La mafia chinoise, entre « tradition » et « conformisme mafieux »

Introduction

La mafia chinoise est constituée de deux groupes très séparés. D’un côté, ce sont les triades, c’est-à-dire des organisations à l’origine nationalistes, des organisations secrètes, qui remontent au Moyen-âge. Elles sont une cinquantaine, elles sont basées principalement en Chine mais En 1949, les communistes les déclarent hors-la-loi. Elles fuient alors la Chine populaire pour s’installer à Hong Kong, Macao ou Taïwan. Dès lors, ces sociétés ne sont plus qu’un pâle reflet de leur illustre passé. Toute leur activité se centre alors autour du crime organisé. Il faut savoir que parmi ces cinquante, il y en a sept qui ressortent et qui ont une vocation internationale. Et puis, de l’autre côté des triades, ce sont les gangs nouveaux de la Chine continentale, la mafia.

I. Les triades et leurs origines : Des organisations de traditions anciennes

1) Histoire et apparition des triades

La Triade originelle était une société secrète née de l’opposition à la dynastie Mandchoue des Qing à la fin du XVIIe siècle. Ses fondateurs auraient été des moines du monastère de Shaolin, où le kung-fu a été inventé et enseigné. Société patriote, elle voulait restaurer l’ancienne dynastie Ming. Pour ce faire, elle a soutenu pendant des siècles de nombreuses révoltes contre les usurpateurs mandchous. Ces membres possédaient un langage codé, des signes de reconnaissance et pratiquaient des disciplines de combat tenues secrètes.

D’où vient le mot Triade ?
En Chine, Triade signifie société du Ciel et de la Terre (Tiandihui) ou encore, société des Trois Unions (Sanhehui) représentées par un triangle symbolisant l’homme qui assure la liaison entre le ciel et la Terre.
La première triade remonterait à 1644, à l’époque où la dynastie des Ming s’efface devant la dynastie Mandchoue. Un groupe de 108 moines bouddhistes dirige alors une révolte anti mandchoue dans le sud-est du pays. Ce que l’on appelle aujourd’hui les « triades chinoises », seraient donc les héritières de ces sociétés secrètes, groupes de guerriers constitués à l’origine pour résister aux Mandchous.
Au XIXe siècle, les sociétés secrètes chinoises étaient à la fois syndicats, sociétés d’entraide, organisations politiques, groupes économiques, etc.
Les sociétés secrètes fonctionnaient donc comme des syndicats souvent contrôlés par des patrons. Celui qui refusait de devenir membre ne pouvait guère espérer trouver un emploi dans les mines d’étain du sud de la Thaïlande ou les moulins à riz de Bangkok. Elles faisaient également office de société d’assurance et d’entraide pour leurs membres. Elles pouvaient honorer les frais d’un procès devant un tribunal, veillaient à ce que les membres emprisonnés reçoivent un traitement décent, s’occupaient d’eux en cas de maladie et de leur dépouille en cas de décès.
Les triades auront aussi, très tôt, une dimension politique. Le premier président de la République de Chine, Sun Yat-sen, était lui-même un responsable de la sécurité et de la discipline, de la triade des Trois-Harmonies.
La dimension économique des sociétés secrètes connaissait des formes très diverses mais était bien réelle. Les leaders des triades subvenaient aux besoins des travailleurs immigrés chinois, tels que les jeux, les alcools, l’opium et les prostituées… Ces commerces étaient alors légaux mais lourdement imposés.
Pour conclure sur le point historique des triades, il faut bien préciser que Les Triades ne sont pas organisées de la même manière que les familles historiques comme la mafia. Elles agissent au travers de groupes individuels qui opèrent indépendamment mais ils sont capables de collaborer entre eux. Elles sont surtout présentes dans le trafic de drogue, la prostitution, le racket, les piratages audio ou vidéo, la contrebande d’armes et l’immigration clandestine. Loin d’être des organisations criminelles, les triades sont d’abord des sociétés secrètes qui utilisent de façon symbolique drapeaux et emblèmes triangulaires. C’est seulement à la fin du XIXème siècle que l’orientation criminelle de ces sociétés s’amorce.

