Les français bloqués au Qatar

Introduction

 

Le cas des français bloqués au Qatar est un problème très particulier que nous allons tenter de contextualiser par l’intermédiaire de plusieurs articles de presse.

Quatre français dont deux sportifs sont bloqués au Qatar depuis plusieurs années car ceux-ci n’arrivent pas à obtenir le « Visa Exit » leur permettant de regagner la France. Cela constitue une « crise » diplomatique puisque le pays hôte retient ces citoyens français sur son territoire.

Le Qatar souhaite obtenir une place de choix sur la scène mondiale et tente de développer sa  vitrine à travers le monde en multipliant des rachats symboliques. La reprise du Paris Saint-Germain en 2011, par le fond souverain de l’émirat, Qatar Investiment Authorithy est l’un des plus commentés : « C’est un pays qui paie des milliards pour une image ».

Cependant, ces français bloqués perçoivent un tout autre visage de l’émirat. Nous allons tenter de répondre à la problématique suivante : en quoi retenir ces français sur le territoire qatari constitue un problème diplomatique ?

Pour cela, nous expliquerons qui sont ces français bloqués au Qatar, quels sont les problèmes qu’ils ont rencontré et qui les retiennent sur place. Nous reviendrons par la suite sur le système de parrainage mis en place par les autorités qataris et essaierons de répondre à la problématique.

Partie 1 : Les différentes affaires

Nouveau riche, premier PIB du monde par habitant devant le Luxembourg (88 000 $ par an), fort de ses réserves de pétrole et de gaz. Sur près de deux millions d’habitants, les Qatariens sont à peine 250 000. Les autres, Indiens, Indonésiens, Philippins, Pakistanais et Occidentaux viennent y travailler. Quatre affaires concernant des français viennent tenir ce décor, quelles sont-t-elles ?

Il est dans un premier temps nécessaire de comprendre pourquoi les sportifs viennent au Qatar.  Depuis une quinzaine d’années, le Qatar flambe dans le football. Non par passion, mais pour investir le sport numéro un au monde, le préféré des Occidentaux. Une action de « soft power » qui l’amène à posséder le Paris Saint-Germain, investir dans le FC Barcelone et même obtenir l’organisation de la Coupe du monde de football 2022.

Les cheikhs financent des clubs au Qatar, construisent des stades modernes… Les contrats sont juteux pour les stars en fin de carrière (Juninho, Lisandro, Raul…) ou pour les « galériens » de Ligue 2 ou de National qui voient là une occasion inespérée de vivre très confortablement. C’est la principale raison qui les pousse à venir au Qatar.

Nous allons évoquer quatre affaires dont deux ont connu leur épilogue récemment ;

Zahir Belounis : 33 ans, footballeur. Après une première expérience de trois saisons, monte en D1 en 2011 avec le club d’Al Jaish qui le prête en D2. Son nouveau club ne le paye pas. Son visa de sortie est bloqué s’il ne retire pas sa plainte. Le mercredi 27 Novembre 2013, Zahir Belounis retrouve la liberté après dix-sept mois passés sans pouvoir quitter le territoire qatari grâce à de longues négociations entre l’ambassade de France et les autorités du Qatar.

Zahir Belounis avait porté plainte pour salaires impayés contre son club de deuxième division Al Jaish. Le club avait par la suite fait dans le chantage : soit Zahir Belounis renonçait à son action en justice, soit il disait adieu à son permis de sortie.

Stéphane Morello : 52 ans, entraîneur de football. Le club d’Al Shahanya met fin à son contrat en 2009 et il obtient un dédommagement à l’amiable. Depuis, le Comité national olympique qatari bloque son visa de sortie. Il y a eu par la suite, un transfert de sponsor entre le comité olympique qatari qui était présidé par l’émir, vers le lycée français de Doha, il obtient alors son permis de sortie le 31 Octobre 2013 après 4 ans bloqué au Qatar.

Ces deux affaires ont connu leur épilogue mais ce n’est pas le cas avec les deux chefs d’entreprises suivants qui sont toujours bloqués au Qatar :

Nasser Al Awartany : 44 ans, chef d’entreprise franco-jordanien. Achète en 2009 un étage d’un immeuble et lance une affaire (design) avec un Qatari qui en 2013 lui demande de renoncer à ses parts. Il dépose plainte pour escroquerie. Son visa de sortie est bloqué depuis.

Jean-Pierre Marongiu : 53 ans, chef d’entreprise. Crée en 2005 une société de formation que son sponsor décide en 2011 de lui reprendre et d’intégrer à sa holding. Il est accusé de chèques sans provision et de sortie illégale du territoire (il avait tenté de rejoindre les côtes du Bahreïn en Kayak).

