Introduction
Cet article fut originalement publié le 29 août 2013 dans Stratfor. Il se situe dans le cadre du conflit Syrien. Depuis février 2011, des révoltes populaires ont débutées en Syrie afin de renverser le régie de Bachar Al Assad. Néanmoins ce dernier a refusé de quitter le pouvoir et a mis en place une politique de répression radicale. Au 1er septembre 2010 près de 110 000 personnes sont mortes à la suite du conflit. La non renonciation du dirigeant à mené les grandes instances internationales à se saisir du dossier, tentant ainsi d’organiser des cesser le feu en vue de trouver un compromis. Toutes les tentatives de l’ONU ont échouées, laissant comme seule alternative une intervention armée des pays occidentaux. C’est à ce sujet qu’une discorde s’est installée parmi les pays siégeant au Conseil de Sécurité de l’ONU. La Russie, allié du régime, ainsi que la Chine rejettent la proposition d’intervention. Bien que la Chine s’y oppose, c’est bien la Russie qui pèse de tout son poids sur les négociations en réaffirmant ainsi sa stature de grande puissance. L’auteur analyse la place de la Russie dans la crise en Syrie et l’impact que ses prises de position peuvent avoir sur son statut sur celui des autres puissances en présence.
Traduction
La Russie a confortée son opposition à toute intervention militaire en Syrie au Conseil de Sécurité de l’ONU, néanmoins une intervention américaine pourrait en fait profiter à Moscou. Lors du Conseil de Sécurité du 28 août dernier, les représentants russes et chinois à l’ONU ont quitté le Conseil après qu’un représentant permanent américain Samantha Power appelle à une action immédiate en Syrie. Le Royaume Uni a également présenté l’esquisse de ce qui pourrait constituer une résolution au cinq membres permanents du Conseil de Sécurité – la Russie, le Royaume Uni, la Chine, les Etats-Unis et la France – et qui appelait à « autoriser toute les moyens nécessaires pour protéger les civils » en Syrie, y compris une opération militaire dans le pays.
Cela fait longtemps que la Russie utilise sa relation avec le régime syrien contre l’occident, en particulier contre les Etats-Unis. En dépit des avertissements de l’occident, Moscou a fourni des armes et des provisions aux forces armées syriennes depuis le début du conflit. L’objectif de la Russie a toujours été d’utiliser ses liens avec la Syrie pour empêcher l’occident de pénétrer des zones qui affecteraient véritablement la Russie, notamment lorsque cela implique d’ancien pays satellites.
Analyse
La position russe au Conseil de Sécurité consiste à refuser tout vote pour une option impliquant une intervention en Syrie sans même avoir vu le rapport des enquêteurs des Nations Unis concernant l’utilisation d’armes chimiques par le régime. Étant donné que les experts de l’ONU restent en Syrie jusqu’au 31 août, personne n’a encore eu connaissance des résultats de l’enquête. Le Ministre des Affaires Étrangères Russe Gennady Gatilov a d’ailleurs souligné « certains États sont déjà prêt à user de la force avant même que les experts de l’ONU n’aient rendu public leur enquête. Notre pays s’engage au respect des lois internationales. »
Les limites du soutien russe pour la Syrie
La Russie considère la Syrie comme une monnaie d’échange et non comme un pays qui affecterait ses intérêts premiers. Bien que la Russie soutienne le régime de Damas, son soutien ne s’étendra pas à un soutien militaire en cas d’intervention des forces occidentales. La Russie a des troupes présentes en Syrie au port de Tartus, mais elle ne souhaite pas risquer la vie de ses hommes pour défendre Damas. La Russie n’a pas non plus récemment démontrer une volonté quelconque de déplacer son armée ou son aviation, comme le S-300.
Avec l’éventualité de l’approche d’une intervention militaire américaine, si la Russie avait voulu faire monter le niveau de risque d’une opération américain, il serait alors trop tard, la fenêtre s’étant refermée. De plus, la Russie ne veut pas tenter de représailles armées en Syrie, comme elle l’a fait en 1999 au Kosovo, et risquer de passer pour un fou. Dans le conflit du Kosovo, les pays occidentaux ignorèrent l’opposition de la Russie à une intervention militaire et prirent des mesures avant un vote du Conseil de Sécurité de l’ONU. En représailles, la Russie avait déployé 200 troupes aéroportées dans la capitale du Kosovo, Pristina, pour parer à l’arriver des troupes de l’OTAN. Cependant, la France et l’Angleterre avaient limité l’accès à l’aéroport aux troupes russes, embarrassant ainsi Moscou. Il est bien entendu évident que la Russie de 1999 était bien plus faible qu’elle ne l’est aujourd’hui mais l’incertitude d’une tentative d’aide au régime syrien n’en vaut pas le prix pour Moscou.
En outre, la Russie peut se servir de la Syrie comme d’un levier avec l’occident, mais elle ne soutiendra pas le régime au point de rompre les relations avec ses principaux partenaires occidentaux tels que le Royaume Uni ou la France, qui ont rejoint le projet d’intervention. Les relations de Moscou avec Londres et Paris se sont considérablement améliorées ces derniers mois, s’inscrivant dans la thématique de l’énergie et d’accords économiques. À l’heure où les fissures de l’économie russe commencent à se manifester, la Russie ne risque pas de se couper de ses partenaires européens – particulièrement pas pour la situation en Syrie.