 

2) Les triades et leur organisation

a) Organisation traditionnelle des triades

L’organisation traditionnelle d’une triade prend la forme d’un triangle, d’une hiérarchie pyramidale :
–  A la base se trouvent les soldats. Leur rôle est d’exécuter les ordres. Ils s’occupent de l’aspect criminel.
–  Ensuite on trouve le comité d’officiers qui forme le niveau supérieur et coordonne les activités.
–  Au sommet, trône le chef « tête de dragon ».

Il faut savoir que tous ces grades portent des numéros et que ces derniers commencent tous par le chiffre 4. (Ce chiffre étant porte bonheur en Chine, c’est un fort symbole numéraire pour eux).
La triade est une organisation qui tient une place importante en chine car elle a pu subsister jusqu’à présent. Elle survit dans la clandestinité grâce à des traditions rituelles qui se transmettent de siècle en siècle :
Les chiffres ne sont pas seuls à cacher les mystères des triades. Leurs membres usent d’un langage codé de reconnaissance mutuelle, au sein du groupe comme à l’extérieur.
Les gestes de la vie quotidienne donnent aussi des indications : la façon de tenir une ombrelle, des baguettes pour manger, de fumer, permet de reconnaître, selon un code visuel préétabli s’il on appartient à une triade ou non.
Ainsi, offrir une pipe en la tenant entre le pouce et l’index, des deux mains, les pouces tournés vers le haut, indique l’appartenance à la Triade. De même que refuser un bol de riz, si votre hôte vous l’offre, en posant les baguettes sur la paume des mains, les doigts étendus. Est un signe d’appartenance. Les triades ont également un proverbe intéressant : « C’est dans le danger qu’on reconnaît ses amis ».
Le langage parlé est aussi codé : “naître”, tout comme dans la franc-maçonnerie occidentale, signifie entrer en loge, c’est-à-dire prendre part à « l’association ». “Ouvrir une colline” revient à organiser une réunion. De plus, les archives internes de la Triade s’appellent le livre du fonds des mers.
Le “courant d’air” est la police. Les “balayeurs” sont des tuteurs. Ils sont chargés de “laver les oreilles” à des indiscrets ou des frères félons, c’est à dire de les tuer.

Ce vocabulaire spécial est passé dans l’argot des gangs de Hong Kong, d’Amsterdam, de San Francisco ou de Paris. Leur signification a évolué mais il reste encore très présent, c’est une marque non seulement de puissance du fait de son étendu mais également d’organisation pointilleuse qui vise à maintenir le secret, la discrétion et la confidentialité des triades à travers le monde.
Ainsi, “manger des canards” faisait référence au pillage des bateaux depuis les temps où les bandits chinois se faisaient pirates. Mais aujourd’hui, la même phrase signifie “attaquer une banque”. Les codes de langages évoluent donc avec le temps, la façon d’entreprendre et les enjeux changeant à travers le monde.
Certains signes de reconnaissances sont graphiques, tels les tatouages, sans être toutefois généralisés comme chez les Yakuza japonais.
Ces signes sont directement reliés au rituel d’intronisation qui a été préservé dans de nombreuses triades rayonnant à partir de Hongkong. Les frères initiés prononcent un serment qui se décline en trente six promesses, dans la loge de la Cité des Saules.
Ne pas respectez ces serments expose aux pires tourments : “Votre corps sera découpé en morceaux”; “puissiez vous mourir par la morsure du tigre ou du serpent”; “le dieu tonnerre vous exterminera”.
Un serment en particulier donne la tonalité de l’œuvre de la Triade, même si elle se livre à des actions criminelles au regard des lois impériales : “Jurez de ne pas opprimer les faibles par la force, ni les pauvres par la fortune, ni le petit nombre par la multitude”.

b) L’implantation des triades à travers le monde

Voici les différentes institutions qui se répandent à travers le monde, où elles se répandent en particulier, et quelles actions elles entreprennent.

