au tour d’Israël de menacer Téhéran. Après la conclusion des accords de Genève de Novembre 2013, Netanyahou, le premier ministre israélien, a en effet déclaré qu’Israël n’hésiterait pas à attaquer seul les sites nucléaires iraniens. Ces déclarations peuvent être interprétées plus comme un message adressé aux États-Unis pour qu’ils continuent à donner des garanties sécuritaires à Israël que comme une véritable volonté belliqueuse, mais le risque existe. En plus de ce risque et face à la situation actuelle de réchauffement des relations irano-occidentales les cartes peuvent être redistribuées au Moyen-Orient et bouleverser l’échiquier géopolitique de la région. L’issue du processus en cours peut potentiellement entraîner deux options polémogènes à prendre en compte. La première option pourrait s’enclencher s’il s’avère que l’Iran continue secrètement de développer une arme nucléaire. Dans ce cas là il y aurait un grand risque de conflit armé avec une coalition occidentale menée par les États-Unis. Cette option est toutefois peu probable car les iraniens aspirent à redevenir une grande puissance et ceci n’est pas possible avec la situation économique actuelle. Le nouveau gouvernement semble avoir pleinement saisi l’importance de mettre l’économie au premier plan au détriment de la puissance nucléaire. Il n’est absolument pas dans l’intérêt de ce pays étranglé par les sanctions internationales de ne pas respecter ses engagements récents. La deuxième option, peut être plus probable, s’amorcerait dans le cas où l’Iran, aidé par ses nouveaux amis occidentaux, devienne l’hégémon régional et concurrence de plus en plus l’Arabie saoudite. Une guerre pourrait être éventuellement déclenchée dans ce cas là, mais il n’est pas sûr non plus que les saoudiens soient prêt à se risquer à des sanctions internationales à leur tour. La guerre sera plutôt économique comme l’affirme Bertrand Badie.
Les conditions de sécurité dans le pays lié à la criminalité et au terrorisme :
Si dans le passé l’Iran et surtout sa capitale était peu sujette à la délinquance, il semblerait que celle ci ait augmenté de manière inquiétante jusqu’à s’insérer dans le débat publique local. En Outre, certaines régions comme le Sistan-Balouchistan (frontalière à l’Afghanistan) ou Kermanshah (frontalière à l’Irak) sont sujettes au trafic de drogue (pour le Sistan-Balouchistan) et au terrorisme (pour les deux). L’Iran est au cœur d’une zone où des groupes terroristes évoluent, s’ajoute à cela de forts soupçons qui pèsent contre l’Iran vis-à-vis de son implication dans le terrorisme international. Son évolution potentielle en tant que grande puissance régionale en ferait une cible de choix en proie au terrorisme sunnite, peut-être kurde et pourquoi pas israélien. L’ambassade d’Iran au Liban a été la cible d’attentats meurtriers en Novembre 2013, en pleines négociations avec l’Occident. Le centre de l’Iran semble être plus sécurisé face au risque terroriste mais cette menace peut s’accroitre dans les années qui viennent sans pour autant faire vivre les iraniens et du coup les investisseurs dans la terreur. Citons quand même le ministère des affaires étrangères (MAE) français qui déconseille à ses ressortissants d’aller en Iran sauf pour des raisons impératives et qui déconseille formellement d’aller dans les régions frontalières à l’Irak et à l’Afghanistan. Selon le MAE les risques d’enlèvements sont toujours probables à l’heure actuelle et il convient aux étrangers de suivre avec attention les relations qu’entretiennent leur pays avec l’Iran : pour la France elles sont en passe de s’améliorer.
