TRADUCTION (Par Camille Rajon)
“Family planning program in Senegal drawn into conflict with religious leaders”.
By Allyn Gaestel, Published March 15
1- La présentation du journal.
Le Washington Post est un journal américain dont le siège est bien sûr situé à Washington. Ce journal généraliste était de centre-gauche jusqu’à la mort de sa propriétaire. Katharine Graham. Depuis la reprise de la direction par son fils Donald E. Graham, la tendance politique est de centre-droit mais la ligne éditorialiste reste centriste. Le Post s’est fait connaitre dès les années 1930, avec sa ligne éditorialiste mais aussi la politique commerciale qui avait été mise en place par le directeur de l’époque Eugène Meyer. A partir de 1880 déjà, il était le premier quotidien à paraitre 7 jours sur 7 et à garantir son l’indépendance du journal grâce à la nomination d’un médiateur dès 1970. Depuis sa fondation en 1877, sa capacité d’adaptation et d’évolution lui a permis de devenir l’un des journaux les plus influents au monde. Le Washington Post est considéré comme un grand journal d’investigation. Il a marqué l’histoire en 1971, lorsque sa rédaction a publié des extraits des Pentagon Papers, qui dévoilent les mensonges dont le gouvernement américain s’est rendu responsable durant la guerre du Vietnam.
En août 2013, le rachat du journal par le milliardaire Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.com a été très controversé. Mais le propriétaire s’est vu rassurant auprès de la rédaction du journal et à convaincu de son intention d’offrir un avenir pérenne à ce grand journal.
2- La présentation de l’original.
Cet article a été publié avec une série de photos prises au Sénégal illustrant les propos. Il a été écrit par Allyn Gaestel, une journaliste pigiste, spécialisée plus précisément sur les inégalités et les répercussions humaines des politiques menées dans le monde. Elle a d’ailleurs commencé sa carrière en tant que correspondante pour les Nations Unies dans de nombreux pays tels qu’au mali, en Mauritanie, en République Démocratique du Congo ou encore au Sénégal. Cet article publié le 15 mars 2014, se place donc totalement dans la lignée du travail de la journaliste. Allyn Gaestel a, dans ce cas, choisi à la politique de planification familiale lancée au Sénégal qui s’appuie sur une meilleure maîtrise de la contraception des femmes sénégalaises. De plus, cette journaliste publie également pour d’autres journaux. Son indépendance garantie donc la neutralité de ses propos et son engagement pour la défense et l’écoute des populations par rapport à la politique familiale menée au Sénégal. La journaliste s’appuie sur une véritable investigation menée sur le terrain et les témoignages recueillis. Il s’agit donc grâce à cet article de montrer l’antagonisme entre des mesures plutôt modernes d’amélioration du programme sur la famille qui est dans certaines mesures en contradiction avec les traditions culturelles ou religieuses. Elle met donc en avant ce problème typique des pays émergeants entre des mesures modernes confrontées à des traditions culturelles et religieuses.
3- Votre traduction de l’article.
MERETO, Sénégal – Depuis le coin de la cour familiale très animée, El Hadji Fally Diallo, cherchait/regardait d’un air approbateur sa grande famille. Plusieurs femmes avec leur bébés sur leur hanches préparaient un énorme repas du midi, et les enfants en train d’étudier en marmonnant des versés du Coran entre eux.
« C’est comme si nous étions passés d’une famille à trois familles », a dit Diallo, le leader du village âgé de 76 ans, à propos de ses trois propres femmes et de sa grande progéniture. « Avec 30 enfants, certains peuvent aller aux champs, d’autres s’occuper du bétail, ou encore d’autres peuvent aller à l’étranger. C’est beaucoup d’argent qu’on peut avoir avec une famille de cette taille, c’est donc beaucoup de pouvoir ».
Les Diallo ont l’expérience de la définition du succès dans lequel une grande famille joue un rôle central. Mais ce modèle est critiqué par le programme du gouvernement qui veut accroitre l’utilisation des moyens de contraceptions et réduire la taille des familles. Largement financé par des donateurs internationaux, le programme est une partie de la campagne mondiale qui a pour but d’augmenter de 120 millions, le nombre de femmes dans le monde en permettant l’accès mondial à la contraception d’ici 2020.