–        Sun Tee On (” Vertu Nouvelle et Paix “)

La plus connue et sans doute l’organisation destructrice la mieux organisée du monde. On estime ses effectifs à 60 000 membres dans le monde et 45 000 à Hong Kong, où elle est sans doute la Triade la plus importante.
Elle est implantée en Australie, à Macao, en Thaïlande, au Vietnam, au Canada, en République Dominicaine et aux USA (Atlantic City, Boston, Los Angeles, Miami, New York, Philadelphie, Portland et San Francisco)

–        Le 14K :

Elle résulte de l’unification des Triades du Sud-est de la Chine en 1947 par le chef du Service de Renseignements militaire nationaliste, le général Kot Siu Wong. Elle s’installe à Canton, au siège de la Triade Hung Mun, 14 route Po Wah. Le 14 devient ainsi la désignation de la nouvelle Triade. Dès 1949 elle s’établit à Hong Kong où elle est l’une des plus importantes Triades.
Elle est implantée en Australie, au Canada, en Chine Populaire, aux Etats-Unis (Boston, Chicago, Houston, Los Angeles, New York), en Grande-Bretagne, à Macao, aux Pays-Bas, à Taiwan, aux Philippines, au Japon.

–        Fédération Wo :

Triade créée en 1908 à Hong Kong elle y est essentiellement présente à Kowloon et dans les New Territories. Ses effectifs se monteraient à 28 000 membres.
Elle est implantée au Canada, en Chine Populaire, aux Etats-Unis (Boston, Los Angeles, Portland, San Francisco) et à Taïwan.

–        Bambou Uni (Chuk Luen Bong) :

Triade créée en 1956 à Taiwan. Elle est composée de 13 clans, chacun spécialisé dans une forme de criminalité. Elle compterait entre 10 000 et 20 000 membres. Elle est active dans les secteurs de la construction, du recouvrement de dettes, de l’usure, des services de gardiennage et des ” salons de massage “.
Elle est implantée au Canada, au Japon, aux Etats-Unis (Atlantic City, Chicago, Denver, Honolulu, Los Angeles, Miami, New York, Phœnix, San Francisco).

–        Bande des 4 Mers :

Triade implantée à Taiwan, qui compterait entre 2 000 et 5 000 membres. Elle est active dans les mêmes domaines que la Bambou Uni, mais s’axe, elle, plus particulièrement sur le recouvrement de dettes.

–        Tian Dao Man

Triade implantée à Taïwan. Elle compte quelques centaines de membres et est spécialisée dans le secteur de la construction principalement mais dans une moindre mesure que ces concurrentes du fait de sa taille.

–        Grand Cercle

Triade basée en Chine Populaire, spécialisée dans de trafic de l’immigration illégale, elle a des ramifications au Canada et aux Etats-Unis.

Comme on a pu le voir à travers ces quelques exemples, les triades sont des organisations importantes qui peuvent compter jusqu’à plus de 50.000 personnes et qui ont par conséquent une influence importante et surtout un pouvoir « gigantesque » à travers le monde entier et pas seulement en Chine, c’est ce qui en fait sa principale « force » s’il on peut dire. En effet, la loi sur l’immigration et la naturalisation des exilés chinois adoptée par les Etats-Unis en 1965 stimule l’afflux en provenance de Hong Kong et de Taïwan et permettra aux Triades de s’implanter solidement sur le continent américain.
Cependant, en 1949 les communistes les déclarent hors-la-loi. Elles fuient alors la Chine populaire pour s’installer à Hong Kong, Macao ou Taiwan. Dès lors, ces sociétés ne sont plus qu’un pâle reflet de leur glorieux passé. Toute leur activité se centre alors autourdu crime organisé.

C’est donc au cours du siècle dernier qu’elles ont développé des activités criminelles, se répandant rapidement dans tout l’empire et se transformant en organisations pratiquant les trafics les plus divers.

 

II. La mafia Chinoise de nos jours : une puissance exercée différemment des triades originelles mais toujours très importante