Évaluation des risques économiques et financiers
L’économie iranienne est historiquement basée sur une forte implication de l’État qui élabore des plans quinquennaux et exerce un contrôle serré sur les industries énergétiques (essentiellement pétrole et gaz) ainsi que sur les grandes entreprises. Le cœur de son économie gravite autour des revenus du pétrole. Les sanctions internationales contre l’Iran qui vise en particulier ce secteur (plus les exportations, les transports et le secteur financier) se sont finalement révélées très efficaces puisque l’économie persane se retrouve aujourd’hui dans une situation critique. En 2012, le Produit Intérieur Brut iranien (PIB) était de 1016 milliards de dollars (18ème mondial). C’est la première fois que le PIB recule depuis les années 2000. La République islamique affichait en effet en 2012 une croissance négative de 1.9% et cela pourrait être pire en 2013 (-5.8% selon le conseil national de la résistance iranienne, parti d’opposition au régime en exil). Les prix des biens de consommation ont terriblement augmenté (inflation avoisinant les 50% en 2013) et le rial à dégringolé à plus de 80% de sa valeur depuis 2012. Environ la moitié de la population urbaine iranienne (selon le conseil national de la résistance), vivrait sous le seuil de pauvreté avec un PIB/habitant de 13000$ par an (100ème mondial). Son solde budgétaire était de 4% du PIB en 2012, son solde commercial 39000 millions de dollars fin 2012 et sa balance courante négative de 9 milliards de $.Point positif, la dette publique de l’Iran est en baisse chaque année elle représente 7.9% du PIB en 2013. En Mars dernier la dette extérieur avoisinait les 8 milliards de dollars soit 2 fois moins que l’année précédente.
Face à ces données on comprend mieux la stratégie actuelle de l’Iran qui vise explicitement à annuler les sanctions internationales à son encontre. Et les accords récents de Genève qui prévoient un allègement des sanctions viennent confirmer qu’il est en bonne voie pour atteindre ses objectifs. Même si comme le dit Laurent Fabius, le ministre français des Affaires Étrangères, l’allégement des sanctions est « ciblé et réversible » il n’empêche qu’une brèche immense est ouverte et que les perspectives d’investissements étrangers sont énormes. Le marché iranien, fort de presque 80 millions d’habitants, a un très grand potentiel, il représente le dernier grand marché qui ne fait pas partie de l’Organisation Mondiale du Commerce. Les iraniens sont un peuple éduqué (plus de 93% des 15-40 ans sont alphabétisés) et avide de biens de consommation et de biens technologiques: le marché de l’internet est en train d’exploser et le nombre de souscription à un abonnement de téléphonie mobile dépasse le nombre d’habitants. Ce marché est solvable et présente de grands besoins en équipements et en projets d’infrastructures. Les coûts de production sont faibles. De plus le nouveau gouvernement affiche une grande motivation pour faciliter la privatisation de l’économie nationale ainsi que les procédures pour l’investissement étranger. Il y a de grands enjeux pour les intérêts français. Rappelons qu’avant les sanctions états-uniennes sur le secteur automobile iranien, Peugeot (PSA) fabriquait 400 000 voitures par an. Cela représentait le deuxième plus gros marché après la France pour la multinationale. Notons par ailleurs que les sanctions sur le secteur automobile ont largement cassé les opportunités françaises et avantagé les intérêts américains de Général Motors. Aussi Google et Apple comptent arriver massivement dans le pays. Les américains seront donc des concurrents de taille sur ce marché potentiellement émergent. Toutefois, s’il est avéré que les relations entre gouvernements français et iranien sont fluctuantes, les deux peuples se côtoient depuis le Moyen-Age et la France a accueilli de nombreux iraniens en exil. Ceci peut être un avantage de poids face au « Grand Satan » américain. Pour Behzad Azarsa, conseiller économique de l’ambassade iranienne à Paris, les français pourraient tirer profit de rapprochements dans les secteurs du tourisme, de l’agriculture, des technologies, de la construction et des transports. Selon lui « la prudence, en ce moment surtout, n’est pas nécessairement bonne conseillère » (voir sources). Les prochains investisseurs auront également à composer avec des concurrents asiatiques et russes.
Évaluation des risques géographiques et environnementaux :
Les risques sismiques et géologiques :
L’Iran se situe entre deux zones sismiques principales : la plaque iranienne est coincée entre la plaque arabique et la plaque eurasiatique. De ce fait le risque sismique en Iran est très élevé et encore plus à Téhéran. En 1990, un tremblement de Terre de magnitude 7.7 a fait plus de 45000 morts dans le Nord-Ouest du pays De plus les infrastructures ne sont pas forcément développées pour absorber un séisme de forte magnitude. En 2002 le chef du centre international de recherche sismographique alarmait les autorités iraniennes sur la probabilité de 65% qu’un séisme de forte magnitude se déclenche dans les dix prochaines années (à partir de 2002). Ce pourcentage augmenterait avec le temps.