Pour les personnes en faveur de ce programme, les avantages de la contraception sont clairs : une meilleure santé pour les femmes et les enfants, des bénéfices économiques et des plus petites familles.
Cette dernière justification – de plus petites familles – et des petites populations – a entrainé un conflit entre le programme sur la santé des femmes et les représentants religieux et ravivé des suspicions à propos des motivations de l’aide internationale.
Pour Diallo et son fils Ibrahima Diallo, qui est imam, leur grande famille n’est plus seulement une aubaine économique, mais aussi un impératif moral.
« Si les Européens disent que la population est trop importante alors nous devons limiter les naissances, et l’Islam ne peut être d’accord avec cette idée puisque Dieu dit « Vous êtes mon peuple, MULTIPLY » et c’est le devoir de Dieu de s’occuper de la famille », a dit le jeune homme. « Ce n’est pas pour les Européens de s’occuper de la planification familiale et de dire « Vous avez une population importante, vous aurez donc des conséquences ».
Sénégal, un pays de 13 millions d’habitants, dont 94 pourcent de Musulmans et des visions d’imams telles que celles de Diallo, profondément respectées.
L’Afrique de l’Ouest a un des taux d’utilisation de la contraception les plus faibles du monde. Et pendant que des activistes locaux ont repoussé la planification familiale d’une décennie, une bonne partie du programme actuel est financé par des donateurs internationaux.
Un réseau pour le droit des femmes sénégalaises, appelé Siggil Jigeen a défendu la planification familiale depuis presque une vingtaine d’années, et le directeur du programme Fatu Ndiaye Turpin est frustré à propos du faible progrès. Les plus importants obstacles, a-t-elle dit, sont l’Islam et les rumeurs concernant les effets secondaires de la contraception.
« Si la religion l’autorisait, il n’y aurait pas eu de problèmes », a-t-elle dit.
Les travaux réguliers de Siggil Jigeen avec les imams pour trouver des moyens de promouvoir des justifications théologiques pour le programme familial, en mettant en avant des parties du Coran qui mettent l’accent sur la protection de la santé des femmes et des enfants. « Ce sont toujours les hommes qui viennent et disent que c’est interdit par l’Islam, » affirmait-elle, « Les femmes ne savent pas ce qui est écris dans le Coran ».
Turpin a dit qu’elle a été critiquée pour avoir promu ce que certains appellent ici un agenda international qui va à l’encontre des valeurs sénégalaises. « Certaines personnes comprennent notre mission, mais d’autres pensent que c’est une invasion qui vient de l’extérieur du pays parce qu’ils ont donné de l’argent », a-t-elle dit.
A la conférence mondiale sur le programme familial à Addis Ababa, en Ethiopie, en novembre, de nombreuses sessions se sont concentrés sur l’explosion de la croissance de la population. L’Afrique de l’Ouest et la région du Sahel ont été soulignés comme étant particulièrement vulnérables. D’ici à 2050, la population de la région pourrait tripler à 300 millions, ce qui empirerait une crise alimentaire déjà existante.
Les Nations Unies prévoient que la population du Sénégal devrait attendre 58 million d’ici à 2100, largement expliqué par le haut taux de natalité. Les femmes ici ont en moyenne 5 enfants, dans les campagnes comme Mereto, la moyenne est de 6.3.
Au Ministère de la Santé, Bocar Daff, le directeur de la santé a dit que son rôle était « d’améliorer la santé de la population ». Un taux plus bas de fertilité pourrait « affecter le développement, la sécurité, l’école, l’électricité, c’est clair » a t-il affirmé, « mais si on s’en tient à la population, je ne pense pas que ce soit un moyen stratégique » à présenter ce sujet.
Mais au Ministère des Finances, Lanfia Diané, qui travaille à la division du programme sur la population et le développement, était beaucoup plus directe.