1)    Evolution des sociétés secrètes à partir du XIXème siècle

Au fil des ans, la plupart des activités auparavant prises en charge par la société secrète se dissocièrent de cette organisation totalisante pour s’autonomiser en autant d’organisations séparées.
Une analyse approfondie de l’histoire de certaines institutions (sociétés d’entraide, hôpitaux, clubs, partis politiques, sectes, etc.) montre qu’elles sont gérées à leur origine par des leaders de sociétés secrètes. Le cas le mieux connu aujourd’hui de leader de triade est celui de Yi Ko Hong : Fermier des jeux à Bangkok au début du 20e siècle, il reçut le Dr. Sun Yat Sen lors de sa tournée siamoise de 1908 et fut un des fondateurs de la Fondation caritative Po Tek Tung, en 1908 (laquelle gère aujourd’hui un des meilleurs hôpitaux du pays).
Aujourd’hui, la structure des triades basées à Hong Kong ou Taïwan et de leurs loges en Europe est assez rudimentaire. Mais il reste des fonctions bien définies de son organisation d’origine :
– Le grand maitre y a toujours pour titre « tête de dragon » ou « maître de la montagne ».
– Le “Maitre de L’encens” dirige les rituels de la cérémonie secrète.
– Le “Patrouilleur du vent” l’assiste après avoir enquêté sur les membres possibles de la Triade.
– L'”éventail de papier blanc ” est un commissaire aux comptes qui contrôle les finances.
– Les “sandales de Paille” établissent les liaisons secrètes (de nos jours ils fournissent aussi les faux papiers).
– Le “Bâton rouge” est exécuteur et juge de paix; il fait régner la discipline. Une sorte de forgeron, la “Planche de fer”, est devenu de nos jours l’armurier de la Triade.
– Au bas de l’échelle, se trouvent de simples adhérents ainsi que les “Lanternes bleues”, les postulants.

Les triades sont au cœur du trafic de drogue en provenance du Triangle d’or. Cette région, située à cheval sur le Laos, la Thaïlande et la Birmanie, produit chaque année la moitié du volume mondial d’opium et de ses dérivés dont principalement l’héroïne.

Annexe 1 

Le triangle d’or est cette région au très fort enjeu en ce qui concerne le trafic de drogue située à la frontière entre le Laos, la Thaïlande (en jaune) et la Birmanie (Myanmar). 
De plus, Le rattachement de Hong Kong à la Chine en 1997 a soulevé quelques inquiétudes chez les dirigeants mafieux. Cependant, le gouvernement chinois témoigne d’une étrange clémence à l’égard des triades. Ces groupes très riches réinvestissent une large part de leur argent sale sous forme d’investissements en Chine. Ainsi, le ministre de la Sécurité publique chinois d’alors, Tao Siju, a déclaré en 1995 que « les membres des triades ne sont pas tous des gangsters. S’ils sont de bons patriotes, s’ils assurent la prospérité de Hong Kong, nous devons les respecter. » Il a même affirmé que « le gouvernement chinois est heureux de s’unir à eux. »

L’impact au niveau mondial de cette organisation :
On peut donner trois exemples importants, puisqu’ils sont présents en France, en Hollande, en Belgique, c’est d’abord la 14K, qui est une organisation nationaliste, d’origine liée à Tchang Kaï Check, qui donc est celle qui a été la plus importante comme pourvoyeuse d’héroïne en France pendant 25 ans. Il y en a une autre qui est grande, c’est la Sun Yee On, c’est-à-dire c’est une triade qui est axée sur une ethnie particulière, les Xuzhou, et qui contrôle tout le cinéma asiatique dans son ensemble. Troisième exemple, un nouveau gang qui s’appelle Le Grand Cercle, qui est composé d’anciens gardes rouges, d’anciens commandos des forces spéciales de l’armée populaire de libération, qui s’est criminalisé. Très, très efficace pour ce qui est du trafic des fausses cartes de crédit, les cartes bleues, cartes Visa, etc.
Très organisées, riches, et bénéficiant de solides réseaux au sein de la diaspora, les triades donnent du fil à retordre aux polices européennes. En France, le nombre de ses membres est ainsi très difficile à évaluer: Il y a 40 000 membres de la province des Wenzhou qui sont pour l’instant en Île-de-France. C’est une estimation qui est faite par les Renseignements Généraux français, ceci dit, on sait que ça évolue tout le temps, parce qu’il y a une forte mobilité de ces clandestins, et tout se passe très vite. Une enquête a également été faite à Prague et à Bratislava, où on s’est rendu compte que c’était en quelques sortes le barrage de l’arrivée des mafias chinoises et des clandestins qui étaient amenés par elles, dans l’espace Schengen.
Un exemple encore de ce business, l’arrestation de sept asiatiques dans le port d’Anvers, en 1984. Les policiers belges ont alors la surprise de découvrir 18 kilos d’héroïne dans des boîtes de Rambutan, des conserves de fruits exotiques venues de Malaisie, preuve que les triades sont implantées partout. Mais aujourd’hui, les commerçants de la diaspora commencent à être fatigués de la loi du silence, et de plus en plus portent plainte.
Voici d’ailleurs un témoignage sorti d’un ouvrage intéressant : « La Mafia Chinoise » par Roger Faligot qui nous fait part de la chose suivante :
” Le racket, les kidnappings, il y a un kidnapping par semaine à Paris actuellement, organisé par la mafia chinoise, et ce sont les Chinois qui sont eux-mêmes victimes. Et c’est la raison pour laquelle, depuis deux ans maintenant, à Londres, à Amsterdam, ou à Paris, de plus en plus de commerçants chinois, de plus en plus de gens disent ‘On en a assez, on va prévenir la police, ou des travailleurs sociaux, ou des gens qui peuvent intervenir pour nous empêcher d’être victimes de cette mafia.’ Et je pense que c’est là que la voie salutaire d’intégration est possible, c’est à partir du moment où cette mafia va être rejetée par la population chinoise en premier lieu. “
Ces propos montrent une certaine limite au pouvoir des triades chinoises du fait du « raz le bol » de sa diaspora, cependant, même si ces derniers déposent plainte, l’efficacité de celle-ci et l’impact sur les triades reste encore à prouver tellement leur pouvoir est important …