Les risques sanitaires et épidémiques :
L’Iran n’est pas particulièrement dangereux d’un point de vue épidémiologique mais il faut être vigilant. Aucun vaccin n’est exigé pour séjourner en Iran il est néanmoins conseillé d’effectuer des vaccins contre la polio, la diphtérie, le tétanos, l’hépatite A et de se prémunir contre le paludisme si on séjourne dans certaines régions à risques. Il y a des risques de transmission du coronavirus. Il vaut mieux consommer des aliments cuits et des boissons en bouteilles hermétiquement fermées car l’eau est parfois non potable (aucun problèmes dans les grandes villes). D’un point de vue sanitaire il est important de préciser que les sanctions internationales ont entraîné une pénurie de beaucoup de médicaments.
Évaluation du hard power du pays :
Pouvoir militaire réel :
L’armée de terre iranienne comporte environ 350 000 hommes avec 60% de conscrits (service militaire de 18 mois obligatoire à 18 ans) et 1 600 véhicules blindés. Les forces aériennes font état d’environ 50 000 hommes avec 300 avions de combat (dont la moitié clouée au sol) et la marine iranienne est composée de 20 000 hommes avec entre autres 3 sous marins « Kilo » russes et quelques mini sous-marins efficaces dans les eaux peu profondes du Golfe persique.
Par manque d’informations vérifiables, les experts ne sont pas d’accord lorsqu’il s’agit d’évaluer les capacités militaires de l’Iran. Certains comme ceux de la Rand Corporation défendent l’idée que la République islamique constitue une menace modérée pour ses voisins en raison de ses faibles capacités de projection à l’extérieur. D’autres pensent que l’évaluation de la menace doit davantage se baser sur l’idéologie agressive du régime plutôt que sur ses moyens militaires réels. Quoi qu’il en soit il est avéré que la stratégie de défense de l’Iran est essentiellement défensive afin de protéger son territoire ainsi que son système politique. Cette stratégie est fondée sur trois axes. Le premier réside dans les forces conventionnelles iraniennes qui sont scindées entre l’armée classique et les gardiens de la Révolution islamique. L’armée iranienne a perdu de sa superbe par rapport à ce qu’elle était avant la Révolution. Ses équipements sont disparates et ses commandements, divisés entre les deux branches armées, entretiennent une rivalité, ce qui est un point faible. Le deuxième axe repose sur des forces populaires qui, dans le cadre d’une guerre asymétrique, pourraient infliger des dégâts importants rendant improbable le contrôle du territoire iranien par ses ennemis. Et enfin le dernier axe s’appuie sur les armes stratégiques iraniennes : missiles continentaux et potentiellement arme atomique. D’un point de vue matériel on dit de sa marine qu’elle a bonne réputation (efficace dans le harcèlement des pétroliers), en revanche cette appréciation n’est pas valable pour le reste de son armée. Seulement la moitié de ses matériels (char, artillerie lourde, hélicoptère de combat) serait opérationnelle. Sa force aérienne quant à elle est hétérogène et insuffisante pour assurer la défense d’un espace aussi vaste que le territoire iranien. On considère que l’Iran a des connaissances scientifiques avancées dans le domaine du nucléaire militaire mais les évènements récents limitent fortement la probabilité que le pays fasse l’acquisition prochaine de l’arme atomique. Ces connaissances scientifiques sont valables dans d’autres domaines et on parle souvent de l’ingéniosité des iraniens pour recycler leur matériel (voire leur matériel capturé) ou pour détourner les obstacles qui se dressent devant eux lors d’un conflit, cette compétence est donc à ranger du côté de ses atouts.
Poids du pays dans les institutions internationales :
L’Iran, ce pays culturellement et historiquement plurimillénaire, est réputé pour la qualité de son corps diplomatique. En revanche même si la situation évolue favorablement à l’heure actuelle on peut dire de la République islamique qu’elle est exclue (de par ses positions révolutionnaires) de l’ordre mondial occidental. Pour preuve elle ne fait même pas partie de l’Organisation Mondiale du Commerce. Malgré cela, force est de constater, que l’Iran est au centre de l’actualité internationale et que l’expression de son avis attire l’attention du monde entier. Sa contestation de l’ordre pan occidental lui donne paradoxalement une dimension diplomatique accrue. De plus ses mauvaises relations avec l’Occident ne l’empêche pas d’être en très bon terme avec la Chine et la Russie ou encore avec certains pays d’Amérique latine comme le Venezuela. Le pays n’est pas si isolé que ça et exerce une influence territoriale de l’Afghanistan jusqu’en Syrie en passant par l’Irak. En prenant la présidence tournante du sommet des non alignés en 2012, l’Iran a étendu son aura auprès des pays du Sud. In fine, bien que non conventionnel, le poids de l’Iran sur la scène internationale est important.