« La population devrait être au cœur de tout le développement, » a t-il dit, « Cinq enfants par femme ? Aucun pays dans le monde ne s’est auto développé avec ce taux. »
Dans la cour des Diallo, de telles analyses au niveau macro sont remises en cause et culturellement inapplicables. « Au Sénégal, nous sommes solidaires, vous pouvez confier votre enfant à… au foyer de votre frère si besoin, » a dit l’imam Diallo. « Nous pouvons avoir une toujours plus grosse population, mais avec cette solidarité nous n’aurons pas de problèmes. »
Les activistes du programme familial pointent souvent du doigt la souche économique de la population avec quelques travailleurs plus dépendants. Mais les responsables religieux s’inquiètent que le focus sur la taille de la famille s’attache aux programmes contraceptifs avec un contrôle de la population, quelque chose que la plupart des imams voient comme anti-islamique.
« La planification familiale n’est pas un programme reproductif, ce n’est pas un espacement entre les bébés, ce n’est pas la santé des femmes, ce n’est pas non plus limiter les naissances », a dit l’Imam Ahmed Ndiaye, un critique des programmes de planification familiale et invité régulier des programmes de télévision à la capitale, Dakar.
Mais petit à petit, les femmes sénégalaises s’orientent vers un plan familial elles-mêmes puisqu’elles apprennent la contraception entre elles, avec les professionnels de santé et les annonces faites à la radio.
A Koumpentoum, le quartier où les Diallo vivent, seulement 4.7 pourcent des femmes utilisent les méthodes du plan familial de 2013, selon le centre médical. Et les sages-femmes disent que la minuscule minorité qui utilise des contraceptifs se cache souvent de leurs maris.
Yassin Diouf, 40 ans, vit dans le village de la famille Diallo, a eu 10 enfants dont seulement 6 ont survécus. Elle avait utilisé la contraception dans le passé et planifie de l’utiliser à nouveau.
« Pas plus, ça suffit, merci, merci, Dieu. Dieu m’a aidé à m’arrêter là ». a-t-elle dit roucoulant avec son bébé de 4 mois en train d’allaiter. « Peut-être que c’est interdit par l’Islam, mais les femmes sont trop fatiguées de donner naissance ».
Allyn Gaestel, depuis le Sénégal avec l’aide de the International Reporting Project.
4- Le commentaire.
Il semblerait à travers cet article que la journaliste veuille mettre en lumière le manque de consultation des populations concernant les politiques publiques mises en place. Elle fait également ressortir le décalage entre des grandes villes telles que la capitale qu’est Dakar et les villages plus reculés comme celui dans lequel vit la famille Diallo. Cet article est soutenu par l’International Reporting Project. C’est un organisme qui procure aux journalistes l’opportunité de faire leur travail au niveau international et sur des sujets parfois critiques et oubliés dans les news des médias. Allyn Gaestel est donc soutenue par cet organisme. On comprend donc clairement la portée de l’article et sa volonté de dénonciation d’une réalité peu mise en avant dans l’actualité médiatique. L’article étant agrémenté de nombreuses photos, cela donne un véritable document d’investigation, complété et légendé qui tend à vouloir toucher la sensibilité des lecteurs. D’ailleurs, la publication dans le Washington Post a sûrement permis une mise en lumière de ce sujet grâce à la forte influence du journal. Cette tribune a donc clairement été utilisée par la journaliste pour faire sa dénonciation.
5- Annexe – article original.
Family planning program in Senegal drawn into conflict with religious leaders.
By Allyn Gaestel, Published: March 15 E-mail the writer
In MERETO, Senegal — From the corner of his family’s bustling courtyard, El Hadji Fally Diallo looked out approvingly at his large extended family. Several women with babies on their hips prepared the massive midday meal, and children studying the Koran mumbled verses to themselves. “It’s like we expanded from one family to three,” Diallo, a 76-year-old village leader, said of his own three wives and expansive brood. “With 30 children, some can go to the field, some can deal with the cattle, some can go abroad. It’s a lot of money you can have with this size family, so that is a lot of power.”