Il faut aussi savoir que la triade chinoise actuelle s’est inspirée de l’histoire de la Chine pour intégrer un principe traditionnel, celui des « bandits de grand chemin » qui prennent aux riches pour donner aux pauvres. C’est parce que cette triade est la plus célèbre des sociétés secrètes, qu’à l’étranger elle est devenue un nom commun des employés pour désigner l’ensemble des sociétés puis des groupes mafieux.

Selon une tradition plus récente, la Triade s’est répartie en cinq grandes loges à travers la chine :
–  1re loge : Province de Fujian et Jiangxi
–  2e loge : Province de Guangdong et Guangxi
–  3e loge : Province de Yunnan et Sichuan
–  4e loge : Province de Henan et Hebei
–  5e loge : Province de Zhejiang et Jiangsu

Annexe 2

On pourra voir à l’aide de la carte (soulignement en gras-noir des loges dans lesquelles se situes les principales organisations) que les triades sont principalement situées sur la côte est de la Chine, c’est-à-dire près des ports, des principaux lieux d’échange et d’ouverture sur le monde et où le développement économique est le plus important.

La 2e loge (Province de Guangdong et Guangxi) donnera naissance aux triades de Hongkong au début du 19e siècle.

Les sept grandes organisations chinoises opèrent selon une division du travail, et chacune tente d’implanter une filiale ou une antenne dans chaque pays.
Elles se contentent parfois d’établir une relation de confiance et de travail avec d’autres groupes organisés de la criminalité asiatique, voire avec des gangs d’autres pays.  Quand on parle de mafia chinoise, il faut comptabiliser ces 7 triades dominantes, de plus petites organisations de tradition anciennes, et les nouveaux gangs qui apparaissent en Chine populaire ainsi que dans le reste du monde.
Cette mafia s’inscrit dans une nébuleuse plus vaste, à l’échelle planétaire.

Les polices américaines tracent la carte des mafias autour de cinq grands groupes mafieux sur cette planète, surnommée “The Big Five”:
– 
 Les groupes Italiens, à qui l’on doit le terme initial de “mafia” : la Cosa Nostra (Sicile et Etats-Unis), et ceux de la boîte italienne : la N’Drangheta (Calabre), la Camorra (Naples et Campanie) et la Sacra Corona Unita (Pouilles).

–  La mafia chinoise : les triades appelées aussi Tongs aux Etats-Unis, et les autres gangs récents.
– Les Boryokudan ou yakuzas japonais.
– Les Cartels de la drogue d’Amérique latine, de Colombie, de Mexique.
– Les organisations d’Europe orientale, à commencer par les mafias russes et ukrainiennes.

On trouve un nombre croissant des activités des “7 Triades ” en Belgique, en France, En Allemagne, en Angleterre, en Hollande, en Espagne, en Italie …
De nouveaux gangs européens tels le Soleil Rouge, organisent avec leurs “têtes de serpent” (shetou) des filières d’immigrés clandestins telles que celle qui s’est illustrée avec la mort de 58 Chinois de Douvres.