Le plan de la Russie
La Russie tente de tourner les choses en sa faveur par d’autres moyens. Tout d’abord, la campagne médiatique de Moscou est en plein essor. La Russie met en avant comme il serait effronté de la part des Etats-Unis d’intervenir militairement sans un soutien du Conseil de Sécurité ou avant que l’enquête menée par les Nations Unis ne soit achevée. D’après le Premier Ministre Dimitri Rogozin, les Etats Unis agissent comme s’il s’agissait d’un « singe avec une grenade à la main. » À leur tour, les russes prennent eux-aussi une posture tout autant pragmatique lorsque l’on en vient �� la Syrie. La Russie continuera sur cette lancée jusqu’au prochain sommet du G-20 la semaine prochaine à St Petersburg, auquel participera le président américain Barack Obama. Une autre raison un tel engagement diplomatique de la part de la Russie est qu’elle souhaite s’assurer que tous les chefs d’État assisteront à ce sommet.
Dans les faits, la Russie profiterait d’une situation dans laquelle les Etats-Unis seraient à nouveau embourbés dans une nouvelle intervention militaire impopulaire au Moyen Orient. Combien même ils utiliseraient des moyens limités et effectueraient une intervention éclair, les Etats-Unis auraient beaucoup de difficultés à gérer une situation d’après guerre et les ramifications de cette intervention à travers la région. La Russie a user des précédentes opportunités, lorsque les Etats Unis étaient embourbés en Irak et en Afghanistan, pour se renforcer et réaffirmer son influence sur sa région. La réémergence de la Russie se poursuit encore dans les pays anciens pays soviétiques et en Europe. Si Washington continue de s’occuper de se qui se passe dans le monde arabe, cela laisse suffisamment de temps et de place à la Russie pour œuvrer à ces intérêts.
Néanmoins, une intervention en Syrie présenterait une occasion pour Moscou et Washington de travailler ensemble après l’intervention, permettant ainsi d’améliorer les relations après le récent différent. Les Etats Unis ont laissé entendre que même s’ils interviennent, leur objectif n’est pas la chute du régime. La Russie entretient des relations étroites avec de nombreux membres et peut être dans une position où elle pourrait négocier une solution diplomatique pour extirper Bashar Al Assad de cette situation.
Pour les Etats-Unis et la Russie, les tensions n’ont fait que s’exacerbées ces derniers mois à la suite d’une série d’évènements, y compris la décision russe d’accorder l’asile politique à Edward Snowden, la résurgence de la Russie en Europe et leurs vues respectives sur le problème syrien. Bien qu’il soit évident que les relations entre les deux puissances empireraient si les Etats-Unis décidaient de passer outre l’opposition russe en lançant une intervention militaire en Syrie, cela aurait le mérite de retirer un désaccord majeur de long terme de la table et de leur offrir une opportunité de travailler ensemble. Une fois encore, de telles opportunités vont et viennent dans le temps sans pour autant qu’un des deux n’accepte à franchir le pas.
Commentaire & Critique
Cet article a pour avantage de mettre en perspective la crise internationale actuelle. À travers les divers exemples de conflits diplomatiques à l’ONU, on peut s’apercevoir que les Occidentaux ont en fait œuvrer dans l’intérêt de la Russie. Ils ont inconsciemment créés plusieurs cas de jurisprudence qui permettent des marges de manœuvre plus grandes (cas du Kosovo pour la Géorgie). Ils ont également permis à Poutine de placer ses pièces sur le jeu, de telle sorte qu’il puisse renforcer sa crédibilité. L’intervention au Kosovo avant que les enquêteurs de l’ONU n’aient donné leurs résultat ou encore l’intervention en Irak sous prétexte « d’armes de destruction massives » ont grandement joué en sa faveur. Si la Russie a dû faire face à échecs lors des précédents conflits, elle se retrouve aujourd’hui munie des arguments nécessaires pour crédibiliser son discours face à l’opinion publique. Sa crédibilité a été d’autant plus renforcée qu’un membre de la commission d’enquête indépendante de l’ONU chargée d’enquêter en Syrie – Carla del Ponte – a annoncé à la presse que des témoignages avancent que ce sont les rebelles qui auraient utilisés des armes chimiques et qu’aucun témoignage ne concerne le régime.
Une critique et extension qui semble évidente à cet article est : qu’adviendra-t-il de la Syrie si Bachar Al Assad reste au pouvoir ? En effet, bien qu’il soit dans l’intérêt de la Russie que le régime reste en place, aucune solution n’est proposée. Si le bilan humain s’alourdit, il portera inévitablement sur la crédibilité de la Russie et son rôle dans le « massacre ». Cela pourrait constituer un retournement de situation pour la Russie. Aussi, il serait intéressant de se pencher sur l’impact de la position russe sur la future Union Eurasienne. Comme on a pu le voir, la Russie a le mérite d’être un allier fiable. Est-ce que cela va jouer en sa faveur pour que des pays se joignent à elle ?
Sources
Article original: Russia’s View on the Possible Syria Intervention, dans Stratfor, 29 aout 2013.
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