Technologie et innovation :
L’Iran a une longue histoire scientifique et les perses sont à l’origine d’importantes découvertes dans des domaines tels que la chimie, la médecine, l’optique qui ont grandement inspiré les scientifiques européens. L’Iran moderne est un pays très axé sur l’éducation et la formation et a l’ambition de redevenir une puissance scientifique comme par le passé. Le taux de ses publications scientifiques, le plus élevé du Moyen-Orient, a quadruplé durant la dernière décennie mais reste largement en retrait par rapport au nombre de publications des scientifiques américains ou chinois. L’Iran est un des pionniers de la transplantation, il a aussi développé son propre riz génétiquement modifié et est en train de construire le télescope le plus puissant de la région. C’est aussi le 3ème pays à réussir l’implantation d’un télescope miniature dans l’œil d’un patient pour améliorer ses troubles visuels causés par la dégénérescence maculaire liée à l’âge. L’Iran aspire à devenir le centre scientifique du monde musulman et investit réellement le domaine de la science mais les sanctions internationales viennent encore une fois limiter ses ambitions.
Évaluation du soft power du pays :
Le soft power d’un État est ce qui lui permet de convertir un autre État à adopter son point de vue de manière non coercitive avec l’aide de son modèle culturel ou de son économie rayonnante. Autrement dit c’est la capacité d’un État à se rendre attractif aux yeux des autres. Toutefois et c’est souvent le cas, les éléments qui forment le soft power peuvent échapper au contrôle de l’État en émanant directement de sa population ou de sa société civile.
Reconnaissance médiatique et culturelle et vecteurs d’influence :
L’Iran possède une reconnaissance culturelle très importante du fait de son histoire très riche et du rayonnement passé de l’Empire perse à travers le monde. C’est aussi le centre mondial de la religion musulmane chiite, de ce fait elle exerce une influence considérable sur les populations d’Irak et d’Azerbaïdjan mais aussi du Liban avec le Hezbollah. Ses positions politiques lui valent également une forte reconnaissance en Syrie et en Afghanistan. Les observateurs s’accordent à dire que l’Iran gagne du terrain dans la région. En matière de vecteur d’influence, on peut dire que le cinéma iranien est mondialement reconnu et beaucoup de films iraniens ont été nominés ou ont reçu des prix internationaux, bien que ces films soient souvent dissidents du régime. Aussi, certains membres issus de la diaspora iranienne sont célèbres pour leur réussite. C’est le cas de Pierre Myanmar, fondateur de Ebay et de Salar Kamangar, le CEO de youtube. En 2010 l’Iran a lancé sa chaine iFilm dans le monde arabe. Cette chaine présente sur le câble propose des films, reportages et documentaires à destination de 300 millions de téléspectateurs potentiels. En Janvier 2012 il a lancé Hispan TV à destination des pays hispanophones. Il est vrai cependant que l’Iran, en raison des manquements de son régime aux droits de l’homme, ne bénéficie pas d’une très bonne image auprès des occidentaux. Ces derniers sont plus au fait des « dérapages » gouvernementaux et moins éclairés sur sa culture, pourtant opulente.
Organisations non gouvernementales :
Les ONG internationales ont mauvaise presse en Iran et sont vues en général comme un outil d’ingérence au service des étrangers. Les ONG iraniennes se sont considérablement développées dans les années 2000 et on estime leur nombre entre 3000 et 8000 mais le gouvernement n’en a autorisé que 88. Ces ONG sont donc discrètes et agissent surtout dans l’humanitaire et dans les domaines où il est délicat d’agir pour une République islamique comme celui du SIDA par exemple. On ne peut pas dire que les ONG iraniennes brillent sur la scène internationale et celles qui sont actives à l’extérieur sont ironiquement appelées par les iraniens des « ONG gouvernementales » à cause de la main mise du gouvernement sur ces dernières.