La grande « Originalité » des mafias chinoises réside en ceci : elles se livrent à la quasi-totalité des activités criminelles inventées par les hommes et agissent dans presque tous les pays du Monde, en s’appuyant sur la vaste Diaspora des chinois d’outre mer et des personnes d’origine chinoise à l’étranger.
Les Triades existent partout où il y a une communauté chinoise. Historiquement, cela a été le cas depuis trois mille ans.
Le crime organisé d’origine chinoise a coiffé au poteau les autres mafias, par la diversité de ses activités et par la globalisation de son implantation. Cela s’est passé en dix ans. Durant les cinq dernières années du 20e siècle, on a pu assister à une nouvelle poussée importante qui s’est affirmé en Europe.
Les 7 triades ont vu émerger sur leurs flancs de nouveaux gangs difficiles à contrôler, mais qu’elles essaient soit de fédérer, soit de détruire.
Cette apparition est directement liée aux modifications économiques et démographiques de la Chine, et agit par conséquent sur les communautés migrantes de souche asiatique dans le reste du monde d’où la puissance de cette organisation secrète.
Il faut savoir que la présence de la mafia traditionnelle chinoise est moins pesante, en apparence, en France et en Allemagne qu’en Grande Bretagne ou en Hollande, mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, la criminalité d’origine chinoise a considérablement augmenté à Paris et en Provence, à l’image de ce qui s’est passé à l’échelle Européenne.
La percée des gangs est la plus spectaculaire sur la rive de la Méditerranée. La présence des triades comme Le Grand cercle ou la 14K a été constante pour ce qui concerne le trafic de stupéfiants, la prostitution, les falsifications de cartes de crédit, les extorsions de fond…D’autres triades et divers gangs sont puissamment représentés dans d’autres pays d’Europe.

Annexe 3 

Mais, une opposition réelle existe entre certaines triades. Avec une sincère volonté de s’intégrer dans la société française, une grande partie de la communauté de souche chinoise a commencé à demander aux autorités de les protéger contre les nouveaux gangs qui prolifèrent et les rackettent. La découverte d’officine de blanchiment d’argent, dans lesquelles des commerçants font transférer des fonds en Chine contrairement à la législation, en porte témoignage.
Cependant, l’emploi dans les ateliers clandestins ou les restaurants d’immigrants clandestins, sous-payés, maltraités, soumis à des conditions d’hygiène insalubres, témoigne d’une acceptation par la diaspora du sort fait à toute une partie de la population.
On sent donc bien ici la difficulté entre appartenance à la diaspora chinoise et acceptation des mafias. Il est difficile pour le peuple chinois d’accepter la domination mafieuse mais pour autant une rébellion est impossible …
De plus ce type de mafia n’hésite pas à s’allier avec d’autres groupes mafieux d’Europe Orientale, obtenant parfois grâce à eux la bienveillance de certains secteurs des services de la sécurité corrompus, en Russie, en Serbie, en Albanie …
Les grands sites de transit d’immigrés, cogérés par les chinois et les russes du coté du lac de Baïkal, ou de Moscou, en témoignent. Elle pactise aussi avec des groupes résidant dans l’espace de Schengen, telle la mafia italienne ou sicilienne, ou au contraire d’organisations étrangères, mais qui cherchent à intensifier leur trafics en Europe : les Nigérians, les gangs vietnamiens, les Yakuza nippons, les Kurdes, les cartels de Colombie…
Des intérêts croisés de ces mafias posent des difficultés aux enquêteurs pour identifier leur rôle. Des inversions de tendance se manifestent au tournant du siècle. Ainsi on a pu croire que les triades de Hongkong avaient ralenti, sinon cessé, leur trafic d’héroïne vers l’Europe, à la faveur du boom de l’opium en provenance de l’Afghanistan des Talibans.
Cependant, les photographies des satellites SPOT, puis HELIOS, et des moyens de reconnaissance américains, indiquent que la culture du pavot continue de façon importante dans le triangle d’or, alors que s’y développe de surcroît des laboratoires de production d’amphétamines, tel le “ya ba”, la drogue qui rend fou.
En conséquence, à partir de mars 2000, la police française a réalisé pas moins de quinze affaires d’héroïnes dont les commanditaires sont bien les triades. De plus elle a pu reconstituer le parcours de blanchiment d’argent qu’effectuent les triades chinoises en France.