Les histoires de ces quatre Français ont deux points communs : l’argent et le rapport de force à sens unique entre le Qatarien et l’expatrié. Des contrats de travail sont bafoués (Morello et Belounis), des sociétés florissantes sont spoliées (Al Awartany et Marongiu). Et les recours locaux sont complexes.

Cela est également arrivé par le passé à d’autres sportifs célèbres : venus pour des salaires très élevés, ils ont connu des licenciements expéditifs. La plupart du temps, joueurs et entraîneurs renommés (Dugarry, Gili, Metsu) s’assoient sur leur contrat et sur les centaines de milliers de dollars perdus pour obtenir leur visa de sortie afin de fuir le pays.

D’autres nationalités sont également concernées, ces déconvenues ne sont pas réservées aux seuls Français. Comme Zahir Belounis, les footballeurs marocains Youssouf Hadji et Abdeslam Ouaddou ont eux aussi eu affaire avec leurs clubs qataris. En 2011, l’homme d’affaire américain Nasser Beydoun s’est défini lui-même comme un “otage économique” après  avoir passé presque 700 jours sans quitter le Qatar.

Avant lui c’est le Belge Philippe Bogaert qui a été empêché de rentrer chez lui, là encore après un contentieux avec son employeur. Mais plutôt que d’attendre une issue diplomatique, Philippe Bogaert a préféré prendre les choses en main et s’est littéralement évadé : il a quitté le Qatar à bord d’un voilier.

Mais comment fonctionne le système Qatarien qui les oblige à rester dans le pays ?

Partie 2 : le système de parrainage qatarien

Pour travailler ou créer une entreprise au Qatar, il faut un sponsor, un kafile. C’est le système de la Kafala qui permet à un individu de refuser de donner sa signature pour une autorisation de sortie du territoire en cas de litige. Et bloquer dans le pays, aussi longtemps qu’il lui plaira, son ancien associé ou employé.

A l’origine, le terme Kafala s’apparente à une tutelle ou à une délégation d’autorité parentale qui s’applique à des enfants mineurs abandonnés. Cette tutelle disparait avec la majorité de l’enfant. Dans les pays du golfe, cette notion s’applique aux émigrés dans ces pays.

Des milliers de travailleurs migrants essentiellement originaires du sous-continent indien partent pour les pays du Golfe, avec un permis de travail, obtenu dans leur pays d’origine à travers des agences d’embauche. Mais en vertu de la Kafala, les travailleurs doivent être parrainés par un employeur pour pouvoir entrer dans les pays du Conseil de Coopération du Golfe. Cette procédure qui vise à priori à prévenir l’entrée sur leur territoire de migrants sans papiers à la recherche d’un emploi finit, en réalité, par se retourner contre un grand nombre de travailleurs étrangers  une fois en place.

En effet, l’immigré se trouve sous la coupe du « kafile ». Ce tuteur lui retire son passeport et lui fournit une carte de travail qui fait fonction de pièce d’identité. Il n’a droit à aucune activité à caractère syndical ou autre visant à défendre ses droits. Le kafile a tous les pouvoirs  sur son salarié et les deux parties ne bénéficient pas du même traitement devant la loi du pays d’accueil.

Conclusion

Les quatre affaires détaillées dans cet article viennent soulever un problème lié au système de parrainage qatari : le système de la Kafala issu à l’origine du droit musulman.

Il est important de mettre en lumière ces litiges qui constituent un réel problème diplomatique. L’Etat français joue un rôle particulier dans ces affaires car les autorités n’osent pas intervenir auprès du Qatar tant les relations avec ce pays sont devenus importantes et fructueuses.

Les cas précédemment évoqués concernent des sportifs ou des chefs d’entreprises mais des milliers de petites mains qui viennent édifier les stades de la coupe du monde 2022 ou les grands buildings sont concernées par ce système de parrainage flou qui constitue une sorte d’esclavagisme moderne.

 

Webographie

http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/pays-du-golfe-la-kafala-ou-l-112565

http://www.courrierinternational.com/article/2013/04/19/au-royaume-de-l-esclavage-moderne

http://www.lavoixdunord.fr/france-monde/francais-bloques-a-doha-l-envers-du-qatar-ia0b0n1521017

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/zahir-belounis-footballeur-francais-retenu-au-qatar-peut-quitter-le-pays_1303204.html

http://www.huffingtonpost.fr/2013/11/27/francais-bloques-qatar_n_4349531.html

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/10/31/un-des-quatre-francais-bloques-au-qatar-pourra-quitter-le-pays_3506674_3218.html

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/les-domestiques-autres-travailleurs-esclaves-au-qatar_1300686.html

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