The Diallos have a time-tested definition of success in which a large family plays a central role. But that model is clashing with a government program to increase contraceptive use and reduce family sizes. Largely financed by international donors, the program is part of a global campaign that aims to give 120 million more women around the world access to contraception by 2020. For supporters of the program, the benefits of contraception are clear: better health for women and children, economic benefits and smaller families. This last justification, smaller families — and so smaller populations — has drawn the women’s health program into conflict with religious leaders and rekindled suspicions about the motivations for international aid. For Diallo and his son Ibrahima Diallo, who is an imam, their large family is not only an economic boon, it is also a moral imperative. “If Europeans say the population is too large so we need to limit births, Islam can’t agree with that because God says, ‘You are my people, multiply,’ and it is the duty of God to take care of the family,” the younger man said. “It’s not for Europeans to bring family planning and say, ‘You have a large population, you will have consequences.’ ” Senegal, a country of 13 million, is 94 percent Muslim, and the views of imams such as Diallo are deeply respected. West Africa has one of the lowest rates of contraceptive use in the world. And while some local activists have been pushing for family planning for decades, much of the current programming is funded by international donors. A Senegalese women’s rights network called Siggil Jigeen has been advocating family planning for nearly two decades, and program director Fatou Ndiaye Turpin is frustrated with its dismal progress. The biggest hindrances, she said, are Islam and rumors about side effects of contraception. “If religion allowed it, there would be no problem,” she said. Siggil Jigeen regularly works with imams to find ways to promote theological justifications for family planning, such as highlighting sections of the Koran that emphasize preserving women’s health and spacing children. “It’s always men who come and say this is forbidden by Islam,” she said. “Women don’t know what’s in the Koran.”
Turpin said she has been criticized for promoting what many here see as an international agenda that goes against Senegalese values. “Some people understand our mission, but some think this is an invasion that came from outside the country because they give us money,” she said. At a global conference on family planning in Addis Ababa, Ethiopia, in November, numerous sessions focused on explosive population growth. West Africa and the Sahel region were highlighted as particularly vulnerable. By 2050, the region’s population could triple to 300 million, worsening an already palpable food crisis. The United Nations projects Senegal’s population to reach 58 million by 2100, largely because of the high birth rate. Women here have an average of five children; in rural areas such as Mereto, the average is 6.3. At the Ministry of Health, Bocar Daff, the director of reproductive health, said that his role is to “improve the health of the population.” A lower fertility rate would “affect the development, security, school, electricity, it’s clear,” he said, “but if we go to the population, I don’t think that’s the strategic way” to present the issue. But at the financial ministry, Lanfia Diané, who works in the population and development planning division, was more direct. “The population should be at the heart of all development,” he said, “Five children per woman? No country in the world has developed themselves with this rate.” In the Diallo courtyard, such macro-level analyses are discounted as culturally inapplicable. “In Senegal, we have solidarity; you can take your child to . . . your brother’s house for help,” Imam Diallo said. “We can have even a bigger and bigger population, but with solidarity we won’t have problems.” Family planning activists often point to the economic strain of a population with fewer workers than dependents. But religious leaders worry that the focus on family size ties contraceptive programs with population control, something most imams see as un-Islamic. “Family planning is not reproductive health, is not space between babies; it’s not health of women, it’s to limit births,” said Imam Ahmed Ndiaye, an outspoken critic of family planning programs and a frequent guest on television programs in the capital, Dakar. But little by little, Senegalese women are turning to family planning themselves as they learn about contraception from each other, community health workers and government radio announcements. In Koumpentoum, the district where the Diallos live, only 4.7 percent of women used family planning methods in 2013, according to the health center. And midwives say the tiny minority who use contraceptives often hide them from their husbands.
Yassin Diouf, 40, who lives across the village from the Diallo family, has had 10 children, though only six survived. She has used contraception in the past and plans to use it again. “No more, this is enough, thank you, thank you, God. God help me to stop here,” she said, cooing to her suckling 4-month-old baby. “Maybe it’s forbidden by Islam, but women are so tired of giving birth.”
Allyn Gaestel reported from Senegal with support from the International Reporting Project.
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