Annexe 4

 

2)    Les triades chinoises actuelles : quelques exemples

Aujourd’hui, les sept grandes triades, organisations transnationales issues de Hong-Kong, Macao et Taïwan, représentent la première puissance criminelle au monde. Elles sont partout. Leur mode d’organisation ne délaisse aucune activité humaine liée au crime : La mafia chinoise passe volontiers des accords avec ses homologues régionaux, créant une étonnante division du « travail criminel » à l’échelon planétaire. Ainsi selon Jean Baffie, la « Cosa Nostra », et ses cousines italiennes se sont aujourd’hui recyclées dans des activités moins dangereuses pénalement. Tout ce qui oblige à se salir les mains et à prendre des risques est sous-traité aux Chinois qui, eux-mêmes, tiennent sous leur coupe des ressortissants albanais ou africains.
Les Triades sont impliquées dans toutes sortes d’activités illicites : extorsion de fonds, trafic de drogue, prostitution, immigration illégale et jeux. Elles opèrent au travers des larges canaux de l’immigration chinoise et ont établi des réseaux aux Etats-Unis et au Canada. Leurs activités s’étendent aussi à l’Europe occidentale : elles opèrent à présent à Amsterdam, à Londres et en Espagne.

            Le cas de l’AFRIQUE

Les triades chinoises ont fortement investi le trafic d’ivoire et celui de la corne de rhinocéros. L’Afrique australe accueille aussi une grande variété d’activités de trafic d’êtres humains, des opérations internationales des triades chinoises au commerce transfrontalier de personnes aux mains de syndicats locaux du crime.
De plus il faut savoir qu’en Afrique les Triades chinoises sont beaucoup moins surveillées qu’en Europe ou en Amérique, elles sont beaucoup plus libres pour opérer et sont moins « ennuyées » pénalement quant à leur trafic multiples.

            Le cas de Macao

A Macao, les casinos génèrent quelque deux milliards de dollars et constituent les premières ressources de l’enclave. Le monopole des casinos est revendiqué par le plus célèbre des représentants des triades de Macao, Wan Kuok-koi qui se vantait en 1999 de disposer sous ses ordres d’environ 10 000 hommes. Ils sont donc la cible privilégiée du crime organisé. L’enclave est régulièrement secouée de crimes crapuleux, meurtres de chefs de gangs, tentatives d’assassinats de divers responsables de l’administration locale. En 1996, la police hongkongaise, à la demande de Pékin, avait lancé une vaste opération de nettoyage de la colonie britannique.

 

 

Conclusion

Dès le milieu du XIXe siècle, certains de ses membres avaient rompu avec l’idéal des origines et pratiquaient une violence gratuite au service de leurs seuls intérêts. Des loges de la Triade originelle sont ainsi devenues des gangs de voleurs et d’assassins.
Lointaines héritières des sociétés secrètes de la fin du XVIIe siècle, les triades chinoises forment aujourd’hui une mafia puissante qui n’a plus aucun rapport avec la Triade originelle.
Réputées l’une des mafias les plus dangereuses au monde, les triades chinoises représentent une menace très importante pour la sécurité. Trafic de stupéfiants, racket, prêts usuraires, immigration clandestine, contrefaçon, piratage de produits audiovisuels, falsification de cartes de crédit, réseaux de prostitution : pour ces sociétés secrètes criminelles, tous les moyens sont « bons » pour gagner de l’argent. Elles n’hésitent d’ailleurs pas à utiliser une extrême violence pour arriver à leurs fins.

 

 

ANNEXES

Annexe 1

annexe 1 mafia

Annexe 2
annexe 2 mafia

Annexe 3
annexe 3 mafia

Annexe 4
annexe 4 mafia

3 thoughts on “La mafia chinoise, entre « tradition » et « conformisme mafieux »

  1. En Asie de l’Est le chiffre 4 ne porte pas bonheur mais est un symbole de mort ce qui expliquerait peut être pourquoi la triade l’utilise. Cet article est très intéressant.

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