Conclusion :
L’Iran est un pays potentiellement explosif aussi bien dans le sens positif du terme que dans le sens négatif. Il existe de réelles menaces à l’investissement mais d’un autre côté les bénéfices possibles sont énormes dans ce marché presque vierge de 80 millions d’habitants. Aussi les risques paraissent considérables de par leurs conséquences potentielles mais sont minimes de par leur probabilité d’éclore. Tout se joue dans l’issue des négociations actuelles sur le nucléaire iranien et sur les sanctions qui en découlent. La version la plus probable est aussi celle qui est la plus bénéfique économiquement. L’analyse des risques conclut que les chances que l’Iran et que l’Occident s’entendent et permettent au pays de retrouver une vraie croissance économique sont plus élevées que le contraire. Le rapport risque/opportunité apparait favorable à l’investissement, il faut toutefois être vigilant. La levée possible des sanctions peut aussi ne pas être suffisante pour redresser le pays et poser un gros problème au gouvernement actuel. Mais au final il y a une réelle opportunité à saisir. Les hommes d’affaires qui y réussiront le plus seront sans doute les moins prudents d’aujourd’hui même si les dangers existent. Il convient aux investisseurs futurs de toujours se tenir informés de l’évolution de la situation.
FORCES | FAIBLESSES |
– deuxième production pétrolière de l’OPEP (3ème réserve mondiale), deuxième réserve de gaz- bonne défense (défensive) militaire- pouvoir diplomatique et soft power important |
– dette extérieure très faible
– faibles coûts de production- sanctions internationales- instabilité régionale- économie trop centrée sur le pétrole
– pas de capacité militaire de projection
– présence de l’État dans l’économie (mais en voie d’amélioration)OPPORTUNITÉSMENACES– sanctions définitivement levées => reprise de la croissance et ouverture sur le monde du marché iranien de 79 millions d’habitants qui est très solvable- politiques économiques prises par le gouvernement actuel favorisant l’investissement étranger- partenariat irano-français très ancien
– situation géographique idéale pour s’attaquer aux marchés régionaux- allègement des sanctions réversibles ou éventuellement non suffisantes pour l’économie => instabilité politique interne- reprise du nucléaire militaire iranien => conflit international- guerre froide avec l’Arabie saoudite qui se réchauffe
– concurrence étrangère (américaine) sur le nouveau marché iranien potentiel
– séisme
– mauvaise image de la France pendant les négociations récentes
Sources :
Bibliographie :
ADELKHAH Fariba, Les paradoxes de l’Iran : idées reçues sur la République islamique, le Cavalier bleu, Paris, 2013, 240p.
BOZARSLAN Hamit, Sociologie politique du Moyen-Orient, La Découverte, Paris, 2011, 126p.
COVILLE Thierry, Iran la révolution invisible, La Découverte, Paris, 2007, 280p.
GHANNAD Hervé, Identité et politique extérieure de l’Iran, Studyrama, Paris, 2013, 365p.
HOURCADE Bernard, Géopolitique de l’Iran, Armand Collin, Paris, 2010, 296p.
Sitographie :
Ensemble de données chiffrées sur l’Iran: https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/ir.html
Sur l’IDH : http://hdrstats.undp.org/fr/pays/profils/IRN.html
Sur l’inflation : http://affaires.lapresse.ca/economie/international/201311/11/01-4709552-iran-le-fmi-pointe-linflation-elevee.php
Sur le soutien à Rohani : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/10/02/97001-20131002FILWWW00288-rohani-soutenu-par-le-parlement-iranien.php
Sur la rivalité Iran-Arabie saoudite : http://www.anneguion.ouvaton.org/spip.php?article90
Sur le Sistan-Balouchistan : http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/attentat-au-sistan-balouchistan-un-65882
Sur les intérêts français en Iran – interview de Behzad Azarsa : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/11/06/la-france-a-la-reconquete-du-marche-iranien_3509011_3218.html
Sur le risque sismique : http://www.comiteafi.net/index.php?option=com_content&task=view&id=438&Itemid=97
Sur les conditions sanitaires :
Sur l’Iran et le mouvement des non-alignés : http://www.lemonde.fr/international/article/2012/08/27/l-iran-tente-d-instrumentaliser-les-non-alignes_1751671_3210.html
Sur les technologies et innovations : http://fr.wikipedia.org/wiki/Science_et_technologie_en_Iran
Sur l’influence de l’Iran dans sa région : http://french.irib.ir/info/international/item/275404-l%E2%80%99influence-iranienne-grandit-dans-la-r%C3%A9gion,-celle-des-usa-se-r%C3%A9duit
Sur les ONG : http://www.grotius.fr/ong-medias-et-societe-civile-en-iran/
Soyez le premier à commenter